Texte intégral
GILLES BORNSTEIN
Bonjour à tous, bonjour Aurore BERGE, c'est aujourd'hui la journée internationale pour l'élimination de la violence faite aux femmes, autant dire qu'on en est très loin, plus 11 % de féminicides en un an, 107 féminicides l'année dernière. On voit les chiffres, il y a plus de violence faite aux femmes ou c'est la parole qui se libère ou le fait qu'on en parle davantage ?
AURORE BERGÉ
Quand on parle des féminicides, ce sont les femmes qui sont assassinées sous les coups de leur conjoint ou de leur ex-conjoint. La semaine dernière, 6 femmes ont été assassinées, 4 dans la seule journée de jeudi, 4 qui n'avaient rien à voir, elles ne sont pas du même département, elles ne sont pas du même milieu social, elles n'ont pas le même âge. Leur seul point commun, c'est qu'à un moment, elles ont déclaré à un homme : "Je te quitte" et qu'il y a donc encore des hommes en France pour considérer que les femmes leur appartiennent. C'est ça le combat qu'on doit mener, c'est un combat culturel, c'est un combat éducatif, c'est un combat dans la loi aussi, pour changer un certain nombre de notions, votre reportage juste avant le démontrait bien, il y a une multitude de violences, la violence ce n'est pas que les coups, ce n'est pas que la violence sexuelle, c'est bien d'autres choses en général qui se mettent en place avant d'en arriver là.
GILLES BORNSTEIN
En novembre 2017, Emmanuel MACRON, tout juste élu président de la République, avait fait de l'égalité une grande cause nationale, il voulait lutter contre les violences, même Sandrine ROUSSEAU à l'époque avait dit "On a changé d'époque". Dans ce domaine comme dans beaucoup d'autres, on a l'impression qu'il y a quand même une certaine déception de la part de gens qui y ont cru très sincèrement.
AURORE BERGÉ
C'est resté la grande cause des deux quinquennats du président de la République, vous vous souvenez qu'en 2017, quand il fait sa campagne et qu'il l'annonce, beaucoup ricanent aussi en se disant que ce n'est pas un sujet suffisamment sérieux pour être érigé en grande cause et en faire un des axes clés d'ailleurs de son programme. Il y a beaucoup de choses qui ont évolué en 8 ans, il y a beaucoup de choses qui vraiment ont progressé sur les moyens, sur la loi qui a été changée, sur les outils à disposition pour protéger les femmes, les moyens du ministère ont triplé, les places d'hébergement d'urgence, les outils mis à disposition des femmes, les téléphones grave-danger, les bracelets anti-rapprochement. Donc, on a progressé, ça c'est vrai.
GILLES BORNSTEIN
Les moyens augmentent, mais les besoins augmentent encore plus.
AURORE BERGÉ
Il y a les deux.
GILLES BORNSTEIN
Donc l'écart entre les moyens et les besoins s'accroît.
AURORE BERGÉ
Alors, il y a, à la fois, des besoins qui ont augmenté parce que, et vous l'avez dit vous-même et tant mieux, il y a une parole en effet qui s'est libérée et l'État qui a accompagné ça. Comment on l'a accompagné ? On a formé, on a formé massivement, on a 200 000, aujourd'hui, forces de l'ordre, policiers et gendarmes qui ont été formés pour accueillir et recueillir la parole des femmes. Il y a la loi qui, progressivement, a évolué aussi pour garantir de bien entendre ce que veulent dire la question des violences, les magistrats qui ont été formés, les outils nouveaux, les ordonnances de protection qui ont été mises en place.
GILLES BORNSTEIN
Pas assez, les commissariats, les commissaires se plaignent de ne pas avoir les moyens pour former suffisamment de policiers pour le recueil de la parole.
AURORE BERGÉ
En tout cas, 200 000 policiers et gendarmes sont formés, ils sont formés en formation initiale, ils continuent à être formés en formation continue. Aujourd'hui, une femme qui veut porter plainte, elle peut le faire au commissariat, elle peut le faire en gendarmerie, elle peut le faire notamment à l'hôpital, on garantit le fait que d'ici fin 2026, tous les hôpitaux où il y a soit un service d'urgence, un service gynécologique, les femmes pourront directement porter plainte, de manière justement à faciliter aussi le recueil de cette parole et qu'elle n'ait pas non plus à répéter leur histoire et ne pas revenir en arrière.
