Déclaration de M. Noël Mamère, candidat des Verts à l'élection présidentielle, en réponse à des questions sur la politique étrangère et notamment sur le problème tibétain, Paris le 15 mars 2002.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Texte intégral

1. Quelles grandes orientations souhaiteriez-vous imprimer à la politique étrangère de la France ? Pensez-vous que les droits de l'Homme devraient être pris en compte de manière beaucoup plus concrète par notre diplomatie ?
J'ai envie de répondre que seuls les droits de l'Homme devraient être au cur de la diplomatie française, en tous cas le fil rouge de toutes nos interventions. La France n'est plus une grande puissance du point de vue militaire et elle est aujourd'hui une puissance économique moyenne, dont la richesse est le fruit de l'intégration européenne. En revanche, la voix de la France continue à porter bien au-delà de sa puissance réelle. Elle est le modèle, pour beaucoup d'hommes et de femmes, d'un pays démocratique, où l'expression de toutes les opinions est permise, d'un pays laïque, où il existe une réelle égalité de droits indépendamment de la religion, de l'origine, mais aussi ce que l'on appelle le " droit à l'indifférence ". Elle est bien évidemment perçue comme étant le berceau des Droits de l'Homme, même si nousne sommes pas toujours à la hauteur de ce superbe héritage, je pense en particulier au sort fait aux réfugiés et aux sans-papiers.
Par ailleurs, au-delà de la défense des droits de l'homme au sens strict, je pense que la France doit être le fer de lance, dans les discussions internationales, des principes de développement durable et de coopération décentralisée avec les pays les plus pauvres.
2. Que devrait être la politique française à l'égard de la Chine ? Le "dialogue critique" mené par l'UE et auquel la France se réfère vous paraît-il donner des résultats suffisants et satisfaisants ?
Si la Chine continentale était un pays démocratique, je pense que l'Europe devrait en faire un de ses principaux partenaires. En effet, la Chine est, à moyen terme, la seule puissance capable, avec l'union Européenne, d'imposer un monde multipolaire face à l'hégémonie américaine. Or, le régime de Pékin, en infligeant une dictature féroce à l'ensemble des peuples qu'il dirige, en s'imposant comme un nouvel impérialisme, du Tibet aux îles Spratly, ne peut en aucune façon représenter une alternative au " despotisme éclairé " de Washington. Ainsi, ce pays s'enferre, malgré sa puissance démographique et, demain, économique, dans le rôle d'un nain diplomatique, y compris au niveau régional.
Aujourd'hui, la Chine populaire paie très cher la brutalité de ses dirigeants. Mais qu'en sera-t-il demain de la Chine ? Les porte-parole de la non-violence nous affirment que l'adversaire peut évoluer. C'est aussi une idée que l'on retrouve dans le christianisme, c'est ce que l'on appelle la rédemption. Quoi qu'il nous en coûte d'un point de vue moral, il faut continuer à discuter avec la Chine populaire, pour lui faire admettre que seuls la démocratie et le partenariat équilibré avec l'ensemble des Nations peuvent lui permettre de jouer, demain, un rôle de premier plan. En espérant qu'un jour ce message sera entendu.
3. Comment caractériseriez-vous la question tibétaine ? S'agit-il uniquement d'un problème de droits de l'homme ?
Le question tibétaine répond parfaitement à tous les critères du colonialisme : occupation violente, traités inégaux, statut différencié pour les métropolitains et les autochtones, pillage des ressources, langue et culture de la métropole imposées au territoire colonisé Remarquons par exemple que le Tibet est devenu la poubelle nucléaire de la Chine, de la même façon que les bombes françaises ont été testées dans le Sahara puis en Polynésie La situation au Tibet va donc bien au-delà de la question des droits de l'homme. Il faut que la Chine cesse le fait colonial au Tibet, et admette une autodétermination du peuple tibétain, qui seule permettra l'émergence d'une société démocratique sur le Toit du Monde.
4. Que proposeriez-vous pour répondre à la situation du Tibet ? Seriez-vous ainsi favorable aux propositions du Parlement européen de reconnaître officiellement le gouvernement tibétain en exil si, d'ici trois ans, la Chine n'a pas ouvert de négociations avec celui-ci sur un nouveau statut pour le Tibet ? Soutiendriez-vous le principe de la création d'un coordinateur spécial européen pour le Tibet, à l'instar de celui qui existe aux Etats-Unis ?
Evidemment oui. Je pense que la liberté du peuple tibétain ne viendra que de lui-même, avec l'aide de ses représentants légitimes, en tout premier lieu le Parlement et le gouvernement de Dharamsala et le XIVème Dalaï Lama. Je suis d'avis qu'il nous faut être attentif aux demandes des représentants du peuple tibétain, d'autant que leurs revendications sont toujours modérées et respectueuses du peuple chinois.
5. Avez-vous le sentiment que la question tibétaine vous concerne et pourquoi ? violations des droits de l'homme ; atteintes à l'environnement ; disparition d'une culture , etc ?
Etre écologiste, c'est se battre pour les arbres, et pour les hommes qui s'y reposent à leur ombre. Un régime qui détruit l'environnement au nom d'un matérialisme dépassé, et qui emprisonne, torture, élimine des femmes et des hommes sous tous les prétextes ne peut évidemment me laisser indifférent. C'est pourquoi j'ai toujours été aux côtés des démocrates chinois dans leur combat pour une Chine libre. Présentateur de " Résistances ", j'ai ainsi reçu dès 1990 des responsables du mouvement étudiant, dont Wer Kaixi, écrasé si violemment à Tian Anmen. J'ai depuis gardé des contacts approfondis avec la résistance démocratique chinoise, et j'ai même co-écrit "Chine : on ne bâillonne pas la lumière", avec Marie Holzmann (Editions Ramsay - 1996).
Le Tibet est malheureusement la mauvaise caricature de l'oppression communiste. Quand on emprisonne les adeptes du Fa Lu Gong à Pékin, on torture et on assassine les nones et les moines au Tibet. L'enfant unique à Pékin se traduit par des avortements forcés et des stérilisations au Tibet. Le régime du pensée unique à Pékin, c'est la langue chinoise et un catéchisme marxiste imposés aux écoliers au Tibet Deux leviers existent pour améliorer la condition du peuple tibétain. Le 1er se trouve à Pékin, il réside dans des évolutions politiques souhaitables pour tout le peuple chinois. Le deuxième se trouve dans les mains des Tibétains eux-mêmes, et de toutes celles et tous ceux qui soutiennent leur juste combat. Président de la République, ou plus certainement député à l'Assemblée nationale, j'agirais avec les parlementaires Verts, comme je le fais depuis des années, sur ces deux leviers, pour aider à une amélioration du sort du peuple tibétain, pour qu'il parvienne, enfin, à la liberté sur sa propre terre.
(source http://www.noelmamere.eu.org, le 22 mars 2002)