Texte intégral
Conférence de presse :
Je voudrais d'abord dire ma grande satisfaction de pouvoir travailler de façon amicale avec mon collègue M. Grizold, parce que pour nous, Français, la Slovénie représente un exemple, par la réussite de ses premières années de construction d'une nation indépendante, par la solidité de ses engagements démocratiques et par sa grande capacité d'apporter des solutions pacifiques dans notre Europe.
Nous avons déjà des activités de coopération qui se fondent sur des rapports de bonne connaissance mutuelle et de confiance, et la prochaine adhésion de la Slovénie à l'Alliance atlantique dont nous sommes convaincus, renforcera bien entendu ces sujets de coopération.
Les nouveaux besoins de sécurité en Europe et dans le monde nous obligent tous à réformer en profondeur et à moderniser nos systèmes de défense. Nos deux nations sont au travail pour ce projet et nous avons, bien entendu, à le faire bien comprendre à nos citoyens et à les faire adhérer à ces nouveaux objectifs de défense et de sécurité. L'efficacité et la détermination avec laquelle est conduite la transformation de votre système de défense ici en Slovénie par le gouvernement et par le ministre nous permettent de prévoir une extension de nos domaines d'action en commun, comme nous le voyons déjà dans les opérations de maintien de la paix où nos soldats agissent côte à côte.
Q - Jusqu'il y a très peu de temps, la France a comparé la Slovénie à la Roumanie dans ses commentaires sur la candidature à l'OTAN. Les Slovènes considèrent que cette attitude n'est pas favorable à la candidature de leur pays à l'OTAN. Le gouvernement français a-t-il depuis revu sa position sur cette question ?
R - Je crois que ce qui n'a pas été très bon pour l'adhésion de la Slovénie à l'Alliance en 1997, c'est qu'un certain nombre de pays de l'Alliance n'y étaient pas favorables. Ce n'était pas particulièrement la façon dont la France défendait la candidature slovène.
En ce qui concerne les prochaines décisions qui seront prises au Sommet de Prague à l'automne de cette année, nous défendons une approche politique qui vise à donner un soutien aux nations qui se sont clairement prononcées pour tous les principes politiques de l'Alliance et nous pensons que la réalisation des conditions militaires en conformité avec les buts de l'Alliance peut être étalée dans le temps.
Mais en ce qui concerne le niveau de préparation du système de défense slovène à l'Alliance, nous pensons qu'il est aujourd'hui très satisfaisant et, évidemment, nous ferons tout pour que cette appréciation positive soit partagée par l'ensemble des Alliés.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 23 janvier 2002)
Interview à "Dnevnik" :
Q - Comment évaluez-vous la coopération militaire entre la France et la Slovénie ?
R - Je me réjouis de ce que notre coopération, qui se place dans l'esprit du Plan d'Action pour l'Adhésion à l'OTAN (MAP), se renforce au fil des ans (23 actions pour le plan de coopération 2001, 32 prévues en 2002). La France entend répondre de la manière la plus satisfaisante aux besoins légitimes qu'exprime la Slovénie en matière de défense.
Un des points forts de cette coopération et une condition de son développement concerne la création d'un vivier de cadres slovènes francophones qui demeure un objectif prioritaire pour votre pays. De plus, le ministre slovène de la Défense s'est personnellement engagé en 2001 à soutenir l'enseignement du français dans les forces armées slovènes. La Slovénie a choisi un général slovène comme attaché de défense à Paris, ce dont la France est reconnaissante.
Q - Quelles sont les possibilités de développement de cette coopération ?
R - Notre coopération revêt un caractère multiforme, ce qui lui ouvre un grand potentiel de développement.
Dans cette perspective, la France a proposé, lors de la dernière commission mixte franco-slovène qui a eu lieu en octobre 2001 à Paris, de lancer une coopération dans des domaines tels que la simulation, la défense Nucléaire-Biologique-Chimique (NBC), des stages de plongée en France, le maintien d'une escale annuelle de bâtiment français dans le port de Koper ainsi que la poursuite du dialogue politico-militaire.
Enfin, le projet d'accord intergouvernemental de coopération dans le domaine de la défense, qui sera signé lors de ma visite, fournira un cadre solide à notre relation politique et contribuera à resserrer nos liens militaires, ouvrant la voie à de nouveaux développements.
Q - Quel est le point de vue de la France sur l'élargissement de l'OTAN ? Soutient-elle l'élargissement de cette organisation qui est prévu pour l'année prochaine à Prague ?
R - En tant que nation membre fondateur du Traité de l'Atlantique Nord, nous soutenons pleinement le processus d'élargissement de l'Alliance atlantique.
