Déclaration de M. Laurent Nuñez, ministre de l'Intérieur, sur la technologie au service de la sécurité intérieure, à Villepinte le 18 novembre 2025.

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Circonstance : Inauguration de la 24ème édition du salon Milipol Paris

Texte intégral

Monsieur le ministre des affaires intérieures de Singapour,
Monsieur le ministre d'État aux affaires intérieures du Qatar,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Madame la Ministre,
Monsieur le Préfet, Président des salons Milipol,
Mesdames et Messieurs les Préfets,
Mesdames et Messieurs les Industriels,
Mesdames et Messieurs,

C'est avec beaucoup de plaisir, d'honneur, et finalement beaucoup d'attentes, que j'inaugure ce matin la 24e édition du salon Milipol Paris, accompagné du ministre des affaires intérieures de Singapour et du ministre d'État de l'intérieur du Qatar. Leur présence à mes côtés rappelle, si besoin était, ce qu'est aujourd'hui le réseau Milipol : un réseau international de salons entièrement dédiés à la sécurité intérieure des États. Le seul, en réalité.

L'occasion ici pour moi de remercier sans attendre le préfet Yann Jounot, président des salons Milipol et PDG de Civipol Conseil, qui remplit la mission, depuis 2017, d'organiser, avec l'appui de son partenaire Comexposium, les différents salons Milipol en France et à l'étranger en partenariat étroit avec le Qatar, Singapour, l'Inde et demain le Brésil. En d'autres termes : la mission de faire rayonner l'excellence industrielle dans le domaine de la sécurité à travers le monde – ce qui, on s'en doute aisément, n'est pas une mince affaire.

Le salon Milipol Paris est un moment incontournable pour les acteurs de la filière industrielle de sécurité française qui représentent cette année un tiers des exposants. Cette filière, rappelons-le, est la deuxième filière nationale à la plus haute valeur ajoutée, après l'industrie chimique.

N'ayons pas peur de souligner également que la France dispose – sans en avoir toujours véritablement conscience, d'ailleurs – de la troisième filière de sécurité mondiale, après les États-Unis et la Chine. Depuis 2021, elle enregistre en outre une croissance annuelle moyenne de 6,7%, pour peser aujourd'hui plus de 52 milliards d'euros et employer plus de 370 000 salariés. C'est colossal.

Mais au-delà des chiffres, il est une réalité : au cœur des discussions du ministère de l'intérieur – auxquelles je participe pourtant de longue date - jamais la technologie n'avait été aussi présente. Contrairement sans doute à la Défense, la recherche et le recours à la technologie de pointe n'avaient pas, jusqu'il y a peu encore, revêtu un caractère opérationnel décisif pour les forces de sécurité intérieure, en dehors des besoins très spécifiques des forces spéciales, de la police technique et scientifique et du renseignement.

Je suis très clair : ce temps est aujourd'hui révolu. Avant la révolution technologique, il fallait une révolution des consciences et celle-ci a bien eu lieu, des services opérationnels jusqu'au Gouvernement.

Désormais, le foisonnement technologique ne saurait profiter à nos seuls adversaires. Du petit délinquant isolé qui récupère vos données personnelles sur le darkweb au réseau de criminalité organisée qui échange sur les messageries cryptées pour organiser et faire prospérer son trafic, en passant par la puissance ennemie qui ne se prive d'aucun ressort hybride pour mener sa campagne de déstabilisation : tous ces adversaires décomplexés tirent illégalement profit des opportunités technologiques. Les forces de sécurité intérieure ne peuvent, ni ne doivent plus, avoir de quelconques complexes à en faire de même pour l'exercice légal de leurs missions que sont la sécurité de nos concitoyens ou la protection de nos intérêts fondamentaux.

Dans la période récente, des avancées significatives pour les forces de sécurité sont à souligner. Ainsi, par exemple, du déploiement des nouveaux véhicules blindés Centaure de la gendarmerie ou encore de la mise en service progressive du réseau radio du futur (RRF). Le développement en cours de l'outil de traitement des données hétérogènes dit " OTDH " - dont j'ai connu les premiers balbutiements lorsque j'étais directeur général de la sécurité intérieure – est également à noter.

Mais en réalité, le besoin en technologie irrigue désormais tous les champs d'action du ministère de l'intérieur. Au-delà de ceux précédemment cités, ce besoin est tout aussi palpable dans les domaines de la sécurité civile – par exemple, pour améliorer la détection précoce des feux –, ou de la sécurité routière, ainsi que l'a démontré le développement récent des dispositifs d'éthylotests anti-démarrage dont on pourrait imaginer l'extension à d'autres substances psychoactives.

De façon peut-être plus pressante encore, cet appel technologique se fait ressentir dans la vie quotidienne des préfectures et le service qu'elles rendent chaque jour aux usagers. Il y a quelques jours seulement, le Premier Ministre s'exprimant devant les hauts fonctionnaires du ministère de l'intérieur, insistait encore sur le caractère absolument prioritaire de cette révolution numérique à mener jusqu'à son terme, dans le respect des plus hauts standards de cyber-sécurité. Il en va finalement de l'exigence et de qualité de la relation entre l'État et ses administrés. C'est aussi en sens que le ministère de l'intérieur poursuivra les développements de l'identité numérique régalienne " France Identité numérique ", grâce aux travaux menés par l'agence France Titres.

