Interview de Mme Corinne Lepage, présidente de Cap 21 et candidate à l'élection présidentielle, à RTL le 21 mars 2002, sur son programme électoral en matière d'environnement, de renforcement du pouvoir des associations, d'énergie nucléaire et sur ses relations avec les Verts et Noël Mamère.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

R. Elkrief Vous êtes candidate à l'élection présidentielle, une candidate écologiste - on va bien sûr détailler avec vous votre programme - : est-ce que vous avez vos 500 signatures ?
- "J'avais 500 promesses. J'espère bien avoir 500 signatures. J'ai dit très clairement qu'il y avait eu des pressions, voire quelques menaces sur quelques élus. Ce que je trouve intolérable dans un pays démocratique."
Des élus qui se sont désistés et qui vous ont enlevé leurs promesses ?
- "Ils se sont désistés et ont enlevé leurs promesses, en disant qu'ils ne la donnerait à personne. Et que vues les pressions dont ils ont fait l'objet, ils ne maintenaient pas leur parrainage."
Vous vous présentez comme une candidate écologique, mais est-ce que vous êtes une candidate écologique de plus ou une candidate généraliste qui a une vision plus large ?
- "Mon programme est tout à fait généraliste. Je l'ai présenté hier. Il fait 84 pages. Il y a plus de 500 propositions dans tous les domaines de la vie. J'ai deux particularités. La première est de faire des questions de l'environnement, de vie, de la santé, le coeur du débat public et d'orienter toutes les politiques autour de la résolution de ces grands sujets de société."
On vous connaît comme ancien ministre de l'Environnement d'A. Juppé, quand J. Chirac était président de la République entre 1995 et 1997, mais aussi, comme avocate des victimes du naufrage de l'Erika.
- "C'est vrai et j'ai depuis 25 ans défendu de très nombreuses causes environnementales en France et à l'extérieur. Première particularité : l'environnement, la santé, la vie, ce n'est pas la cerise sur le gâteau, mais c'est ce que doivent viser les politiques. C'est donc l'objectif des politiques publiques, à commencer par la réduction des risques de toute nature, que ce soit ce que je mange, ce que je bois, ce que respire, les enfants qui vont à l'école, les femmes qui se promènent dans la rue, le terrorisme bien sûr, ou la délinquance. Cela fait partie de tous les risques. Et puis, ma deuxième particularité, c'est les moyens que je propose de mettre en oeuvre pour parvenir à cet objectif. Je dirais que, parmi tous les candidats, j'ai une particularité qui est celle de mettre en avant les citoyens. Moi, je crois à un contre-pouvoir citoyen."
Sous quelle forme ? Des associations ?
- "Il faut renforcer le pouvoir des associations, en leur donnant de véritables moyens financiers comme les associations anglo-saxonnes, modifier les procédures de prises de décisions et notamment les enquêtes publiques pour qu'il y ait un réel pouvoir citoyen, faire en sorte que nous ayons un référendum d'initiative citoyenne sur les grands sujets - dès lors que ce n'est pas contraires à nos engagements internationaux bien entendu ou à notre Constitution - en permettant à 5 ou 10 % du corps électoral de solliciter un référendum. Voilà quelques réformes qui seraient de nature à permettre d'abord à la France de changer réellement, parce que je ne crois pas que l'administration serait capable de se réformer elle-même, et qui permettrait d'autre part de mettre en avant, et je dirais au-delà des clivages droite-gauche, les grands sujets de société."
Sur le nucléaire, vous dites que vous êtes contre mais qu'enfin, il faut être réaliste et qu'on n'arrivera pas à le supprimer de la vie en France ?
- "A court terme, je ne le crois pas. Je n'aime pas le nucléaire, j'en ai peur. Le système si opaque du nucléaire, contre lequel je me suis battue toute ma vie, me révolte. Il n'en demeure pas moins que 80 % de notre électricité est d'origine nucléaire. Je ne crois pas qu'on puisse faire moins que de travailler par étape et de viser déjà 60 %. Ce serait formidable."
On vous présente aussi comme une écologiste qui, finalement, peut travailler un peu pour J. Chirac d'une certaine façon. J. Chirac a présenté un programme et il a déclaré qu'il était pour une écologie humaniste. Il a aussi dit qu'il voulait un grand ministère de l'Environnement, de l'écologie et du développement durable, carrefour de toutes décisions économiques d'aménagement. Vous y croyez franchement à cela ? On va passer par le ministère pour leur demander lorsqu'on va prendre des décisions économiques ?
