Déclaration de Mme Michelle Demessine, secrétaire d'Etat au tourisme, sur les études réalisées par l'Agence française d'ingénierie touristique (AFIT) et destinées à éclairer les choix publics en matière de politique du tourisme, Paris, le 15 juin 2000.

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Circonstance : Assemblée générale de l' Agence française d'ingénierie touristique, à Paris, le 15 juin 2000

Texte intégral

Monsieur le président,
Mesdames, messieurs,
J'ai pris connaissance avec attention et intérêt, du rapport d'activité de l'AFIT en 1999.
Je souhaiterais en premier lieu en féliciter le Président et le directeur de l'Agence tant il témoigne de la diversité des champs d'intervention et d'investigation sur lesquels l'AFIT intervient aujourd'hui.
Parmi les nombreux chantiers qui y sont présenté, j'évoquerais ceux auxquels j'attache une attention toute particulière car ils sont prioritaires dans la politique que je mène à la tête de mon ministère.
J'en compte cinq.
Le premier concerne l'accompagnement des transformations du tourisme associatif, sur lequel j'ai porté les efforts en 1999.
Face à une conjoncture difficile, compliquée par les nécessaires réformes fiscales qui se sont imposées au secteur associatif dans son ensemble, j'ai pris des initiatives auxquelles l'AFIT a largement apporté son concours.
Telle par exemple, la prise en charge de l'organisation matérielle des États Généraux du tourisme social et associatif dont j'avais souhaité la tenue en mai 99.
Cette manifestation a, je pense, marqué la volonté commune du gouvernement et des associations de tourisme d'agir ensemble en faveur du renouveau de ce secteur si essentiel à l'économie touristique. Il s'agissait notamment de traverser de façon ouverte et constructive cette période difficile et de rebondir vers de nouvelles dynamiques.
Des dynamiques propres à assurer, à la fois, le maintien et la réaffirmation des missions sociales du secteur - en garantissant l'accessibilité aux vacances pour le plus grand nombre - et en initiant de nouvelles relations avec les publics français et européens.
Les études produites par l'AFIT (sur l'application des mesures fiscales, sur les charges assumées par les associations en matière d'implantations dans des zones difficiles, ou par l'analyse des publics des associations) ont également permis d'éclairer les choix des responsables du monde associatif.
Elles ont aussi contribué à la création d'une structure de coordination qui facilitera, désormais, les prises de décision concrètes dont ce secteur a le plus grand besoin.
En second point, l'AFIT a largement ouvert le chantier du tourisme à destination des jeunes, des enfants et adolescents.
Vous savez que ce domaine me préoccupe. Vous savez aussi qu'il n'est pas sans poser un certain nombre de difficultés :
celles d'un parc d'hébergement et d'accueil vieillissant, qui n'est plus toujours adapté aux besoins des enfants et des adolescents d'aujourd'hui,

celles d'un tissu associatif qui se délite parfois, sous les pressions économiques dont il est l'objet,

celles liées à la pression sociale en matière de protection qui pousse à une responsabilisation toujours plus grande des dirigeants.

Ce dernier phénomène doit d'ailleurs être soigneusement encadré pour ne pas conduire à des surenchères qui risquerait de décourager toute initiative.
L'AFIT a engagé cette réflexion sur les clientèles jeunes notamment dans le domaine de la Montagne. Ainsi plusieurs travaux ont été conduits avec le SEATM qui ont permis d'alimenter les Entretiens de la Montagne en Juin 1999.
Le chantier est loin d'être clos, et je souhaite, comme il avait été envisagé, que la concertation avec les partenaires élus et associatifs se poursuive.
Le troisième point concerne les personnes handicapées. L'AFIT a participé aux travaux menés par le Conseil national du tourisme en 1999 qui l'ont conduit à prendre deux initiatives en ce domaine :
l'une consiste en une analyse du "marché" des clientèles handicapées en Europe.

l'autre à engager la réalisation d'un guide technique de l'accès des personnes handicapées dans les lieux et équipements touristiques.

