Interview de Mme Amélie de Montchalin, ministre de l'action et des comptes publics, à LCP le 25 novembre 2025, sur le conflit en Ukraine, une réforme du service national universel, le budget pour 2026, la hausse de la taxe foncière et l'élection présidentielle de 2027.

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Média : LCP Assemblée nationale

Texte intégral

ORIANE MANCINI
Bonjour Amélie DE MONTCHALIN.

AMELIE DE MONTCHALIN
Bonjour.

ORIANE MANCINI
Merci beaucoup d'être notre invitée ce matin. Vous êtes ministre de l'Action et des Comptes Publics. On est ensemble pendant 20 minutes, pour une interview en partenariat avec la presse régionale, représentée par Stéphane VERNAY de Ouest France. Bonjour Stéphane.

STEPHANE VERNAY
Bonjour Ariane. Amélie DE MONTCHALIN, bonjour.

AMELIE DE MONTCHALIN
Bonjour.

ORIANE MANCINI
On va évidemment, longuement, parler du budget, des budgets, Amélie DE MONTCHALIN. Mais, d'abord, un mot de réaction, puisqu'Emmanuel MACRON s'exprime ce matin. Vous avez été, vous, en charge des affaires européennes. Il s'exprime notamment sur la question de la guerre en Ukraine. " Nous voulons la paix, mais pas une paix qui soit une capitulation pour Kiev ", dit le chef de l'État. Est-ce que ça vous paraît atteignable dans un temps proche ?

AMELIE DE MONTCHALIN
C'est au-delà de l'atteignable. C'est absolument nécessaire pour notre continent, pour les Ukrainiens, et pour notre conception de la souveraineté. On ne peut pas, dans un monde, vous voyez, certes, hostile, considérer que les frontières sont, au fond, des concepts que chacun peut traverser à sa guise. Et ce qui s'est passé en Ukraine, c'est un pays qui a envahi un autre pays. Ce qui n'était pas arrivé sur notre continent depuis, en fait, 1945. Et donc, je pense que ce n'est pas une question de savoir si c'est atteignable ou pas. C'est nécessaire. Et ça fait lien, si je peux me permettre, avec ce qu'annonçait le Premier ministre hier. Nous avons, sur un certain nombre de sujets, notamment celui de la défense, mais aussi sur d'autres sujets, la souveraineté, l'agriculture, l'énergie, nous avons besoin de donner aux Français et aux parlementaires toutes les informations, parce que si nous considérons qu'évidemment, le budget est un moment, évidemment, important, de mise en cohérence, au fond de nos moyens et de nos priorités. Le gouvernement veut donner toute la transparence à l'ensemble des forces politiques sur ces trois éléments de souveraineté : l'énergie, l'agriculture et la défense. Pas parce qu'on veut contraindre je ne sais qui à voter je ne sais quoi, mais parce que les enjeux majeurs demandent de la clarté. Et cette clarté, on veut vraiment aussi montrer que ce n'est pas lié à la présidentielle de 2027.

ORIANE MANCINI
On va évidemment y revenir. Le chef de l'État qui dit aussi que c'est aux Européens de décider quoi faire des actifs russes gelés. Ça, c'est aussi une question qui fait débat dans votre camp. Qu'est-ce qu'il faut faire de ces actifs russes gelés, selon vous ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Je ne vais pas revenir ici dans un débat qui est à la fois très technique et très géopolitique. Mais le principe, c'est de dire aujourd'hui, et ça a été proposé, que ces actifs puissent servir, au fond, à payer la reconstruction. Et il y a plein de modalités. Il y en a qui sont très frontales et qui peuvent d'ailleurs affaiblir le système financier dans son ensemble. Il y en a d'autres qui sont plus négociés. Il y en a d'autres qui sont sur le plus moyen terme. Vous savez qu'il y a un grand débat à Bruxelles entre les partenaires. Au fond, c'est quoi le sujet ? C'est de considérer que l'agresseur doit quand même, à un moment donné, payer les réparations du pays qu'il a agressé. Et je pense qu'on peut s'en tenir à... pour nos téléspectateurs. C'est ça qu'on continue de défendre. Et oui, c'est aux Européens de décider de la manière dont ils s'organiseront pour que, oui, nous ayons de la solidarité. Oui, nous mettons des moyens au service, évidemment, de ce conflit. Mais nous ne pouvons pas tout payer si l'agresseur, à un moment donné, ne prend pas à sa charge, au fond, les réparations de l'agression totalement unilatérales, que la Russie a menées en février 2022.

