Déclaration de M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères, en réponse à une question d'actualité sur la participation française aux opérations en Afghanistan, au Sénat le 13 décembre 2001.

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Texte intégral

Monsieur le président,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Monsieur le Sénateur,
Vous avez posé deux questions.
En ce qui concerne la force, le Premier ministre a été amené hier à apporter un certain nombre de précision que je vais reprendre devant vous pour venir préciser de quoi il s'agit. D'abord, le Secrétaire général des Nations unies nous a sollicités, comme d'autres pays, pour participer à une force multinationale de sécurité telle qu'elle a été prévue dans une annexe des accords récents au centre de Conférence de Petersberg. Il faudra ensuite une nouvelle résolution du Conseil de sécurité pour fixer le mandat exact de cette force et cela supposera l'accord des nouvelles autorités afghanes qui se mettent en place à partir du 22 décembre au terme de cet accord de Bonn qui est contesté mais, compte tenu de la situation, il est inévitable qu'il y ait des contestations et cela n'enlève rien aux accords de Bonn. Quelle mission aura cette force ? Assurer à Kaboul la sécurité des structures politiques et administratives nouvelles et des organisations internationales, notamment les représentants de l'ONU. La mission serait de courte durée. Le Premier ministre a parlé de quelques mois. Le mode de commandement, ce serait le mandat de l'ONU et une structure ad hoc, évidemment en coordination avec les structures de commandement américaines dans le cadre de l'opération contre Al Qaïda, mais avec une structure de commandement distincte. Et la France est prête, nous l'avons dit hier, à assumer ses responsabilités, comme cela est souhaité par les Nations unies et comme le demandaient les Afghans à Bonn. Mais cela ne s'arrête pas là. Nous sommes prêts également pour renforcer la sécurité de l'Afghanistan nouveau à contribuer d'abord à la protection de cette force par les avions que nous avions envoyés dans la région, d'autre part à aider les Afghans à former les spécialistes du déminage et à mettre sur pied la véritable armée qui manque à l'Afghanistan, pour que les Afghans prennent le relais, naturellement.
Ensuite, tout le volet de l'aide à la reconstruction devra se développer. Charles Josselin est sur place à ma demande pour prendre contact avec les premiers responsables déjà en place et évoquer les autres points. On retrouvera la question de la place des femmes dans la société afghane où nous apporterons toute l'aide que nous avons à l'esprit, programme par programme. Tout cela se fera avec les partenaires européens, naturellement.

Sur le deuxième point, j'ai dit, il y a quelques jours, et beaucoup de responsables européens l'ont dit, les Britanniques eux-mêmes, que si les Etats-Unis voulaient aller plus loin, il faudrait qu'ils apportent des preuves très convaincantes. En ce qui concerne la lutte contre l'organisation Al Qaïda, on peut considérer que cela relève encore de la résolution 1368 et il faut que ce soit très argumenté. En revanche, en ce qui concerne l'Iraq, j'ai déjà dit, il y a quelques jours, qu'une action de ce type n'aurait évidemment pas notre approbation, ni notre soutien. Plusieurs autres Européens l'ont dit et ils ont été clairs. J'ajoute, pour que vous le sachiez tous, que, quand M. Powell est passé à Paris ce mardi, il a bien indiqué, - il l'a dit au président et à moi-même, il l'a dit en public -, qu'aucune décision d'aucune sorte n'était prise par les autorités américaines et que ceux qui en parlaient aux Etats-Unis, étaient des commentateurs, des journalistes, des membres du Congrès, mais qu'il n'y avait pas de décision sur ce point. C'est tout à fait important. De toute façon, depuis le 11 septembre, il a été dit à plusieurs reprises, y compris par le président Bush et Colin Powell, que la lutte contre le terrorisme n'était pas principalement militaire, même si elle l'est, à certains moments, inévitablement, mais qu'il y a toutes les autres formes qui sont importantes dans lesquelles nous serons engagés.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 14 décembre 2001)