Mais ce besoin en technologie n'est pas seulement celui du ministère de l'intérieur : il est celui de l'ensemble de ses partenaires qui l'appuient dans le cadre du continuum de sécurité qui s'est largement développé et consolidé ces dernières années. Mieux nos partenaires de sécurité seront équipés en technologies, plus nos forces de l'ordre pourront se concentrer sur le cœur de leurs missions régaliennes qui ne peuvent être déléguées. C'est notamment dans cette logique que nous portons, dans le cadre du projet de loi qui vient d'être déposé au Sénat, la possibilité pour les polices municipales, de disposer de capacités nouvelles en matière de drones ou de lecture automatisée des plaques d'immatriculation, dans des cas strictement encadrés.

De même – et je le dis pour avoir été aux premières loges de son expérimentation offerte par la loi pour les Jeux olympiques et paralympiques de 2024 –, il conviendra absolument de pérenniser le recours à la vidéo-protection algorithmique en prévoyant que nos forces de sécurité puissent en faire usage dans le cadre de la sécurité du quotidien, au-delà des seuls grands évènements sportifs ou culturels pour lesquels le maillage des policiers et gendarmes sur le terrain est généralement déjà conséquent. Dans l'attente, la prorogation de cette expérimentation portée par la loi JOP 2030 est évidemment indispensable.

Après les JOP 2024, nombreuses sont les voix qui se sont élevées pour saluer la présence massive, visible et dissuasive de " bleu " dans les rues. De la même manière, dans l'affaire du Louvre, d'aucuns ont réclamé l'installation d'un commissariat in situ. Je vous le dis clairement : nous ne pourrons jamais pérenniser le niveau totalement inédit de forces de sécurité mobilisées pendant les Jeux ; et nous ne pourrons jamais armer à l'infini de nouveaux commissariats sur le territoire. Mais nous pouvons parvenir aux mêmes résultats en acceptant simplement d'orienter et de décupler les efforts de nos policiers et gendarmes grâce à la vidéo-protection intelligente.

Après la dernière édition du salon Milipol Paris qui avait mis en valeur les enjeux liés à la sécurisation des JOP 2024, je me réjouis d'ailleurs que le thème de l'intelligence artificielle, appliquée à la sécurité, ait été retenu pour servir de fil rouge aux conférences qui rythmeront cette 24e édition. Je n'ai pas de doute sur le fait que vos échanges, qui seront soucieux d'attester notre attachement inaliénable aux libertés individuelles, sauront mettre à mal les idées reçues – qui sont en fait souvent des idées sciemment véhiculées - sur l'usage de l'IA par nos forces de sécurité intérieure. Cessons une bonne fois pour toutes de refuser à ceux qui nous protègent ce que nous avons une telle propension à accepter par ailleurs dans nos vies quotidiennes.

Pour la première fois en 2025, la Revue nationale stratégique consacre la notion de « base industrielle de sécurité », au côté de la traditionnelle BITD, base industrielle de défense. Ce concept, que je reprends tout à fait à mon compte, exige que le ministère de l'intérieur renforce et resserre encore le dialogue avec le tissu industriel français dans le domaine des technologies de sécurité. Nous ne partons pas d'une copie blanche, loin de là : en mars dernier, le ministre François-Noël BUFFET, ministre auprès du ministre de l'intérieur a cosigné le second contrat stratégique de filière entre l'État et les industriels pour la période 2024-2027, au côté du ministre de l'industrie et de l'énergie et de la ministre déléguée à l'intelligence artificielle et au numérique.

Au-delà de cette plateforme de discussion absolument nécessaire, il nous faut aujourd'hui entrer davantage dans le concret. Des initiatives sont déjà en cours à travers la feuille de route " achats souverains " mise en place par le ministère dès 2023, comme les marchés d'innovation SMART MI et Innov Achat qui permettent de financer des projets portés par les services du ministère de l'intérieur ainsi que par les services départementaux d'incendie et de secours.

Plus structurellement, des travaux approfondis se poursuivent actuellement pour identifier les moyens de lever les verrous juridiques à l'expérimentation de solutions nouvelles, mais également pour permettre au ministère de recourir davantage aux partenariats d'innovation. Plus largement, nous le savons, il est nécessaire de pouvoir déverrouiller certains aspects de la commande publique et être en capacité, au vu du niveau inédit de menace auquel nous faisons face, d'ouvrir les marchés publics de défense et de sécurité au ministère de l'intérieur.

Les travaux qui s'engageront dans quelques semaines dans le cadre de la préparation de la prochaine loi de programmation du ministère de l'intérieur s'inscriront dans une approche capacitaire. Ils s'appuieront dès lors sur le réexamen des missions des forces de sécurité intérieure et de sécurité civile, et l'expression claire et fine de leurs besoins. A cet égard, la préparation de cette future LOPMI sera immanquablement l'occasion de redonner une impulsion nouvelle au dialogue entre le ministère de l'intérieur et la filière des industries de sécurité afin de favoriser l'émergence de solutions innovantes, adaptées au juste besoin et au juste coût.

A raison, nos concitoyens comme les autorités placent beaucoup d'ambitions dans nos forces de sécurité intérieure. Ne les privons jamais de l'excellence technologique qui est devenue aujourd'hui le premier moyen de ces ambitions.

Bon salon Milipol Paris 2025 !


source https://www.interieur.gouv.fr, le 4 décembre 2025