ORIANE MANCINI
En un mot, Stéphane.

STEPHANE VERNAY
Dans son interview matinale, le Président de la République a confirmé qu'il ferait des annonces sur une réforme du service national universel. Donc, là, on pense à l'annonce de la création d'un service militaire volontaire, qu'il fera sans doute jeudi à Varces. Ça, c'est une dépense supplémentaire pour la défense. Elle n'est pas inscrite au budget 2026. Est-ce que ça peut être ajouté dans le cours des débats ou est-ce qu'il faudra en passer par une loi rectificative l'année prochaine ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Alors, vous vous souvenez que le Président de la République a fait un discours important à la Nation le 13 juillet dernier, et qu'il a annoncé qu'on allait mettre à jour, on allait élargir la loi de programmation militaire pour s'adapter à un monde, en 2025, qui était assez différent, finalement, des conditions qui avaient prévalu, quand la première version de cette nouvelle loi de programmation militaire avait été mise au vote. Et c'était Sébastien LECORNU qui avait présenté ce texte. Donc, cette actualisation de la loi de programmation militaire, ces nouveaux moyens incluent un certain nombre d'éléments que, justement, nous voulons et nous devons présenter aux parlementaires. C'est pour ça que le Premier ministre, hier, a dit... Évidemment ces 6,7 milliards d'euros, c'est un débat, d'ailleurs, qui aura lieu au Sénat. C'est un débat sur les moyens. Mais il est utile que l'ensemble de la nation considère bien que ce n'est pas juste une enveloppe budgétaire, qu'il y a des ambitions, il y a des objectifs, ça a été pensé, ça a été évidemment débattu autour du Président de la République avec, évidemment, les ministres des armées, avec, évidemment, la ministre que je suis aussi, puisque la ministre des Comptes publics, on doit rendre notre défense possible, mais il faut trouver les bons moyens de le faire. Donc, le Président de la République annoncera évidemment des éléments. Et c'est aussi pour ça que le Premier ministre a annoncé hier qu'il était utile…

ORIANE MANCINI
C'est l'utilité du débat de lundi ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Oui. Et pourquoi c'est utile ? Parce qu'il nous faut, à un moment donné, vous voyez, savoir différencier, dans ce débat budgétaire, ce qui tient à des urgences que nous devons régler maintenant, en 2026, et mettre de côté aussi, j'allais dire, un peu, les débats de 2027. On voit bien qu'aujourd'hui, notre risque, c'est que parce que la présidentielle est dans 18 mois, on ait beaucoup de mal à nous mettre d'accord, maintenant, sur ce qui est urgent de faire pour la France maintenant. Et donc, on peut avoir un débat sur la défense, en général. Et d'ailleurs, les candidats à la présidentielle auront évidemment, eux-mêmes, des idées. Mais on doit aussi avoir toute la transparence, et que le Gouvernement se mette à la disposition des parlementaires pour expliquer, au fond, ce que ces 6,7 milliards d'euros qui ont été proposés dans le budget de 2026, à quoi ils servent.

ORIANE MANCINI
Mais on comprend bien la volonté d'éclaircir les positions politiques, mais sur le fond du budget, qu'est-ce que ça va changer, le débat de lundi ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Sur le fond du budget... Ce n'est pas un amendement au budget. Ce n'est pas, vous voyez, un article du budget. D'ailleurs, ce ne sera pas un vote du budget qu'on a mis à côté. On considère, et je crois que le Premier ministre l'a très bien dit, sur des sujets comme l'organisation de l'État, sur l'agriculture, sur l'énergie et sur la défense, et plus largement sur notre déficit, il nous faut créer de la clarté, créer de la cohérence, séparer ce qui est de l'ordre de la politique, des visions, des alternances que certains proposent pour la présidentielle, de ce qui est urgent à faire pour 2026. Nous, notre Gouvernement, le Premier ministre le dit souvent, on est un Gouvernement de mission. Notre mission, c'est de finir ce qui a été commencé en 2017, c'est aussi de finir le quinquennat, c'est de faire les choses qui sont urgentes aujourd'hui, et c'est de s'occuper des Français maintenant, ici et maintenant. Il y a d'autres acteurs politiques dans le débat, on le voit, qui, et c'est normal, et c'est légitime, cherchent à construire un projet pour 2027. C'est très bien. Mais on ne peut pas faire la présidentielle de 2027 dans l'hémicycle du budget de 2026. Donc, on sépare les sujets. Et sur la défense, au fond, ce qu'on cherche, c'est à bien différencier ce qui est de l'ordre de l'urgent et du nécessaire maintenant, d'où les débats qui ont été annoncés, de ce qui, évidemment, est un débat national, beaucoup plus large, et qui aura en ce temps…

ORIANE MANCINI
Et ces débats, c'est une nouvelle méthode voulue par Sébastien LECORNU, on va écouter ce qu'en pense le rapporteur général du budget, ici, au Sénat, Jean-François HUSSON.

