Texte intégral
C'est un grand honneur pour le Ministère de l'Enseignement Professionnel que sa principale salle de réunion soit placée sous le magistère moral de Max Marchand et Mouloud Feraoun.
Appelé à m'exprimer devant vous dans ce contexte, je le ferai brièvement. Et je parlerai selon la loi du coeur.
Dans l'Algérie d'alors, c'était la guerre.
Le peuple français par une délibération unanime de ses parlementaires s'en est fait l'aveu plus de 30 ans après la catastrophe.
Cette parole simple a nommé ce qui devait l'être. Elle a libéré l'esprit et la parole des évitements qui sans cesse, croyant pourtant bien faire, ravivaient des plaies d'autant plus vives qu'on s'interdisait de les panser en refusant de les reconnaître.
Une guerre ! Il n'en est pas de propre !
Une guerre civile aussi. La fureur y ajoute à l'horreur.
Les armes de la France ont obéi.
Ce n'est pas à elles que nous demandons des comptes. Mais à la part qui nous implique comme peuple aux décisions qui les commandaient. Car ceux qui décidèrent de leur emploi ne maintenaient pas l'ordre, mais l'oppression.
Ils ne maintenaient pas le droit, mais l'injustice.
Ils ne maintenaient pas la paix, mais la contrainte.
En ce sens, l'identité Républicaine de notre patrie a été mieux servie par la défaite de ceux qui parlaient et agissaient en son nom que par ce qu'aurait signifié leur victoire.
Cette leçon si cruelle, payée de tant de morts, de tant de vie et de rêves brisés dans chaque camp, qu'il est difficile d'en admettre toutes les conséquences.
Comme il m'en coûte de l'énoncer !
Non pour des raisons politiques, non parce que nous cultiverions la rancune des horreurs partagées, mais parce que l'Algérie reste, pour tant de français, une histoire d'amour tumultueuse que rien n'éteindra jamais.
Albert Camus, douloureux et déchiré, disait, pleurant devant le gâchis
" Hélas, il me faut rejoindre les miens "
Nous avons le droit aujourd'hui, nous avons la passion à présent d'y voir plus clair.
Les nôtres, décidément,
ceux que la République tient pour tels, les nôtres sont ceux qui s'aimaient et non
ceux qui se haïssaient.
Il en est ainsi parce que cet amour ne pouvait faire ses liens qu'en adhésion aux valeurs républicaines.
Les maîtres de l'école républicaine ont préféré la règle de leur principe, plutôt que les séductions de l'abandon aux enfermements de leur temps.
Sur les gouffres du temps, que la mort creuse si vite et si fort entre les êtres et les générations, je passe le fil de la mémoire.
Je vous nomme, ombres de lumière. Je fais l'appel, comme vous l'avez fait tant de fois devant votre classe
Max MARCHAND, présent !
Mouloud FERAOUN, présent !
Marcel BASSET, présent !
Robert EYMARD, présent !
Ali HAMMOUTENE, présent !
Salah OULD AOUDIA, présent !
Vous voilà parmi nous.
La poussière des fureurs de la guerre est tombée.
Et voilà, que vos assassins n'ont plus de nom.
Ils n'ont aucun visage qui se distingue dans la cohorte sanglante des bourreaux de tous les âges et de toutes les guerres.
Vous voici, maîtres de l'école publique, passeurs de savoirs et de savoir être. Vous êtes uniques et singuliers comme le sont les visages de ceux qui donnent la vie.
La vie !
Celle de l'esprit que le savoir construit faisant de chaque jeune individu une personne.
La vie !
Celle du temps profond de l'Algérie comme rive de la méditerranée, que ponctuent nos tombes emmêlées et nos enfants communs.
L'Algérie ! Notre bien aimée !
Sa splendeur, sa beauté,
Des Aurès bleus à l'algérois couleur de chair,
De l'Oranie au Constantinois.
L'Algérie, patrie à jamais commune, pour ceux à qui il suffit de l'aimer toujours, comme vous nous avez appris à le faire,
héros
et
martyres
de l'école publique !
Mesdames, Messieurs
Vive la République !
