Déclaration de M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche, sur l'enseignement agricole public, notamment l'éducation et la formation, l'organisation et la gestion des établissements scolaires et les moyens en personnel, Paris le 14 juin 2000.

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Circonstance : Conclusions de la démarche de projet pour un service public d'enseignement agricole (PROSPEA) à Paris le 14 juin 2000

Texte intégral

Il y a un peu plus d'un an au colloque de l'UNESCO, à l'occasion du 150° anniversaire de l'enseignement agricole, j'ai émis le souhait de voir celui-ci se doter d'un nouveau projet dont j'ai confié le pilotage à Jean-Claude Lebossé.
Ce qui m'a conduit à engager l'enseignement agricole dans cette démarche de projet, c'est tout d'abord la volonté de refonder ses valeurs constitutives mais aussi de tenir compte du vote par le Parlement de la loi d'orientation agricole qui, comme vous le savez, prend en compte les attentes nouvelles de nos concitoyens et réaffirme la place éminente de l'enseignement technique et supérieur agricole et de la recherche.
En matière d'éducation-formation, les valeurs fondamentales doivent toujours être réappropriées par l'ensemble des citoyens et il nous reste des progrès importants à faire pour une plus large diffusion des connaissances, pour l'éducation-formation tout au long de la vie, pour l'insertion scolaire, professionnelle et sociale, mais aussi pour la promotion des valeurs liées à la citoyenneté et à l'égalité permanente des chances.
Bâtir un projet, cela demande du temps. Une importante consultation vient d'être organisée par la DGER qui a donné lieu à un gros travail de réflexion tant au niveau local, régional que national. Je tiens à remercier ici toutes celles et tous ceux qui ont participé à cette consultation, notamment dans l'enseignement agricole public mais aussi tous ceux qui ont apporté leur contribution à cette réflexion. La qualité des débats et des différentes synthèses, ainsi d'ailleurs que le nombre important de participants me convainquent, s'il en était besoin, que les attentes de tous, acteurs, usagers et partenaires, sont fortes. Je peux vous assurer que j'ai entendu ce message.
Je souhaite maintenant vous proposer un certain nombre d'orientations générales.
Je vous propose de retenir pour l'élaboration de ce projet deux grands thèmes : celui de l'identité de notre enseignement agricole et celui des conditions et des moyens de sa gestion.
L'identité, tout d'abord.
L'identité, c'est d'abord un certain nombre de valeurs partagées que l'ensemble des personnels et de l'encadrement doivent faire vivre tous les jours. Pour moi, ce sont d'abord et essentiellement les valeurs de la République, je veux dire celles du service public, de la laïcité, de l'égalité des chances, de la lutte contre les inégalités et les exclusions sans oublier la liberté de conscience et son corollaire, l'esprit critique.
Sur ce socle de valeurs, qui est l'essence même de l'enseignement agricole, son identité se fond également dans ce qui constitue le champ d'action du ministère de l'agriculture.
Ces deux termes de l'identité sont pour moi indissociables. Ils doivent se concrétiser pour les usagers de l'enseignement agricole mais aussi pour l'ensemble du système d'enseignement agricole.
Pour les bénéficiaires du service public d'enseignement agricole, nos objectifs pourraient s'articuler autour de quelques mots-clés
Tout d'abord, éduquer : à la citoyenneté, aux valeurs de solidarité, de coopération et d'équité. La présence d'internats est, pour l'enseignement agricole, un atout en cette matière.
Le deuxième mot-clé est former : il y a là un enjeu majeur puisqu'il s'agit rien de moins que d'organiser la formation à tous les stades de la vie. L'enseignement agricole me semble particulièrement bien placé pour aller dans cette voie.
Troisièmement, insérer : c'est, en priorité, préparer aux qualifications qui correspondent aux différents secteurs relevant du ministère. Notre obsession, dans ce domaine, doit être de réduire les échecs et les sorties sans qualification en augmentant les performances globales de notre dispositif éducatif.
Ensuite, promouvoir : cela doit se faire dans les parcours de formation de la 4° à l'enseignement supérieur. Il s'agit donc de mieux organiser les passages entre l'enseignement technique et professionnel et l'enseignement supérieur.
Enfin, développer : l'enseignement agricole a aussi des partenaires que sont les différentes professions, au premier rang desquelles il y a les agriculteurs, les collectivités territoriales ainsi que les associations. Cette contribution au développement territorial de l'enseignement agricole, grâce à ses missions de recherche-formation-développement, est un gage d'ouverture sur son environnement et un gage d'innovation qui doivent être soutenues.
L'identité de l'enseignement agricole réside aussi dans la nature des savoirs qu'il dispense. Notre rôle est de former les actifs, futurs et actuels, des secteurs qui relèvent du Ministère de l'agriculture et de la pêche ou qui s'en rapprochent.
