Texte intégral
THOMAS SOTTO
Il est aujourd'hui et depuis presque un an ministre de la Justice et Garde des Sceaux. Depuis 2017 et l'élection d'Emmanuel MACRON. Il a été de tous les gouvernements à l'exception de celui éphémère de Michel BARNIER. Gérald Darmanin est l'invité d'RTL matin. Bonjour et bienvenue sur RTL, Gérald DARMANIN.
GERALD DARMANIN
Bonjour.
THOMAS SOTTO
Des quartiers de très haute sécurité dont on peut sortir. Lundi, l'un des 100 détenus les plus dangereux de France - c'est ainsi que vous aviez vous-même défini les hommes détenus dans le quartier de lutte contre la criminalité organisée de Vendin-le-Vieil - a pu sortir pour la journée, le temps d'aller rencontrer un employeur potentiel dans la région de Lyon, à 700 km de la prison. Est-ce que vous comprenez qu'on n'y comprenne rien ?
GERALD DARMANIN
Oui. Je suis comme tous les Français, il y a une décision de justice, moi je la respecte, c'est l'état de droit, un juge indépendant, malgré l'avis du parquet, malgré l'avis du chef d'établissement, a décidé de faire cette autorisation. Il faut respecter cette décision. C'est donc la loi qu'il faut changer, et je la changerai en janvier prochain, comme on l'a fait pour le terrorisme. On ne peut pas faire d'aménagement pour les personnes condamnées pour terrorisme, il faut qu'on fasse la même chose contre les narcotrafiquants.
THOMAS SOTTO
Qu'est-ce qui va changer dans la loi précisément ?
GERALD DARMANIN
En l'occurrence, ce monsieur sort normalement en 2029, un entretien d'embauche maintenant pour 2029, ça paraît un peu loin.
THOMAS SOTTO
C'est aussi la mission de réinsertion de la prison, vous diront certains.
GERALD DARMANIN
Dans un tout premier temps, la réinsertion se fait la veille ou l'avant-veille, ou quelques semaines, peut-être même quelques mois avant sa sortie, ce n'est pas tout à fait le cas. Et puis les narcotrafiquants comme les terroristes, ce ne sont pas des détenus comme les autres, il y a 700 personnes considérées comme très dangereuses, relevant du narcotrafic en France, sur 86 000, 87 000 détenus, on ne parle pas de tous les détenus.
THOMAS SOTTO
Donc vous voulez que ces détenus-là n'aient plus le droit à des permissions de sortie ?
GERALD DARMANIN
Je veux appliquer au narcobanditisme la législation que nous avons contre le terrorisme et qui a fonctionné.
THOMAS SOTTO
Donc c'est ça ?
GERALD DARMANIN
Nous savons que des personnes qui sont aujourd'hui dans les prisons françaises, c'était le cas à Incarville notamment, lorsqu'il y a eu deux agents assassinés par une évasion d'un détenu.
THOMAS SOTTO
Mohamed AMRA.
GERALD DARMANIN
Nous savons que ces gens sont très dangereux, et on ne peut pas les considérer comme des détenus classiques de droit commun.
THOMAS SOTTO
Donc vous voulez, pardon, je vous repose la question, qu'ils n'aient plus le droit à des permissions de sortie ?
GERALD DARMANIN
Nous voulons en effet que quand on est dans les prisons de haute sécurité, on ne puisse pas, sauf exception, par exemple, aller à l'enterrement de quelqu'un qui est très, très proche - et c'est tout à fait normal de respecter la tristesse du détenu - on ne peut pas avoir des permissions de sortie pour aller travailler quand on est dans les prisons de haute sécurité. Parce qu'on ne peut pas sortir de ces prisons de haute sécurité. Il y a des prisons qu'on a faites en quatre mois, où il n'y a pas de téléphone portable, il n'y a pas de drone, il n'y a pas de drogue, il n'y a pas de clé USB, et la pénitentiaire fait extrêmement bien son travail, avec des gens extrêmement dangereux.
THOMAS SOTTO
On peut poser le problème d'une autre manière. Est-ce que ce détenu, finalement, est vraiment à sa place à Vendin ? Est-ce qu'il est à sa place parce qu'il est très dangereux ou est-ce qu'il n'est pas dangereux, ce que dit son avocate Marie VIOLLEAU, auquel cas il n'aurait pas dû être là, et il a le droit de sortir ?
