Texte intégral
PATRICK ROGER
Jean-François ACHILLI, votre invitée politique dans un instant sur Sud Radio. Je vous le disais, on a entendu les agriculteurs, les éleveurs du côté du sud-ouest à la sortie donc de la visite hier, de la visite et puis de la rencontre avec Annie GENEVARD, la ministre de l'Agriculture. La ministre de l'Agriculture justement qui vient d'arriver dans nos studios. Annie GENEVARD qui est votre invitée politique.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Bonjour à vous Annie GENEVARD,
ANNIE GENEVARD
Bonjour,
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Et soyez la bienvenue. Vous arrivez de l'avion, vous rentrez de votre tournée dans le sud-ouest auprès des agriculteurs. Vous avez entendu leur colère hier, ils sont inquiets. Est-ce qu'une décision est prise sur l'abattage des troupeaux ?
ANNIE GENEVARD
Alors je rentre effectivement d'Occitanie puisque, et c'est une région dans laquelle je suis allée à dix reprises depuis que je suis ministre. C'est une région, une grande région, une belle région, qui aujourd'hui, est traumatisée par l'arrivée de la maladie, la dermatose qui menace leurs troupeaux, de magnifiques troupeaux. Je suis allée dans une ferme, je me suis rendue à un moment capital qui est celui du lancement de la vaccination contre la maladie, vous voyez. La vaccination c'est quand même une lueur d'espoir, dans ce moment de désespoir et de crainte et de terreur de la maladie qu'éprouvent les éleveurs et que je peux comprendre. J'ai vu des cheptels magnifiques, des bêtes splendides, ils ont peur de les perdre.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Vous annoncez une vague de vaccination, Annie GENEVARD.
ANNIE GENEVARD
Oui, donc, il existe un vaccin efficace contre cette maladie et hier nous avons déployé le début d'une vaccination massive pour près de, entre 600.000 et 1.000.000 de bovins sur une large région avec un dispositif original que les Occitans m'ont demandé, c'est-à-dire qu'en plus de la zone où sévit la maladie, il y a une barrière sanitaire supplémentaire, un cordon sanitaire, parce que moi, j'ai aussi le souci de protéger le reste du pays. Il y a 125.000 éleveurs dans notre pays, 16.000.000 de têtes de bovins, donc, il faut aussi protéger tout le monde.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Vous entendez ce que disent les éleveurs en question, ils l'ont dit hier à la sortie de cette réunion avec vous : " Il n'y a pas assez de doses, vous n'avez pas assez anticipé ", qu'est-ce que vous leur répondez ce matin ?
ANNIE GENEVARD
Je dis que pas du tout.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
C'est ce qu'ils disent ?
ANNIE GENEVARD
Oui, mais bien sûr, c'est ce qu'ils disent, mais c'est faux. La vaccination a commencé, j'ai commandé 1.000.000 de doses il y a une semaine, ces doses arriveront en temps voulu et permettront de vacciner tout le monde. Donc, il n'y a pas du tout de problème au niveau de l'accès au vaccin, c'est en effet capital. C'est une énorme opération logistique, on va avoir besoin de nos vétérinaires, et je demande à tous les éleveurs de cette région de prendre soin de leurs vétérinaires, parce qu'ils sont quelquefois malmenés, et les vétérinaires sont absolument essentiels dans la gestion sanitaire de notre élevage.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Annie GENEVARD, très concrètement, quelle est la zone concernée, quels sont les départements qui sont menacés par cette épidémie ?
ANNIE GENEVARD
Alors, l'épidémie est apparue dans les Pyrénées-Orientales, il y a mi-octobre, et nous avons eu des cas qui ont été traités, et la vaccination est quasiment achevée dans les Pyrénées-Orientales. Mais sans doute y a-t-il eu des mouvements depuis les Pyrénées-Orientales sur le reste des départements, le long de la barrière pyrénéenne, ce qui oblige évidemment à élargir une zone de protection et de vaccination.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Donc là, les départements menacés, quels sont-ils ?
ANNIE GENEVARD
Alors, les départements, on a eu des cas dans les Hauts-de-Pyrénées, en Ariège, voilà, donc…
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Vous entendez ce que disent la coordination rurale, la Confédération paysanne, ce sont des hommes, des femmes, qui élèvent des bovins, ils vous demandent de tester un autre protocole, c'est au coeur de la contestation, les bêtes contaminées seraient écartées et les autres mises en quarantaine, nous sommes en hiver, il y a moins de mouches, ou plus de mouches pour l'instant, pour voir. C'est oui ou c'est non ?
