Interview de M. Jean-Louis Debré, président du groupe parlementaire RPR à l'Assemblée nationale, à France 2 le 22 février 2002, sur le lancement de la campagne électorale de L. Jospin, le statut du président de la République, la délinquance et l'investiture de L. Jospin par le PS.

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Texte intégral


R. Sicard L. Jospin a lancé hier soir sa campagne électorale dans le journal de 20h00 de France 2 et, en répondant aux questions de D. Pujadas, il a d'emblée placé cette campagne sur un ton assez polémique, avec notamment des attaques assez directes contre J. Chirac. Alors, première attaque : L. Jospin a dit qu'il faudrait revoir le statut du président de la République, pour que le Président puisse répondre aux questions de la justice. Vous qui êtes un ancien magistrat, cela vous paraît une bonne idée ?
- "D'abord j'ai trouvé effectivement L. Jospin agressif, polémique. Il faut dire que quand on n'a rien à dire, rien à proposer et qu'on veut faire oublier son bilan, il y a deux choses qu'il faut faire. D'une part être agressif, d'autre part faire un peu de repentance. Il a été agressif et il a fait de la repentance. Ce n'est pas une vision de l'avenir tout cela, ce n'est pas très encourageant pour les années qui sont devant nous. On espérait une sorte de visionnaire, on espérait un projet pour la France, on a un homme qui veut faire oublier son passé, veut faire oublier son bilan et rentre dans une agressivité qui n'est pas de bon aloi. Il veut changer le statut pénal du président de la République, c'est sa responsabilité, mais simplement, il faut changer la Constitution."
Mais qu'est-ce que vous en pensez ? Vous pensez que c'est une idée intéressante, parce que J. Chirac n'a pas pu aller témoigner ? Vous pensez qu'il aurait fallu qu'il le fasse ?
- "On ne peut pas à la fois réclamer, revendiquer l'autorité de l'Etat et rabaisser sans arrêt l'Etat. Je crois que le statut du président de la République est fixé par la Constitution actuelle, comme il l'était par les constitutions précédentes. Il faut faire en sorte que le chef de l'Etat soit au-dessus d'un certain nombre de polémiques et qu'il marque l'avenir de la France. Attention à ne pas jouer avec les institutions. Or, M. Jospin, pour des raisons électorales et démagogiques, joue avec nos institutions. Ce n'est pas comme cela qu'il rétablira l'autorité et la crédibilité de l'Etat."
Donc, le Président ne doit pas pouvoir répondre aux questions des juges, selon vous ?
- "Je crois qu'il faut préserver la fonction présidentielle."
Alors, deuxième attaque de L. Jospin : le candidat Jospin a dit qu'un président de la République devait tenir ses promesses. Cela veut dire que J. Chirac n'a pas tenu les siennes pendant son septennat ?
- "Vous savez, ce n'est pas cela qui m'intéresse. Ce qui m'intéresse, c'est de remarquer avec nos téléspectateurs, que L. Jospin n'a rien proposé. Pire, il a reconnu s'être trompé pendant cinq ans. Je prends un exemple : l'insécurité qui ne cesse de croître. Il nous dit que ce n'est pas un objet de polémique. C'est vrai, il a raison, mais ce qui est un sujet d'interrogation, c'est pourquoi, pendant cinq ans, il a refusé de voir la montée en France de la délinquance et de la criminalité."
Les moyens donnés à la police et à la gendarmerie ont quand même été substantiellement augmentés...
- "Demandez aux gendarmes qui ont manifesté dans la rue. Et lorsque nous avons fait un certain nombre de propositions, notamment pour essayer de limiter ou d'enrayer la délinquance des mineurs, comme la comparution immédiate des mineurs délinquants, comme un certain nombre de décisions sur la responsabilité des parents, Jospin nous a expliqué à l'Assemblée nationale que ce n'était pas le problème, qu'il n'y avait pas d'augmentation de la délinquance en France et que c'était un faux débat. Quand nous avons expliqué qu'il y avait des problèmes d'effectifs dans la police, que l'application des 35 heures à la Police nationale, comme à la Gendarmerie nationale, faisait qu'il fallait recruter un plus grand nombre de policiers, on nous a expliqués que ce n'était pas vrai. Or aujourd'hui, après cinq ans de gouvernement, voilà M. Jospin qui polémique et voilà M. Jospin qui reconnaît enfin qu'il a eu, dans le domaine de la lutte contre la délinquance et la criminalité, une action négative. S'il avait été honnête, il aurait pu ajouter que lorsqu'on le veut, on le peut. Entre 1993 et 1997, les Français s'en souviennent, la délinquance et la criminalité ont baissé en France, parce qu'il y avait une volonté politique, parce qu'on a essayé de réformer la police, parce qu'on a donné des moyens nouveaux à la police et à la gendarmerie. Aujourd'hui, on n'a rien fait, on a même inventé le mot "d'incivilité" pour éviter de punir ou de sanctionner un certain nombre de mineurs qui commettaient des faits délictueux. On a tout fait pour permettre cette montée de la délinquance et de la criminalité. Je suis content que le candidat Jospin ait reconnu que ce qui avait été fait par le Premier ministre Jospin avait été mauvais."
C'est votre interprétation, ce n'est pas tout à fait l'avis de D. Vaillant par exemple... Il faut le dire...
- "C'est normal, c'était un camarade de M. Jospin."
Je voudrais passer à une autre question. L. Jospin a dit que son projet n'était pas un projet socialiste. On a l'impression que les voix du centre peuvent aussi l'intéresser. Est-ce que sur ce point, il ne va pas se retrouver en concurrence directe avec J. Chirac ?
- "D'abord, il dit que ce n'est pas un projet socialiste, mais il ne se fait investir que par le Parti socialiste. D'ailleurs, M. Jospin se trompe de Constitution : être candidat à la présidence de la République, c'est un rapport direct entre un homme et les Français."
Il a adressé une lettre aux Français justement...
- "Il va dimanche se faire investir par le Parti socialiste. On le faisait sous la IIIe ou la IVe République, ce sont les hommes du passé qui font cela. Il n'y a pas d'investiture de parti politique. Il y a une volonté de rassemblement des Français, de tous les Français."
Franchement, c'est un peu ce qu'il a fait avec sa lettre aux Français,
reconnaissez-le ?
- "Oui, mais pourquoi va-t-il se faire investir ? Permettez-moi de vous dire qu'il va essayer naturellement de faire oublier qu'il est socialiste et qu'il a été trotskiste, c'est sûrement sa tactique. Mais les Français vont juger la politique qui a été la sienne pendant cinq ans. Or, cette politique est une politique socialiste, mais il veut le faire oublier. Alors, pour lui, la période de l'élection présidentielle est une période de maquillage. On maquille son bilan, on maquille ses idées, on maquille ses convictions... Mais ce n'est pas comme cela que l'on gagne le cur des Français."
(Source :Premier ministre, Service d'information du Gouvernement,le22 février 2002)