Texte intégral
Bonjour, mesdames et messieurs. Merci d'avoir veillé jusqu'à cette heure tardive. Et je voulais donc vous rendre compte de la conclusion de ce Conseil. Nous avons eu des échanges importants, je l'ai évoqué ce matin en arrivant, pour l'avenir de notre Europe concernant le soutien à l'Ukraine, notre prochain cadre financier pluriannuel, les futurs élargissements de l'Union européenne et les réformes qu'elle doit mener, et notre relation aussi avec nos principaux partenaires commerciaux, ainsi que sur les enjeux liés à l'accord UE-Mercosur et à l'agriculture. Beaucoup de sujets, donc, à ce Conseil. Je vais essayer de rendre compte ici des principales décisions.
D'abord sur l'Ukraine. Dans la séquence diplomatique intense qui est en cours, nous avons réaffirmé notre mobilisation en faveur d'une paix juste et durable, assortie de garanties de sécurité robustes et respectueuses des intérêts de l'Europe. Et je veux ici saluer la décision qui a été prise la semaine dernière pour sécuriser, dans la durée, l'immobilisation des avoirs souverains russes gelés dans les juridictions de l'Union européenne. Cette décision prise vendredi dernier permet à l'Europe de conserver l'un de ses principaux leviers de négociation. L'enjeu de ce Conseil européen était de donner de la visibilité à l'Ukraine, nous l'avons évoqué ce matin avec le président Zelensky, sur le soutien financier que l'Union peut lui apporter à court terme pour 2026 et 2027, et avant des discussions importantes avec le Fonds monétaire international. Nous avons, après de longues discussions, décidé d'un prêt à l'Ukraine à hauteur de 90 milliards d'euros pour les 2 prochaines années, sur la base d'un emprunt de l'Union européenne qui sera garanti par le budget européen. Ces eurobonds pour l'Ukraine sont une avancée majeure qui donne de la visibilité à nos amis ukrainiens et de la cohérence à notre soutien. Cette solution est apparue la plus réaliste et la plus praticable pour garantir que l'Ukraine dispose dès 2026 des moyens dont elle a besoin pour financer son effort de guerre. Nous avons veillé à introduire une préférence européenne robuste pour notre industrie de défense et pour celle de l'Ukraine. En parallèle, le Conseil a été invité à poursuivre les travaux techniques sur l'option d'un prêt de réparation qui serait financé par les revenus de trésorerie des avoirs souverains russes gelés. Et je veux ici remercier la Commission européenne, la Belgique, l'Allemagne en particulier pour leur travail sur cette option technique qui va donc être poursuivie dans les semaines à venir. Par ailleurs, nous avons réaffirmé notre détermination à continuer de faire pression sur la Russie à travers l'intensification des sanctions. Et les travaux de la Commission sur le 20e paquet de sanctions vont dans le bon sens, notamment pour le ciblage de certains secteurs sensibles de l'économie russe et les navires de la flotte fantôme qui continuent de menacer la sécurité de notre continent.
L'autre sujet, évidemment, qui a structuré les débats, même s'il n'était formellement pas au coeur de nos conclusions, est la question du Mercosur. Sur le Mercosur, j'ai pu rappeler ce matin, comme je l'avais fait ces dernières semaines, que l'accord n'était pas acceptable en l'Etat et que le compte n'y était pas quant aux conditions que nous avions toujours posées. Il était donc inconcevable que l'on cherche à forcer une décision au Conseil pour autoriser la signature de cet accord alors que nos exigences ne sont pas encore satisfaites. Après des discussions difficiles, nous avons obtenu le report de cette décision et donc du sommet qui était initialement prévu après-demain, et nous devons continuer le travail qui a été engagé depuis des mois. Je l'ai dit ce matin en arrivant, nous n'y sommes pas et le texte n'est pas acceptable, et c'est ce qui a permis d'obtenir ce report. Maintenant, nous allons continuer de travailler.
