Texte intégral
Mesdames, Messieurs,
C'est avec une forte attente à votre égard que j'ouvre aujourd'hui cette journée de débat sur les risques industriels. Elle est importante, votre participation nombreuse le prouve. Les délais restreints que nous nous sommes donnés pour organiser cet événement ne nous ont pas permis d'avoir une salle avec la capacité suffisante pour répondre positivement aux multiples demandes de participation. J'en conclus qu'il y a un véritable besoin d'échange sur la question du risque industriel.
Vous savez que, ce soir, le Premier Ministre clôturera nos travaux. C'est une démonstration complémentaire du fait que l'événement auquel nous avons à faire face n'est pas anodin. Avant de poursuivre mon intervention, je voudrais encore une fois témoigner de ma plus profonde sympathie pour les personnes qui ont été blessées, aux familles de victime, aux sinistrés et plus généralement à l'ensemble des Toulousains durement touchés par l'explosion du 21 septembre. Certains manifestent aujourd'hui devant le ministère. Ils nous prouvent une fois de plus, et ô combien ! , qu'il est de notre responsabilité collective de tout faire pour qu'un tel événement ne se reproduise pas à l'avenir, pour qu'il y ait un après Toulouse comme il y a eu un après Feyzin en 1966.
La dramatique explosion survenue sur le site de l'usine AZF - Grande Paroisse à Toulouse a soulevé de nombreuses interrogations quant à la place du risque industriel dans nos sociétés. Au-delà des mesures d'urgence qui ont été prises, le choc de Toulouse nous amène à jeter un regard nouveau sur nos choix collectifs et sur les responsabilités de chacun pour maîtriser le risque industriel et ainsi trouver un nouvel équilibre géographique et social du risque qui soit acceptable pour tous. Nous sommes probablement rentrés dans cette " société du risque " décrite par Ulrich Beck en 1986. Nous devons être capables de proposer des instruments nouveaux pour faire face aux défis de l'évolution de notre société et des conséquences néfastes que son développement engendre.
Dès le 28 septembre, le Premier ministre a souhaité engager une vaste réflexion sur le risque industriel et a proposé que soit tenu un débat national associant tous les acteurs concernés : élus, industriels, organisations syndicales, scientifiques, associations, les services de l'Etat concernés et les médias. Ce débat devait permettre entre autre de dégager des réponses équilibrées, notamment sur la cohabitation des activités à risques avec la population et les autres activités économiques.
Le premier enseignement que je tire des journées régionales organisées entre le 15 novembre et le 5 décembre est la forte demande de débat. Près de 7000 personnes, industriels, syndicalistes, élus, représentants d'associations, journalistes, riverains, ont participé à ces 26 tables rondes. Le débat d'aujourd'hui doit se situer dans la continuité des deux derniers mois. A cet égard, je souhaite que le débat soit à la fois ouvert et juste, comme l'ont été les débats organisés dans les 26 régions métropolitaines et d'outre mer. Toutes les expressions, tous les points de vue sont légitimes. N'hésitez pas à apporter votre contribution au cours de la journée, que ce soit au cours du débat en plénière ou dans les ateliers de ce matin.
Les multiples entretiens que j'ai eus durant le mois d'octobre avec les industriels, les syndicalistes, les associations de protection de l'environnement, les associations de consommateurs, les élus, les déplacements que j'ai effectués à Lyon, Rouen, Toulouse, Dunkerque et dans le Val d'Oise sur des sites Seveso, les tables rondes régionales auxquelles j'ai participé à Marseille, Strasbourg, Bordeaux, Toulouse et Paris, me permettent déjà d'esquisser quelques idées qui m'apparaissent importantes.
Je crois tout d'abord qu'il faut que nous conservions en mémoire que la priorité des priorités reste la maîtrise du risque à la source. L'exploitant d'une installation industrielle est tenu d'évaluer le risque de survenue d'un accident dans son installation et d'engager les investissements nécessaires pour éviter ou limiter l'occurrence d'un tel événement. L'industriel est le premier responsable de la sécurité de son site, il lui revient en premier lieu d'en évaluer les risques et les dangers. Le système de contrôle et de contre-expertise mis en place par les pouvoirs publics doit conduire à porter un regard critique suffisant sur ce que produit l'industriel en matière de sécurité. Les moyens et l'organisation du système de contrôle et d'expertise en France répondent-ils suffisamment à cette attente ? Le Premier Ministre a annoncé à Toulouse des renforcements de moyens à la fois pour l'inspection des installations classées et pour l'INERIS. C'est une première étape.