Ces actions devraient aboutir cette année.
En quatrième point, l'AFIT poursuit sa mission d'assistance aux politiques de développement du tourisme dans les territoires qui n'ont pas jusqu'alors bénéficié d'un impact fort de cette activité.
J'insiste bien souvent sur le fait que 80 % du tourisme est localisé sur 20 % du territoire. Un développement harmonieux de notre tourisme national implique que les efforts de meilleure répartition soient encouragés et soutenus.
C'est un des volets essentiels de la nouvelle génération des Contrats de plan dont vous savez tous que les crédits ont considérablement augmenté pour favoriser cette politique territoriale et en dynamiser la mise en uvre.
J'ai souhaité, dans cet esprit, accompagner les collectivités dans l'élaboration de leurs plans de développement. Qu'il s'agisse de projets de stations, de schémas départementaux, de schémas régionaux, mais aussi du développement de filières spécifiques comme le tourisme fluvial, la randonnée, le tourisme équestre, ou de regroupement des collectivités à travers les contrats de pays.
Les Rencontres de l'AFIT y apportent toute leur contribution, puisqu'elles permettent de rassembler de nombreux porteurs de projets locaux afin qu'ils puissent confronter leurs idées et nouer des partenariats avec des opérateurs et des financeurs.
Enfin, en cinquième et dernier point, je suis très attentive aux démarches engagées par l'AFIT, en partenariat étroit avec la Direction du Tourisme et la Datar, pour expérimenter des solutions aux difficultés rencontrées par les stations thermales.
Vous le savez, nous avons déjà évité que ces difficultés ne se transforment en crise grave, en repoussant une mesure de déremboursement des cures médicalisées.
Ce résultat doit nous encourager à donner un souffle nouveau à ces ensembles touristiques autant que médicaux.
Ils doivent pouvoir fiabiliser leur avenir en développant une offre tournée vers un public touristique intéressé par des séjours de remise en forme et de prévention mélangeant loisirs, activités physiques douces dans la nature, et soins dans les établissements thermaux.
Un nouveaux programme de diagnostic pour l'année en cours est ainsi prévu pour une dizaine de stations.
Voilà pour les actions déjà lancées.
Pour les exercices à venir, je souhaite que l'AFIT inscrive dans ses priorités d'action certains axes de travail que nous pouvons déterminer ensemble à partir d'une réflexion sur les grands enjeux auxquels le tourisme est aujourd'hui confronté.
Je pense plus particulièrement aux chantiers suivants.
D'abord à l'ouverture des vacances et des loisirs à toutes les catégories sociales.
Vous le savez, je suis très attachée à l'accès le plus large des françaises et des français aux loisirs et aux vacances. Cela fait partie de ma conception de l'action publique.
Je souhaite donc que les travaux que mène l'AFIT dans son champ de compétence soient poursuivis, développés et diffusés autant que possible.
Il s'agit des travaux relatifs à l'évolution du tourisme associatif, à l'accueil des personnes handicapées et des jeunes sur les lieux de vacances, à l'exportation de notre savoir-faire français en la matière.
Je pense ensuite à l'adaptation aux transformations du secteur de la distribution.
En effet, l'économie touristique évolue. On peut y observer à la fois:
de très importantes restructurations et concentrations des entreprises de distribution à l'échelle européenne,

des évolutions marquantes des attentes des consommateurs (qui ne se traduisent pour le moment que par des changements lents des pratiques mais qu'il faut surveiller avec beaucoup d'attention),

l'irruption des nouvelles technologies,

de nouvelles concurrences et la création d'un marché européen avec des comportements et des attentes communs, même si y demeurent des différences nationales encore très sensibles .