On a commencé à obtenir une clause de sauvegarde robuste qui agira comme un frein d'urgence pour protéger nos filières agricoles. Cette clause de sauvegarde, elle a été renforcée par le Parlement européen en intégrant des propositions qui venaient des syndicats agricoles européens. Nous voulons maintenant qu'elle soit définitivement actée et qu'elle vienne compléter l'accord en étant acceptée par les pays du Mercosur. Cette étape est essentielle pour que ce soit une vraie clause de sauvegarde. Nous avons aussi exigé de la réciprocité parce que nous ne pouvons pas accepter que des produits importés de pays tiers ne soient pas soumis aux mêmes normes que celles imposées à nos producteurs. Nous voulons donc ce qu'on appelle des mesures miroirs, en particulier sur l'alimentation animale, les pesticides. Sinon, ça n'est pas juste. Sinon, on impose à nos producteurs des règles, mais on ne les impose pas aux importateurs. La Commission a commencé à y répondre avec une proposition sur la sécurité alimentaire. Nous attendons les décisions effectives de janvier et nous avons eu des discussions techniques cet après-midi encore qui vont dans le bon sens.
Et puis, nous avons demandé depuis des mois une force européenne de protection sanitaire. C'est une demande constante de la France depuis plusieurs années, avec des contrôles vétérinaires et phytosanitaires renforcés sur les produits importés. La Commission a annoncé la mise en place de l'ensemble de ces mesures à compter de janvier. Et donc, nous attendons leur mise en place début janvier et l'effectivité de ces engagements. Je le redis, aujourd'hui, nous n'y sommes pas. Nous avons besoin d'avoir ces avancées pour que le texte change de nature, pour qu'on parle d'un autre accord fort de ces clauses de sauvegarde, fort de cette réciprocité et de contrôle, et qui permette de protéger nos agriculteurs, de protéger notre souveraineté alimentaire, de protéger aussi la sécurité alimentaire des Européennes et des Européens.
C'est aussi pourquoi, avec l'Italie, la Pologne, l'Irlande, plusieurs autres partenaires, nous avons demandé, en parallèle, que la Commission apporte des garanties sur le maintien des revenus de nos agriculteurs dans la future PAC du prochain budget pluriannuel de l'Union. Dans ce contexte d'incertitude, avec autant de difficultés, avec les aléas climatiques qui augmentent, les épidémies comme celles que nous sommes en train de vivre en France, et que vivent aussi d'autres pays européens, nous ne pouvons pas laisser nos agriculteurs dans l'incertitude. Et ils ont vu une chose, c'est qu'on leur disait qu'il y avait 20% de leur budget, 20%, donc 20% de leur revenu qui était en risque, qui n'était pas garanti pour la PAC à vivre. Et donc cette mobilisation que nous avons menée durant ces derniers jours, celle aussi qui a été portée par les représentants syndicaux agricoles européens aujourd'hui, consiste à dire, vous ne pouvez pas toucher le revenu des agriculteurs dans cette période. Si vous êtes cohérents, que vous défendez la souveraineté agricole, vous ne pouvez pas remettre en cause ces 20% de la politique agricole commune que vous êtes en train de revisiter, derrière lesquels vous mettez un point d'interrogation. Nous, on ne veut plus de point d'interrogation. Et donc nous avons demandé le maintien intégral de l'enveloppe de la PAC destinée au soutien aux revenus des agriculteurs, et c'est ce travail là aussi que nous devons poursuivre dans les prochains jours. Voilà ce que nous avons porté par le fruit d'un travail avec plusieurs partenaires, mais aussi d'un travail avec la ministre de l'Agriculture, la ministre des Affaires étrangères et la ministre des Affaires européennes, et l'ensemble de nos syndicats pour pouvoir avancer sur cet agenda.