Nous devons donc réfléchir au contenu de l'enseignement, et à la manière de le faire, au regard des enjeux posés à l'agriculture et à la société en matière de multifonctionnalité, de durabilité, de qualité et de sécurité alimentaires. Nous devons réfléchir aussi à ce qu'est l'agronomie aujourd'hui, à ce que sont les sciences vétérinaires, à ce que signifie concrètement la notion de territoire et, enfin au rôle de l'éducation socio-culturelle et aux missions des ingénieurs en établissement. Je souhaite que l'enseignement supérieur agronomique et vétérinaire, ainsi que l'Institut national de la recherche agronomique (INRA), apportent leur contribution à ces réflexions : il ont un rôle moteur à jouer sur les réflexions disciplinaires et donc sur les savoirs.
Les deux termes de l'identité de l'enseignement agricole, l'éducation-formation, d'une part, et le rattachement au ministère de l'agriculture, d'autre part, doivent se concrétiser pour le service public d'enseignement agricole auquel participent, conformément à la loi, les établissements d'enseignement agricole privés sous contrat.
Je propose que nous retenions deux objectifs : d'une part, réaffirmer l'identité de l'enseignement agricole en développant son ouverture ; d'autre part, renforcer son unité dans le respect de sa diversité.
Réaffirmer l'identité, pour moi, c'est permettre que tous les acteurs du système aient un minimum de culture commune. Cela doit se traduire concrètement en matière de formation de tous les personnels.
Cela doit se traduire également en matière de coopération à l'intérieur du ministère de l'agriculture et à tous ses niveaux d'intervention : national, régional et local. L'enseignement agricole ne doit plus être considéré, ni d'ailleurs se considérer lui-même, comme une citadelle, comme cela semble être le cas, si j'en crois la lecture des synthèses de vos débats.
Réaffirmer son identité ne doit pas signifier repli sur soi. L'enseignement agricole s'ouvrir à toutes les coopérations, tant au niveau national qu'aux niveaux régional ou local.
Coopération avec les autres ministères, au premier rang desquels, bien sûr, ceux de l'éducation nationale et de la recherche. J'installerai prochainement avec mon collègue Jack Lang un groupe de travail entre la DGER, d'une part, et les directions de l'enseignement scolaire et de l'enseignement supérieur du ministère de l'éducation nationale, d'autre part. Mais coopération aussi avec tous les autres ministères concernés, celui de l'emploi et de la formation professionnelle, celui de l'aménagement du territoire et de l'environnement, notamment.
Nous devons aussi renforcer nos partenariats avec les collectivités territoriales, avec les professions, notamment agricole et agro-alimentaire, avec les associations. Je sais que les liens sont déjà nombreux entre l'enseignement agricole et ces partenaires. Je souhaite que nous les approfondissions.
Le deuxième objectif qu'il nous faut retenir, me semble t-il, pour l'enseignement agricole est de renforcer son unité dans le respect de sa diversité.
L'unité, c'est d'abord un pilotage national sur la base d'un projet national qui concerne l'ensemble du système d'enseignement agricole, c'est-à-dire à la fois l'enseignement technique et l'enseignement supérieur. La diversité, ce sont les projets régionaux de l'enseignement agricole et les projets d'établissements, y compris bien évidemment des établissements de l'enseignement supérieur.
Ces projets d'établissements doivent être construits dans le cadre des objectifs et des équilibres nationaux, mais en tenant compte des particularités et des diversités des régions dans lesquels ils sont implantés. C'est ce qui permettra à nos établissements de devenir des acteurs à part entière de leurs territoires, et de développer l'autonomie à laquelle ils sont attachés, sans pour autant que notre système ne se transforme en une nébuleuse d'établissements indépendants, se livrant une concurrence acharnée, notamment en matière d'apprentissage et de formation professionnelle.
Pour renforcer la cohérence du système, je vous propose d'aller, pour l'enseignement agricole public, vers une contractualisation : il me semble possible d'imaginer, sur la base des projets d'établissement, une contractualisation à deux niveaux, local et national, pour l'enseignement supérieur, et à trois niveaux, local, régional et national pour l'enseignement technique.
Unité et diversité également en matière de dispositif de formation : l'enseignement agricole a la chance, unique, de disposer, souvent sur un même site, dans un même ministère et dans une même direction générale, de trois dispositifs de formation (scolaire, par apprentissage et formation professionnelle continue). Nous devons là aussi réfléchir en terme de complémentarité, de synergie et de passerelles à établir entre eux plutôt qu'en terme de concurrence, voire d'ignorance réciproque. La présence de ces trois dispositifs de formation constitue également une richesse en matière de pratique pédagogique : modules de formation, individualisation, pluridisciplinarité doivent pouvoir être adaptées d'un dispositif à l'autre.
Ces objectifs d'unité et de diversité peuvent aussi se décliner en matière d'exercice des missions, par exemple. La Loi a défini, au profit des usagers du service public d'enseignement agricole, 5 missions pour l'enseignement technique et 6 missions pour l'enseignement supérieur. Ces missions sont complémentaires puisqu'elles concourent toutes à la formation. Elles ne doivent donc pas s'exercer de manière antagoniste mais il faut, au contraire, rechercher leur synergie et les développer.