(source http://www.enseignement-professionnel.gouv.fr, le 22 février 2002)
Appelé à m'exprimer devant vous dans ce contexte, je le ferai brièvement. Et je parlerai selon la loi du coeur.
Dans l'Algérie d'alors, c'était la guerre.
Le peuple français par une délibération unanime de ses parlementaires s'en est fait l'aveu plus de 30 ans après la catastrophe.
Cette parole simple a nommé ce qui devait l'être. Elle a libéré l'esprit et la parole des évitements qui sans cesse, croyant pourtant bien faire, ravivaient des plaies d'autant plus vives qu'on s'interdisait de les panser en refusant de les reconnaître.
Une guerre ! Il n'en est pas de propre !
Une guerre civile aussi. La fureur y ajoute à l'horreur.
Les armes de la France ont obéi.
Ce n'est pas à elles que nous demandons des comptes. Mais à la part qui nous implique comme peuple aux décisions qui les commandaient. Car ceux qui décidèrent de leur emploi ne maintenaient pas l'ordre, mais l'oppression.
Ils ne maintenaient pas le droit, mais l'injustice.
Ils ne maintenaient pas la paix, mais la contrainte.
En ce sens, l'identité Républicaine de notre patrie a été mieux servie par la défaite de ceux qui parlaient et agissaient en son nom que par ce qu'aurait signifié leur victoire.
Cette leçon si cruelle, payée de tant de morts, de tant de vie et de rêves brisés dans chaque camp, qu'il est difficile d'en admettre toutes les conséquences.
Comme il m'en coûte de l'énoncer !
Non pour des raisons politiques, non parce que nous cultiverions la rancune des horreurs partagées, mais parce que l'Algérie reste, pour tant de français, une histoire d'amour tumultueuse que rien n'éteindra jamais.
Albert Camus, douloureux et déchiré, disait, pleurant devant le gâchis
" Hélas, il me faut rejoindre les miens "
Nous avons le droit aujourd'hui, nous avons la passion à présent d'y voir plus clair.
Les nôtres, décidément,
ceux que la République tient pour tels, les nôtres sont ceux qui s'aimaient et non
ceux qui se haïssaient.
Il en est ainsi parce que cet amour ne pouvait faire ses liens qu'en adhésion aux valeurs républicaines.
Les maîtres de l'école républicaine ont préféré la règle de leur principe, plutôt que les séductions de l'abandon aux enfermements de leur temps.
Sur les gouffres du temps, que la mort creuse si vite et si fort entre les êtres et les générations, je passe le fil de la mémoire.
Je vous nomme, ombres de lumière. Je fais l'appel, comme vous l'avez fait tant de fois devant votre classe
Max MARCHAND, présent !
Mouloud FERAOUN, présent !
Marcel BASSET, présent !
Robert EYMARD, présent !
Ali HAMMOUTENE, présent !
Salah OULD AOUDIA, présent !
Vous voilà parmi nous.
La poussière des fureurs de la guerre est tombée.
Et voilà, que vos assassins n'ont plus de nom.
Ils n'ont aucun visage qui se distingue dans la cohorte sanglante des bourreaux de tous les âges et de toutes les guerres.
Vous voici, maîtres de l'école publique, passeurs de savoirs et de savoir être. Vous êtes uniques et singuliers comme le sont les visages de ceux qui donnent la vie.
La vie !
Celle de l'esprit que le savoir construit faisant de chaque jeune individu une personne.
La vie !
Celle du temps profond de l'Algérie comme rive de la méditerranée, que ponctuent nos tombes emmêlées et nos enfants communs.
L'Algérie ! Notre bien aimée !
Sa splendeur, sa beauté,
Des Aurès bleus à l'algérois couleur de chair,
De l'Oranie au Constantinois.
L'Algérie, patrie à jamais commune, pour ceux à qui il suffit de l'aimer toujours, comme vous nous avez appris à le faire,
héros
et
martyres
de l'école publique !
Mesdames, Messieurs
Vive la République !
(source http://www.enseignement-professionnel.gouv.fr, le 22 février 2002)