JEAN-FRANÇOIS HUSSON, RAPPORTEUR GENERAL LR DU BUDGET AU SENAT
L'heure n'est pas à la dispersion. 'heure n'est pas aux initiatives intempestives. L'heure, elle est à un moment où on doit remettre en perspective, avec la gravité, je le redis, du moment, ce qui peut faire accord pour avoir un budget pour la fin de l'année.

ORIANE MANCINI
C'est une initiative intempestive ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Non. Ce qui peut paraître intempestif à certains, c'est le sentiment qu'on ne fait pas comme d'habitude. Mais l'association politique, et je le dis avec beaucoup d'amitié pour Jean-François HUSSON, avec lequel je travaille vraiment de manière très rapprochée, parce que je pense que lui et moi, avons la conviction très chevillée au corps qu'un budget est absolument nécessaire et qu'une loi spéciale n'est pas un budget, et que oui, nous mettre d'accord collectivement avec toutes les forces politiques est un absolu, et vraiment une urgence. Mais oui, ce n'est pas comme d'habitude, parce que nous sommes dans une situation politique qui n'est pas, " Comme d'habitude ". L'habitude de la Vème République, c'est une majorité absolue. Elle n'existe pas. Et ensuite, il y a eu des moments où il n'y avait pas de majorité absolue et où les Gouvernements utilisaient le 49.3. Le Premier ministre a fait le choix pour des raisons, aussi, de réalisme. Si nous avions commencé à vouloir utiliser le 49.3, je ne serais pas devant vous aujourd'hui. Le Gouvernement a été censuré, le budget n'aurait pas été déposé, les débats n'auraient pas commencé. Donc, nous ne sommes pas comme d'habitude. C'est totalement inédit dans la Vème République qu'un Gouvernement propose un budget, mais s'en remettre, au fond, totalement au Parlement pour construire le compromis. Donc, ce que dit Jean-François HUSSON, et je le partage, c'est qu'il y a une alerte, c'est que, oui, le moment nous demande un sursaut collectif de responsabilité et de compromis. Mais quelles sont les alternatives ? Quelle sont les alternatives ? Est-ce qu'on se dit " Bah, on n'y arrive pas " ? On laisse ceux qui nous disent que le problème, c'est que les Français, ils ont mal voté ? Il faudrait revoter pour les élections législatives ? Ça, c'est la vision de madame LE PEN. Il faudrait même revoter maintenant, nous dit madame PANOT et monsieur MELENCHON, pour les élections présidentielles, parce qu'ils ont mal voté, les Français, en 2022. Ce n'est pas ma conception des institutions. L'alternative : des compromis avec les forces de gauche républicaine, que nous cherchons à construire avec le Premier ministre, les Socialistes, les Ecologistes, les Communistes. C'est quoi ? C'est de faire des compromis avec le Rassemblement national. Ce n'est pas le choix que nous avons fait, non plus. Donc, vous voyez.

ORIANE MANCINI
Mais juste, Sébastien LECORNU, il estime encore qu'il y a toujours une majorité pour voter le budget. Avec ce qui s'est passé à l'Assemblée, la partie recette rejetée à la quasi-unanimité, vous la voyez où, la majorité ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Non, mais, d'abord, je vous rappelle qu'il y a 15 jours, il y a eu un vote positif avec une majorité qui a dit : " Oui, nous voulons débattre des parties dépenses du projet de loi sur la sécurité sociale. Donc, nous votons. Nous votons les recettes de la sécurité sociale ". Ça, ça a eu lieu il n'y a qu'un jour. Ensuite, il y a eu les recettes du budget de l'État. Ça n'a pas été voté. Pourquoi ? Parce qu'il y a eu plein de votes avec des majorités, plein, d'ailleurs, qui portent des progrès tout à fait intéressants pour nos agriculteurs, pour le logement, pour l'innovation, pour l'industrie. Je vais vous faire la longue liste. Il y a eu plein d'amendements votés, avec une majorité qui était une majorité de compromis. Mais il y a aussi eu un moment où les extrêmes, ensemble, ont mis 36 milliards d'euros d'impôts, que j'ai d'ailleurs souvent expliqués comme étant inapplicables au vu de notre droit : droit national, droit constitutionnel, droit européen. Et une fois que ces 36 milliards d'impôts étaient dans le texte, tous les autres compromis trouvés, qui sont intéressants, qui sont constructifs. Et que d'ailleurs, je peux vous dire, le Gouvernement va faire justice à ce compromis. Dans les débats qui arrivent, vous voyez, au Sénat, il y a un certain nombre d'amendements du Gouvernement qui ne seront pas des idées du Gouvernement, mais qui seront, pour moi, l'occasion que ces compromis qui ont demandé du temps et qui ont demandé de l'intelligence collective, eh bien, ils puissent être débattus aussi au Sénat, même si le texte n'a pas été voté.