Une deuxième idée à développer est celle de démocratie du risque. Je crois qu'il faut que chacun des acteurs du risque, non seulement les exploitants industriels et les pouvoirs publics, mais également les salariés d'une usine, les riverains, les collectivités, les associations, puissent s'approprier la problématique du risque et ainsi faire valoir leur point de vue. Les salariés, bien entendu : rappelez-vous qu'ils sont les premiers concernés par les conséquences d'un accident. A Toulouse, 21 des 30 personnes décédées travaillaient dans l'usine. Probablement faut-il renforcer la possibilité qu'ils ont d'intervenir sur les questions de sécurité de l'établissement dans lequel ils travaillent, directement ou en tant que sous-traitant. Les riverains des usines, ensuite. Il nous faut développer localement le débat sur le risque tel qu'il se pratique déjà au sein des Secrétariats Permanents de Prévention des Pollutions Industrielles, donner à ce débat les moyens de constituer un véritable contre pouvoir.
Enfin, je crois que depuis Toulouse, il n'est plus question de considérer les explosions, les accidents, la toxicité comme un tribut fatal que notre société doit payer au progrès. La population s'interroge : dans quelle société veut-on vivre ? Quels produits fabriquer ? Pour quoi faire ? Je crois que nous devrons tenir compte de ces questions dans les mesures que nous allons prendre.
De multiples autres pistes ont été dégagées ces dernières semaines et seront développées au cours de cette journée. Je ne voudrais toutefois pas terminer mon intervention sans dire quelques mots sur la situation spécifique de Toulouse.
J'ai participé comme plusieurs d'entre-vous à la journée du 30 novembre à Toulouse. Les échanges au cours de cette journée ont été vifs, passionnés, contradictoires, mais, finalement, je crois, fructueux. Le débat a pu avoir lieu et tous les points de vue ont pu s'exprimer. Je rends hommage à tous les participants à cette journée qui a été difficile. Comme j'ai pu le dire en clôture, je crois que les Toulousains demandent un nouveau projet économique, environnemental et social pour leur ville. Je souhaite que la journée d'aujourd'hui puisse également les aider dans cette voie.
Je vous remercie.
(Source http://débat-risques.environnement.gouv.fr, le 3 janvier 2002)
C'est avec une forte attente à votre égard que j'ouvre aujourd'hui cette journée de débat sur les risques industriels. Elle est importante, votre participation nombreuse le prouve. Les délais restreints que nous nous sommes donnés pour organiser cet événement ne nous ont pas permis d'avoir une salle avec la capacité suffisante pour répondre positivement aux multiples demandes de participation. J'en conclus qu'il y a un véritable besoin d'échange sur la question du risque industriel.
Vous savez que, ce soir, le Premier Ministre clôturera nos travaux. C'est une démonstration complémentaire du fait que l'événement auquel nous avons à faire face n'est pas anodin. Avant de poursuivre mon intervention, je voudrais encore une fois témoigner de ma plus profonde sympathie pour les personnes qui ont été blessées, aux familles de victime, aux sinistrés et plus généralement à l'ensemble des Toulousains durement touchés par l'explosion du 21 septembre. Certains manifestent aujourd'hui devant le ministère. Ils nous prouvent une fois de plus, et ô combien ! , qu'il est de notre responsabilité collective de tout faire pour qu'un tel événement ne se reproduise pas à l'avenir, pour qu'il y ait un après Toulouse comme il y a eu un après Feyzin en 1966.
La dramatique explosion survenue sur le site de l'usine AZF - Grande Paroisse à Toulouse a soulevé de nombreuses interrogations quant à la place du risque industriel dans nos sociétés. Au-delà des mesures d'urgence qui ont été prises, le choc de Toulouse nous amène à jeter un regard nouveau sur nos choix collectifs et sur les responsabilités de chacun pour maîtriser le risque industriel et ainsi trouver un nouvel équilibre géographique et social du risque qui soit acceptable pour tous. Nous sommes probablement rentrés dans cette " société du risque " décrite par Ulrich Beck en 1986. Nous devons être capables de proposer des instruments nouveaux pour faire face aux défis de l'évolution de notre société et des conséquences néfastes que son développement engendre.
Dès le 28 septembre, le Premier ministre a souhaité engager une vaste réflexion sur le risque industriel et a proposé que soit tenu un débat national associant tous les acteurs concernés : élus, industriels, organisations syndicales, scientifiques, associations, les services de l'Etat concernés et les médias. Ce débat devait permettre entre autre de dégager des réponses équilibrées, notamment sur la cohabitation des activités à risques avec la population et les autres activités économiques.