GERALD DARMANIN
La justice en a décidé autrement, il y a eu 66 recours contre les placements à Vendin-le-Vieil. Vous savez, à Vendin, ce n'est pas le garde des Sceaux qui choisit qui y va, ce sont les juges d'instruction qui autorisent le transfert, c'est l'administration pénitentiaire, notamment le service de renseignement de l'administration pénitentiaire. C'est parfois des enquêtes extrêmement longues dont je ne peux pas détailler ici le contenu, mais qui montrent que ces personnes sont extrêmement dangereuses et ensuite il y a des recours. Et les 66 recours commis contre les personnes qui sont concernées par les prisons de haute sécurité ont tous été gagnés par l'administration pénitentiaire.
THOMAS SOTTO
Et quand ils sortent comme ça, comme c'était le cas lundi, le détenu est surveillé ou il est libre comme l'air ?
GERALD DARMANIN
En l'occurrence, il n'était pas surveillé par l'administration pénitentiaire, ce n'était pas prévu, mais il a été surveillé par la police nationale qui a très bien fait son travail.
THOMAS SOTTO
Et ça veut dire qu'avec la loi actuelle, vous évoquiez Incarville. Mohamed AMRA, dans quelques mois, quand il sera peut-être lui aussi… il aura droit à des libérations comme ça ? Il pourra aller faire un peu de shopping, il pourra se retrouver dans la nature, il pourra aller appeler ses copains. La loi permet ça aujourd'hui ?
GERALD DARMANIN
Exactement.
THOMAS SOTTO
Et vous échangez ça pour quand ?
GERALD DARMANIN
En janvier prochain, je dépose un texte au conseil des ministres.
THOMAS SOTTO
La mère de cet homme est en garde à vue depuis lundi pour trafic de stups, information du Parisien ce matin. C'est lié ? Les deux affaires sont liées ou pas du tout ?
GERALD DARMANIN
Je n'ai pas à le commenter. Le procureur de la République communiquera certainement. Mais de ce que j'en ai lu dans la presse, effectivement, cette dame est en garde à vue.
THOMAS SOTTO
Cet homme est un narcotrafiquant. Aujourd'hui, on le sait, de nombreux trafiquants continuent à gérer leur business à commandité des assassinats, parfois depuis leur cellule. Jusqu'à quand ? Quand est-ce qu'on aura des prisons étanches monsieur le garde des Sceaux ?
GERALD DARMANIN
On en a depuis six mois, on n'en a que deux.
THOMAS SOTTO
Oui, Vendin-le-Vieil et Condé-sur-Sarthe.
GERALD DARMANIN
On aura une troisième au premier semestre de l'année prochaine, donc avant le mois de juin, à Réau, en Ile-de-France. Puis on aura en fin d'année prochaine Aix-en-Provence et Valence. Mais aujourd'hui, le drame, c'est que de la prison, en effet, on peut, soit par des téléphones portables, mais aussi par la corruption des agents publics, mais aussi en utilisant... Parce que ce sont des gens qui ont une surface financière absolument énorme. Songez que monsieur AMRA, après six mois de cavale, il a pu proposer 2 millions d'Euros aux policiers roumains qui l'ont arrêté. Vous imaginez la surface financière qu'ils ont. On doit changer totalement notre…
THOMAS SOTTO
Comment ? Quand ?
GERALD DARMANIN
Nous sommes en train de changer une loi qui a été votée il y a trois mois, dans un contexte politique très compliqué. J'ai construit des prisons en quatre mois et demi. J'ai été attaqué de toutes parts pour construire ces prisons de haute sécurité. On m'a quasiment traité de fasciste et maintenant on me dit pourquoi tout le monde n'y est pas dedans. Peut-être un peu de raison nous permettrait de savoir qu'il faut changer notre politique carcérale.
THOMAS SOTTO
Jusqu'à quand il y aura des téléphones portables, il y aura de la drogue dans les cellules, il y aura dans les prisons, les autres prisons ?
GERALD DARMANIN
Alors, dans les autres prisons, il faut qu'on change la façon dont elles fonctionnent. Il faut faire des fouilles plus systématiques, il faut tout changer au parloir. Il faut couvrir les prisons qui n'ont pas été imaginées à l'époque pour y accueillir des drones. Donc nous sommes en train de modifier ça grâce à l'argent que j'ai obtenu du Premier ministre. Le ministère de la Justice, c'est un budget qui ne baisse pas. Et deuxièmement, depuis hier soir, nous commandons des opérations de très grande ampleur dans les prisons françaises. Hier soir, j'étais à Nanterre. Par exemple, il y a eu 200 personnes à Nanterre, 200 agents de la police et des agents pénitentiaires surtout, avec des chiens anti-stups, avec des matériels nouveaux pour trouver des téléphones portables, qui trouvent même une carte SIM de quelques millimètres. Hier, par exemple, on a trouvé 70 téléphones portables à la maison d'arrêt de Nanterre.