ORIANE MANCINI
Qu'est-ce que vous allez garder alors, de ces 35 heures de débats ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Vous verrez. Il y a des propositions, je pense, et le rapporteur général les connaît. Sur le logement : comment on soutient la construction. Il y a des propositions qui ont été faites, qui sont, honnêtement, des propositions transpartisanes, qui vont des écologistes à Horizons. Et tous les Députés, vous voyez, il y a au moins 4 ou 5 partis différents qui ont dit : " Là, on est d'accord ". Ça, il faut quand même que je le transmette au Sénat. Il faut que ça soit transmis au Sénat. Vous avez des amendements qui ont été fait, sur, par exemple, comment on concilie l'écologie avec la souveraineté industrielle. Ça, c'est aussi intéressant, qu'on la mène. Vous avez des amendements ou des compromis qui ont été trouvés sur des questions, par exemple, de soutien à l'industrie et l'innovation. Tout ça, c'est des choses qu'il me semble que le Gouvernement peut tout à fait, de manière honnête... Il faut qu'on s'assure que ces débats soient bien repris au Sénat. Ensuite, le Sénat est souverain, votera, ne votera pas. Ça sera son choix. Et vous voyez, quand Jean-François HUSSON dit " On a le devoir absolu de donner à la France un budget ", il y a un point avec lequel, vraiment, je suis totalement en phase. C'est l'idée de dire que la loi spéciale n'est pas un budget, que la loi spéciale, ce n'est qu'un outil temporaire pour ne pas faire défaut. C'est pour continuer à payer les fonctionnaires. C'est pour continuer à payer nos créanciers. Et c'est pour continuer à payer les politiques sociales essentielles. Vous savez que sur le projet de loi de financement de la Sécurité Sociale, il n'y a pas de loi spéciale. Donc, nous ne sommes pas dans un monde où on pourrait se dire tranquillement, vous voyez : les candidats à la présidentielle font la présidentielle, le budget de 2026, au fond, il est trop. Faisons une loi spéciale. Vous voyez, les ministres et le Premier ministre vont se débrouiller, vont réduire le déficit sans débat. Il n'y a pas d'alternative ni au compromis parlementaire, ni au passage devant le parlement, ni au fait qu'il y a un vrai budget. Et ceux qui vous parlent de loi spéciale oublient une chose : c'est qu'en 2025, la loi spéciale a duré six semaines. Six semaines, parce qu'on était en train de négocier ce qui est devenu le budget de la nation. Si vous êtes dans l'idée que ça peut durer un an, c'est que vous n'avez pas du tout, du tout, compris ce qu'était, un, un budget, et deux, ce qu'était la loi spéciale. La loi spéciale, personne n'envisage, enfin, je crois qu'il ne faut que personne ne l'envisage, que ça puisse faire oeuvre de budget.

STEPHANE VERNAY
D'autant que la loi spéciale, l'année dernière, a coûté 11 milliards ou 12 milliards au budget de l'État, enfin, à l'économie française. Là, il y a une note de Bercy qui dit que si on avait à nouveau une loi spéciale, cette année, ça nous coûterait la même chose, et que l'impact serait direct. On ne peut pas se permettre ce genre de choses. Le souci, c'est quelle est l'alternative aujourd'hui ? S'il n'y a pas d'ordonnance, s'il n'y a pas de loi spéciale, comment est-ce qu'on fait pour doter la France d'un budget ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Vous voyez, ça s'appelle le compromis. C'est prendre acte.

STEPHANE VERNAY
Il est possible, aujourd'hui, le compromis ?

