Texte intégral
APOLLINE DE MALHERBE
Excellent réveil à tous, il est 7h40 sur RMC. Il faut trouver au moins 25 millions d'euros d'ici demain pour sauver l'entreprise française BRANDT. Les salariés se mobilisent, mais vous aussi Sébastien MARTIN, bonjour,
SEBASTIEN MARTIN
Bonjour,
APOLLINE DE MALHERBE
Vous êtes le ministre délégué chargé de l'industrie. Est-ce que l'État est prêt à mettre au pot pour sauver BRANDT ?
SEBASTIEN MARTIN
Oui d'ailleurs je l'ai dit, je me suis rendu sur place hier matin à Orléans, rencontrer les salariés, rencontrer les élus, et effectivement, l'État est prêt à accompagner le projet. J'ai annoncé un soutien en hauteur de 5 millions d'euros, ce qui aussi a déclenché un soutien de la métropole, et je tiens vraiment à remercier son président, Serge GROUARD en hauteur de 5 millions d'euros, et puis également la région, François BONNEAU a annoncé également un soutien à peu près à la même hauteur, donc on est déjà à peu près à 15 millions d'euros.
APOLLINE DE MALHERBE
Ok, qui dit mieux ? Il manque dix…
SEBASTIEN MARTIN
Eh bien il faut encore maintenant…
APOLLINE DE MALHERBE
24 h pour trouver dix millions.
SEBASTIEN MARTIN
Je profite de ma présence sur votre antenne pour dire aux banques qu'il faut qu'elles jouent le jeu, et dire aux banques qu'il faut qu'elles fassent un peu transpirer leurs règlements, parce que je sais qu'en 24 heures ce n'est pas facile de trouver comme ça, de prendre des engagements pour accompagner un projet, mais derrière il y a quand même une entreprise qui représente 700 salariés aujourd'hui, des marques qui sont partout chez chacune des Françaises et des Français, et pas que les Françaises et les Français, et surtout il y a des savoir-faire, que moi j'ai vu hier, on m'a fait la démonstration de ce qu'on savait faire là-bas, des technologies qu'on utilisait, c'est pas du tout une entreprise du passé, bien au contraire, et donc je crois que je profite de votre antenne pour dire qu'il y a des gens qui veulent sauver l'industrie française, il y a encore 24 heures pour le faire, et d'être un peu patriote
APOLLINE DE MALHERBE
Alors je suis très touchée que vous pensiez que sur RMC les banquiers vont tout à fait tout changer et trouver 10 millions, je suis quand même un tout petit peu surpris que vous, ministre de l'Industrie, ça se passe comme ça en les prenant à partie sur une antenne de média.
SEBASTIEN MARTIN
Non mais il y a eu une réunion, hier.
APOLLINE DE MALHERBE
Ça veut quand même dire que les banquiers, aujourd'hui, ne jouent pas le jeu, vous êtes obligé de le dire publiquement.
SEBASTIEN MARTIN
Je dis aujourd'hui qu'on n'a pas beaucoup de temps, et que si on utilise les process…
APOLLINE DE MALHERBE
Pourquoi on n'a pas beaucoup de temps ?
SEBASTIEN MARTIN
Parce que demain matin, il faut que le dossier aille au tribunal.
APOLLINE DE MALHERBE
Parce que demain matin, le tribunal de commerce de Nanterre va donc décider du sort de BRANDT, il faut que le dossier soit ficelé.
SEBASTIEN MARTIN
Il faut que le dossier soit ficelé, qu'on ait des engagements à la hauteur de ce que sont capables de faire les collectivités et pouvoirs publics, il faut aussi que les investisseurs privés, que les banquiers, répondent à cet appel. Parce que derrière vous, c'est l'image de cette usine, moi j'y étais hier, il y a vraiment des gens qui sont attachés à un savoir-faire, il y a vraiment des marques. Je veux dire, BRANDT, c'est aussi DE DIETRICH, tout le monde connaît ces marques-là, et je pense que si à Noël, on a envie de faire quelque chose pour l'industrie française, il serait peut-être temps de se bouger.
APOLLINE DE MALHERBE
En gros, vous dites même quasiment qu'il faut acheter des BRANDT pour les mettre sous le sapin, dans les cadeaux de Noël. Relançons de manière patriotique, BRANDT.