- "Ce serait idéal, mais cela me paraît difficile. Moi, je propose un autre schéma qui est de créer un grand ministère santé, environnement et consommation. Tout simplement parce que je crois qu'aujourd'hui, le grand sujet est de connaître les effets de l'eau, de l'air, des sols sur la santé humaine. On assiste à une explosion des cancers. On a des problèmes considérables de stérilité masculine en France. Nous avons des développement de quantité de maladie dont on se demande, maintenant, si elles n'ont pas des liens avec l'environnement. Je crois donc que l'essentiel consiste à travailler sur ce domaine et donc, avoir le lien depuis l'amont - la santé - jusqu'à l'aval - le consommateur et ce qu'il mange - m'apparaît un très bon moyen de travailler."
Un peu de politique politicienne : vous annoncez déjà que vous ne vous désisterez pas pour L. Jospin...
- "Et puis son programme sur l'environnement, très franchement, n'incite pas vraiment à le faire."
Vous êtes très critique à l'égard des Verts et avec le candidat N. Mamère. Vous vous désisterez donc pour J. Chirac ?
- "Pas nécessairement."
Quelles sont vos conditions ?
- "On va voir comment va évoluer la campagne. Je trouve que son discours sur l'environnement est un beau discours. Mais il ne va pas du tout assez loin. Par exemple, sur tout ce volet citoyen dont je parlais : il n'y a rien sur la transparence dans l'information, à laquelle je suis tellement attentive, sur le fait, qu'à mon sens, il devrait y avoir une répression de la rétention d'informations, comme cela s'est passé au moment de Tchernobyl - c'est intolérable. Ce sont des sujets qui, pour moi, sont majeurs. Sur les OGM, je voudrais aller plus loin. Je souhaite un moratoire."
Sur les OGM, vous êtes d'accord avec J. Bové, vous le soutenez là-dessus.
- "Je me bats contre les OGM depuis l'origine, si je puis dire, parce qu'on ne connaît absolument pas les effets sur l'environnement et la santé humaine et je trouve vraiment irresponsable de rendre une situation irréversible, alors qu'on ne sait pas ce qui va se passer demain. Donc, apprenons à savoir les effets, et après, cela nous déciderons."
Il n'y a pas beaucoup de femmes candidate dans cette campagne ?
- "Non et il y a un petit sexisme ambiant, comme cela, l'air de rien. Quand on me traite de "grenouille", j'y ressens un relent de..."
C'est vrai que B. Lalonde, un nouveau concurrent potentiel, qui est aussi candidat pour le moment...
- "Je crois très franchement que nous serons deux - N. Mamère et moi-même. Vous avez raison de dire que je suis très critique avec le bilan de D. Voynet d'une part et le candidat N. Mamère d'autre part, tout simplement et en particulier, parce que son programme n'est pas un programme de défense de l'environnement. L'environnement est un sujet parmi beaucoup d'autres, et qui vient après la majorité à 16 ans ou la dépénalisation du cannabis. Et surtout, pour quelqu'un qui se réclame de la concertation, de la participation et du débat, il refuse systématiquement de débattre avec moi. Je trouve que c'est particulièrement peu démocratique."
Cela fait partie de la règle du jeu : on ne met pas en valeur un petit candidat, quand on est un candidat un peu plus grand. Vous la connaissez cette règle du jeu ?
- "J'entends bien, mais peut-être aussi a-t-il peur de s'expliquer avec moi du bilan des Verts au Gouvernement, qui est particulièrement minable et surtout, de s'expliquer sur le fonds des dossiers car je crois qu'il n'a pas la capacité de le faire."
Vous êtes créditée d'assez peu de points...
- "Cela monte, je crois."
Entre 0,5 et 2 % selon les sondages. Franchement, pourquoi une femme comme vous court d'un endroit à l'autre, se fatigue, cherche ses signatures sans une organisation ou un parti derrière ? Cela vaut vraiment le coup ?
- "Il y a un parti qui travaille sinon, moi, toute seule, je ne pourrais pas faire tout ça. Nous sommes à peu près un millier à Cap 21 à travailler autour de cela."
Cap 21, c'est votre parti ?
- "C'est mon parti. Je fais partie de ceux qui ont des convictions à défendre et je crois qu'il y a une vraie urgence sur tous ces sujets de société. Les femmes sont particulièrement bien placées pour comprendre cet enjeu. Je suis en train de monter dans les sondages, parce que le dernier est à 2 %. Je suis persuadée que c'est un mouvement qui s'amorce et qui va continuer et que je serai entendue en France."
(Source :Premier ministre, Service d'information du gouvernement, le 21 mars 2002)