Dans ce domaine aussi, il convient de définir, pour chaque mission, un cadrage et des objectifs nationaux clairs, à partir desquels les établissements peuvent développer leurs propres actions et leurs propres partenariats en fonction des réalités locales et régionales ; de ce point de vue, les exploitations agricoles et les ateliers technologiques des établissements ont un rôle essentiel à jouer dans les nouvelles orientations de la Loi, au titre de la formation et au titre du développement agricole.
Un certain nombre d' outils, et je pense notamment aux nouvelles technologies de l'information et de la communication, peuvent contribuer à renforcer l'unité nationale et la diversité régionale. Il conviendra, en matière de NTIC de définir des orientations pour un programme d'équipement des établissements.
Deuxième thème, c'est celui des conditions et des moyens de la gestion.
Des progrès importants sont indispensables, d'abord en matière d'organisation.
Nous devons mettre notre organisation et notre administration au service de nos objectifs.
Tout d'abord, nous devons aller vers une meilleure articulation des rôles et responsabilités des différents niveaux, local, régional, national.
Au niveau local, sur la base d'un projet contractualisé, il faut, notamment, améliorer l'intégration des différents centres dans l'établissement, développer le rôle de l'établissement en tant qu'acteur du territoire, en particulier en renforçant la mise en synergie des missions, et en développant les partenariats nécessaires.
Au niveau régional, il faut, notamment, renforcer l'exercice de l'autorité académique, développer les fonctions d'expertise, développer les coopérations entre les services déconcentrés des différents ministères.
Au niveau national enfin, et pour un meilleur exercice du pilotage national, il faut réfléchir à une organisation de la direction générale qui soit plus transversale, plus transparente et mieux intégrée dans le fonctionnement du ministère de l'agriculture et de la pêche.
Enfin, nous devons mettre en place un dispositif de gestion des ressources humaines, ce qui implique une gestion prévisionnelle des postes, des emplois et des compétences. Cela est essentiel, notamment dans la perspective des importants renouvellements de personnel auxquels devra faire face notre administration dans les années qui viennent.
Des moyens devront nécessairement être mobilisés. Six groupes de travail se sont réunis sur ce thème. Ils sont arrivés à un bilan, plus ou moins partagé selon les groupes.
Nous avons déjà obtenu un certain nombre moyens dans la Loi de finances 2000, notamment en matière de créations d'emplois (379) et dans le collectif budgétaire. Ce dernier vous donne des indications claires sur ma volonté, puisque, je vous le rappelle, 45 MF seront mobilisés au titre de l'année 2000 afin d'améliorer les conditions de travail des élèves et des personnels. Par ailleurs, les obligations de service des PLP seront revues dans l'enseignement public et privé.
De la même façon, dans le cadre de la préparation de la Loi de finance 2001, un nombre significatif d'emplois a été demandé. J'ai également proposé plusieurs mesures statutaires et d'adaptation d'emplois, tels que la création d'un corps de techniciens de l'enseignement agricole ou un nouveau statut d'emploi des directeurs de l'enseignement supérieur.
J'aurai d'ailleurs l'occasion de m'exprimer plus longuement sur ce sujet demain dans le cadre du CTPM.
Vous le savez, je fais de la résorption des situations précaires une de mes priorités. L'enseignement agricole sera bien évidemment partie prenante du plan de réduction de la précarité que le Premier ministre souhaite voir mis en place pour la Fonction publique et que mon collègue Michel Sapin va être chargé de négocier. J'ai donné des consignes précises à mes services afin que le ministère de l'agriculture dans son ensemble et l'enseignement agricole en particulier soient exemplaires sur ce sujet. L'enseignement agricole sera, bien sûr, également associé aux discussions concernant l'aménagement et la réduction du temps de travail.
Enfin, au-delà de ces efforts immédiats, le plan pluriannuel pour l'éducation a été annoncé par le Premier ministre. Je vous indique que l'enseignement agricole y aura toute sa place. Ce plan sera élaboré, bien sûr, en concertation avec les différentes parties prenantes, dont les partenaires sociaux. Mais je voudrais d'ores et déjà vous indiquer que je souhaite y intégrer un plan d'investissement pour les établissements de l'enseignement supérieur agronomique et vétérinaire, ainsi qu'un plan de renouvellement-formation des personnels.
Pour conclure, je voudrais d'abord vous remercier une fois encore des travaux que vous avez réalisés. J'ai particulièrement apprécié votre engagement à tous dans cette démarche de projet qui a permis, au-delà des axes retenus, de nouer des échanges constructifs
Je souhaite que nous nous engagions tous ensemble dans cette démarche de projet, dans un climat de confiance. Je souhaite que tous les cadres de l'enseignement agricole se sentent responsables de la mise en uvre des objectifs de ce projet pour le service public d'enseignement agricole et mobilisent l'ensemble du personnel dans cette démarche. Je ne doute pas de pouvoir compter sur vous. Vous pourrez compter sur moi.
(Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 19 juin 2000)