Nous souhaitons que la prochaine étape de l'élargissement soit fondée sur une approche politique et évite de créer de nouvelles lignes de fractures en Europe. Nous aspirons aussi à réaliser un élargissement équilibré entre le Nord et le Sud de l'Europe, ceci dans un souci d'équité et de stabilité régionale.
Q - Comment évaluez-vous l'état de préparation de la Slovénie en vue de son adhésion à l'OTAN ?
R - Deux ans après le Sommet de Washington de 1999 et à la lumière du dernier Programme national annuel (ANP) fourni par Ljubljana aux autorités de l'OTAN au dernier trimestre 2001, nous vérifions la détermination sans faille de la Slovénie à poursuivre son processus d'adhésion.
La Slovénie a obtenu d'excellents résultats. Elle a accompli de nombreux progrès sur le plan militaire et civil. Je relèverai en particulier l'accélération du programme de restructuration de ses forces armées, la réforme en profondeur de la stratégie de Défense nationale et le développement de ses relations de bon voisinage.
Q - Quel est le pays candidat le mieux préparé et quel est celui qui, d'après vous, ne pourrait pas être invité, faute de préparation ?
R - Nous souhaitons que le processus de préparation à l'adhésion se fasse dans un contexte neutre et équitable pour tous. Chaque pays candidat doit bénéficier des mêmes chances d'accession que les autres aspirants. Il faut par conséquent laisser le troisième cycle du Plan d'Action pour l'Adhésion à l'OTAN suivre son cours et aller au terme de son processus. Lors de son dernier déplacement en Slovénie, le 12 novembre dernier, le Secrétaire général de l'OTAN a d'ailleurs déclaré au Premier ministre slovène Janez Drnovsek qu'aucune décision n'avait été prise à ce jour sur le choix des futurs adhérents. La liste des pays invités à rejoindre l'OTAN devrait être connue à la mi-novembre 2002, juste avant le Sommet de Prague. Elle sera le résultat d'une décision politique.
Q - La situation de la France au sein de l'OTAN est très spécifique. Elle ne participe pas aux organes intégrés de l'Alliance et elle ne coopère pas à la planification des actions communes. Comment expliquez-vous ce rôle particulier de la France ?
R - La situation de la France au sein de l'OTAN résulte d'un choix qui a été maintenu depuis 35 ans. Notre choix répond à une préoccupation forte d'autonomie nationale dans la conduite de notre défense. Il est cohérent avec notre choix, également traditionnel de solidarité sans faille avec les alliés dans les crises - l'invocation de l'article 5 par tous les Alliés à la suite des attentats du 11 septembre l'a bien montré. En outre, notre position particulière vis-à-vis de la structure militaire intégrée n'empêche en rien l'engagement de nos forces dans le cadre des opérations de l'OTAN et l'exercice des responsabilités correspondantes. La France est ainsi le deuxième contributeur en troupes de l'Alliance dans les Balkans et les 40 000 hommes de la KFOR, au Kosovo, sont actuellement commandés, pour un an, par un officier général français.
Q - Avez-vous des exigences particulières pour votre réintégration dans les structures militaires de l'Alliance ?
R - La France n'envisage pas de modifier sa position. Les motivations "d'autonomie solidaire" qui fondent notre approche au sein et vis à vis de l'Alliance sont toujours valables.
Q - Pensez-vous que les Etats-Unis ont un rôle trop important dans l'Alliance, surtout en ce qui concerne la nomination des commandants des différentes unités de la structure militaire ?
R - Le poids des Etats-Unis au sein de l'Alliance résulte pour une large part, de l'importance de leurs capacités militaires et de leur rôle dans la défense collective de l'Alliance. Mais notre vision d'avenir pour l'Alliance comporte aussi sur un meilleur partage des responsabilités entre Européens et Américains au sein de la structure militaire, nous pensons notamment que la structure de commandement des opérations doit pleinement tenir compte du poids de l'engagement des nations sur le terrain. Ainsi, dans les Balkans, 85% de cet engagement est actuellement assuré par des nations européennes.
Q - Estimez-vous que l'UE devrait accélérer les négociations en vue d'un accord sur une armée commune et obtenir ainsi une plus grande indépendance pour des actions sur le territoire européen et au-delà ?
R - De même qu'il n'existe pas d'armée de l'OTAN, il ne s'agit donc pas de constituer une armée européenne, mais de mettre à la disposition de l'UE des moyens nationaux ou multinationaux pour la gestion de crises internationales, en conformité avec les principes de la Charte des Nations unies là où l'Alliance n'est pas engagée. Conformément à l'objectif fixé par nos chefs d'Etat et de gouvernement en décembre 1999, l'Union européenne entend se doter d'ici 2003 de la capacité de projeter, dans un délai de 60 jours, l'équivalent d'un corps d'armée, soit environ 50 à 60 000 hommes, et de le maintenir déployé pendant 1 an au moins. Il convient par ailleurs de souligner que cette capacité d'intervention, avec ou sans recours aux moyens de l'OTAN, n'est pas confinée au seul territoire européen.