Tous ces enjeux impliquent réflexion pour en saisir les conséquences possibles pour nos économie touristiques, pour trouver les marges de manuvre, lancer les expérimentations utiles et préparer des stratégies adéquates.
C'est l'action que je m'attache à conduire avec mes collègues au niveau de l'Union européenne. Et j'entends la poursuivre, pendant la présidence française, en portant le débat communautaire sur la nécessité d'initier des politiques coordonnées du tourisme.
Je pense que nous devons aussi, ensemble, tous acteurs du tourisme confondus, publics et privés, consacrer plus d'énergie à scruter, et comprendre ces évolutions qui s'annoncent.
C'est pourquoi j'ai proposé lors du colloque organisé par Maison de la France et le journal Les Échos, le 31 mai dernier, de créer une "fondation de recherche" destinée à les analyser et nous aider à les anticiper.
J'espère que mon message sera compris et repris par les grands opérateurs du Tourisme .
Dès maintenant, les chantiers sur lesquels l'AFIT s'est mobilisée au cours de ces derniers mois, et qui relèvent de ces problématiques, doivent être poursuivis et approfondis.
Je veux parler de ceux relatifs aux marques et labels. Ceux relatifs à la mise en cohérence d'un tourisme plus diffus en particulier sur les zones rurales et de moyenne montagne et à sa mise en marché dans un contexte dont je rappelais il y a quelques instants les contraintes.
La distribution de cette nouvelle offre, faite d'authenticité et à forte composante culturelle et environnementale ne doit aboutir ni à une modélisation, ni à une industrialisation des activités proposées aux visiteurs. Et cela d'autant plus que la demande est forte pour des produits "sur mesure", très liés aux terroirs, et qu'elle correspond à une attente réelle.
Je veux également parler des chantiers qui visent à structurer les outils d'accès à l'information des touristes par les nouvelles technologies que sont Tourinfrance et Résinfrance. Leur intégration dans les pratiques des professionnels français est un enjeu pour l'avenir.
Je veux parler encore des expérimentations de mise en marché de filières dispersées comme le tourisme équestre, les villages de montagne, pour accéder à des réseaux de distribution plus larges et plus efficaces.
Je veux parler enfin du suivi des contrats de plan.
Vous le savez, les négociations pour les Contrats de plan ont abouti à un accroissement très notable des moyens consacrés conjointement par l'État et les Régions au secteur touristique.
764 millions de francs y seront ainsi consacrés par l'État dans les cinq années à venir, auxquels il faut ajouter 420 millions de francs d'avenants dans les régions ayant subi les intempéries de la fin de l'année.
Il faut que cette capacité forte d'intervention publique soit utilisée, et bien utilisée. C'est pourquoi je souhaite, car l'enjeu est d'importance, que l'AFIT ménage dans ses plans de charge une capacité d'assistance aux services déconcentrés de l'État pour que ces moyens soient mis en uvre le plus efficacement possible et servent de façon cohérente aux redéploiements nécessaires du tourisme français.
D'une façon plus générale, une conception plus ambitieuse du tourisme comme activité économique à part entière est indispensable.
Le tourisme chacun le sait ici, est trop souvent considéré, à la fois, comme une activité économique susceptible de générer des transferts intéressants de revenus, mais aussi d'entraîner des dommages graves aux sociétés et à l'environnement dans lesquels il se déploie s'il est mal maîtrisé.
Vous le savez, j'ai, à ce sujet, largement contribué à l'adoption d'un Code mondial d'éthique lors d'une récente assemblée générale de l'OMT.
Des réflexions et des travaux autour des concepts de développement durable du tourisme sont, dores et déjà engagés, ici et là. Nous devons en déduire des règles pratiques de comportement, multiplier les exemples, développer les savoir-faire.
Je sais que l'AFIT a engagé des chantiers sur ces thèmes. Il est très important qu'ils soient poursuivis et que les résultats en soient largement diffusés, tant en France qu'à l'étranger.
Cela afin de conforter la démarche touristique des acteurs locaux et de favoriser la prise de conscience des élus et des populations à l'égard d'une activité porteuse d'un réel potentiel de développement, créatrice d'emplois, dès lors qu'elle est correctement abordée et mise en uvre.
