Déclaration de M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche, sur la politique de gestion durable des forêts et sur le Conseil paneuropéen de certification des forêts (CPCF), Paris, le 30 juin 1999.

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Circonstance : Lancement du Conseil paneuropéen de certfication des forêts, à Paris, le 30 juin 1999

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
C'est avec grand plaisir que j'ai accepté de placer le lancement du conseil paneuropéen de certification des forêts sous mon patronage, tant il est vrai que les enjeux sous-jacents, tous liés au concept de gestion durable des forêts, me paraissent importants.
Comme vous le savez peut-être, la forêt et les industries utilisatrices de ses produits constituent depuis plus d'un an un des axes forts de travail de mon ministère. Le Premier ministre a confié en décembre 1997 à un parlementaire, M. Jean-Louis Bianco, le soin de produire un rapport sur la forêt et la filière forêt-bois-papier et sur leurs perspectives de développement, de contribution accrue à la richesse nationale.
Ce rapport, intitulé " la forêt : une chance pour la France ", a été remis le 25 août 1998, et m'a conduit à lancer plusieurs chantiers, notamment la préparation d'un projet de loi de modernisation forestière, et l'élaboration d'une stratégie forestière nationale. Cette dernière démarche, qui vise à conduire toutes les parties intéressées par la forêt à prendre conjointement des engagements d'action à l'horizon 2015, est largement inspirée de celle entreprise en Finlande en 1998, qui a abouti au remarquable " programme forestier national de Finlande 2010 ".
Par ailleurs, je me permets de rappeler que la France, avec la Finlande, a été à l'origine du cycle des conférences ministérielles sur la protection des forêts en Europe, dont la première s'est déroulée à Strasbourg en 1990. Ce cycle est à l'origine d'une des seules définitions internationales relativement précises de ce qu'on entend par gestion durable des forêts - je note d'ailleurs qu'il n'en existe actuellement aucune au niveau mondial - et son apport conceptuel, notamment par la définition de critères et d'indicateurs, a été déterminant aussi bien pour la définition des politiques forestières des pays signataires que pour votre initiative.
Ainsi, l'implication de mon ministère dans la problématique de la gestion durable des forêts est forte. Il faut définir des outils contribuant au développement d'une telle gestion, mais il me semble que bien plus que l'établissement d'un catalogue de normes, la gestion durable des forêts est un processus dynamique par lequel s'expriment les attentes de la société et les réponses que peuvent apporter les forestiers.
Je me rappelle que les premières réflexions des forestiers français avaient conduit ces derniers à solliciter l'intervention de l'Etat pour certifier la bonne gestion de leur forêt, ce qui dans un pays à fort encadrement législatif - comme tous les pays d'Europe - correspondait à une réaction normale. Les services forestiers de l'Etat ont certes été en mesure de certifier que tel ou tel morceau de bois était issu d'une propriété forestière dotée d'un plan de gestion agréé conformément à la législation française, mais mon ministère a estimé qu'en matière de certification, son rôle devait être surtout d'aider les partenaires à s'organiser, et de contribuer ainsi à l'élaboration d'un cadre général reconnu par tous. A mes yeux, le processus de certification reste un processus partenarial et non pas d'abord un processus d'Etat.
Finalement, aujourd'hui, c'est ce que vous avez réussi à faire avec PEFC, et je m'en réjouis à plusieurs titres :
PEFC est le fruit d'une coopération internationale privée, ce qui, d'une certaine façon, consacre la réussite et la maturité de la construction européenne.
PEFC est aussi le fruit de la concertation volontaire, dans chacun de vos pays, entre toutes les parties intéressées par la forêt. Je vois bien, dans mon pays, quelle dynamique nouvelle et autonome se met en place entre propriétaires forestiers, industriels, élus, agriculteurs, chasseurs et associations de protection de la nature, et je compte bien qu'elle facilite mon travail de responsable de la politique forestière. En ce sens, on peut penser que la certification des forêts aura puissamment contribué au développement des relations entre les parties intéressées par la forêt.