SEBASTIEN MARTIN
Je dis juste que, ce qui a été fait, par exemple, avec DURALEX, c'est exactement dans la même région, parce que DURALEX était aussi dans la région d'Orléans. Aujourd'hui, c'est ce que cherche à faire un investisseur et les salariés de BRANDT, c'est-à-dire un scop. Exactement ce qui a été fait pour DURALEX. Et aujourd'hui, regardez, DURALEX est reparti. Alors peut-être qu'on peut faire la même chose.
APOLLINE DE MALHERBE
DURALEX est reparti, avec parfois des moments difficiles, mais avec aussi le public au rendez-vous. DURALEX, les salariés DURALEX, viennent de lever 19 millions d'euros de promesses d'investissement de particuliers, de tout un chacun, des Français qui ont décidé de mettre une part de leurs économies dans DURALEX. Le contexte, il est quand même difficile pour ce type d'entreprise. Et puis l'industrie, qui globalement souffre, je voudrais encore vous interroger sur ce dernier chiffre que l'on vient d'obtenir. Moins 0,3 % en novembre sur un an pour l'industrie automobile. STELLANTIS, qui va encore réduire fortement sa production en France d'ici 2028. Moins 11 % en trois ans. Est-ce qu'on est quand même au bout d'un cycle ?
SEBASTIEN MARTIN
Écoutez, la situation sur l'automobile, ça fait maintenant depuis 2019 qu'elle est difficile. Depuis 2019, on est passé d'un peu plus de 2 millions d'immatriculations, 2,2 millions, à 1,7 million d'immatriculations aujourd'hui. D'ailleurs, je réunis toute la filière en sortant de votre studio en fin de matinée. Il y a eu plusieurs effets. D'abord, les prix des automobiles ont énormément augmenté juste après la crise Covid. Ça a été lié notamment au problème de semi-conducteurs, à une montée en gamme. Aujourd'hui, les choses sont en train de bouger aussi sur l'automobile. On travaille sur le petit véhicule électrique notamment. Je crois qu'il y a des évolutions à voir.
APOLLINE DE MALHERBE
Ça peut rebondir ?
SEBASTIEN MARTIN
Ça peut rebondir, bien évidemment. Le marché de l'automobile, il n'est pas condamné. Bien évidemment que ça peut rebondir. D'ailleurs, au mois d'octobre, là, les chiffres de novembre, c'est une quasi-stabilité. Au mois d'octobre, le marché des immatriculations avait augmenté de presque 3% en France. Il y a aussi sur le véhicule électrique, et moi, j'en ai marre qu'on dise n'importe quoi sur le véhicule électrique, parce que le véhicule électrique, finalement, il a aussi tiré les ventes d'automobiles en France, puisque nous sommes arrivés, au mois de novembre, à un véhicule sur quatre vendu, qui est un véhicule électrique. Je rappelle qu'en 2019, c'était 1,9%. Donc, la marge de progression, elle est encore là pour arriver à 100% un jour. Mais aujourd'hui, on est à 25%. On est passé de quasiment zéro à 25%.
APOLLINE DE MALHERBE
Les 100%, c'est censé quand même être demain. C'est censé être en 2035, si on écoute l'Union européenne. Donc, on n'y est pas encore, quand même. En termes, je veux dire, d'achats, des particuliers, ils ne sont pas non plus au rendez-vous. On a pu mettre la charrue avant les boeufs.
SEBASTIEN MARTIN
Il y a encore des freins. D'abord, 2035, ce n'est pas demain. On est en 2025. Il reste encore 10 ans. C'est vrai que c'est un changement de technologie. Et un changement de technologie, ça s'accompagne, ça prend du temps. Donc, d'ailleurs, à ce sujet, la France dit une chose très simple. 2035, il faudra sans doute l'assouplir. Il faut privilégier l'industrie européenne.
APOLLINE DE MALHERBE
Et je voudrais qu'on accueille Vincent, qui nous appelle de Neuville-sur-Saône, dans la métropole de Lyon. Bonjour Vincent,
VINCENT, HABITANT DE NEUVILLE-SUR-SAONE
Bonjour,
APOLLINE DE MALHERBE
Vous êtes ingénieur, vous travaillez dans l'industrie spécialiste du repoussage, qui est donc une méthode, je crois, ancestrale de déformation des métaux. Et vous vouliez témoigner sur la difficulté aujourd'hui de l'industrie en France. Vous le vivez au quotidien.
VINCENT
C'est ça. Nous sommes, du coup, c'est une vieille technique qui existe depuis très longtemps. Et nous sommes un acteur majeur, du coup, dans l'aéronautique et la défense. Et on remarque, au fur et à mesure des années, qu'il y a de plus en plus de difficultés, de moins en moins d'acteurs qui pensent avec cette technologie, parce que c'est quelque chose qui est oublié, qui n'est plus appris à l'école.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous n'avez pas peur que ça disparaisse ?