Nous avons eu d'autres sujets de discussion, mais j'irai beaucoup plus vite compte tenu de l'heure tardive, et je répondrai à vos questions. On a longuement discuté des enjeux de la géoéconomie, et j'ai pu revenir, en tout cas sur ce que je crois essentiel, le fait que notre Europe a besoin d'accélérer sur la mise en œuvre de son agenda de compétitivité et de simplification. On y reviendra en février. Il est bien connu, on a déjà pris plusieurs mesures dans ce sens, de renforcer un agenda d'innovation qui suppose beaucoup plus d'investissements publics et privés. Et ce qui met au cœur de cet agenda d'innovation, pour moi, 2 priorités : l'union des marchés de capitaux, priorité du prochain semestre, avec les options de titrisation que nous avons portées, mais également un budget européen qui doit prendre en compte cette nécessité et donc être beaucoup plus ambitieux sur la politique d'innovation, l'investissement dans l'innovation, et en particulier défense, sécurité, intelligence artificielle, quantique et green tech. Et puis le 3e pilier de cette stratégie pour avoir une géoéconomie efficace, c'est un agenda de protection. C'est ce que nous portons depuis plusieurs années, c'est ce que la Commission a commencé à mettre en œuvre depuis la décision prise sur les véhicules électriques chinois, c'est ce qui a été ensuite déployé avec les mesures de sauvegarde sur l'acier, et c'est ce qui continue d'être déployé.
À cet égard, les décisions prises par la Commission européenne sur l'automobile sont pour nous tout à fait positives et vont dans le bon sens, en ce qu'elles portent une préférence européenne, un contenu européen et cette marque nouvelle qui impose en quelque sorte une protection des producteurs et d'un contenu européen. Ce made in Europe qui s'impose progressivement dans les textes, c'est un vrai changement de doctrine. Il est essentiel si nous voulons résister à la situation actuelle où nous avons à la fois les surcapacités venant de Chine, avec des conditions de prix qui ne sont pas du tout conformes à l'OMC, des tarifs américains, et puis des surcapacités venant du reste du monde qui s'adaptent à ces tarifs américains et reviennent sur le marché européen. Ceci suppose un agenda de protection économique si nous voulons préserver notre chimie, si nous voulons préserver nos machines d'outils, notre industrie automobile et de nombreux secteurs.
Le dernier point que je voulais faire concerne l'élargissement et les réformes de l'Union européenne. Le Conseil européen a permis de reconnaître les efforts significatifs menés par le Monténégro et l'Albanie ces derniers mois, qui ont une opportunité historique de rejoindre l'Union européenne dans les prochaines années s'ils maintiennent ce rythme de réformes. Aucun pays candidat ne doit rester à l'écart de la dynamique actuelle, et nous devons aussi pouvoir envoyer des signaux à ceux qui remplissent les critères définis conformément à notre approche fondée sur les mérites propres. Et je veux ici dire que la Serbie est à un moment charnière au regard des décisions qu'elle doit prendre sur sa dépendance aux énergies fossiles russes. Elle a pris des décisions et fait des annonces qui sont importantes. Et nous soutenons le fait que, dans les prochaines semaines, un nouveau cluster puisse être ouvert, parce qu'il correspond à la fois à l'analyse de la Commission, mais accompagne aussi un mouvement courageux de décision et de clarification des décisions à cet égard.
Nous avons aussi appelé à débuter effectivement les négociations avec la Moldavie et l'Ukraine. Et puis, nous sommes revenus sur la dynamique de réformes en cours en Macédoine du Nord, en Bosnie-Herzégovine et au Kosovo. En parallèle, et je veux insister sur ce point, nous devons accélérer les réformes internes de l'Union européenne. C'est la condition pour construire une Europe plus souveraine et plus efficace. C'est ce que nous avions demandé aussi en juin 2024, et ce sur quoi nous devons continuer d'avancer. Ces simplifications doivent accompagner l'élargissement. Je vais maintenant répondre à vos questions.
Journaliste
Bonsoir. C'est à propos de l'Ukraine. In fine, ce prêt de 90 milliards d'euros pour l'Ukraine, il n'y aura que 24 pays qui participeront, si j'ai bien compris. Est-ce que ça vous inquiète de voir finalement cette base de soutien à Kiev se réduire ? C'est la 1ère fois, je crois, qu'une aide à l'Ukraine ne se fait pas à 27, une aide financière. 2e question, le Chancelier a dit que si la Russie ne paye pas de réparations, on prendra les actifs russes pour rembourser ce prêt. Je veux dire, est-ce que c'est du wishful thinking ? C'est ce dont il a envie ? Peut-être que les Européens vont travailler là-dessus ? Ou est-ce que c'est une décision légale, définitive, inscrite dans le marbre ?
