Conférence de presse de M. Sébastien Lecornu, Premier ministre, sur l'enjeu de la hausse des dépenses militaires, à l'issue d'une réunion dédiée au budget de la défense, Paris le 1er décembre 2025.

Prononcé le 1er décembre 2025

Intervenant(s) : 

Texte intégral

Nous avons souhaité, avec la ministre des Armées, un moment assez particulier de préparation du débat que nous avons souhaité à l'Assemblée nationale et au Sénat, dans maintenant quelques jours. Débat assez exceptionnel parce qu'il sera suivi d'un vote. J'ai pris cette décision notamment en tenant compte du fait que la partie recette du budget de l'État ayant été repoussée à l'Assemblée nationale, ça n'a pas permis à l'Assemblée d'examiner l'ensemble des crédits de défense, et donc de dépenses de manière globale, et de la défense nationale en particulier. C'est un problème démocratique, étant donné qu'on est sur une augmentation particulièrement importante l'année prochaine – + 6,7 milliards d'euros pour nos armées – et donc, je considérais qu'il était important qu'on puisse avoir un moment spécifique dédié à ces sujets.

On est dans un moment où les enjeux sont considérables sur le terrain sécuritaire, on y est revenu. C'est un moment de rupture depuis la fin de la guerre froide, où les risques se cumulent, les risques évidemment terroristes, les risques sur l'ensemble du continent européen, mais enfin, aussi évidemment, en Indo-Pacifique. On le voit bien aussi avec la situation actuellement très sensible au Sahel, avec une pression terroriste qui continue de monter, un aléa important évidemment, avec une diplomatie américaine qui crée quelques incertitudes stratégiques au sein de l'ensemble euro-atlantique, et puis des engagements importants des armées françaises.

Et donc, cet après-midi, cette réunion nous a permis de donner un tout petit peu de visibilité sur ce qu'il y avait dans ces 6,7 milliards d'euros. Ils avaient été annoncés par le président de la République ici-même à Brienne – j'étais ministre des Armées à l'époque – le 13 juillet dernier. Et au fond, on ne veut pas prendre la représentation nationale en traître, on ne veut pas la prendre à revers en quelque sorte en leur disant : "Attention, parce que cette somme-là l'année prochaine, elle est clé pour nos militaires, elle est clé pour l'entretien de nos matériels, elle est clé pour un certain nombre de commandes sur des fonctions qui sont absolument critiques et essentielles". Et cela va durer dans le temps, puisqu'on est sur une augmentation de pratiquement 36 milliards d'euros entre 2026 et 2030.

Et donc, cette visibilité, on va la donner petit à petit à la représentation nationale, c'est pour cela que cette réunion avait lieu sans téléphone portable. Elle a permis de montrer les quelques éléments sur lesquels nous avions du retard, les quelques éléments sur lesquels nous avions des faiblesses, et on a beaucoup parlé du retour d'expérience sur l'Ukraine. À vrai dire, le retour d'expérience en ce début d'année sur ce qui s'est passé avec l'Iran dans les différentes dimensions nous a permis de tirer des conclusions opérationnelles sur lesquelles le CEMA, la DGA a fait des propositions au président de la République et au Gouvernement pour justement améliorer notre défense.

Alors, si l'enjeu est absolument considérable, il l'est aussi en matière d'indépendance parce qu'il y a une particularité aussi française – on est ici dans le bureau de CLEMENCEAU, juste à côté il y a le bureau du général DE GAULLE à l'hôtel de Brienne : c'est que nous avons fait un choix depuis les années 60, qui est de ne dépendre de quasiment personne pour nos systèmes d'armes. C'est vrai pour notre dissuasion nucléaire, c'est vrai pour notre système conventionnel : on ne veut dépendre ni de Pékin évidemment, ni de Moscou, mais enfin ni même de Washington ou même d'autres capitales européennes.

Cela veut dire que derrière cet enjeu budgétaire, il y a un enjeu industriel, il y a un enjeu de commande publique, il y a un enjeu de compétence, il y a un enjeu autour des neuf grands géants de notre industrie de défense, mais des milliers d'entreprises PME, parfois même TPE qui sont sous-traitants du secteur de la défense. Or, on a dû gérer une crise particulière en début d'année 2025 avec l'absence de budget, dans lequel on a eu des décalages de commandes importants, un décalage qu'on n'a pas complètement rattrapé – en partie sur l'essentiel oui heureusement, mais qu'on n'a pas complètement rattrapé. Et donc moi, je ne veux pas instrumentaliser la question de la défense nationale sur le terrain de politique intérieure, je ne l'ai jamais fait pendant trois ans et demi que j'étais ici comme ministre des Armées, la ministre a la même philosophie d'approche, mais c'est pour ça qu'on a souhaité une réunion retirée loin des micros, sans téléphone, pour donner de manière très transparente, sans mentir, sans exagérer non plus, quels pourraient être les effets du non-vote d'un budget pour l'État au 1er janvier 2026.