THOMAS SOTTO
Et de la drogue ?
GERALD DARMANIN
On a trouvé de la drogue, de la cocaïne, du cannabis. On a trouvé des clés USB qui se revendent. On a trouvé des cartes SIM.
THOMAS SOTTO
Quelle quantité de drogue, vous savez ?
GERALD DARMANIN
Non, pas encore, quelques dizaines de grammes, mais c'est beaucoup trop, évidemment. Il ne doit pas y avoir un gramme de shit, il ne doit pas y avoir un téléphone portable dans une prison française.
THOMAS SOTTO
Ces fouilles vont être généralisées dans toutes les prisons françaises ?
GERALD DARMANIN
Exactement. J'ai donné instruction à l'ensemble de l'administration pénitentiaire et en lien avec les préfets de la République de faire des contrôles dans toutes les prisons d'ici le 31 décembre de façon massive, ça n'avait jamais été fait comme cela.
THOMAS SOTTO
Ça veut dire que toutes les cellules seront fouillées d'ici le 31 décembre, c'est votre volonté ?
GERALD DARMANIN
Exactement.
THOMAS SOTTO
C'est quoi ? C'est dispositif fouille XXL, après Place nette XXL ? C'est ça ou…
GERALD DARMANIN
Sans artifice particulier, je pense que…
THOMAS SOTTO
Non c'est une procédure pas un artifice.
GERALD DARMANIN
Plutôt ce que je veux vous dire, je parle pour moi, c'est un enjeu national qu'il n'y ait pas de téléphone portable dans les prisons. Bien sûr, dans le terrorisme et le narcotrafic, on a vu que monsieur ABDESLAM aurait pu préparer un attentat de sa prison, je mets du conditionnel. On sait que de sa prison, on commande des assassinats à Marseille et ailleurs, mais on a aussi dans nos prisons des gens qui sont condamnés pour violences conjugales et qui appellent leur ex-femme ou leur ex-petite copine pour les harceler. Vous imaginez le drame de cette femme qui pense qu'elle est en sécurité par la République parce qu'on a mis son agresseur en prison et qui reçoit des coups de téléphone, des SMS toute la journée, toute la nuit, qu'il l'agresse. Donc cette situation est absolument inacceptable. En tant que Français, en tant que ministre, je ne l'accepte pas et je changerai profondément avec l'aide des agents pénitentiaires qui font un métier très difficile, cette naïveté qui nous a jusqu'à présent été la nôtre dans les prisons françaises.
THOMAS SOTTO
Vous évoquez justement un des autres fléaux de notre époque, les féminicides, les violences intrafamiliales. 5 femmes au moins en sont mortes ces derniers jours en France. La grande nouveauté, c'est qu'il va désormais y avoir des magistrats spécialisés dans ces violences intrafamiliales. Quand ? Comment ? Combien ?
GERALD DARMANIN
Dès les prochaines semaines, nous expérimentons là aussi un juge unique et une audience unique entre le civil et le pénal.
THOMAS SOTTO
C'est-à-dire un magistrat qui va centraliser tout ?
GERALD DARMANIN
En fait, aujourd'hui, on juge vos violences au mois de juillet et puis votre divorce au mois de décembre. Donc vous êtes, pendant 6 mois, dans une relation encore avec votre ex-conjoint qui vous fait parfois du chantage à la garde d'enfants, qui vous fait du chantage pour récupérer des biens, parfois des animaux. Vous avez encore l'occasion de le revoir, de vous replonger dans la victime que vous êtes. Il faut faire plus rapide, il faut faire plus efficace. Une audience unique où on juge le civil et le pénal le même jour.
THOMAS SOTTO
Il y aura combien de magistrats spécialisés comme ça ?
GERALD DARMANIN
Le but, c'est de les généraliser partout, là où il y a des juges aux affaires familiales et où il y a des juges pénales. Ça a été expérimenté à Poitiers en Polynésie. Ce sera à Bordeaux, par exemple, dans les prochaines semaines. J'espère le plus rapidement possible. Je réunirai les magistrats d'ici la fin de l'année sur ce point.
