Texte intégral
APOLLINE DE MALHERBE
Mais d'abord ce scandale industriel, on peut le dire et on en parle avec le premier concerné, le ministre de l'Industrie qui est avec nous. Bonjour monsieur le ministre.
SEBASTIEN MARTIN
Bonjour.
APOLLINE DE MALHERBE
Sébastien MARTIN. On va y revenir avec Laurent, Manu, Stéphane et Géraldine. 500 emplois supprimés, 3 sites fermés pour l'entreprise NOVASCO, l'ancienne aciérie ASCOMETAL. On découvre que l'investisseur qui s'était engagé à injecter 90 millions d'Euros n'a en réalité déboursé que 1,5 million d'Euros. Vous vous êtes fait avoir. L'État, la France, s'est fait avoir.
SEBASTIEN MARTIN
Je ne sais pas si on s'est fait avoir. On a eu confiance dans un projet porté par un repreneur qui effectivement s'appelait un fonds d'investissement qui s'appelle Greybull. Et qui avait promis de mettre sur la table 90 millions d'Euros comme vous l'avez souligné et qui, en réalité, n'a investi que 1,5 million d'Euros. L'État, lui, de son côté, devait accompagner ce plan de reprise avec 85 millions d'Euros, a tenu ses engagements. Mais en face, on a quelqu'un qui se comportait comme un voyou.
APOLLINE DE MALHERBE
Donc ça veut dire que l'État a mis les 85 millions et de l'autre côté, il n'a rien mis.
SEBASTIEN MARTIN
Ça veut dire que l'État a tenu ses engagements et que qu'aurait-on dit aux salariés si l'État n'avait pas tenu ses engagements et qu'en face, on a un investisseur privé ? J'étais encore au téléphone avec lui ce week-end, enfin fin de semaine dernière, en lui demandant d'assumer ses responsabilités. Cette personne ne veut pas bouger. C'est ce qui m'a amené hier à prendre cette décision de dire que maintenant, on attaque en justice parce que ce n'est pas acceptable.
STEPHANE BUREAU, CONSULTANT ETATS-UNIS
Mais jusqu'à ce que vous lui parliez ce week-end, vous aviez idée de ce qu'ils avaient si peu investi ?
SEBASTIEN MARTIN
Oui, oui. On savait ce qui se passait. Je veux dire qu'on n'est pas non plus aveugle sur la situation telle qu'elle se passait. Mais ce que je veux dire, c'est qu'il devra s'en expliquer. Il n'est pas concevable pour nous, si vous voulez, que cette personne s'en lave les mains en ayant fait des promesses en 2024 à toute une population, à tout un ensemble de salariés de cette entreprise et qu'il n'a pas assumé ses responsabilités. Donc pour moi, cette forme d'impunité, c'est terminé. On ne peut pas accepter cela.
LAURENT NEUMANN, EDITORIALISTE POLITIQUE
Pardon, monsieur le ministre. Ce qui interroge, vous dites " aveugle ", le véritable adjectif, c'est " naïf ", parce que vous auriez pu mettre l'argent - quand je dis " vous ", ce n'est pas vous personnellement - mais l'État aurait pu mettre l'argent au fur et à mesure en même temps que ce fonds d'investissement. Or, on a l'impression que l'État a mis tout l'argent pour découvrir à la fin des fins que l'autre n'en avait pas fait autant. C'est ça qui étonne dans cette histoire.
SEBASTIEN MARTIN
Oui, je comprends parfaitement que ça puisse étonner. Simplement…
LAURENT NEUMANN
Ce n'est pas vous qui êtes concerné, puisque…
SEBASTIEN MARTIN
Ça fait 4 semaines que je suis là.
APOLLINE DE MALHERBE
On va être tout à fait honnête. Vous reprenez le bébé.
SEBASTIEN MARTIN
Mais pour autant, moi, j'assume mes responsabilités aujourd'hui. Je parle au nom du Gouvernement. Il y a une forme aussi de ce qu'on appelle la continuité de l'État qui est là. Sans doute qu'il faudrait mettre en place des mécanismes peut-être un peu plus contraignants dans l'accompagnement de ces plans de reprise, sans doute. Mais dans le même temps, je sais aussi ce qui se passera. Je reviendrai sur le même plateau. Et vous me direz " Vous surréglementez ". Donc soyons attentifs aux choses.