GILLES BORNSTEIN
Une femme en danger attend en moyenne, à cause du manque de crédit des associations, une femme en danger attend, en moyenne, trois à quatre semaines avant d'être reçue par une association et pendant ce temps-là, elle reste où elle doit rester, chez un conjoint éventuellement violent.
AURORE BERGÉ
Une femme en danger, elle peut évidemment être accompagnée et accompagnée par l'État, c'est ce qu'on a mis en place, il y a une aide universelle d'urgence qui est délivrée entre un et trois jours pour toutes les femmes qui souhaitent à un moment ou qui ont la nécessité de pouvoir partir. Le moment le plus risqué de la vie d'une femme, c'est justement le moment où elle va décider de partir. Donc ce qu'on veut, c'est qu'on garantit que son départ soit un départ définitif sur lequel elle n'ait pas à revenir en arrière par peur justement du lendemain, de ce qui pourrait lui arriver à elle ou à ses enfants et comment on prépare en amont ce départ. Aide universelle d'urgence, pas que nouveau départ qu'on déploie dans douze départements déjà pour coordonner tous les services de l'État, les opérateurs, les collectivités, les associations et l'objectif c'est évidemment aussi d'arriver à le généraliser. Avant, il n'y avait pas d'intervenants sociaux, par exemple, d'assistantes sociales quand vous alliez en commissariat, en gendarmerie pour porter plainte. Donc oui, il y a sincèrement et vraiment des choses qui ont progressé mais on voit qu'on a encore, c'est vrai, une forme de révolution culturelle qu'on n'a pas suffisamment réussi à gagner, qui n'a pas embarqué toute la société. Quand jeudi, on a quatre féminicides le même jour, quatre femmes assassinées le même jour, en fait, c'est considéré encore comme du fait divers. Ce n'est pas un fait divers, c'est un fait de société, c'est même un fait politique qui devrait justement faire la une partout pour que chacun mesure ce qui se passe quand on parle de femmes qui sont assassinées.
GILLES BORNSTEIN
Justement, une députée socialiste a déposé une proposition de loi, dite loi intégrale. Elle propose, par exemple, qu'il y ait un parquet national dédié, comme le parquet national antiterrorisme, le parquet national financier ou le futur PNACO. Est-ce que vous y êtes favorable ?
AURORE BERGÉ
Alors moi, ça fait six mois qu'on travaille justement sur la question d'élaboration d'une loi cadre. On l'a fait de manière un peu inédite, c'est-à-dire qu'on l'a fait de manière totalement transpartisane. Tous les groupes politiques représentés à l'Assemblée et au Sénat…
GILLES BORNSTEIN
Vous parlez de votre loi, je vous parle d'une loi qui est déposée, une loi transpartisane, signée par plus d'une centaine de parlementaires. Est-ce que vous y êtes favorable ?
AURORE BERGÉ
Moi, je vous explique comment le Gouvernement a essayé de travailler, et d'ailleurs la députée socialiste…
GILLES BORNSTEIN
C'est-à-dire que vous n'êtes pas favorable à cette loi ?
AURORE BERGÉ
Non, ce n'est pas ce que je dis. Je pense que toutes les contributions, elles sont absolument utiles et elles sont même bienvenues de manière à ce qu'ensemble, on montre qu'il y ait un consensus qui est possible. Quand on a changé la définition pénale du viol, on l'a fait parce qu'il y a eu une mobilisation générale. Quand on a inscrit l'IVG dans la Constitution, on l'a fait parce qu'il y a eu une mobilisation générale. Il faut qu'il y ait une mobilisation générale sur les violences.
GILLES BORNSTEIN
Sur cette mesure d'un parquet dédié, partant du principe qu'on n'enquête pas de la même manière, j'imagine, pour un cambriolage que pour une affaire de violence conjugale, et qu'il faut des magistrats particulièrement bien formés, est-ce que vous êtes favorable à ce qu'il y ait désormais un parquet national chargé des violences faites aux femmes ?