THOMAS SOTTO
Gérald DARMANIN, en début de semaine, la maman du jeune Elias, ce gamin de 14 ans, tué à la machette en janvier dernier alors qu'il sortait de son entraînement de foot à Paris, a affirmé que des juges avec qui elle avait été en contact juste après le drame l'avaient traité de populiste et de victime écervelée. Que pouvez-vous lui dire à cette maman qui franchement n'a pas besoin de ça ?
GERALD DARMANIN
Je suis de son côté. Si les faits sont prouvés, je saisirai le conseil supérieur de la magistrature. Les magistrats doivent, non seulement devoir, avec beaucoup d'humilité, un accompagnement des victimes, et la maman d'Elias, comme son papa, sont des victimes de notre incurie à mal organiser la justice des mineurs. J'ai saisi moi-même l'inspection de la justice pour connaître exactement ce qui a mené…
THOMAS SOTTO
Donc il y a une enquête en cours.
GERALD DARMANIN
Il y a une enquête qui touche les meurtriers potentiels du jeune Elias. Par ailleurs, j'ai commandé une inspection et je l'ai rendue publique pour savoir ce qui a déconné de ce terme. De manière générale, la puissance publique a déconné et nous devons changer les choses et je changerai les choses. Mais de manière générale, les magistrats doivent, avec délicatesse, et je sais qu'ils le font pour l'immense majorité d'entre eux, accompagner ces personnes. Cette dame, on a le droit de l'écouter, elle a le droit de dire sa colère. Elle a perdu son fils, il n'y a rien de pire au monde que de perdre un enfant. Donc si les faits sont prouvés, je saisirai le conseil supérieur de la magistrature.
THOMAS SOTTO
Gérald DARMANIN, vous avez été ministre des Comptes publics aussi. Personne ne veut voter le budget qui est actuellement en discussion. Vendredi soir, un seul député a voté la partie recette. Où est-ce qu'on va, là ? On va dans le mur ?
GERALD DARMANIN
Moi, je fais confiance au Premier ministre pour trouver un compromis. C'est le principe même de l'action qu'il mène depuis plusieurs semaines. Il a réussi à montrer qu'il l'avait fait précédemment. Il faut que toutes les forces politiques deviennent raisonnables.
THOMAS SOTTO
Y compris le groupe de Gabriel ATTAL, le groupe Renaissance devra voter le budget ?
GERALD DARMANIN
Non, mais on ne peut pas voter n'importe quel budget quand on est parlementaire. Moi, je le comprends extrêmement bien. On ne peut pas voter un budget qui voit une augmentation d'impôt délirante qui décourage les entreprises et les entrepreneurs. On ne peut pas voter un budget qui augmente de façon trop importante nos dépenses publiques. Mais je pense que chacun peut trouver un compromis pour trouver un budget qui, j'espère, donnera à nos armées, à notre justice, à notre police, des moyens de tout continuer. On a vu que c'étaient des enjeux. S'il n'y a pas de budget, il n'y a pas de juge unique dans les tribunaux. Il n'y a pas de fouilles de prison. On perd les 1 000 agents pénitentiaires qu'on aurait recrutés l'année prochaine. C'est un enjeu très important d'avoir ce budget.
THOMAS SOTTO
À propos de politique, on sait que ce budget est pollué par les arrière-pensées présidentielles des uns et des autres. Êtes-vous favorable à une primaire qui irait de Gérald DARMANIN à Sarah KNAFO, comme l'a proposé Laurent WAUQUIEZ ?
GERALD DARMANIN
Moi, je suis favorable qu'on ait un candidat unique. Pour l'instant, on ne l'a pas.
THOMAS SOTTO
Mais ça peut aller de Sarah KNAFO à Gérald DARMANIN, jusqu'à vous ?
GERALD DARMANIN
Je pense que la bonne primaire, c'est celle qui va être Gabriel ATTAL à Bruno RETAILLEAU, personnellement.
THOMAS SOTTO
Avec Gérald DARMANIN en candidat, ou pas ?
GERALD DARMANIN
Pour l'instant, je suis aux affaires de l'État, à mon poste. On verra ce qui se passera l'année prochaine. 17 mois en politique, c'est le paléolithique au point où on en est pour l'instant. Déjà, on ne sait pas si on sera là le mois prochain. Mais tous les jours, mon travail ministre de la Justice, c'est d'éviter que des jeunes Elias se fassent tuer, de soutenir des magistrats courageux et de rétablir l'ordre dans les prisons françaises.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 27 novembre 2025