ANNIE GENEVARD
Alors, d'abord, ce n'est pas qu'il y a moins de mouches, c'est qu'il y a encore des insectes piqueurs. Sinon la maladie n'existerait pas. Je voudrais dire d'ailleurs qu'à ce jour aujourd'hui, il n'y a plus de foyer actif de dermatose en France. Donc, sur le plan de la gestion du virus, les choses sont parfaitement gérées. La situation est sous contrôle. Il y aura d'autres cas, évidemment, puisque c'est une maladie extrêmement contagieuse. Et ce qui blesse profondément les éleveurs, ce qui les tourmente, c'est la peur de perdre leur bête et l'abattage auquel conduit l'arrivée de la maladie dans les cheptels. Ça, c'est quelque chose qui les fait terriblement, qui les angoisse. Et ils proposent un protocole alternatif, et c'est de ça aussi que nous avons parlé hier, lors d'une réunion qui a duré quand même près de deux heures. Donc, vous voyez, on a dialogué. Le canal de discussion…
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Vous avez dit que vous étiez ouverte au dialogue. Ils ont eu la sensation que vous alliez accéder à cette demande.
ANNIE GENEVARD
Oui, mais être ouverte au dialogue, ça ne veut pas dire exiger la réponse que l'on attend, ça veut dire être capable d'en parler. Et nous en avons parlé pendant près de deux heures hier soir. Donc le canal de discussion, il est constant avec eux et il doit le demeurer. Donc moi, je vois que cette question, évidemment, concentre la difficulté dans laquelle nous sommes et conduit à pas mal de violences que je regrette. Moi, je pense qu'il faut pouvoir aborder les choses avec sans froid.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
On va y venir, mais sur la question qui est posée…
ANNIE GENEVARD
Je vais faire... Non, mais monsieur ACHILLI, permettez-moi une question complexe. On ne peut pas répondre de façon simpliste. Ce que j'ai proposé, parce qu'il est très difficile de faire accepter ce qui, pour eux, est inacceptable. Donc, ils ont fait des propositions de protocoles alternatifs. J'ai dit que j'étais prête à les examiner, mais je vois bien que ça ne les satisfait pas complètement. Donc hier soir, à l'issue de cette réunion, j'ai fait une proposition qui a fait l'objet d'un communiqué de presse qu'on a porté à leur connaissance. Je veux que les représentants de ce territoire, les représentants des éleveurs, quatre représentants puissent venir discuter avec des autorités sanitaires et scientifiques indépendantes. Il faut, à un moment, que ces deux mondes se parlent, parce que le politique, lui, il a une responsabilité. C'est celui de permettre les conditions du dialogue et aussi de la résolution du problème. Mais dans le respect mutuel, moi, je voudrais dire que ces éleveurs vivent un moment extraordinairement douloureux. Et que je le partage, je le comprends. Et que plus vite on sort de cette maladie, plus ils retrouveront une vie normale avec leurs chers animaux.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Donc, il va falloir proposer de participer à une sorte de, appelons ça comme ça, de cellule de crise scientifique.
ANNIE GENEVARD
Exactement, c'est une cellule de crise qui va mettre côte à côte, autour d'une même table, des experts en santé animale. Et ces représentants, généralement, je pense que ce seront des présidents de chambre. J'ai demandé au préfet de région et à la présidente de la région Occitanie de me faire des propositions pour composer ce groupe, ce petit groupe, parce qu'il ne faut pas un énorme groupe. Il faut un petit groupe qu'ils se parlent, qu'ils se comprennent et que ces experts examinent le protocole qu'il aurait proposé en sachant que ce qui doit nous guider absolument, c'est la sécurité sanitaire des troupeaux.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Il viendrait à Paris, ça se passerait ici, dans la capitale.
ANNIE GENEVARD
Oui, je pense que ça peut se passer ici.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Annie GENEVARD, vous évoquez la complexité, vous avez raison. Il y a eu cette vidéo qui a énormément tourné sur les réseaux sociaux. L'un des syndicalistes agricoles, je vais lire, je vais vous citer ce qui a été dit hier soir, à qui vous avez fait l'annonce, donc a déclaré à la sortie, je le cite : " Elle, c'est vous, pardonnez-moi, va consulter les scientifiques de renom sur notre protocole. Vous avez donc fait l'annonce, effectivement. Alternatif, on aura peut-être une réponse, dit-il, en janvier, février, mars, avril. En attendant, on va continuer, je le cite, à buter les vaches ", dit-il. Que lui répondez-vous ? Est-ce que ça peut aller relativement vite ? Parce qu'il s'inquiète, pendant ce temps, le protocole qui s'applique continue.