ORIANE MANCINI
C'est que là, on n'en prend pas le chemin, quand même, du compromis.

AMELIE DE MONTCHALIN
Mais bien sûr qu'il... D'abord, un, vous avez vu, sur la sécurité sociale, nous avons quand même réussi à mettre, au fond, d'accord sur ce qui était les recettes de la sécurité sociale, pour qu'on puisse débattre les dépenses et qu'on puisse avoir ce débat important sur, notamment, la suspension des retraites, qui sera, on l'a vu, bientôt au Sénat.

ORIANE MANCINI
Non, mais sur le budget de l'État.

AMELIE DE MONTCHALIN
J'y viens. La sécurité sociale, c'est la moitié du budget. C'est la moitié de nos dépenses publiques. La moitié de ce qui est mis en commun dans notre pays, la moitié, c'est la sécurité sociale. Si vous arrivez à vous mettre d'accord sur la moitié qu'est la sécurité sociale, déjà, vous dites au pays, déjà, on n'est pas bloqué. Il n'y a pas la fatalité de se dire qu'on a, soit, je veux dire, une discussion avec le Rassemblement national, ce qu'on ne veut pas, soit, la dissolution des élections, l'instabilité, parce qu'on aurait la fatalité du blocage. Donc, ça, c'est la première chose. Sur le budget de l'État, qui est aussi le budget des collectivités, il y a quoi dans le budget ? Eh oui, il y a des impôts, il y a de la repartie fiscale, il y a plus ou moins d'impôts. Moi, j'en veux le moins possible, évidemment, qui empêche l'économie de se développer. Je veux évidemment de la justice fiscale. Je veux évidemment que la suroptimisation fiscale soit combattue. Mais dans le budget, et c'est ça qu'on n'a pas encore vu, c'est qu'il y a des choses essentielles et urgentes pour maintenant, qui n'ont rien à voir avec la présidentielle. Vous avez les enjeux de défense. Vous avez le soutien aux départements. Vous savez la réforme de la formation des enseignants. Vous avez le soutien à nos personnels pénitentiaires, parce qu'on ouvre de nouveaux centres de détention, parce qu'on sait qu'il y a de la surpopulation. Vous avez des investissements pour la décarbonation de l'industrie. Mais ça, on n'en a jamais parlé. Pas encore. Ça arrive au Sénat, parce que le Sénat, probablement, aura le temps de faire, et les recettes et les dépenses. Mais un budget, ce n'est pas juste des impôts. Donc, vous voyez bien que pour notre pays, et moi, je pense que les forces politiques républicaines, celles qui pensent qu'il n'y a pas de fatalité au chaos et qu'on ne va pas donner les clés aux extrêmes, tout de suite, demain, je pense que ces forces-là sont une majorité. Et surtout, je pense qu'il y a une autre majorité dont on oublie toujours l'existence. C'est la majorité des Français qui disent partout et qui nous disent tous : " On veut que vous vous mettiez d'accord. On veut que vous travailliez pour nous. On veut que vous n'oubliiez pas que nous, on est là. Et que la présidentielle, elle viendra en sont temps. C'est normal, mais ne nous oubliez pas. On est là, nous, les Français. En 2026, on veut un budget maintenant. " Cette majorité, elle est essentielle à entendre, c'est pour ça que les élus travaillent.

ORIANE MANCINI
Donc vous poursuivez beaucoup la France Insoumise et le rassemblement national. Mais est-ce qu'il n'y a pas aussi une responsabilité de votre camp, du Bloc Central, qui le critique aussi, ce budget, qui ne joue pas forcément le jeu du compromis ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Non, mais d'abord, je suis très claire avec vous, le parti Renaissance, le parti du MoDem, se sont abstenus. Personne n'a vraiment écouté ce qu'ils ont dit. Ce que Gabriel ATTAL, ce que Paul MIDY, ce que Marc FESNEAU ont dit. Ils n'ont pas dit : " Vous voyez, on s'en lave les mains, vous le Gouvernement débrouillez-vous ". Ce n'est pas ça qu'ils ont dit. Ils ont dit : " Dans ce texte, il y a des vraies choses qu'on a apportées qui sont des compromis et qu'on voudrait d'ailleurs voir garder dans le débat ". Et c'est des vraies avancées et personne n'en a parlé, mais nous ça compte pour nous. Ils ont dit : " Il y a aussi des choses qu'on ne peut pas voter. Ces 36 milliards d'impôts qui sont inapplicables, on ne peut pas les voter ". Mais nous, on s'abstient, pourquoi ? Parce qu'on pense que donner un budget à notre pays est essentiel, parce qu'on considère que non, ce n'est pas la fin du chemin, parce que oui, on veut continuer à travailler de manière transparente devant les Français pour eux. Et donc ça, ça a été un fait politique qui était quand même…

ORIANE MANCINI
Ce n'est pas Edouard PHILIPPE. Edouard PHILIPPE, ce n'est pas le dernier à critiquer le budget. Il parle d'un manque de cohérence notamment.