EMMANUEL LECHYPRE
Non mais ce n'est pas de la surrèglementation. Comment vous expliquez que vous, ayant tenu vos promesses, ce fonds, finalement, ait fait volte-face par rapport à ce qui était son engagement initial ? Comment vous l'expliquez ? Est-ce qu'il y a des choses qui…
APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce que dès le début, ils avaient prévu de toute façon de ne pas le faire ou est-ce qu'au fur et à mesure, ils se sont rendu compte que…
EMMANUEL LECHYPRE
Oui mais pourquoi s'engager, à ce moment-là ? Qu'est-ce qui les a fait changer d'avis ?
SEBASTIEN MARTIN
Attendez. On était sur un plan de reprise qui devait... avec des dépenses d'investissement qui ne devaient pas se faire... On parle de 2024. On est en 2025. Donc il n'était pas prévu que les 90 millions d'Euros de Greybull soient versés tout de suite. C'était au fur et à mesure. Donc pendant un bon moment, les services du ministère ont eu un dialogue exigeant avec lui en lui disant : " Où est l'argent ? Pourquoi l'investissement n'arrive pas ? " Et puis on arrive à cette situation qui force à un dépôt de bilan, à une liquidation judiciaire et donc à la situation que nous connaissons. On ne parle pas de quelque chose qui a traîné depuis 5 ou 6 ans. La reprise par Greybull – excusez-moi, quand même, c'est important de le préciser – ça s'est fait il y a un an. Et l'État était là pour assurer normalement un volume d'investissement et assurer aussi que les paies soient versées. Parce que qu'aurait-on dit, qu'auriez-vous dit, les uns et les autres, si on n'avait pas tenu nos engagements, si on n'avait pas été là, justement, et qu'on n'avait pas mis les sommes qui étaient prévues pour pouvoir payer les salariés ?
GERALDINE WOESSNER, REDACTRICE EN CHEF AU POINT
La question de Manu est importante. C'est le pourquoi…
SEBASTIEN MARTIN
Mais je la comprends.
GERALDINE WOESSNER
Non, non, mais parce que là, on est là à taper... C'est un dossier qui est complexe et qui est potentiellement scandaleux. Mais derrière, c'est la situation de la sidérurgie française-européenne qui est en train de crever. C'est une saignée. Et les causes, on les connaît. Ce sont des coûts de l'énergie stratosphériques qui ne leur permettent pas d'être compétitifs.
SEBASTIEN MARTIN
Non, madame.
GERALDINE WOESSNER
ARCELOR est en train de vivre la même chose. C'est une invasion d'acier chinois.
SEBASTIEN MARTIN
Là, j'aime ce que vous me dites. Oui, exactement. Vous savez qu'elle est le volume…
GERALDINE WOESSNER
Et ces causes-là, on les voit venir. On ne les découvre pas ce matin et elles ne sont pas adressées…
SEBASTIEN MARTIN
Vous savez qu'elle est le volume des surcapacités aujourd'hui chinoises ? 5 fois le volume nécessaire pour le marché européen.
STEPHANE BUREAU
Mais c'était vrai en 2024.
SEBASTIEN MARTIN
Pardon ?
STEPHANE BUREAU
C'était vrai en 2024. On le savait.
GERALDINE WOESSNER
C'est aussi l'effondrement de l'industrie française qui n'a plus besoin d'acier, parce qu'il y a plus d'industrie en France.
SEBASTIEN MARTIN
Non, madame, je ne peux pas vous laisser dire…
GERALDINE WOESSNER
On est passé de 9 tonnes à 4 tonnes…
SEBASTIEN MARTIN
Non, non, excusez-moi. Je ne peux pas vous laisser dire ça, parce qu'ici, il y a 1 an et demi, sur le même plateau, vous parliez de la réindustrialisation de la France. Et aujourd'hui, vous me dites qu'il n'y a plus d'industrie en France. Alors qu'hier, on a annoncé 30 milliards…
GERALDINE WOESSNER
La France, l'industrie française, n'achète plus d'acier. La diviser, c'est ça demande par deux.
SEBASTIEN MARTIN
Mais pourquoi ? Aujourd'hui, on a une industrie automobile pareille qui est attaquée par la Chine. On a une industrie chimique pareille qui est attaquée par la Chine. Et pour faire de l'automobile, je ne sais pas si vous avez remarqué, mais il faut de l'acier. Il faut aussi un peu de chimie pour faire tous les produits qui sont à l'intérieur. Il faut aussi tout ça.
GERALDINE WOESSNER
Mais qu'est-ce qu'on fait pour se protéger de ces invasions chinoises ?