ANNIE GENEVARD
Non, mais ce qui est nouveau dans la démarche, c'est qu'il n'y a pas Paris, les scientifiques qui décident, et le terrain, l'Occitanie, qui obéit. Là, maintenant, je veux qu'ils se mettent autour de la table, sans les politiques. Voilà, il faut que ce soit des organismes indépendants qui puissent parler à des représentants du monde agricole, des éleveurs, qui puissent dialoguer, et qu'ils recherchent ensemble la meilleure façon de se protéger de cette maladie. Moi, mon objectif, mon impératif absolu, c'est qu'on protège le monde de l'élevage de cette maladie redoutable qui peut décimer les troupeaux à une vitesse fulgurante. Il faut que ça se fasse très vite.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Très vite. C'est là-dessus que les éleveurs s'inquiètent. Vous comprenez, parce que pendant ce temps, les troupeaux sont supprimés.
ANNIE GENEVARD
Il faut que ça se fasse très vite, parce qu'il y a une très forte attente sur le terrain, et moi, je voudrais dire, parce que j'ai, évidemment, je lis, je vois, j'entends, et puis je les avais surtout en face de moi, hier, pendant deux heures, il y a un niveau de tension extrême qui est propre à un territoire qui est en souffrance, et pas seulement avec la dermatose, qui est un territoire qui connaît des difficultés structurelles.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Alors, les mots sont très durs, il faut les dire, les mots. Nous sommes là pour ça, Annie GENEVARD. Parmi les autres intervenants, il y a Lionel CANDELON, qui préside la chambre d'agriculture du Gers, qui est de la coordination rurale, qui dit : " J'ai pris un millier de grenades en Ariège, il était présent, il est hors de question que j'annonce à des éleveurs qu'on abattra le troupeau si une bête est malade, vous connaissez l'argument, si la ministre ne veut pas l'entendre, on arrachera des routes, on fera sauter des ponts ", il y a une détermination très forte, et une blessure, vous évoquez tout à l'heure ce qui s'est produit en Ariège, vous regrettez.
ANNIE GENEVARD
Alors, écoutez, les circonstances ont été celles que vous connaissez, moi bien sûr, je regrette ce qui s'est passé, ce sont des images qu'on déteste voir, des agriculteurs en face de forces de sécurité, bien sûr que je veux tout faire pour éviter que les choses ne se reproduisent. Malheureusement, ils ont été aussi un peu infiltrés, et vous le savez, par des casseurs, des gens qui voulaient en découdre, qui ont fait monter un niveau de tension à un point extrême. Mais maintenant il faut être dans le dialogue et dans la recherche de solutions parce que la violence... Bon monsieur le président de la Chambre du GERS est connu pour être très vocal et très menaçant, ce n'est pas par la menace et la violence qu'on y arrivera. C'est pour ça qu'il faut en permanence tout faire pour maintenir le dialogue. Moi vous savez, quand je suis allée hier en Occitanie, je savais que ce ne serait pas facile. J'avais en moi une assemblée qui est tellement angoissée à l'idée d'être touchée par la maladie que cette angoisse, comme toujours c'est humain, s'exprime par la violence des mots. Mais attention, attention, quand je vois qu'il y a des vétérinaires qui sont menacés, je dis : " Ça c'est grave " parce que les vétérinaires, on en a un impérieux besoin et la plupart du temps d'ailleurs, les choses, les relations se passent bien, mais ça vous donne la mesure du niveau de violence qui existe sur ce territoire, qui doit absolument, il faut absolument que la pression redescende.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
... de la violence, vous dites. Oui. Mais là vous avez des barrages qui vont se poursuivre, il y a une détermination très forte dans le sud-ouest. Annie GENEVARD, est-ce que, pardonnez-moi l'expression, mais les blindés contre les tracteurs ou contre les vaches, c'est terminé ? Il n'y aura pas d'envoi de la force publique parce qu'à un moment donné, il va peut-être falloir lever des barrages ?