Emmanuel MACRON
Sur l'aide à l'Ukraine, oui, il y a une vraie rupture avec cette décision. Pour la 1ère fois, on accepte d'emprunter ensemble pour prêter à l'Ukraine. Ça donne de la visibilité, de la magnitude, et en tout cas, avec ce mécanisme, parce qu'on a déjà eu plusieurs mécanismes financiers qui ont permis de prêter, c'est une avancée importante. Cette décision, elle est prise à l'unanimité. Il y a ensuite un mécanisme qui permet de préserver 3 pays de l'impact financier, et donc de leur quote-part de contribution à terme s'il devait y avoir, in fine, etc., etc., toutes les conséquences, qui est un mécanisme d'opt-out, qui nous est très familier et qu'on a déjà utilisé à plusieurs reprises, en particulier durant la crise financière et qui a touché, je crois d'ailleurs de mémoire pouvoir dire que la Slovaquie en avait bénéficié sur des mécanismes pour la Grèce, le Royaume-Uni, à coup sûr. Et donc, ce sont des mécanismes qui nous sont familiers. Quand il y a des accords politiques, ça permet d'aller au-delà. Est-ce que ça a un impact, compte tenu des 3 pays dont on parle ? Non. Ça ne change pas la donne financièrement. Ce qui aurait été préoccupant, c'est s'il y avait... intellectuellement, ce qui aurait été préoccupant, c'est si un pays avait voulu bloquer. Et je pense que ce qui est très important, c'est que vous avez eu l'unanimité sur la décision. Et donc, je considère ça plutôt comme une marque de confiance et donc de solidité. Ce sont les 27, de manière solidaire, et c'est une bonne chose, mais pour répondre très précisément à votre question, les 27, de manière solidaire, ont accepté de laisser la Commission aller émettre de la dette. Il y en a simplement 3 qui sont préservés de l'impact financier, ce qui n'a pas vraiment de conséquences sur la nature de l'emprunt.
Ensuite, l'importance de ce que nous avons fait il y a quelques jours, c'est que nous avons immobilisé dans la durée ces actifs russes. Il y a un travail qui va se poursuivre sur d'autres techniques pour pouvoir utiliser ces actifs russes, peut-être pour lever des financements. Et nous avons acté, de manière très claire dans notre texte, notre volonté, au moment du règlement du conflit, et ceci, évidemment, c'est une perspective qu'on souhaite, mais elle dépend de la finalisation des traités à ce moment-là, de pouvoir, en effet, en disposer conformément aux droits européens et internationaux. C'est ce que nous avons mis dans nos conclusions. Et je pense que c'est tout à fait juste de se dire que ces actifs doivent pouvoir servir au règlement des différents et qu'au moment où on a une contribution des Européens importante, on dit aussi on protège vos intérêts, et donc on a à cœur de faire contribuer la Russie, qui est la cause de tous ces mots. Mais tout ça se fera dans le cadre approprié au règlement du conflit, premièrement, et donc dans le bon moment, grâce à l'immobilisation des actifs qui nous permettent de ne pas dépendre de telle ou telle décision ou que ces derniers ne nous échappent pas, et enfin, conformément au droit international et au droit européen.
Journaliste
Deux questions. Pourquoi est-ce qu'aujourd'hui, on n'a pas réussi justement à s'entendre sur l'utilisation des actifs immobilisés russes, en tout cas sur les revenus qu'ils génèrent ? Vous évoquez le droit international, mais concrètement, qui a bloqué ? Est-ce que c'était vous ? Est-ce que c'était Orban ? Qui s'est inquiété des conséquences en droit international de l'utilisation de ces actifs ? Et 2e question, à ce stade, est-ce que vous estimez qu'il serait utile de parler à Vladimir Poutine ?
