Texte intégral
Monsieur le Ministre, cher Édouard Geffray,
Monsieur le Préfet, cher Étienne STOPSKOFF,
Mesdames, Messieurs,
Chers Amis,
Je suis très heureuse de vous retrouver aujourd'hui pour vous présenter le grand plan pour l'éducation au cinéma et à l'image que nous allons mettre en œuvre avec le ministère de l'Éducation nationale.
Cher Édouard Geffray, ce plan, vous en avez été l'architecte, puisqu'il s'appuie sur votre rapport. Vous y avez dressé une feuille de route lucide, concrète et surtout ambitieuse, à la hauteur du défi majeur de notre époque : le rapport des jeunes aux écrans. Les jeunes, mais pas seulement !
Le constat est partagé depuis longtemps. Une étude IPSOS réalisée pour le CNL montre que les Français passent en moyenne 3h20 par jour devant un écran, soit une journée entière par semaine. Pour les moins de 25 ans, c'est 35 heures hebdomadaires. Et cela commence beaucoup trop tôt : un enfant de 10 ans passe déjà plus de 2h30 par jour devant les écrans.
C'est un enjeu de santé publique, mais aussi économique : une étude du ministère de l'Économie estime que cette addiction coûte déjà 0,6 point de PIB, et pourrait atteindre 3 points dans 30 ans. C'est aussi un enjeu démocratique : derrière cette emprise, il y a des logiques d'isolement, d'influence, de manipulation.
Le grand paradoxe, c'est que nous n'avons jamais passé autant de temps devant nos écrans, mais nous regardons de moins en moins d'œuvres. Et vous le montrez très clairement, cher Édouard Geffray : ces œuvres sont précisément la réponse.
Parce qu'elles demandent de l'attention, développent la concentration ; parce qu'elles nous élèvent, nous marquent, nourrissent des références partagées.
C'est de cette conviction qu'est née la proposition que nous faisons ensemble aujourd'hui : éduquer les regards dès le plus jeune âge.
Toutes les démocraties sont confrontées à ce défi, mais en France, nous avons une longueur d'avance. Notre pays, qui a inventé le cinéma, a aussi inventé l'éducation aux images. Depuis plus de 35 ans, nous formons des générations de spectateurs grâce à Ma Classe au cinéma, née de l'esprit génial de Costa-Gavras. Aujourd'hui, 2 millions d'élèves, grâce au volontariat de 80 000 enseignants, découvrent chaque année 3 films en salle.
Et cela fonctionne ! Les élèves disent avoir renforcé leur esprit critique, découvert l'envie d'aller voir des films différents, mieux comprendre comment ils sont faits et avoir davantage envie de retourner au cinéma. On parle là d'immenses bénéfices, individuels et collectifs.
Nous avons donc des dispositifs qui fonctionnent, Ma Classe au cinéma mais aussi Écris ta série ou Les Enfants des lumière(s). Pour autant, ils ne touchent pas tout le monde. L'enjeu est de changer d'échelle pour répondre à deux objectifs.
Le premier objectif, c'est d'armer les jeunes face au déluge d'images, leur apprendre à distinguer une œuvre d'un contenu, à comprendre comment les images sont produites et manipulables.
Le second, c'est transmettre la cinéphilie, démocratiser la pratique, faire découvrir les métiers du cinéma et de l'image, surtout à ceux qui n'ont pas accès à ces univers. Les vocations, cela s'éveille. Quand on ne vient pas des bons milieux, il faut d'abord savoir que ces métiers existent.
Pour cela, nous allons faire entrer nos dispositifs dans une nouvelle ère. Cela passe par l'entrée du cinéma et de l'image animée dans la vie des élèves ; emmener davantage de classes au cinéma ; développer la pratique autour des arts de l'image animée ; remobiliser toute la communauté engagée pour que chaque territoire s'empare de cet enjeu civilisationnel.
Du côté du ministère de la Culture, nous allons donner un nouvel élan à Ma Classe au cinéma.
Je veux que tous les enfants et adolescents puissent connaître la joie de découvrir un film dans une salle, grâce à leur établissement scolaire. Nous tenons énormément à la salle de cinéma.
Et je veux le dire devant vous, le grand écran n'est pas un écran en plus, c'est un écran en mieux. Il nous rassemble, nous fait partager les mêmes émotions, crée du lien social, y compris là où il en manque.