Et donc, la ministre s'est vue confier le soin d'imaginer un plan de contingence, si d'aventure il arrivait qu'il n'y ait pas de budget, pour justement documenter les retards, ce qu'il faudrait renoncer, et le donner à la représentation nationale avant le 31 décembre 2025, pour justement que le débat soit largement éclairé. Donc ça, c'est un des points essentiels pour moi dans l'approche que le Gouvernement a : pas de 49.3, ce sont les parlementaires qui évidemment doivent décider d'un compromis autour du budget pour la Sécurité sociale, autour du budget pour l'État.

Dans ce budget de l'État, il y a une augmentation qui est considérable. On parle de points de PIB, de déficit public, etc. Globalement, c'est 6,7 milliards d'euros d'augmentation pour les armées. C'est pratiquement plus de 0,2 point de pourcentage de notre PIB. Donc, on voit bien que celles et ceux qui disent : "On ne veut pas plus d'impôts", je peux les comprendre. Celles et ceux qui disent qu'il faut faire des économies, je peux les comprendre. Celles et ceux qui disent qu'il ne faut pas faire d'économies, je les comprends un peu moins. Mais enfin, la réalité, c'est qu'au milieu du paramètre, il y a un budget qui, lui, est en train d'augmenter de manière considérable depuis 2017. C'est le budget de la défense nationale, quasiment 31 milliards d'euros par an en 2017. On était à 50,5 cette année. Pratiquement 56, 57 milliards l'année prochaine. Donc, on voit bien que c'est quelque chose qui va prendre de plus en plus de place. Et si cette augmentation est importante pour l'année prochaine, elle continuera de l'être d'année en année puisqu'on est pratiquement, après sur des paliers d'augmentation de + 8 milliards d'euros, + 9 milliards d'euros.

Donc, je le dis sans fioriture et de manière la plus directe qui soit : c'est une question, l'augmentation des crédits militaires qui va durer, qui va s'imposer pendant la campagne présidentielle, dans laquelle il va falloir trouver aussi des éléments de cohésion, de solidarité, parce que je reste persuadé que notre indépendance, notre sécurité (mais j'ai bien commencé par notre souveraineté), notre capacité à ne dépendre de personne, elle est un héritage de nos grands anciens, dont tous les présidents de la République, tous les gouvernements, tous les parlements depuis 1958 ont su prendre soin, quelles que soient les circonstances politiques, quelles que soient les circonstances géostratégiques. Et désormais, là, il y a un point de rendez-vous très clair, un point de clarification important, qui est de dire, au fond : est-ce qu'on est capable d'isoler la défense nationale et les questions de sécurité et d'indépendance du reste du débat politique français, et d'être capable de s'accorder sur le fait qu'on doit tous converger pour celui-ci ?

Donc ça, c'est évidemment le travail qu'on a commencé avec les ministres ces derniers jours et sur lesquels nous allons continuer évidemment de nous tenir à la disposition des différents groupes politiques pour trouver justement une voie de compromis, sur lequel la question militaire est une question essentielle au regard de la masse budgétaire qu'elle représente. Avez-vous des questions ?


Journaliste
Est-ce qu'il est toujours prévu de présenter la loi de programmation militaire (LPM) actualisée d'ici la fin de l'automne comme annoncé ?