VINCENT
C'est en train de disparaître, c'est sûr. Parce que même que ce soit pour les gens qui pensent à fabriquer des pièces par repoussage, ils n'y pensent plus parce qu'on n'en parle plus à l'école dans le cadre des développements. Mais aussi, surtout dans le cadre de la formation pure de repousseurs, elle n'existe plus depuis plus de 20 ans.
APOLLINE DE MALHERBE
Donc vous appelez à ce qu'on relance cette formation ?
VINCENT
C'est ça. Et c'est le cas dans tous les métiers, en fait, industriel pur, manuel, ou avec un savoir-faire exceptionnel, que ce soit dans les métiers simples de l'usinage, tout ça, on sait les fabriquer en commande numérique, mais on oublie vraiment la réalité de la réalisation.
APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce que la réindustrialisation, je vais poser la question tout de suite au ministre, est-ce que la réindustrialisation, ça ne passe pas aussi par ça ? C'est-à-dire par le fait que la formation remette le paquet sur les métiers de l'industrie comme celui de Vincent ?
SEBASTIEN MARTIN
Bien sûr, ce que dit Vincent est très vrai, c'est-à-dire que finalement, comme notre économie s'est tournée énormément vers les services et un peu moins vers l'industrie, les formations ont suivi le même mouvement. Et donc, vous avez certaines formations qui ont disparu et pourtant, dont on a besoin, et Vincent travaille plutôt dans des secteurs qui, en ce moment, que ce soit l'aéronautique ou l'armement, sont plutôt des secteurs qui sont en dynamique. Donc là, ce n'est pas forcément un problème de débouchés, c'est une question de compétence et de formation. Moi, je prône l'idée qu'il faut absolument que les formations se rapprochent beaucoup plus des territoires industriels. Les formations sont beaucoup plus concentrées dans les grandes villes, dans les métropoles, autour des métiers de services.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous pouvez faire quelque chose là-dessus ?
SEBASTIEN MARTIN
Bien sûr, on travaille dans ce qu'on appelle le programme territoire d'industrie. Il y a 164 territoires d'industrie à travers la France qui regroupent, en général, plusieurs intercommunalités. Un des sujets de travail, c'est le sujet des compétences. Et ça se fait, certes, avec l'État et avec l'éducation nationale, mais ça peut se faire aussi avec les organisations professionnelles. Il y a des CFA des métiers de l'industrie qui existent dans beaucoup de villes et qui sont soutenus dans le cadre de ce programme.
APOLLINE DE MALHERBE
L'Assemblée nationale a voté la nationalisation d'ArcelorMittal, vous en pensez quoi ?
SEBASTIEN MARTIN
Moi, j'en pense qu'on peut aussi tout nationaliser et puis penser que ça va régler les problèmes de notre économie. Mais nationaliser ArcelorMittal France, c'est-à-dire que vous prenez une entreprise, puis vous la coupez de son amont, c'est-à-dire par exemple le minerai qu'il va falloir mettre dans les forges pour pouvoir faire de l'acier. Puis vous la coupez de son aval, parce que le groupe ArcelorMittal, et ce qui est produit à Dunkerque par exemple, une grosse partie de la production va dans les entreprises du groupe ArcelorMittal.
APOLLINE DE MALHERBE
Quand vous regardez les Anglais, ils font ça pour BRITISH STEEL.
SEBASTIEN MARTIN
Oui, je crois qu'ils perdent 700 000 livres par jour.
APOLLINE DE MALHERBE
Donc pour vous, on ne peut pas le faire à paix comme ça ?
SEBASTIEN MARTIN
Moi, je veux bien qu'on fasse finalement un cadeau à ArcelorMittal, parce que si on nationalisait ArcelorMittal, d'abord, un, on fait un énorme chèque de 6 ou 7 milliards d'euros pour acheter ArcelorMittal, ensuite c'est nous qui prenons les pertes que lui absorbe à l'intérieur de son groupe d'un peu plus de 300 millions d'euros chaque année. Et ensuite, bien évidemment, on se coupe du reste du groupe, donc, on n'a plus l'amont pour mettre dans nos fourneaux et on n'a plus l'aval pour écouler notre acier. Donc, je trouve tout ça d'une logique absolument dingue, on a vu le RN et LFI se retrouver main dans la main pour un discours anti-économique qui n'avait ni queue ni tête.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 3 décembre 2025