AMELIE DE MONTCHALIN
Ensuite, vous avez des partis qui ont dit autre chose, qui ont dit : " Ces impôts qui sont inapplicables sont tellement énormes que nous, on vote contre ". Mais j'entends quand même Horizon, vous voyez hier le président MALHURET et les sénateurs qui travaillent sur le budget, dire : Evidemment, notre objectif, c'est de donner un budget au pays ». Le président du groupe Horizon à l'Assemblée, il vous dit deux choses. Il vous dit : " Il faut un budget, il faut un budget qui réduit le déficit ". Je suis d'accord avec lui. On ne va pas faire juste un budget pour un budget. Mais je le redis, deux budgets, et c'est pour ça que le Premier ministre a annoncé ces débats. Ce n'est pas qu'une question d'impôts. C'est aussi quel choix on fait, ici et maintenant, pour les urgences, priorités qui sont celles de notre souveraineté, l'énergie, l'agriculture, la défense, qui ne peuvent pas attendre que des débats très importants qui ont eu lieu en 2027, au fond, empêchent de nous mettre d'accord maintenant.

STEPHANE VERNAY
Mais moi, je comprends bien, ce que vous tenez là, c'est un discours d'Horizon, il est parfaitement entendable. Le problème, c'est que vous êtes face à une Assemblée dont plus d'un tiers des députés sont résolus à voter contre le budget, quel qu'il soit, quoi qu'il advienne. La France Insoumise, le Rassemblement National et l'UDR d'Éric CIOTTI. À partir du moment où vous avez cette donne-là, comment est-ce que vous faites pour arriver à un compromis qui soit voté in fine ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Parce qu'on prend acte que vous avez effectivement, comme vous l'avez dit, ces trois parties qui n'ont un agenda pour les Français qui n'est pas, au fond, l'agenda de s'occuper des Français. C'est que…

ORIANE MANCINI
Avec Bruno RETAILLEAU qui dit que vous êtes dans la main des socialistes.

AMELIE DE MONTCHALIN
Je vais y revenir.

STEPHANE VERNAY
Vous ne répondez pas à ma question. Comment on fait pour voter un texte, à l'arrivée, dans une configuration comme celle-là, si vous avez le reste des forces républicaines, notamment à gauche, qui s'abstient tout simplement ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Parce qu'on considère, vous voyez, avec vraiment bon calme, que les intérêts politiques en 2026, pour que les Français puissent considérer que ces parties de Gouvernement, qui ne sont pas ces trois extrêmes-là, ont une chance de peut-être pouvoir continuer à gouverner la France. Devant les Français, il faut qu'on soit responsable. Il faut qu'on leur dise : " On a mis nos désaccords principiels de côté parce qu'on sait se mettre d'accord sur l'essentiel ". L'essentiel, c'est de renforcer notre défense. L'essentiel, c'est de soutenir nos départements et leur politique sociale, l'essentiel, c'est de donner des moyens à notre police à lutter contre le narcotrafic, l'essentiel, c'est de donner des moyens à nos agents pénitentiaires parce que le moment le demande. C'est l'essentiel, là. Je suis convaincue, et je vous le dis vraiment sans naïveté, et avec la conviction de celle que je suis, me dire que nous ne pouvons pas laisser les Français de côté parce que les intérêts politiques de 2027 prendraient le dessus.

STEPHANE VERNAY
Mais j'entends bien aussi la démarche du Premier ministre qui dit : Voilà, il y a cinq priorités essentielles. On va faire des débats sur chacun de ces points pour obliger chacun à se prononcer ". J'imagine que du coup, ce sera des débats qui correspondent à l'article 51 de la Constitution avec un vote à la fin qui n'engage pas le Gouvernement mais qui permettra de voir quels sont les compromis possibles sur chacun de ces points. Mais le problème, c'est que le budget, c'est un tout. On voit bien qu'à la fin, c'est une copie complète qu'on propose aux députés et aux sénateurs.