Sébastien LECORNU
L'idée, c'est déjà de s'assurer d'avoir les crédits pour l'année prochaine, si je peux me permettre, parce qu'une programmation militaire, ce sont au fond un escalier, des marches sur lesquelles si on rate une marche, c'est l'ensemble de la programmation qui déraille. Donc la réalité, c'est que tant qu'on n'a pas la certitude qu'on a bien un budget pour l'année prochaine, 2026, il est compliqué de se lancer dans la mise à jour de la programmation. Pour autant, si nous avons tenu cette réunion, c'est qu'on a donné déjà des éléments de cette programmation telle qu'elle est prête, telle qu'elle a été préparée, telle qu'elle est prête depuis le 13 juillet et telle qu'elle continue d'être mise à jour au fur et à mesure par la ministre, les états-majors, la DGA en lien avec nos industries de défense. Donc oui, il y a une programmation qui peut être proposée au Parlement, qui reposent sur des surmarches avec des thématiques, guerre électronique, espace, trame de surface, c'est-à-dire nos bateaux de surface, la trame chasse, c'est-à-dire l'aviation de chasse. Bref, on a présenté tout ça il y a quelques instants. Le 50-1, ce débat avec ce vote à l'Assemblée nationale et au Sénat va nous permettre de voir s'il y a une volonté d'avancer ou pas sur le sujet. Mais j'insiste, sans budget pour l'année prochaine, il est compliqué de continuer à programmer, c'est-à-dire à passer des commandes nouvelles, si on n'est pas certain déjà de sanctuariser, de protéger l'enveloppe pour l'année prochaine.

Louis GUARINO
Monsieur le Premier ministre, Louis GUARINO pour La Tribune de l'Assurance. Une question sur le financement de la BITD. Nous sommes à plus de 8 mois du lancement à Bercy que vous avez réuni. Où en est-on sur les financements publics, privés, investisseurs, institutionnels ? La DGA a lancé en juin un club des investisseurs de la Défense. Est-ce qu'on peut avoir un point d'étape ?

Sébastien LECORNU
Alors les choses ont avancé, déjà, je pense que les banques elles-mêmes déjà ont évolué. Le premier combat qu'on a dû mener avec les ministres à l'époque, c'était de faire en sorte que l'ensemble des PME qui avaient des difficultés à accéder à des produits bancaires parce qu'elles étaient dans la filière défense, ces difficultés soient levées. Je rappelle quand même que certaines entreprises avaient des difficultés de trésorerie et leur banque leur répondait "mais vous participez à la dissuasion nucléaire française donc vous êtes en lien avec une arme dite controversée donc on ne peut pas vous donner de crédit ou de prêts bancaires". Tout ça n'avait absolument aucun sens. Donc ça évidemment c'est quelque chose qu'on a déjà réussi à repousser. Moi, je remercie l'ensemble des banques parce qu'elles ont su faire preuve de patriotisme. Ensuite, il y a la question des financements nouveaux, être capable de générer du financement, parce que tout n'est pas que de la commande publique ou du crédit public. Là, la BPI, une banque publique, a montré l'exemple et on a effectivement un certain nombre de produits d'assurance-vie qui sont en train d'être proposés petit à petit. Donc là, ce n'est pas le Gouvernement qui en est le responsable, ce sont évidemment la place bancaire et les assurances qui sont en train de le faire. Mais enfin, petit à petit, comme jadis on l'a eu sur l'environnement, sur l'énergie, sur le logement, on commence à avoir des produits financiers qui sont proposés pour financer la défense. C'est heureux parce qu'on a besoin d'argent privé, évidemment, pour arriver à développer des entreprises. C'est la différence entre de l'argent public pour acheter du matériel. Mais l'entreprise, elle, pour monter en puissance, embaucher, avoir des investissements, être capable de faire de la R&D, d'avoir ses propres brevets, par exemple, a besoin, évidemment, de fonds privés, comme dans n'importe quel modèle économique. Donc, heureusement, les lignes sont en train de bouger, mais les ministres auront l'occasion d'y revenir.

Journaliste
On a bien compris cette volonté de ne pas instrumentaliser les questions de défense. Néanmoins, ce débat et ce vote au Parlement sur ces questions, de quelle manière est-ce que vous pensez que ça peut pousser à des votes favorables sur le budget de l'État ?