Nous avons en France le maillage de salles le plus dense d'Europe : 90% des Français vivent à moins de trente minutes d'une salle.
Je salue les exploitants, leur mobilisation, et notamment Richard Patry, président de la FNCF, ainsi que Guillaume Bachy, qui nous a accueillis aujourd'hui et préside l'AFCAE. Les salles Art et Essai sont des partenaires essentiels : nous aurons encore besoin d'elles.
C'est un impératif, les élèves doivent pouvoir accéder à des films exigeants, notamment des films du patrimoine et des grands classiques populaires.
Ma Classe au cinéma doit être présente dans tous les territoires, d'abord en zones rurales et isolées. Là où il n'y a pas de lieux culturels, nous apporterons le cinéma dans les établissements grâce aux circuits itinérants et ces séances seront ouvertes à tous. Trois collèges seront désignés pour expérimenter ce dispositif dans deux académies et ainsi faire de l'école un lieu de culture de proximité.
Nous créerons un site unique de ressources pédagogiques, simple et clair, pour les enseignants, médiateurs et animateurs. Nous proposerons aussi une carte "Enseignant – Ami du cinéma" donnant des avantages négociés avec les exploitants et le CNC.
En second lieu, il s'agit de développer la pratique du cinéma et de l'image animée à l'école et en dehors.
Contrairement à d'autres arts, la pratique amateure du cinéma n'est pas structurée, alors même qu'elle est très prisée des jeunes. L'étude du CNC l'a aussi montré. Les élèves de Ma Classe au cinéma qui profitent d'ateliers pratiques sont ceux qui tirent le plus de bénéfices du programme.
Dans cette lignée, nous allons autoriser et accompagner la création de filières cinéma et audiovisuel dans les conservatoires sur le même modèle que la filière image ouverte au Conservatoire national supérieur de Musique et de Danse de Paris. Le CNC créera pour cela un fonds d'amorçage pour deux ans et je souhaite que d'ici la rentrée prochaine, avec le soutien des élus que je remercie d'ores et déjà, nous puissions compter sur dix conservatoires qui expérimentent cette idée.
Nous renforcerons également les dispositifs existants que j'ai évoqués. Les Enfants des lumière(s), aujourd'hui limités à trois académies, seront généralisés. Et 5 000 jeunes supplémentaires pourront participer à Écris ta série, concours d'écriture de séries.
Une aide spécifique sera également créée pour soutenir des projets innovants autour de nouveaux formats prisés par les jeunes. Enfin, je vous l'annonce, nous lancerons également un concours national de critique de cinéma pour les étudiants sur les réseaux sociaux, piloté par le CNC. Il est temps de reprendre cette grande conversation collective autour de nos œuvres et de l'élever à la hauteur de la qualité des œuvres qui sont produites.
Dernier enjeu, qui nous mobilise tous les deux, cher Édouard Geffray : remobiliser les troupes, tous ces acteurs engagés de l'écosystème de l'éducation aux images, qu'on ne remerciera jamais assez.
Je veux saluer les associations, les pôles régionaux, les médiateurs, les exploitants, et bien sûr les professeurs. Nous allons mieux vous accompagner, mieux vous former. Cher Édouard Geffray, vous détaillerez les mesures prévues par l'Éducation nationale dans un instant.
Je veux aussi saluer les collectivités territoriales. Elles doivent être mieux soutenues. J'ai demandé au CNC de proposer un nouveau contrat : les collectivités qui font de l'éducation au cinéma une priorité seront valorisées à travers un partenariat renforcé – y compris en matière de moyens financiers.
Enfin, l'État doit être exemplaire : les enveloppes consacrées à ces actions seront sanctuarisées, en particulier le soutien aux associations qui font vivre Ma Classe au cinéma dans tous les territoires.
Vous l'avez compris : nous avançons sur tous les fronts. Grâce à vous tous, je suis convaincue que ce plan historique sera une réussite.
Au ministère de la Culture, au CNC, nous sommes pleinement mobilisés. Et je sais, cher Édouard Geffray, combien ce combat vous tient à cœur.
Je vous remercie.
Source https://www.culture.gouv.fr, le 26 novembre 2025