SEBASTIEN MARTIN
Le marché. Et qu'est-ce qu'on fait pour se protéger ? C'est la France qui a porté auprès de la Commission européenne la mise en place de clauses de sauvegarde qui ont été présentées par le commissaire européen ces journées au début du mois d'octobre à Dunkerque et qui doivent aboutir d'ici la fin de l'année. C'est la France qui porte la voix de la préférence européenne. Donc la naïveté, elle n'est certainement pas de ce côté de la frontière avec les autres pays européens.
APOLLINE DE MALHERBE
Dans un instant, vous répondrez aussi aux propos de Nicolas DUFOURCQ, de la BPI, qui dit qu'il faut carrément que l'Europe se referme, se referme totalement, le temps de se réarmer, comme il dit. Mais je voudrais que vous puissiez répondre aussi à Nicolas HAETTINGER, qui est avec nous en direct d'Hagondange, c'est en Moselle. Vous êtes salarié chez NOVASCO depuis 19 ans. Vous travaillez sur le principal site, ce site qui va fermer. Ce sont 500 emplois qui sont menacés. Le ministre vous écoute. Soyez le bienvenu, Nicolas HAETTINGER.
NICOLAS HAETTINGER, SALARIE CHEZ NOVASCO
Merci beaucoup, Apolline. Bonjour à tous. J'avais une question pour le ministre, effectivement. Déjà, j'ai entendu quelques contre-vérités et approximations précédemment. Lors du précédent redressement judiciaire, les syndicats avaient alerté sur la faiblesse du projet de Greybull et avaient demandé à ce qu'il y ait une commission de suivi sur l'argent qui a été injecté par l'État. Cette commission de suivi n'a pas été mise en place. L'argent qui a été injecté, les 85 millions, l'usine d'Hagondange n'en a pas vu la couleur. Aussi, ma question est la suivante. Mon outil, mon usine va fermer. Et au-delà de l'attachement que j'ai à mon travail, j'aimerais comprendre quel est l'intérêt stratégique pour la France de perdre un outil décarboné avec une coulée continue qui est verticale et qui est un chef-d'oeuvre d'ingénierie. J'aimerais comprendre quel est l'intérêt pour la France de n'avoir pas protégé ce site. Et j'aimerais surtout comprendre pourquoi, lorsque les salariés de NOVASCO sont venus devant le ministère, vous n'êtes pas venus leur parler et leur dire pourquoi vous ne vouliez pas sauver leur entreprise.
APOLLINE DE MALHERBE
Je voudrais que le ministre puisse vous répondre, mais on sent l'émotion dans votre voix. Restez bien avec nous, Nicolas HAETTINGER. On y reviendra.
SEBASTIEN MARTIN
Mais je partage totalement... Vous savez, moi, l'émotion de monsieur HAETTINGER. Je suis élu d'un territoire industriel qui a connu des accidents aussi par le passé. Et je partage son émotion, parce que franchement…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais là, ce n'est pas un accident, c'est un fiasco.
SEBASTIEN MARTIN
Non, mais moi, ça fout en l'air ce qui se passe. Voilà. Moi, ça me fout en l'air ce qui se passe, parce qu'au moment où on obtient les protections européennes, avoir cette aciérie qui ferme, ça me fout en l'air de la même manière que... Peut-être pas exactement de la même manière, mais en tout cas comme le ressentent les salariés de NOVASCO. Ce que je veux dire, c'est que j'ai reçu au ministère les syndicats, il y a 10 jours. J'ai reçu tous les élus locaux il y a 15 jours aussi. Et moi, ce qui m'intéresse aujourd'hui, c'est d'essayer d'imaginer l'avenir et que je refuse l'idée que ce site puisse partir à la découpe saucissonnée par un mandataire et un liquidateur.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais il vous demande pourquoi n'avez-vous pas protégé ce site ?
SEBASTIEN MARTIN
Écoutez…
STEPHANE BUREAU
Pourquoi vous n'avez pas nationalisé, en fait ?