Sébastien LECORNU
Je pense que le vote du budget est une question politique et globale, donc la seule question de la défense nationale ne peut pas suffire à emporter un vote. Je ne considère pas autre chose. La deuxième des choses, celles et ceux qui disent en revanche que l'absence de budget n'a pas d'impact, mentent. Et d'ailleurs, on l'a bien vu cette année. Toutes celles et ceux qui disaient mais ce n'est pas grave, les mêmes parfois posaient des questions au gouvernement 3 ou 4 mois plus tard en disant : mais comment ça se fait qu'il n'y a pas de commandes ? Bon, ben là, ce que je veux c'est que la transparence et la responsabilité soient faites en disant on a le droit dans cette démocratie de ne pas voter le budget, pas demander un impératif, on n'a pas le droit de dire que ça n'a pas de conséquences, on n'a pas le droit de mentir. Et ça c'est important parce que beaucoup de PME ont trinqué quand même de l'absence de budget ou en tout cas de l'adoption trop tardive d'un budget. La troisième des choses, c'est qu'on ne peut pas aussi concevoir la France comme étant une île. Et que notre capacité à avoir un budget pour la Sécu dans les temps et un budget pour l'État dans les temps, surtout pour la Défense Nationale, est quelque chose qui sera noté à la fois par nos alliés, mais aussi par nos compétiteurs. Et donc, c'est pour ça que je cherche à créer le consensus le plus grand possible autour des crédits militaires, parce qu'au fond, il y a une particularité, il y a un point commun parmi toutes les familles politiques, de LFI jusqu'au RN dans l'hémicycle, c'est que tout le monde réclame de la souveraineté. Tout le monde veut de l'autonomie voire de l'indépendance. Et c'est aussi ce moment de clarification. On ne peut pas d'un côté dire : on ne vote pas le budget des armées, pas de budget, puis dès qu'il y a une entreprise qui est en difficulté, dire : il faut la nationaliser. Il y a quelque chose qui ne va pas. Et au fond, il y a quand même un héritage gaullo-mitterrandien dans ce pays qui mène à l'affirmation d'une volonté forte de souveraineté et d'indépendance. Je le redis, personne ne dit, ah ben ce n'est pas grave, on peut faire des économies, on n'a qu'à acheter américain. Ah ben, c'est sûr qu'acheter des armes américaines pourrait nous mener à faire des économies. Je ne le proposerai jamais. Ce n'est pas notre histoire, ce n'est pas notre stratégie. En revanche, on ne peut pas dire aux Françaises et aux Français que pour tenir le choc, y compris au moment où il y a des ruptures technologiques importantes en matière spatiale, en matière d'intelligence artificielle, en matière de quantique, en matière de crypto, on ne peut pas dire que ça ne demande pas des investissements importants. Il y a quelque chose, un peu, qui ressemble à une ambiance années 60, malgré tout, en ce moment, au moment où Pierre MESSMER, Michel DEBRAY, sous l'autorité du général de GAULLE, ont dû emmener des formations politiques qui étaient très divisées. Alors, évidemment, il y avait la question de la guerre d'Algérie à l'époque, mais enfin, il y avait surtout aussi la guerre froide dans laquelle il fallait positionner la France dans cet ensemble mondial qui était en train de bouger. Au fond, on ne peut pas décaler, on ne peut pas désaxer, on ne peut pas isoler le débat budgétaire national de la compétition internationale. Ou alors, ça revient à dire qu'on n'est plus la France, et qu'on n'est plus une puissance, et qu'on décide de renoncer à un certain nombre de nos outils qui permettent d'affirmer notre liberté. J'insiste, les crédits militaires ne sont pas là pour faire la guerre, ils ne sont pas là pour aller mener une agression. Ce sont des crédits de défense, de protection, de dissuasion nucléaire, mais aussi de découragement conventionnel. Et ça permet derrière aussi d'avoir un ruissellement du militaire vers le civil. Parce que sur certains euros que vous dépensez en matière d'industrie de défense, vous avez un ruissellement civil. On sait tous qu'il y a une adhérence importante en matière spatiale par exemple. Et donc l'euro que vous mettez sur du spatial militaire, vous le retrouvez évidemment sur du spatial civil. Donc au fond, c'est paradoxal parce que je suis en train de vous dire qu'il y a des sujets qui peuvent être des sujets d'union. Et en même temps, on voit bien que le compromis peut être difficile sur le budget. Mais c'est aussi un peu la méthode que j'essaie d'avoir depuis plusieurs semaines. C'est parfois de redémarrer par des sujets sur lesquels je sens qu'il y a des points communs, je sens qu'il y a des convergences. Pourquoi j'ai cité la Défense l'autre jour à Matignon avec l'agriculture, avec l'énergie ou avec la réforme de l'État ? parce que de mes nombreuses consultations, y compris en privé, je vois bien qu'il y a des convergences importantes sur ces thématiques. Et donc, plutôt que de mettre toujours en avant les lignes rouges, parce que ça, pour le coup, on ne manque pas de personnes pour les mettre en avant, c'est d'essayer de mettre en avant des thématiques sur lesquelles l'ensemble des formations politiques doivent pouvoir se retrouver. C'est clé, parce que c'est le budget.