Le premier enseignement que je tire des journées régionales organisées entre le 15 novembre et le 5 décembre est la forte demande de débat. Près de 7000 personnes, industriels, syndicalistes, élus, représentants d'associations, journalistes, riverains, ont participé à ces 26 tables rondes. Le débat d'aujourd'hui doit se situer dans la continuité des deux derniers mois. A cet égard, je souhaite que le débat soit à la fois ouvert et juste, comme l'ont été les débats organisés dans les 26 régions métropolitaines et d'outre mer. Toutes les expressions, tous les points de vue sont légitimes. N'hésitez pas à apporter votre contribution au cours de la journée, que ce soit au cours du débat en plénière ou dans les ateliers de ce matin.
Les multiples entretiens que j'ai eus durant le mois d'octobre avec les industriels, les syndicalistes, les associations de protection de l'environnement, les associations de consommateurs, les élus, les déplacements que j'ai effectués à Lyon, Rouen, Toulouse, Dunkerque et dans le Val d'Oise sur des sites Seveso, les tables rondes régionales auxquelles j'ai participé à Marseille, Strasbourg, Bordeaux, Toulouse et Paris, me permettent déjà d'esquisser quelques idées qui m'apparaissent importantes.
Je crois tout d'abord qu'il faut que nous conservions en mémoire que la priorité des priorités reste la maîtrise du risque à la source. L'exploitant d'une installation industrielle est tenu d'évaluer le risque de survenue d'un accident dans son installation et d'engager les investissements nécessaires pour éviter ou limiter l'occurrence d'un tel événement. L'industriel est le premier responsable de la sécurité de son site, il lui revient en premier lieu d'en évaluer les risques et les dangers. Le système de contrôle et de contre-expertise mis en place par les pouvoirs publics doit conduire à porter un regard critique suffisant sur ce que produit l'industriel en matière de sécurité. Les moyens et l'organisation du système de contrôle et d'expertise en France répondent-ils suffisamment à cette attente ? Le Premier Ministre a annoncé à Toulouse des renforcements de moyens à la fois pour l'inspection des installations classées et pour l'INERIS. C'est une première étape.
Une deuxième idée à développer est celle de démocratie du risque. Je crois qu'il faut que chacun des acteurs du risque, non seulement les exploitants industriels et les pouvoirs publics, mais également les salariés d'une usine, les riverains, les collectivités, les associations, puissent s'approprier la problématique du risque et ainsi faire valoir leur point de vue. Les salariés, bien entendu : rappelez-vous qu'ils sont les premiers concernés par les conséquences d'un accident. A Toulouse, 21 des 30 personnes décédées travaillaient dans l'usine. Probablement faut-il renforcer la possibilité qu'ils ont d'intervenir sur les questions de sécurité de l'établissement dans lequel ils travaillent, directement ou en tant que sous-traitant. Les riverains des usines, ensuite. Il nous faut développer localement le débat sur le risque tel qu'il se pratique déjà au sein des Secrétariats Permanents de Prévention des Pollutions Industrielles, donner à ce débat les moyens de constituer un véritable contre pouvoir.
Enfin, je crois que depuis Toulouse, il n'est plus question de considérer les explosions, les accidents, la toxicité comme un tribut fatal que notre société doit payer au progrès. La population s'interroge : dans quelle société veut-on vivre ? Quels produits fabriquer ? Pour quoi faire ? Je crois que nous devrons tenir compte de ces questions dans les mesures que nous allons prendre.
De multiples autres pistes ont été dégagées ces dernières semaines et seront développées au cours de cette journée. Je ne voudrais toutefois pas terminer mon intervention sans dire quelques mots sur la situation spécifique de Toulouse.
J'ai participé comme plusieurs d'entre-vous à la journée du 30 novembre à Toulouse. Les échanges au cours de cette journée ont été vifs, passionnés, contradictoires, mais, finalement, je crois, fructueux. Le débat a pu avoir lieu et tous les points de vue ont pu s'exprimer. Je rends hommage à tous les participants à cette journée qui a été difficile. Comme j'ai pu le dire en clôture, je crois que les Toulousains demandent un nouveau projet économique, environnemental et social pour leur ville. Je souhaite que la journée d'aujourd'hui puisse également les aider dans cette voie.
Je vous remercie.
(Source http://débat-risques.environnement.gouv.fr, le 3 janvier 2002)