En revanche, la sécurité collective relève de la compétence de l'Alliance atlantique. Et les capacités humaines et techniques que nous souhaitons renforcer peuvent être employées aussi bien dans le cadre de l'Union européenne que dans celui de l'Alliance.
Q - D'après vous, les attaques terroristes contre les Etats-Unis ont-elles freiné les efforts en vue d'une politique opérationnelle européenne de défense ?
R - Les attaques terroristes contre les Etats-Unis ont au contraire renforcé la détermination des Européens. Ainsi, dès le 21 septembre, les chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union européenne avaient réaffirmé l'objectif de rendre la Politique européenne de Sécurité et de Défense (PESD) opérationnelle aussi vite que possible.
Une étape décisive a été franchie lors du récent Conseil européen de Laeken les 14 et 15 décembre dernier : les chefs d'Etat et de gouvernement ont jugé que l'Union était désormais "capable de mener des opérations de gestion de crise". Cette capacité à agir s'améliorera au fur et à mesure du renforcement des capacités militaires européennes.
Q - C'est surtout l'intervention en Bosnie, dans "la cour de l'Europe" qui a montré que l'Europe n'était pas capable de gérer ses affaires sans l'aide des Etats-Unis. Des sources de l'OTAN indiquent qu'un éventuel retrait des soldats américains de Bosnie pourrait signifier le début de la fin de la mission de paix de la SFOR. Pensez-vous que cette situation subordonnée de l'Europe aux Etats-Unis va changer ?
R - L'insuffisant engagement européen que vous évoquez remonte aux années 1994-1995, et les choses ont bien changé.
Aujourd'hui, parler de subordination de l'Europe aux Etats-Unis sur le théâtre balkanique ne correspond pas à la réalité. C'est au contraire une relation de coopération entre Européens et Américains, dans laquelle les Européens prennent en charge un rôle croissant.
Il convient d'abord de souligner que les Européens fournissent 85% des effectifs militaires dans les Balkans, dont 60% pour les membres de l'Union européenne. Parallèlement, cette dernière supporte l'essentiel des efforts de reconstruction, et les Européens exercent une influence de premier plan sur la plupart des aspects non-militaires. La Slovénie prend toute sa part dans cet ensemble d'actions, et il faut s'en féliciter.
Aujourd'hui, dans les Balkans, un nouveau partage du fardeau entre Européens et Américains se dessine. Les Etats-Unis indiquent qu'ils seraient prêts à laisser davantage de responsabilités à l'Union européenne dans ce théâtre, en particulier en Bosnie ; c'est un signal encourageant.
Cependant, tout retrait américain de la SFOR, s'il venait à s'effectuer, devrait se faire en concertation avec les alliés. Ces derniers ont d'ailleurs proposé de remplacer les forces américaines qui viendraient à quitter le théâtre si les Etats-Unis décidaient le cas échéant de les utiliser dans le cadre d'autres priorités nationales telles que la lutte contre le terrorisme international.
Q - Comment la France voit-elle son rôle dans la reconstruction de l'Afghanistan du point de vue politique et militaire ?
R - La France entend participer activement à la reconstruction de l'Afghanistan afin de contribuer à sa stabilisation et à son retour au sein de la communauté internationale. La construction d'une solution politique est essentielle. Tout doit être fait pour favoriser l'application complète de l'accord politique auquel sont parvenus les Afghans à la Conférence de Bonn. La France veut favoriser la mise en place de l'administration provisoire du pays et, à cette fin, est le troisième pays contributeur à la force internationale de sécurité prévue par les accords de Bonn. Les soldats français de cette force ont été parmi les premiers, aux côtés des Britanniques, à poser le pied à Kaboul. Leur mission est de faciliter l'installation des nouvelles autorités afin de leur permettre d'assumer leurs responsabilités en toute souveraineté.
Au-delà des actions humanitaires d'urgence, la France s'est par ailleurs engagée dans un programme d'aide à la reconstruction de ce pays, une démarche qui s'inscrit dans les programmes multilatéraux : coopération avec les bailleurs de fonds multilatéraux dans la définition de leurs programmes, leur cofinancement et la mise à disposition de l'expertise française. Cette démarche comprend par ailleurs un aspect bilatéral important, concentré sur quelques actions emblématiques en matière d'éducation et de santé
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 21 janvier 2002)