Emmanuel MACRON
Sur votre 1ère question, il y a eu un très long débat. D'abord, il y a eu un travail technique très important, et je resalue ici l'engagement de la Commission, de la Belgique, de l'Allemagne, qui ont permis de produire un texte très détaillé. Ce texte a légitimement soulevé beaucoup de questions chez plusieurs Etats membres, de nature très différente. Quant aux risques potentiels qu'il faisait courir sur les structures financières, sur les Etats, sur la stabilité financière, je ne vais pas ici toutes les lister, mais il y avait, derrière cette solution technique, malgré tout le travail qui a été fait, des questions qui demeuraient. Ce n'a pas été mon rôle. Mon rôle a été plutôt d'essayer de trouver un chemin et de préserver cette double voie. Mais évidemment, on s'est tous posé beaucoup de questions, mais la France n'a pas été du tout un élément bloquant sur l'avancée de cette solution technique. Je dirais des 2 solutions techniques que la Commission avait mises sur la table.
Et au fond, nous sortons de ce Conseil avec beaucoup de cohérence. On retient et on met en œuvre tout de suite une des solutions techniques que la Commission avait proposées et on continue de travailler sur l'autre. Elle est inédite, elle est très compliquée et on a raison de se poser toutes ces questions. Donc je pense qu'il faut respecter tous les pays qui se sont posés des questions légitimes, qui les ont soulevées et elles vont donner lieu à un travail du Conseil, mais en lien avec la Commission, en lien également avec la Banque centrale européenne pour pouvoir lever les incertitudes et essayer d'avancer sur ce chemin. Mais c'est évidemment un sujet extrêmement technique, c'est ce qui explique qu'il y a eu des débats nourris ces dernières semaines et durant ces dernières heures. Si c'était un échec, si on s'était arrêté là, et je pense qu'on a pris la bonne décision, qui est de dire qu'on doit poursuivre ce chemin, on consolide l'immobilisation des actifs, et puis surtout, on prend ce soir, cette nuit, une décision immédiate parce qu'on ne veut pas attendre, et on a promis de la visibilité à l'Ukraine et on prend cette décision avec l'emprunt conjoint pour financer cet effort, et les 90 milliards. Donc ça, c'est, je pense, une bonne manière de faire.
Sur votre deuxième question, je pense qu'il va redevenir utile de parler à Vladimir Poutine. Oui. De toute façon, je constate qu'il y a des gens qui parlent à Vladimir Poutine. Donc je pense que nous, Européens et Ukrainiens, on a intérêt à trouver le cadre pour réengager cette discussion en bonne et due forme. Sinon, on discute entre nous avec des négociateurs qui vont seuls discuter avec les Russes. Ce n'est pas optimal. Donc je pense que là, il faut finir la session, si je puis dire, en cours. Il y a des discussions qui vont se faire dans les prochaines heures pour voir les avancer. Il y a un cycle qui est en cours. Soit une paix robuste, durable, avec toutes les garanties requises, peut être obtenue formidable, et de toute façon, on se mettra à ce moment-là autour de la table avec tout le monde. Soit il faudra, tout en continuant de financer, d'engager, de résister et d'aider l'Ukraine, il faudra dans les prochaines semaines trouver les voies et moyens aussi pour que les Européens, dans la bonne organisation, réengagent un dialogue complet avec la Russie en toute transparence et association avec l'Ukraine.
Journaliste
Sur le Mercosur, vous dites que vous souhaitez que le texte change de nature. Est-ce que, dans ces conditions, vous pensez qu'un mois, c'est suffisant pour obtenir cela ? Avec toutes les conditions, est-ce que vous pensez que ça peut être réalisable pour une signature dès le mois prochain ? Merci.
Emmanuel MACRON
C'est trop tôt pour vous le dire. Je ne sais pas. Beaucoup de gens nous ont dit, quand on a dit, il y a plusieurs mois qu'il fallait clause de sauvegarde, des clauses miroirs, que ça allait être possible. Moi-même, j'y étais il y a quelques semaines. Je suis positif, mais vigilant, et on voyait des avancées. Et puis après, on n'a pas été assez vite. Donc ce qui m'importe, c'est le fond. Ce qui m'importe, c'est de tenir les engagements. Ce qui m'importe, c'est qu'on fasse ce qu'il faut pour protéger notre agriculture, pour protéger notre sécurité alimentaire, pour protéger le budget de la PAC. Donc je ne sais pas répondre à votre question aujourd'hui. Je l'espère, parce que ça veut dire qu'on aura obtenu des avancées, pour certaines qui sont des avancées historiques, parce que ça fait bien longtemps qu'on demande des mesures miroirs. Et la clause de sauvegarde aussi.