Le développement d'un tourisme durable sera au cur des travaux que j'entends conduire , avec mes collègues européens, dans le cadre de la présidence française de l'Union Européenne, comme il l'a été depuis trois ans au sein de mon action ministérielle.
Je sais que l'énoncé de ces priorités appelle une interrogation sur les moyens et l'avenir de l'Agence.
Votre président, ainsi que le directeur de l'AFIT, m'ont fait part des difficultés que l'Agence rencontre devant la croissance des demandes, en particulier celles qui émanent des collectivités locales.
Je conçois bien que la limite des moyens en personnel, en locaux et en budget, confrontée à cette demande croissante, suscite un inconfort, une pression sur les personnels, et risque à terme de diminuer la qualité des prestations de l'Agence et de nuire à son efficacité.
J'ai, pour ma part, demandé à mes services et à mon cabinet d'uvrer à faciliter une adaptation des moyens de l'Agence et je sais que désormais les liens entre l'Agence et la direction du Tourisme se sont resserrés.
Vous avez sans douté noté aussi que les ministères partenaires sont sensibilisés à l'action interministérielle de l'Agence et à l'intérêt pour eux de pourvoir celle-ci en postes de mise à disposition et que des résultats sont en passe d'être obtenus.
Qu'il s'agisse des mises à disposition par le ministère de l'Équipement, du conventionnement des mises à disposition par celui de l'Agriculture, ou du partenariat avec France Télécom avec laquelle des contacts sont en cours, notamment pour la mise à disposition d'un cadre de haut niveau.
En ce qui concerne le budget de l'Agence, les négociations budgétaires ne sont pas closes.
Mais vous pouvez compter sur ma détermination pour que le passage à la TVA en 2001, qui nous est imposée par le ministère des Finances, ne se traduise pas par une diminution des ressources de l'AFIT.
J'entends mettre tout en uvre pour qu'elles soient une nouvelle fois ajustées à la hausse.
Mais au delà de ces ajustements, il nous faut réfléchir plus largement sur les réseaux locaux de l'AFIT.
Depuis sa position nationale, l'AFIT partenaire de l'ensemble des acteurs du tourisme, ne peut suivre qu'un nombre limité de chantiers. Ses interventions en expertise et en conseils ne peuvent généralement qu'être rapides. Les moyens manquent pour assurer un suivi dont, pourtant, les collectivités territoriales ont besoin .
Je souhaite Monsieur le Président, qu'une réflexion approfondie soit engagée dans quelques régions test pour identifier clairement les besoins, les compétences déjà détenues par les acteurs publics et privés, les enjeux divers, et les terrains sur lesquels un outil commun au niveau régional pourrait être imaginé en réseau avec l'Agence au niveau central.
Les réponses ne seront pas forcément identiques d'une région à l'autre. L'esprit général doit demeurer : il s'agit d'assurer une assistance rapprochée aux divers acteurs. Une assistance d'un excellent niveau technique, indépendante, partagée par les utilisateurs, au service d'une amélioration globale de la qualité des initiatives et des projets, et ne faisant pas doublon avec l'Agence au niveau national.
C'est, là aussi, une question importante pour le devenir de l'AFIT et de son efficacité au niveau local à laquelle, je crois, il nous faudra dans des délais brefs apporter une réponse satisfaisante.
Vous voyez donc combien la tâche est grande et au diapason de nos ambitions.
Pour ma part, vous le savez, je m'attacherai, comme je l'ai toujours fait, à conforter les moyens et le savoir-faire de votre équipe qui constitue la grande richesse de l'AFIT.
J'attends de l'ensemble de ses membres et de ses partenaires, qu'ils continuent à se mobiliser comme ils l'ont toujours fait pour valoriser et renforcer son action et d'avance je les en remercie. J'attends également de vous tous, partenaires des services de l'État, que vous définissiez en liaison avec, Monsieur BONREPAUX et Monsieur MOISSET, les actions à mener au cours de l'exercice pour répondre aux grandes priorités que le développement touristique actuel voit émerger.
Je sais que vous vous y emploierez avec conviction et compétence.
Je vous en remercie et vous propose d'en débattre un moment avant de clore cette Assemblée Générale.
(source http://www.tourisme.gouv.fr, le 23 juin 2000)