AMELIE DE MONTCHALIN
C'est pour ça que…

STEPHANE VERNAY
Cette copie complète, en fait, il y a un côté budget Frankenstein, ce que vous évoquiez tout à l'heure. Il y a des choses très intéressantes, mais il y a aussi des éléments qui sont apportés par un certain nombre de coalitions, d'alliances par offres…

AMELIE DE MONTCHALIN
Là, vous me parlez de la première lecture. Vous voyez, pour les gens qui te regardent, il y a une première lecture. La première lecture, comme dit le Premier ministre, c'est le moment où certains plantent le drapeau, font des principes, on ouvre tous les sujets et on débat de tout. Mais ces mêmes parties qui, en première lecture, ont laissé ça se produire, savent très bien qu'en deuxième lecture, puis d'ici au 31 décembre pour la lecture définitive ou par des commissions mixtes paritaires, le moment sera très différent, une fois qu'on aura fait les deux premières lectures Sénat-Assemblée, du moment qu'on vit actuellement. Et vous me parlez des alternatives. Je le redis. Moi, ce que j'aimerais, c'est que ceux qui disent, et qui ont le droit de le faire, qui critiquent soit la méthode, soit le résultat, nous proposent leurs alternatives. Si l'alternative, c'est qu'on n'aime pas le budget, il faut en trouver un autre, je n'ai pas de problème avec cette idée, ça s'appelle la démocratie. Simplement qu'il faut en trouver un autre qui soit voté. Et nous, avec le Premier ministre, je crois et je suis très ferme sur ce point, nous avons mis de côté l'idée que nous aurions un compromis avec le Rassemblement National, même s'ils sont beaucoup plus nombreux que les socialistes, parce que c'est un principe de valeur, de vision, et de ce que nous sommes et de ce que nous ne sommes pas.

ORIANE MANCINI
Mais ça, c'est un message au LR en disant : " C'est bien le budget qui va sortir du Sénat, mais ça ne peut pas être un budget non promis ".

AMELIE DE MONTCHALIN
Je dis juste, aujourd'hui, ceux qui disent : " Vous êtes dans la main, c'est leur mot, des socialistes ".

ORIANE MANCINI
Bruno RETAILLEAU.

AMELIE DE MONTCHALIN
Je leur dis, " Quelles sont les autres solutions qui sont sur la table ? Est-ce que, parce qu'on ne voudrait pas parler avec les socialistes, on ne voudrait pas parler avec les écologistes, on ne voudrait pas parler avec les communistes qui défendent la République, qui sont clairs sur nos valeurs et qui sont arithmétiquement là, ceux qui sont là, est-ce que du coup, on se dit, ben voilà, on va faire un compromis avec le RN ? " La réponse pour nous, c'est non. Ou est-ce qu'on se dit : " Ben on ne va pas y arriver, et donc on se laisse aller ", soit à la dissolution, soit à l'illusion de la loi spéciale, qui je le répète, n'est pas un budget. Moi, je n'ai aucun problème, et c'est de la démocratie qu'on ait des débats, mais à un moment donné, il faut qu'on montre aux Français, les solutions et les alternatives qu'on a. Aujourd'hui, il me semble qu'il n'y a pas d'alternative au compromis.

ORIANE MANCINI
Un mot sur la taxe foncière, est-ce que vous allez revenir sur la hausse de la taxe foncière prévue pour un peu plus de 7 millions de foyers ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Je rappelle ce que c'est que ce débat. C'est un impôt qui bénéficie aux collectivités. Ce sont les collectivités, les élus, avec leurs conseils municipaux qui définissent un taux d'impôt. Et nous, l'administration, je dis " Nous ", parce que je m'inclue évidemment dans ceux et celles qui ont cette responsabilité, on doit s'assurer que le système, la base des impôts, l'équité fiscale soit respectée pour qu'ensuite, les élus décident du taux d'imposition. Donc, ce n'est pas un impôt qu'on décide pour nous, ce n'est pas un impôt qu'on collecte pour nous, et c'est plutôt une administration qui est au service des élus. Depuis quelques années, un certain nombre d'ajustements ont été faits, et au mois de juin dernier, l'AMF, FRANCE URBAINE, VILLE DE FRANCE, l'Association des maires de Montagne se sont réunis avec l'administration et ont convenu que les ajustements dont il est maintenant en question étaient utiles, pour des raisons d'équité, parce qu'il y avait beaucoup de différences entre les départements, il y avait beaucoup de différences entre les Français, selon le moment où ils ont mis à jour leur dossier la dernière fois. Donc, nous, on réunit demain, avec Françoise GATEL, les associations d'élus, les parlementaires, et on va faire le point. Soit les élus considèrent que, comme en juin, c'est une bonne idée et que ça permet quand même de mettre de la clarté, de la cohérence, ben, on le fera, soit ils veulent qu'on fasse des ajustements, on les fera, mais on avance.