AURORE BERGÉ
La proposition, elle vient d'être déposée, donc on va en discuter avec cette députée, puis aussi en lien avec le ministère de la Justice. Aujourd'hui, qu'est-ce qu'on a essayé de mettre en place concrètement là-dessus ? On a mis en place ce qu'on appelle des pôles vives, des pôles dédiés aux violences intrafamiliales dans toutes les juridictions, pour justement former partout les magistrats et garantir qu'on puisse juger dans la même journée ce qui relève, par exemple, du juge aux affaires familiales, la question de la garde d'enfants, par exemple, en cas de séparation, et ce qui peut relever du pénal quand il y a la question des violences, pour pas que les magistrats soient à l'aveugle sur ces deux sujets, mais qu'on puisse juger dans le même mouvement. Est-ce que ça, on peut aller déjà au bout de ce qui a été entamé, de cette dynamique-là ?
GILLES BORNSTEIN
J'entends que le parquet dédié, ce n'est pas pour tout de suite.
AURORE BERG
Je ne sais pas, je vous dis juste qu'il y a plusieurs propositions, tant mieux, ça veut dire qu'il une mobilisation des députés et des sénateurs pour qu'on avance. Il y a ce travail que le Gouvernement a engagé sur une loi cadre de manière transpartisane, donc, ça veut dire qu'il y a beaucoup d'initiatives, tant mieux. Maintenant, il faut qu'elles soient toutes expertisées, il faut qu'elles aient un consensus à l'Assemblée nationale et au Sénat, et je pense que sur ces sujets-là, c'est peut-être l'un des rares sujets où non seulement c'est souhaitable, mais en plus, c'est possible.
GILLES BORNSTEIN
Le Figaro, tout autre chose, le Figaro dévoile, ce matin, le contenu d'un rapport des Républicains du Sénat qui propose l'interdiction du voile avant 16 ans pour les jeunes filles. Laurent WAUQUIEZ, à l'Assemblée, va même plus loin, lui, il va déposer une proposition de loi pour tout simplement interdire le voile aux mineurs. C'est un sujet d'égalité hommes-femmes. Est-ce que vous soutiendrez l'une, l'autre ou les deux, ou ces deux propositions ?
AURORE BERGÉ
Vous savez, moi, j'ai moi-même déposé cette proposition. Je l'ai portée par voie d'amendement. Il y a déjà plusieurs années, donc je n'ai pas changé d'avis depuis que je suis rentrée au Gouvernement.
GILLES BORNSTEIN
Pour les mineurs ou moins de 16 ans ?
AURORE BERGÉ
Après, est-ce que c'est 15 ans, parce que c'est l'âge de la majorité sexuelle ? Est-ce que c'est 16 ans ? Est-ce que c'est 18 ans ? Il y a plusieurs options qui existent et on verra s'il y a un consensus parlementaire qui existe. Moi, ce que je sais, c'est qu'aujourd'hui, on a des enfants, des très jeunes enfants qui, dès le plus jeune âge, sont contraintes de se dissimuler dans l'espèce publique. Et ça, c'est intolérable. Quand vous parlez d'égalité entre les femmes et les hommes, vous ne pouvez pas considérer que les petites filles qui, dès le plus jeune âge, sont contraintes, baignent dans l'émancipation et dans la liberté. Moi, c'est ce que je veux. Que toutes les petites filles aient les mêmes droits, les mêmes chances et les mêmes possibilités d'émancipation.
GILLES BORNSTEIN
La PPL WAUQUIEZ, elle est déposée lundi. Interdiction du voile aux mineurs. Est-ce que la Renaissance, votre parti, la votera ?
AURORE BERGÉ
Je n'ai pas consulté les députés Renaissance, je ne sais pas vous dire aujourd'hui. Moi, je vous donne ma position qui est constante. C'est une position à la fois d'égalité, de liberté, d'émancipation, une position aussi pour lutter contre l'entrisme islamiste qui existe et sur lequel il faut être extrêmement sur les tentatives très fortes d'attente à notre pays.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 26 novembre 2025