SEBASTIEN MARTIN
Parce que la question de la nationalisation, et vous l'avez toutes et tous dit à l'instant, quand vous êtes face à ces surcapacités chinoises, vous avez un problème, en face, qui est un problème de demande. Ce que je souhaite aujourd'hui, ce que je souhaite aujourd'hui pour le site d'Hagondange... Et c'est ce que... Excusez-moi, je le redis. Ça fait 4 semaines que je suis ministre. Il y a 15 jours, on a réuni les élus locaux, la communauté de communes et la région. Et nous sommes convenus ensemble qu'on ne laissait pas tomber ce site, c'est-à-dire qu'on va se positionner... Les pouvoirs publics, particulièrement l'intercommunalité locale, vont se positionner pour maîtriser le foncier. La région, avec le Président de la région que j'ai encore eu au téléphone hier, va se positionner pour reprendre le projet qui avait été imaginé par METAL BLANC et essayer de trouver de nouveaux investisseurs. L'État, je suis allé chercher la Caisse des dépôts pour qu'on puisse accompagner ce projet. Et maintenant, on va voir avec BPI FRANCE si on peut recréer un tour de table avec des gens qui auront embringué d'investisseurs sérieux. Je veux dire à ce monsieur que si je dois présenter des excuses à toutes celles et tous ceux aujourd'hui qui souffrent, je suis prêt à le faire. Mais qu'aujourd'hui, je me bats.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous lui dites, ce matin…
SEBASTIEN MARTIN
Pour les gens de là-bas. Et je me bats pourquoi ? Pour qu'il n'y ait pas l'impunité tribune et qu'ils mettent de l'argent au pot.
APOLLINE DE MALHERBE
Il vous écoute. Vous lui dites ce matin. Vous lui dites au nom de l'État ses excuses.
SEBASTIEN MARTIN
Mais je lui dis au nom de l'État que s'il y a…
APOLLINE DE MALHERBE
Parce qu'il y a des choses qu'on n'arrive pas à faire.
SEBASTIEN MARTIN
On a le droit d'être désolé, oui. On a le droit d'être désolé pour cette situation. Je ne vais pas dire aux gens qui se retrouvent, aujourd'hui, sur le carreau que tout a été fait parfaitement. Et si aujourd'hui, j'engage la responsabilité de l'État, si j'engage la responsabilité de Greybull devant les tribunaux, c'est bien pour montrer qu'il y a des responsabilités à faire ressortir dans cette affaire et je me bats du mieux que je peux.
APOLLINE DE MALHERBE
Nicolas HAETTINGER, est-ce que vous entendez la réponse du ministre ?
NICOLAS HAETTINGER
Oui, je l'entends. Mais excusez-moi, mais je trouve qu'il y a beaucoup d'hypocrisie là-dedans. Encore une fois, on a cessé d'alerter, on a cessé de prévenir. Je veux dire, notre outil à Hagondange fait des aciers longs spéciaux. Ce sont des aciers qui vont vers l'automobile, mais nous pouvons faire aussi de l'armement, de l'éolien, du nucléaire. Je veux dire, toutes sortes de choses dont la commande publique française ne devrait jamais se séparer. Qui va fournir les grandes entreprises de notre pays : NAVAL GROUP, DOSSA, tous ces gens-là, en acier maintenant ? Eh bien, ils vont devoir se fournir ailleurs qu'en France, parce que nous ne serons plus là pour les faire. C'est une catastrophe ce qui se passe ici. Et tous les regrets ne serviront à rien. Maintenant, c'est fait.
APOLLINE DE MALHERBE
Je vous sens désespéré, Nicolas HAETTINGER.
NICOLAS HAETTINGER
Et dire qu'on va mettre un avenir pour le site. Vous voulez nous mettre sous un cocon comme vous avez fait à Florange ? On a vu ce que ça a donné à Florange. Ces promesses ne tiennent pas. Pardon, c'est le dépit qui parle.
SEBASTIEN MARTIN
Et je le comprends.
NICOLAS HAETTINGER
Mais j'ai perdu mon emploi, j'ai perdu ma fierté. Et des creuses promesses ne suffisent pas.
APOLLINE DE MALHERBE
Je vous sens effectivement dans l'émotion, et on l'imagine forcément, Nicolas HAETTINGER, étant donné les preuves terribles que vous traversez. Est-ce qu'il reste une solidarité autour de vous, entre les salariés ? Est-ce que vous tenez le coup, en fait ?
NICOLAS HAETTINGER
Oui, heureusement, il y a cette solidarité. Il y a non seulement la solidarité entre les salariés, mais aussi avec la communauté de communes, avec les gens d'Hagondange, les gens de la vallée. Ils savent que la mort de la sidérurgie en Moselle, c'est la mort de toute la vallée. Nous sommes les derniers aciéristes de Moselle. On était un peu les derniers des Mohicans. On a toujours fait de la qualité, même de la sur-qualité. On était les meilleurs en Europe, il y a 10 ans encore. Et au fur et à mesure de tous les redressements judiciaires, aucun investissement n'est passé dans les machines. On était fiers de nos métiers. On ne nous a pas donné l'opportunité de continuer à prouver ce que nous pouvions donner à la France.