ANNIE GENEVARD
Il faut que l'ordre public soit respecté, bien sûr, et quand il n'est pas respecté, il faut que ceux qui en ont la mission et dont c'est la profession puissent évidemment garantir à tous les citoyens la sécurité, la liberté de circulation. C'est nécessaire surtout au moment de Noël. Moi, je voudrais dire à tous ceux qui bloquent, par exemple l'accès au centre-ville où les gens vont faire leur course pour Noël, voilà, il faut penser à tous ceux dont c'est le gagne-pain quand même. Donc moi ce que je souhaite, c'est que cette proposition que je fais soit de nature à permettre…
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
La cellule scientifique.
ANNIE GENEVARD
Voilà, une cellule de dialogue scientifique qui doit se réunir rapidement et qui doit examiner rapidement avec les auteurs qui seront en face d'eux les termes de ce protocole pour voir s'il est suffisamment protecteur contre la maladie. C'est ça la question qui est posée. Et quand le politique répond, on dit le politique est déconnecté, il ne connaît pas le terrain. Là, ce sont des gens qui sont experts en santé animale, donc ils savent de quoi ils parlent. Comme les éleveurs savent aussi de quoi ils parlent.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Bien évidemment.
ANNIE GENEVARD
Parce qu'ils connaissent leurs animaux.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Ils connaissent leur métier.
ANNIE GENEVARD
Mais cette maladie, elle est nouvelle en France. On ne la connaissait pas.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Annie GENEVARD, Sébastien LECORNU convoque une réunion ce matin à Matignon. Évidemment, vous y participez auprès des chefs. Est-ce à dire que le Gouvernement, désormais, s'inquiète de la situation de blocage qui arrive ?
ANNIE GENEVARD
Le Gouvernement, légitimement, et c'est son rôle, ne peut pas sous-estimer la crise agricole qui se déploie, qui résulte de plusieurs choses. Je voudrais en dire quelques mots. Il y a effectivement l'arrivée de cette maladie qui est peut-être l'épreuve de trop. Voilà. C'est une épreuve très forte que subit le monde de l'élevage. C'est peut-être l'épreuve de trop.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
De trop.
ANNIE GENEVARD
Ça veut dire par là que c'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase, parce que le monde de l'agriculture, et surtout dans cette région où il n'y a pas assez d'eau pour cultiver, où il y a des contraintes normatives qu'ils ne comprennent pas, où la maladie, désormais, sévit dans les cheptels, où les grandes cultures vont être assujetties à une taxe carbone qui va déséquilibrer un peu plus les conditions économiques de leur activité. Et puis il y a le Mercosur. Tout ça, évidemment, contribue à nourrir le sentiment de déclassement, de difficulté, d'abandon. Donc voilà pourquoi je dis que c'est la goutte qui a fait déborder le vase.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Nous allons évoquer le Mercosur. Vous parliez de la présence de casseurs parmi les éleveurs, éventuellement. Vous craignez que la colère soit instrumentalisée, désormais ?
ANNIE GENEVARD
Non. Je n'ai pas parlé de…
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Vous avez vu ? Certains disent : " Ah ! il y aurait peut-être même des influences étrangères ". Ça tourne.
ANNIE GENEVARD
Je ne dis pas du tout que les casseurs étaient des agriculteurs. Mais on le sait. Enfin en tout cas, c'est ce qui m'a été dit par le ministre de l'Intérieur. Il y avait des gens cagoulés qui sont arrivés avec des cocktails Molotov, des armes, et qui ont infiltré... Mais comme toujours, ce n'est pas nouveau, si vous voulez. Donc de possibles influences étrangères. En tout cas, la question se pose aujourd'hui dans le traitement des réseaux sociaux.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Ce serait quoi par exemple ?
ANNIE GENEVARD
Vous le savez bien. Moi, je ne suis pas spécialiste de ces questions.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
La Russie. A chaque fois, on pense à la Russie.
ANNIE GENEVARD
En tout cas, c'est regarder comment la crise agricole pourrait être exploitée par des gens qui ne nous veulent pas forcément du bien. Moi, je ne suis pas complotiste donc je ne vais pas me prononcer sur un terrain que je ne connais pas vraiment.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Le Mercosur, Annie GENEVARD. Est-ce qu'Emmanuel MACRON va obtenir de la part de madame Ursula VON DER LEYEN un report de l'examen de l'accord ? Est-ce que c'est possible ?
