Texte intégral
Monsieur le ministre de l'Éducation nationale, cher Édouard GEFFRAY,
Monsieur le Député, cher Alexis CORBIÈRE,
Monsieur le préfet de Saine Saint Denis, cher Julien CHARLES
Monsieur le recteur, cher Jean-François CHANET,
Monsieur le Maire de Montreuil, cher Patrice BESSAC,
Monsieur le Directeur régional des affaires culturelles, cher Edward de LUMLEY,
Madame la directrice académique des services de l'Éducation nationale, chère Sandrine LAIR,
Madame la Directrice générale des médias et des industries culturelles, chère Florence PHILBERT,
Madame la directrice du Salon du livre et de la presse jeunesse de Montreuil, chère Sylvie VASSALLO,
Mesdames et messieurs en vos grades et qualités,
Chers amis
Le 3 juillet dernier, nous lancions avec Élisabeth Borne les états généraux de la lecture pour la jeunesse. Le travail conjoint des deux ministères est essentiel pour une ambition à la hauteur de l'enjeu. D'ailleurs, la lecture est sans doute la matière qui nous relie le plus étroitement.
J'ai tenu à ce que ces États généraux rendent leurs conclusions ici à Montreuil, parce que je connais l'importance de ce rendez-vous pour le livre. Je remercie celles et ceux qui se sont mobilisés : le comité des trois enseignants et cinq professionnels de la lecture, les services du livre et de la lecture, et le directeur du livre et de la lecture Nicolas Georges qui en a accepté la responsabilité.
Il est clair que la question de la lecture se pose dans le débat plus général qui anime notre société, celui des écrans, des réseaux sociaux et de la concurrence autour du temps d'attention. Vous vous êtes donc donc inscrits dans la voie tracée par le rapport remis au Président de la République en avril 2024, Enfants et écrans, à la recherche du temps perdu, pour apporter une réponse concrète à la volonté affichée dans ce rapport en bâtissant "un plan massif de diversification des activités proposées aux jeunes, développer des alternatives au "tout écran", et de rendre toute leur place aux plus jeunes dans la société".
Que retenir donc de cette consultation, la première consultation nationale sur la lecture depuis 25 ans, c'est-à-dire en fait depuis la généralisation des écrans ?
Le premier résultat est que la lecture intéresse les Français.
36 000 participants se sont mobilisés partout en France, en métropole comme dans les Outre-mer. C'est un succès, avec une mobilisation supérieure à d'autres consultations similaires.
Donner la parole aux jeunes était l'une des promesses des états généraux : elle a été tenue. 6 000 jeunes se sont exprimés dans le cadre de groupe de parole dans plus de 200 classes, en seulement 3 semaines grâce au travail remarquable de leurs enseignants.
Au total, nous avons à disposition 425 pages pour éclairer le sujet, soit plus de 660 000 contributions exploitées, dont 96 000 verbatims. Nous avons voulu aller vers tous les Français pour leur donner la parole, et ils s'en sont largement servi.
Cette forte mobilisation apporte la preuve que la lecture est perçue aujourd'hui comme un véritable enjeu de société, dépassant les clivages professionnels et les différents périmètres de l'action publique.
Je vais partager avec vous trois enseignements que cette vaste consultation me parait mettre à jour.
D'abord, la lecture n'est pas assez perçue comme une activité attractive, elle est liée à l'apprentissage, ce qui est important, plutôt qu'à un loisir, ce qui doit aussi le devenir. Voilà aussi pourquoi elle résiste mal face aux écrans.
Notre responsabilité est de mettre à la disposition des jeunes des livres qui leur plaisent, qui sollicitent leur imaginaire.
Le travail révèle également que la lecture souffre d'une image négative, et qu'elle est perçue comme une activité solitaire. Alors que la lecture à haute voix à démontré le contraire.
Cette question des représentations est à la fois centrale et difficile à inverser. Elle est liée au genre : ce sont les garçons qui décrochent massivement en moment de la quatrième.