APOLLINE DE MALHERBE
Merci beaucoup. Merci Nicolas HAETTINGER de votre témoignage ce matin. Courage. Et on reviendra régulièrement aussi vous voir et prendre des nouvelles. C'est absolument promis. Sébastien MARTIN, comment vous réagissez à cette détresse, mais y compris à ce cri pour la France, qui dit quand même : « Que fera, comment fera la France » ? Comment fera la France ? A un moment où on n'a jamais autant parlé de souveraineté, que fera la France ?
SEBASTIEN MARTIN
Vous savez, au moment où il y a ces mesures de protection qui se mettent enfin en place au niveau européen, au moment où on défend l'idée... Monsieur a parlé de la commande publique. Au moment où on défend l'idée de préférence européenne. Et je peux vous dire que Ce n'est pas facile. On essaye de la faire passer. Aujourd'hui, il y a presque une quinzaine de pays qui ont co-signé avec nous une déclaration sur ce sujet, pour " Il faut de la préférence européenne ". On ne peut pas être le seul continent à ne pas avoir ce genre de règles.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous dites : " Les choses s'améliorent ".
SEBASTIEN MARTIN
A la fois de protection, avec des droits de douane aux frontières, quand il y a du dumping, et c'est le cas sur l'acier, et à la fois de la préférence européenne, c'est-à-dire avoir des règles pour que dans les marchés publics, dans la commande publique, il y ait de la préférence européenne.
STEPHANE BUREAU
Mais les Anglais…
GERALDINE WOESSNER
Il n'y a pas que ça. Par exemple, l'Europe a poussé son aciérie à se décarboner, ce qui explique aussi... Ce sont des investissements colossaux qui ne sont pas rentables aujourd'hui, puisque l'hydrogène pour remplacer... Il n'y a pas de marché. Ce n'est pas rentable. Ça a poussé les coûts de l'acier européen à des niveaux qui sont trop élevés sur un marché mondial. Donc, dire aujourd'hui « On va se protéger contre la Chine », mais le faire trop tard, alors qu'on a poussé ces industries finalement dans le mur, à quel moment... Enfin, qui va l'acheter, leur acier ? Parce que là, l'acier qui sort de…
EMMANUEL LECHYPRE
Ce n'est pas trop tard. C'est peut-être trop tôt.
GERALDINE WOESSNER
Beaucoup trop tôt, mais... Il y a quand même un défaut stratégique quelque part.
SEBASTIEN MARTIN
Oui, mais c'est aussi pour ça qu'à partir du 1er janvier, sur cette technique, en gros, va se mettre en place le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, c'est-à-dire la taxe carbone aux frontières. C'est-à-dire faire payer à nos concurrents, notamment chinois, qui produisent de l'acier avec de l'énergie totalement décarbonée, leur faire payer ce coût du carbone.
GERALDINE WOESSNER
Est-ce qu'une défense, par exemple, peut s'engager en France à dire « Nous prendrons prioritairement de l'acier français » et s'asseoir sur les règles des appels d'offres, et cetera ? Est-ce que c'est possible, ça ?
SEBASTIEN MARTIN
Madame, si on fixe dans les règles européennes le mécanisme de la préférence européenne, ils n'auront pas le choix. C'est ça que je veux vous dire.
GERALDINE WOESSNER
Mais on ne peut pas décider seul.
SEBASTIEN MARTIN
Mais moi, j'essaie quand même d'agir dans un cadre qui s'appelle l'État de droit. Et je ne m'appelle pas vraiment Xi Jinping qui, lui, effectivement, dans ce qu'on n'appelle pas vraiment un État de droit, peut prendre des décisions en 3 minutes. Excusez-moi. C'est un peu plus compliqué, effectivement, d'avoir construit l'Europe. Mais ça peut être une force aussi. Je ne crois pas qu'on puisse rester enfermé sur nous-mêmes.
APOLLINE DE MALHERBE
Et on va être très précis, Sébastien MARTIN. Il faut qu'on soit honnête. Vous n'êtes pas ministre de l'Industrie depuis très longtemps, même si c'est une cause sur laquelle vous avez été depuis longtemps engagé en tant qu'élu. Donc, on ne va pas non plus vous faire porter à vous seul le chapeau.
SEBASTIEN MARTIN
Mais je ne vais pas me cacher non plus.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais c'est effectivement, on le voit, un désastre qui était annoncé. Et c'est d'autant plus désespérant quand on entend l'émotion de Nicolas HAETTINGER et l'investissement de Novasco pour leur outil. Merci Sébastien MARTIN, ministre de l'Industrie. Vous reviendrez, j'espère, pour donner des bonnes nouvelles quand il y en aura.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 25 novembre 2025