ANNIE GENEVARD
Je l'espère. Je l'espère parce qu'il faut qu'Ursula VON DER LEYEN comprenne que - et pas seulement en France - ce projet d'accord suscite beaucoup d'interrogations voire de rejets. C'est le cas de la Pologne, de la Hongrie, de l'Autriche. L'Italie elle-même a des réticences. Pourquoi ? Tout simplement parce que j'ai toujours dit, moi, chacun connaît mon opinion. Je me suis suffisamment exprimée sur le sujet. C'est un accord d'un autre âge qui n'est pas suffisamment protecteur, qui expose des filières sensibles, qui intervient à un moment où les agriculteurs se sentent accablés de normes dont on exonérerait les producteurs de ces importations de boeuf. Le boeuf, en plus, en ce moment. Le boeuf, la volaille, le sucre, l'éthanol. Tout ça est vécu comme quelque chose d'insupportable.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Vous savez ce qu'on dit, ce sont des vaches contre des limousines, mais des voitures. Vous pensez qu'il y aura un bras de fer MACRON-MERZ, le chancelier allemand ? Et est-ce que l'Italie de madame MELONI peut voler à notre secours pour constituer cette minorité de blocage, sans rentrer dans le détail de la machine de Bruxelles ?
ANNIE GENEVARD
Alors je ne sais pas. Nous avons travaillé avec mes collègues des Affaires européennes pendant des mois à la constitution d'une minorité de blocage, ce qui nous a permis d'ailleurs de voir que la France n'était pas seule dans son combat. Mais il y a 27 pays membres de l'Union européenne. On ne peut pas préjuger de ce qu'il sera, in fine, le vote des États. En tout cas, ce que la France dit, c'est que ce qui a été signé par Ursula VON DER LEYEN il y a un an, ça n'est pas bon. Ça n'est pas bon pour trois raisons.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Les clauses de sauvegarde, les mesures-miroirs.
ANNIE GENEVARD
D'abord, trop de volumes vont déstabiliser les marchés. Comment on l'a fait avec l'Ukraine ? Avec l'Ukraine, on a fait des freins d'urgence parce que la levée des droits de douane déséquilibrait complètement, par exemple, le marché de la volaille, le marché des oeufs, le marché des céréales. Donc une clause de sauvegarde qui s'enclenche dès lors qu'il y a une problématique, un déséquilibre du marché. Plus important encore, les mesures-miroirs, la réciprocité des normes de production. Comment les agriculteurs, à qui on demande tant d'efforts pour respecter l'environnement, la santé et à juste titre, qui ont fait des efforts considérables…
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Oui, ce n'est pas le cas en face en quelque sorte.
ANNIE GENEVARD
Eh ben exactement. Et on leur interdit des choses à juste titre. On les interdit depuis 20 ans dans l'Union européenne. Et on les admettrait dans les importations du Mercosur. C'est inacceptable.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Plus que dernière chose, Annie GENEVARD. Bruno RETAILLEAU, le président des Républicains, de votre parti, demande au chef de l'État, Emmanuel MACRON, de sortir de l'ambiguïté. Il a semblé valider l'accord quand il était chez LULA récemment au Brésil. Puis là, il refait machine arrière. Il a raison, Bruno RETAILLEAU, de demander ça ?
ANNIE GENEVARD
Moi, je me fie à ce que les dernières déclarations étaient très claires devant les agriculteurs à Toulouse. Le président de la République a dit : " L'accord signé à Montevideo il y a un an, c'est non ". Il a dit deux fois c'est non. Donc s'il doit s'appliquer, autant qu'il s'applique dans une version améliorée. D'où les exigences de la France. Mais aujourd'hui... Et puis il faut qu'elles soient acceptées par les pays du Mercosur. Aujourd'hui, ce n'est pas le cas. Moi, je considère que rien n'est mur aujourd'hui pour une signature.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Et là rien n'est joué.
ANNIE GENEVARD
Voilà.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Merci à vous, Annie GENEVARD.
PATRICK ROGER
Donc pas de signature. Vous, pas de signature. Pour samedi, en fait, la France ne veut pas tout faire pour éviter la signature du Mercosur. Parce que là, les agriculteurs vous entendent.
ANNIE GENEVARD
Oui. Moi, je pense que si on n'a pas les garanties que nous attendons et qu'elles sont acceptées par les pays du Mercosur, on ne peut pas accepter de signer, de donner…
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Et ça se joue à Bruxelles, au Sommet.
ANNIE GENEVARD
Alors ça se joue à Bruxelles, au Conseil. Mais ce n'est pas fini. Après, il y a le Parlement européen qui va délibérer
source : Service d'information du Gouvernement, le 17 décembre 2025