Si les parents pointent les écrans et les réseaux sociaux, les jeunes eux soulignent l'exemplarité parentale, observant que "les adultes eux-mêmes passent leur temps sur leurs écrans" ; c'est un message fort que nos enfants nous adressent.
Deuxième point : la lecture reste un enjeu partagé par toute la société, mais cet engagement ne suffit pas à inverser la courbe du déclin.
La lecture des jeunes mobilise largement : la famille, les structures d'accueil, l'école, les centres de loisirs, les associations et les collectivités.
Des centaines de propositions sont mises en œuvre chaque année. Elles permettent d'identifier ce qui fonctionne : les activités collectives comme les clubs de lecture, l'implication active des jeunes, l'incarnation de la littérature notamment par les rencontres avec les écrivains.
Malgré cela, le constat est partagé : cette mobilisation a freiné le déclin, sans l'empêcher. Reste donc à organiser une coopération plus structurée, et à accompagner le passage à l'échelle des propositions les plus efficaces.
Enfin, l'ensemble des contributions reçues insiste sur la nécessité de construire un parcours de lecture continu, de 0 à 18 ans, sans rupture entre le temps scolaire et le temps hors de la classe.
Chaque étape — petite enfance, enfance, adolescence — est une occasion de maintenir et de renforcer le lien avec le livre, à condition de proposer des pratiques adaptées à l'âge et aux usages. J'ai porté ces derniers mois une attention particulière à la lecture pour la toute petite enfance.
Ces états généraux sont un point de départ : nous établirons sur cette base une feuille de route conjointe à laquelle nous associerons tous les acteurs évoqués.
Pour favoriser la coopération entre les professionnels, je souhaite que se tienne chaque année, au ministère de la Culture, une journée annuelle dédiée à la lecture pour les jeunes.
Elle réunira les acteurs de la lecture pour un temps d'échange et de travail. Elle aura le lieu le jour de la remise du Prix du livre pour les bébés, et permettra notamment d'assurer le suivi de la mise en œuvre des États généraux.
Cette collaboration, nécessaire, demandera du temps pour être systématisée. Elle pourrait à s'incarner dans un lieu d'innovation dédié, ouvert aux jeunes, aux familles, aux médiateurs, aux formateurs, etc… Le bâtiment Lumière occupé actuellement par la Bibliothèque Publique d'Information pendant les travaux du Centre Pompidou est une possibilité à confirmer.
J'ai entendu la nécessité de valoriser les lectures choisies par les jeunes et de faire de la lecture un temps collectif. J'invite notre réseau de lecture publique à mettre en place partout où ce n'est pas déjà le cas des clubs de lecture dans lesquels les jeunes pourraient choisir les livres présentés.
Je souhaite aussi que le livre jeunesse lui-même soit plus valorisé. Avec le livre pour les bébés que j'ai créé, je suis très attachée à améliorer la visibilité et la reconnaissance de la littérature jeunesse. Nos auteurs jeunesse sont parmi les plus reconnus à l'international.
Les médias publics doivent participer à mettre la lecture des jeunes au cœur de l'attention, et le cahier des charges de France Télévision et Radio France doit être complété en ce sens.
Dans la lignée du rapport Enfants écrans, je souhaite que tous les lieux culturels patrimoniaux proposent partout où c'est possible des espaces de lecture dans leur enceinte.
Enfin, il faudra renforcer les moyens financiers de la mobilisation. En lien avec Bercy, la proposition du rapport Enfants et écrans commandé par le Président de la République de créer un fonds alimenté notamment par une contribution des réseaux sociaux, reprenant l'approche pollueur/payeur doit être aussi une solution.
Mesdames et messieurs, chers amis,
Tous les enfants de ce pays doivent dès la petite enfance trouver dans le livre un objet familier et surtout un objet qui les suivra tout au long de leur vie, de l'adolescence à l'âge adulte ; comme une Madeleine de Proust, retrouvez le goût de la lecture, à chaque lecture. C'est un immense défi : nous le relèverons ensemble.
Je vous remercie.
Source https://www.culture.gouv.fr, le 2 décembre 2025