Journaliste
Monsieur le Premier ministre, en parlant de budget, il y en a un autre qui revient à l'Assemblée demain, vous y siégerez d'ailleurs, c'est celui de la sécurité sociale. Tout à l'heure, les dirigeants socialistes que vous receviez à Matignon à la mi-journée semblaient plutôt optimistes, plutôt confiants sur l'aboutissement d'un compromis ; ils disaient que ça allait dans le bon sens. Le problème, c'est que vos alliés, du socle commun jusqu'au LR, semblent beaucoup moins optimistes et beaucoup plus circonspects. Qu'est-ce que vous pouvez leur dire ce soir pour les rassurer et tenter de trouver le point d'équilibre sur ce PLFSS ?

Sébastien LECORNU
Moi, je ne suis pas là pour rassurer les gens. Les parlementaires ils ont du pouvoir, ils sont là pour rassurer les Français sur le fait qu'il y aura bien un budget pour la sécurité sociale dans les temps. Ils sont là pour rassurer les partenaires sociaux dans le paritarisme qui est le nôtre, pour expliquer que les caisses pourront fonctionner. Ils sont là pour rassurer le monde hospitalier en disant qu'il y aura une visibilité sur les tarifs. Ils sont là pour rassurer les marchés financiers aussi pour lesquels on doit beaucoup emprunter, pour notamment notre modèle social. C'est bien notre problème d'ailleurs, la ministre a été ministre de ces questions, elle pourrait en parler bien mieux que moi. 23 milliards d'euros de déficit de la Sécurité sociale. Et s'il n'y a pas de PLFSS, ça sera 30 milliards. Donc moi je ne suis pas un papa qui est là pour rassurer ou inquiéter les gens. C'est juste qu'à un moment donné, chacun doit faire son job. Et moi, je veux faire le mien pour que cette deuxième lecture, parce que ce n'est pas la première lecture, c'est la deuxième lecture ; c'est-à-dire que c'est la dernière ligne droite qui permet d'avoir un compromis et qui doit nous permettre justement de doter la sécurité sociale d'un budget, sachant que la sécurité sociale, ce n'est pas un objet politicien. On fête son anniversaire, 80 ans, on revient aussi à l'héritage. C'est un peu comme la défense. Il ne faut pas que la vie politique du moment, elle vienne abîmer aussi quelques beaux héritages. Or on le voit bien, il y a un enjeu de vieillissement de la population, il y a un certain nombre de dépenses qui ne sont plus pilotées, et ça amènera des réformes importantes. On sera heureux d'ailleurs d'entendre les candidats à la présidentielle nous dire comment ils comptent faire parce que ceux qui parfois donnent des lignes rouges ne sont pas forcément ceux qui nous ont donné beaucoup de solutions, ni de recettes de réformes entendues et crédibles pour l'avenir parce qu'on voit bien que…

Journaliste
[inaudible].

Sébastien LECORNU
Bah ça vous n'en savez rien, et moi non plus.

Journaliste
Vous faites les comptes comme tout le monde, j'imagine, pour l'instant, si on en croit les déclarations publiques des uns et des autres, ça ne passe pas.

Sébastien LECORNU
Si j'avais écouté les déclarations publiques des uns et des autres, je ne serais pas devant vous cet après-midi en train de vous parler comme Premier ministre.

Journaliste
Monsieur le Premier ministre, si c'est rejeté, justement, est-ce qu'il y a d'autres véhicules législatifs possibles ? Vous dites toujours : "pas de 49.3". Est-ce que vous êtes ouvert à une loi spéciale ?

Sébastien LECORNU
Mais il n'y a pas de loi spéciale possible pour la Sécurité sociale. Et merci de me poser la question, parce que vous voyez, les contre-vérités et parfois aussi les échappatoires…

Journaliste
[inaudible] prélèvement de la sécurité sociale, l'année dernière ça avait été fait.

Sébastien LECORNU
Ah non. Non, non, ça c'est l'emprunt pour la Sécu. Ça n'a rien à voir. Ah bah non, il n'y a pas de loi spéciale pour la Sécurité sociale.

Journaliste
Non, d'accord… Mais… [inaudible].