Journaliste
Vous voulez des engagements sur la PAC avant mars ?
Emmanuel MACRON
Ça veut dire qu'on doit bouger sur ces sujets-là le plus vite possible, mais il faut du concret. En tout cas, nous, nous l'avons montré ces dernières heures. Il y a eu des très longues réunions. On s'est battus, on a discuté. On est disponibles. Le gouvernement français, les équipes ici, à Bruxelles, moi-même, on est disponibles jour et nuit pour avancer sur ces sujets et obtenir des résultats.
Journaliste
Pour rebondir sur ces questions, très précisément, est-ce que ce que vous avez dit sur la PAC est maintenant une condition pour pouvoir signer le Mercosur ou, quand même, vous distinguez les 2 sujets ? Et puis, les syndicats agricoles en France, la plupart des partis politiques se disent tout simplement contre le Mercosur pour l'enterrer purement et simplement avec ou sans les garanties, les avancées, les clauses que vous évoquez, que vous réclamez et que la Commission se dit prête à octroyer. Comment pensez-vous pouvoir faire accepter cet accord en France du niveau d'opposition dans le débat public ?
Emmanuel MACRON
D'abord, dans notre pays, aujourd'hui, je crois que ce qui touche beaucoup, c'est la situation de grave crise qu'on vit dans plusieurs secteurs en même temps. Et je veux ici redire mon soutien, ma solidarité et mon affection à tous ceux qui vivent ces situations terribles. Nos viticulteurs qui n'ont plus de revenus à partir du pourtour méditerranéen et avec lesquels on est obligés de prendre des mesures d'arrachage, c'est des situations terribles.
Nos éleveurs qui, aujourd'hui, sont frappés par la dermatose et qui voient tous leurs troupeaux qui sont abattus, c'est des situations humaines terribles. Il faut se représenter qu'un troupeau, ce ne sont pas des bêtes, c'est une vie, c'est une vie de travail. On parle de femmes et d'hommes qui ne prennent pas un jour de vacances dans leur vie pour faire leur troupeau. Et du jour au lendemain, on doit l'abattre. Donc il faut vous imaginer l'effondrement moral, ce que c'est. Donc je pense qu'on ne se représente pas quand on ne voit pas l'investissement qu'il y a derrière. Donc c'est ça, ce que vivent une partie de nos agriculteurs et ce que vivent nos éleveurs. Et puis, on a aussi certains qui commencent à être touchés par la grippe aviaire. Donc on a une situation de crise multiple qui touche, qui touche dans leur vie des femmes et des hommes. D'abord, on leur doit du respect, de l'accompagnement, de la protection. Ensuite, c'est sur quoi travaille la ministre, le Premier ministre, ils recevront ensemble les forces syndicales demain.
Enfin, les représentants agricoles. Il y a eu un très gros travail. Il faut donner des perspectives et les accompagner. C'est ça, la priorité. Et donc, passer de l'abattage à la vaccination, organiser la logistique de la vaccination et ensuite donner des perspectives, c'est-à-dire voir comment on pourra adapter les protocoles sanitaires quand on aura suffisamment vacciné et regarder aussi comment on redonne des perspectives à ces éleveurs et ces éleveuses. C'est essentiel. Parce que la Ferme France doit continuer de produire. Et puis, on doit continuer de pouvoir vivre et s'alimenter. Vivre pour nos agriculteurs, s'alimenter pour les Français. Donc, ça, c'est l'urgence des jours, des semaines qui viennent. Et tout vient après, en quelque sorte, se télescoper. Qu'est-ce que vous voulez expliquer tel ou tel accord quand déjà, on a ça ? Donc, ça, c'est la situation d'urgence.