ORIANE MANCINI
Donc, vous dites " Pas de hausse "…

AMELIE DE MONTCHALIN
Je rappelle juste qu'à un moment donné, quand les impôts qui existent, s'ils ne sont pas mis à jour, après, ça crée aussi des débats où certains veulent créer des nouveaux impôts. Bon, moi, je préfère qu'on voyait qu'on en sentait nos impôts qui existent et qui fonctionnent bien. Après, voilà, moi, je suis au service des élus sur ce sujet.

ORIANE MANCINI
Dernière question un peu plus politique, Amélie DE MONTCHALIN, il y a le baromètre, un baromètre public Sénat, presse régionale Odoxa, qui sort ce matin, Jordan BARDELLA est en tête du second tour, serait élu président de la République, quel que soit son adversaire, c'est-à-dire face à Édouard PHILIPPE, face à Gabriel ATTAL, qui ont été testés, comment vous réagissez face à ces résultats ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Moi, je réagis en faisant un peu balai-masque. Jordan BARDELLA, il est dans un populisme. Populisme, ça consiste à dire à beaucoup de gens ce qu'ils veulent entendre. Et donc, je vous donne un exemple, il a dit à beaucoup d'artisans, de commerçants, de chefs d'entreprise, tout ce qu'il allait faire le jour où il serait président de la République, s'il était président de la République. Ça, c'est ce qu'il dit. Et moi, je regarde ce que font ses amis, ses alliés, à l'Assemblée nationale, je suis passée 125 heures à l'Assemblée, à bien voir ce que le Rassemblement national votait. Je peux vous dire qu'ils ne votent pas du tout ce que dit Jordan BARDELLA. Quand il s'agit de défendre les artisans et les commerçants face à la déferlante des petits colis chinois et SHEIN, ils sont contre. Quand il s'agit de protéger nos PME et l'investissement en capital des PME, ils sont contre. Quand il s'agit de dire qu'on veut protéger nos grandes filières industrielles et donc faire l'investissement notamment de nos plus grandes entreprises, ils sont contre. Quand il s'agit, vous voyez, de taxer le patrimoine, ce que proposait Madame LE PEN, c'est dire qu'on ne taxe pas les actions dans les PME et les entreprises de taille intermédiaire, mais on taxe les actions des grandes entreprises, y compris françaises.

ORIANE MANCINI
Mais bon, visiblement, les Français ne leur tiennent pas rigueur.

AMELIE DE MONTCHALIN
Donc moi, ce que je veux dire, c'est que l'incohérence et une forme d'incompétence de ces députés qui sont des populistes, ce n'est pas grave d'être populiste, mais simplement, il faut l'assumer. C'est-à-dire, il faut assumer de dire : " En fait, je vous dis des choses, mais quand il s'agit de voter, je fais autre chose ". Et parfois, je fais des choses qui ne marchent pas entre elles. Et ce n'est pas de mépris de ma part. C'est juste de considérer que nous avons, vous voyez, un débat aujourd'hui sur ce qui se passe dans le pays aujourd'hui. Moi, je pense que chacun doit bien comprendre que les gens votent aujourd'hui. Il y aura un débat de la présidentielle, mais il ne faut pas qu'on se fasse leurrer. Ce n'est pas parce qu'il y a des gens qui disent aux Français ce qu'ils veulent entendre, que derrière, un, ça marche, et deux, qu'eux-mêmes l'assument quand il s'agit de voter. Et je pense que ça, c'est un enjeu. Vous voyez, il faut qu'on soit clair avec les Français. Vous voyez, gouverner un pays, ce n'est pas juste leur dire des choses. C'est ensuite, être capable de le traduire dans les faits, dans les actes. Et dans les votes que j'ai vus, vous voyez, je n'ai pas vu beaucoup de cohérence.

ORIANE MANCINI
Merci beaucoup.

AMELIE DE MONTCHALIN
Je pense qu'il y a beaucoup de travail pour le compromis que les Français attendent demain.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 26 novembre 2025