Sébastien LECORNU
Et sur le budget de l'État, vous avez une loi spéciale. Pour la Sécurité sociale, comme le PLFSS a été inventé bien après la loi spéciale, la loi spéciale n'embrasse pas la Sécurité sociale. Donc moi, je vais vous inviter à répondre… à poser cette question à celles et ceux qui vont refuser de voter le budget de la Sécu. Qu'est-ce que, eux proposent, une fois que le budget de la Sécurité sociale ne sera pas adopté, sachant qu'il n'y a pas de loi spéciale ?

Journaliste
Donc pas de 49.3, et pas d'ordonnance non plus ?

Sébastien LECORNU
Mais il n'y a pas de 49.3, je me suis déjà engagé, et une fois qu'ils auront refusé, par définition, de voter le projet de loi de finances pour la Sécurité sociale, vous ne pouvez pas faire un 49.3, le match est fini. Donc je ne vous invite pas à poser la question aux membres du Gouvernement, parce que nous, nous ne pouvons pas voter, figurez-vous. Et donc je vous invite à poser la question à chaque groupe politique en disant, mais au fond quels sont les éléments de compromis qu'ils mettent sur la table qui permettent à la France d'avoir un budget pour la Sécu ? Et je précise bien que personne ne pourrait comprendre une surpolitisation de la question de la Sécurité sociale, parce qu'au fond, l'acte de voter le PLFSS, le projet de finance pour la Sécurité sociale, n'est pas du tout la même démarche politique que d'ailleurs aller faire passer un budget pour l'État, on le sait tous en plus dans notre histoire. Donc là c'est sûr qu'il y a un moment de responsabilité, on l'a souvent dit. Moi je respecte les opinions des uns et des autres, j'ai même été amené à endosser des idées qui n'étaient pas les miennes pour faire avancer le débat et le compromis. Mais c'est certain qu'à la fin, il faut que ça rentre dans la vie des gens. Et donc à un moment donné, les parlementaires ils sont là évidemment aussi pour voter, pour débattre, pour amender. Ils ont le droit aussi de se parler entre eux, entre groupes, ils ne sont pas obligés de passer que par les ministres ou par la presse pour le faire, qu'ils n'hésitent pas aussi à faire leur travail de parlementaire. Je le dis avec gravité parce que je vois bien ce moment dans lequel, au fond, on se tourne vers le Gouvernement en disant que c'est au Gouvernement de trouver la solution. Je saurais trouver les solutions à chaque fois qu'il faut, au fur et à mesure du débat, je l'ai fait en première lecture, je le ferai demain en allant moi-même au banc pour le début de la deuxième lecture du projet de loi de finance pour la Sécu, mais une fois de plus, personne ne pourra se dérober de sa propre responsabilité. Jamais sous la Ve République, un député ou un sénateur n'a eu autant de pouvoir. Et c'est sûrement une bonne chose, et n'en déplaise à certains.

Journaliste
Votre engagement sur le 49.3, il est ferme et définitif, même si les socialistes vous demandent de revenir dessus ? Vous ne reviendrez pas dessus ?

Sébastien LECORNU
C'est quand même absolument incroyable de voir que pendant des années…

Journaliste
Vous entendez le débat ?

Sébastien LECORNU
… pendant des années… Non mais juste, parce que j'ai beau être jeune, je suis déjà un jeune vieux, comme aiment à le dire certains. Pendant des années, tout le monde a dit, passage en force, le 49.3 c'est abominable, c'est un déni démocratique, etc. Bon, moi je n'ai jamais considéré ça, jamais. Quand j'ai été nommé, je vous ai dit, il y a quelque chose de bizarre à ce servir du 49.3 pour deux raisons. 1) Michel DEBRÉ l'a imaginé pour discipliner sa propre majorité, une majorité très relative, et ce n'est pas elle qui a besoin d'être disciplinée, elle a besoin de trouver un compromis avec les oppositions. Puis la deuxième des choses, je lui dis, il y en a marre d'avoir aussi des actes qui déresponsabilisent tout le monde. Et d'ailleurs, vous le voyez bien dans les questions que vous me posez, on revient à ça. Moi, j'appelle à la responsabilité de chacun. Chaque Française et chaque Français doit savoir pourquoi il a voté pour son député aux dernières élections législatives. Ça me semble salutaire pour la démocratie représentative, même si ça agace certains. C'est bon, merci beaucoup, merci infiniment. Je vous ai répondu.

Journaliste
Merci beaucoup.


Source https://www.info.gouv.fr, le 2 décembre 2025