Ensuite, on a des situations très critiques. Dans des zones en grande difficulté, on a beaucoup d'agriculteurs qui n'ont pas assez de revenus. Malgré tout ce qu'on a fait, on a amélioré dans le lait la situation. On vient d'avoir, là, depuis la Chine, une très bonne négociation sur le porc. Mais, par exemple, dans nos zones intermédiaires, on a beaucoup de céréaliers qui souffrent. Donc, c'est pour ça que se battre pour la PAC, c'est clé. Je vois aujourd'hui ce pour quoi ils se battaient aussi. C'est ce que m'a dit la présidente de la Commission, le président Costa, ce que m'ont dit toutes ces dernières semaines les représentants que j'ai vus. Ils ont peur pour la PAC. Et donc, tous ces agriculteurs qui n'ont pas de revenus, évidemment, ils ne peuvent pas entendre parler du Mercosur, parce qu'on leur dit, vous n'avez déjà pas assez de revenus, et on remet en cause 20 % de ces revenus. Donc, je vous le dis, c'est aussi pour ça, pour être très clair, oui, dans ce contexte-là, sécuriser l'enveloppe de notre politique agricole commune est clé. C'est une bataille qui est redevenue essentielle. Et donc, là, on va se battre, redonner des perspectives, y aller, parce qu'ils en ont besoin.
A côté de ça, j'aurai l'occasion d'y revenir dans les prochains jours et prochaines semaines. On doit redonner maintenant un cap à notre agriculture, parce qu'elle a été transformée, a été bousculée par la géoéconomie de ces dernières années, en particulier, d'ailleurs, la guerre lancée par la Russie en Ukraine, qui a complètement bouleversé, par exemple, le marché du blé et le marché du poulet. Et elle est bouleversée aussi par les changements climatiques qui s'accélèrent et qui ont un énorme impact sur notre agriculture. Donc, on doit, nous, rebâtir un cap pour notre agriculture. Et dans ce contexte, on doit avoir des garanties. Et ce qu'on demande, c'est des garanties. Voilà. Donc, pour répondre très clairement, il y a l'urgence, il y a ce qu'on va faire ensuite dans les prochaines semaines, le cap qu'on va redonner. Et donc, la réponse, c'est oui, on a besoin de tout ce que je vous ai dit pour pouvoir avancer. Je ne sais pas si on l'obtiendra. Je ne sais pas quelle sera la position de la France en janvier. C'est trop tôt pour vous le dire, parce qu'on a... Le travail continue et on le mènera d'arrache-pied. Mais je ne suis pas non plus dans la démagogie à dire qu'on peut tout obtenir et que ça s'obtient facilement. C'est pas vrai. Je ne suis pas dans la démagogie à dire que la France toute seule, elle peut bloquer un accord. C'est pas vrai non plus. Il faut une minorité de blocage. Et donc, c'est tout le travail qu'on a fait ces dernières semaines et c'est tout ce qu'on va continuer dans les prochains jours et les prochaines semaines. Et je ne sais pas vous dire après quel est l'horizon de temps qui est réaliste, parce que ça dépend de la capacité de tous à se mobiliser.
Journaliste
First of all, is there a timeline for the further discussions about the Russian assets, and do you have a deadline that you would like to see on that ? And second of all, there were high expectations for this summit for Ukraine. What is the message that the decisions tonight sends to Ukraine, to Russia, to the United States ? Is it enough to keep Europe a part of these negotiations ?
Emmanuel MACRON
Yes, thank you very much. We will have regular contacts, but there is no proper and formal timeline for the second option, because the first one is secured. We took today the decision to issue a common loan in order to finance this 90 billion. And the message to Ukraine is the support for the two years to come of the European Union, and the fact that we decided to back them in their resistance efforts with this loan. We took our responsibility. We stand with them as we support with our equipment, as we prepare for peace with the Coalition of the Willing, and as we participate to the negotiations with the Americans and what they engaged. So my answer is we delivered what we committed to do to Ukraine. The absence of decision would have been a disaster. Happily, we took a decision, a clear decision, a clear commitment with concrete results. So this summit is a very good one for Ukraine. This is a message of stability, of visibility and support from the Europeans. And this is, vis-à-vis Russia, a message of determination sent by the Europeans. Determination because we mobilized the frozen assets a few days ago, and determination because we issued common debt altogether to finance the Ukrainian resistance. Merci beaucoup, mesdames et messieurs. Je vous souhaite une bonne journée. Bon courage.