PEFC est adapté à la forêt européenne, en ce qu'il prend en compte un certain degré de morcellement de la propriété et de la gestion forestières, commun à tous les pays adhérents. Ce dernier point est crucial, car il ne saurait être question de pénaliser lourdement sur le plan financier une activité dont la rentabilité est modeste, et surtout, il serait choquant qu'un ou plusieurs systèmes de certification aient finalement pour effet de favoriser la grande propriété industrielle ou domaniale simplement en raison des économies d'échelle réalisées pour la certification individuelle de ces très grandes propriétés.
Je me réjouis aussi de ce que PEFC soit essentiellement fondé sur le niveau régional : depuis longtemps, en effet, la France considère que c'est un niveau pertinent de déclinaison de sa politique forestière nationale. Ainsi sont produits dans chaque région des orientations régionales forestières et des documents d'orientation pour l'élaboration des plans de gestion des forêts publiques et privées. Il paraît donc opportun de s'appuyer sur ces éléments.
Au vu des mérites de PEFC, j'ai décidé d'encourager financièrement le démarrage de l'association PEFC France, et l'expérimentation progressive du système de certification PEFC en France, lorsqu'il sera au point, en commençant par quelques régions représentatives.
Pour autant, je n'exclus pas la possibilité qu'à terme, d'autres systèmes de certification se développent en France. Pour que PEFC puisse bien se placer dans une telle perspective, son message doit être clair quant à ce qui est certifié : il me semble que dans la plupart des cas, l'objet de la certification sera un ensemble de processus de niveau régional, et potentiellement un ensemble de niveaux de performance évalués au niveau régional. Le message ainsi dirigé vers le citoyen, - et lorsque les problèmes de traçabilité auront été résolus, vers le consommateur, - me semble digne d'intérêt, contrairement à ce que certains groupes de pression affirment. Cela étant, il ne faudrait pas qu'une communication ambiguë laisse penser que ce qui est certifié, c'est un engagement pris par chaque propriétaire de respecter certaines normes de gestion : alors, PEFC prêterait le flanc à la critique et risquerait fort de se décrédibiliser.
Sur l'objet même de la certification de la gestion des forêts, je voudrais ajouter quelques réflexions.
Je souhaite d'abord faire la distinction entre labellisation des produits et certification de la forêt. Il existe une demande forte de la société d'être associée à certains choix forestiers, de voir certaines de ses attentes mieux satisfaites, d'être mieux informée sur la gestion des forêts. L'urgence est d'apporter des informations au citoyen - c'était une des idées fortes du symposium de Versailles -, ce à quoi PEFC contribuera. Les forestiers (services de l'Etat inclus) n'ont jusqu'à présent pas réussi à communiquer efficacement vers la société : la certification en général, et PEFC en particulier, peut être l'occasion de combler cette lacune, avec d'autant plus de force que le message sera produit et diffusé conjointement par toutes les parties prenantes.
Dans certains pays, d'importantes entreprises de négoce ou de distribution exigent ou exigeront sous peu de leurs fournisseurs que les produits dérivés du bois soient porteurs d'un label garantissant la bonne gestion de la forêt dont leur matière première est issue, et la qualité environnementale de leur processus de transformation. Il est bien difficile de prévoir quelle ampleur cette demande prendra, mais au vu de l'importance que prennent les préoccupations environnementales chez le citoyen, il n'est pas possible de rejeter a priori l'hypothèse d'un développement de ce marché. Pour cette raison, je ne puis qu'encourager les membres de PEFCC à continuer leur travail de réflexion sur l'organisation de la traçabilité.
Finalement, il faut bien reconnaître que même si la certification forestière relève de l'initiative privée, son impact sur certains aspects de la politique forestière, comme la prise en compte des attentes de la société, la valorisation du caractère écologique du matériau bois, le développement des exportations, est potentiellement important. C'est pourquoi je suis très attaché à la réussite de votre entreprise, dont je ne sous-estime pas la difficulté, car ma fonction de ministre de l'agriculture me rappelle chaque jour combien il est délicat de trouver un accord à 15, et à plus forte raison à 17 !
Je souhaite longue vie au conseil paneuropéen de certification forestière, que son travail soit fructueux, et que le système de certification PEFC atteigne les objectifs que vous lui avez fixés.
(Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 4 août 1999)