Déclaration de M. Lionel Jospin, Premier ministre, et conférence de presse conjointe avec MM. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères et Charles Josselin, ministre chargé de la coopération et de la francophonie, sur les objectifs et l'évolution de l'aide publique au développement, notamment la coopération internationale en matière de surendettement, Paris le 14 février 2002.

Prononcé le

Circonstance : Réunion du Comité interministériel pour la coopération internationale et le développement (CICID) à Paris le 14 février 2002

Texte intégral

Mesdames et Messieurs,
Nous venons de tenir notre comité interministériel pour la coopération et le développement et je voulais, avec les ministres qui m'accompagnent, vous en rendre compte. Vous vous souviendrez sans doute qu'il y a à peu près quatre ans, le 4 février 1998, le gouvernement avait engagé une réforme profonde de notre dispositif de coopération.
Nous voulions, à ce moment-là, sortir d'une conception et d'une pratique encore trop marquées par une certaine tradition néo-coloniale.
Depuis plusieurs années, nous constations que la politique d'aide faisait l'objet d'un scepticisme assez justifié, puisqu'elle n'avait finalement pas été capable d'enrayer la dégradation continue des conditions de vie dans de nombreux pays en voie de développement.
En outre, il était clair que cette politique d'aide ne bénéficiait pas suffisamment aux populations, en raison des nombreux effets pervers qui l'accompagnaient, si bien que l'on mettait souvent en lumière - y compris vous-même, observateurs attentifs - les projets dispendieux et inutiles ou de multiples prêts finalement non affectés.
Plusieurs principes ont animé notre réforme de la coopération :
- la rationalisation d'un dispositif complexe, par le biais d'une meilleure coordination des services,
- le renforcement de l'efficacité et de la sélectivité de l'aide,
- la mise en uvre d'une logique partenariale avec les pays en développement bénéficiaires et l'accent mis sur les priorités sociales du développement.
Pour mettre en uvre cette réforme, nous avons revu l'architecture de notre coopération :
Nous avons créé un grand pôle diplomatique, en regroupant les services du secrétariat d'Etat à la Coopération et ceux du ministère des Affaires étrangères. Je tiens à rendre hommage, non seulement aux deux ministres, mais aux agents de ces deux ministères pour la rapidité et l'efficacité avec laquelle ils ont réussi cette réforme.
Nous avons créé un outil unique pour dispenser, suivre l'"aide-projet", qui est l'Agence française de développement, dont l'action se concentre désormais sur une Zone de solidarité prioritaire (la ZSP) qui est délimitée selon des critères économiques mais aussi diplomatiques.
Enfin, un Haut Conseil de la coopération internationale a été conçu pour permettre que ces questions de coopération au développement puissent faire l'objet d'un large débat avec la société civile.
C'est le troisième CICID qui se réunit aujourd'hui et il s'est attaché à rendre notre aide encore plus efficace.
Certains ont en effet parlé d'une contradiction entre la stagnation des ressources consacrées au développement et le grand nombre de pays potentiellement bénéficiaires de notre coopération.
Pour répondre à cette critique, il est important de rappeler qu'il n'y a pas d'automaticité de l'aide en faveur d'un pays faisant partie de la ZSP. Cette aide dépend toujours de la pertinence des projets qui sont présentés.
Cette année, un certain nombre de pays - nous avons pris ces décisions - sont sortis de la ZSP, le plus souvent d'ailleurs parce que leur niveau de développement s'est accru. J'y vois donc le signe d'un succès. L'aide au développement a en effet vocation à être limitée dans le temps.
Un dispositif spécifique de gestion des sorties de crises a été mis en place. Et il vient là pour combler le manque qui existait entre les interventions militaro-humanitaires d'une part et la phase de reconstruction elle-même.
Ce dispositif va donc définir un continuum dans l'action de notre pays allant de l'aide humanitaire d'urgence à l'aide au développement. Il a été doté d'un budget spécifique de près de 20 millions d'euros.
Ce dispositif continuera d'être utilisé en Afghanistan en particulier, selon trois axes prioritaires : l'éducation, la santé et l'Etat de droit.
Ce CICID a accordé une grande attention à l'assistance technique qui est une spécificité, une priorité de la coopération française.
Nous avons voulu lui donner une forme nouvelle. Des assistants techniques pourront désormais être mobilisés pour des missions courtes, répondant précisément aux besoins des pays, dans un cadre bilatéral ou multilatéral.
Le maintien de cette assistance est pour notre pays la garantie de tenir son rôle de conseil et d'influence dans la coopération internationale.
Le CICID a voulu également accroître la transparence des moyens consacrés à la coopération internationale.
Il a donc mandaté conjointement le ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie et celui des Affaires étrangères pour que cette rénovation permette une meilleure information du Parlement dès le projet de loi de finances 2003, dans l'esprit de la nouvelle loi organique sur les lois de finances, qui, vous le savez, a été votée de façon très consensuelle par les deux assemblées.
Pour l'aide publique au développement, cette amélioration permettra d'assurer une parfaite traçabilité des dépenses.
Le CICID s'est aussi intéressé à la question essentielle du financement du développement, dans la perspective de la Conférence de Monterey qui doit avoir lieu au mois de mars prochain.
Il a été l'occasion de rappeler que, de 1994 à 1998, l'aide publique au développement a diminué de 0,56 % à 0,34 %, hors territoires d'outre-mer, que ce taux a été stabilisé entre 1998 et 2000 mais, rappelons-le, dans un contexte de forte croissance du PIB, ce qui signifiait des augmentations significatives en volume. Et, ainsi, notre pays reste le premier du G7 en termes de taux d'efforts.
Le CICID a décidé une reprise de la progression des ressources financières qui seront consacrées à l'aide et d'ailleurs, après avoir été de 0,32% en 2000, puis d'être passé à 0,34 % en 2001, nous pensons que ce taux devrait atteindre 0,36 % en 2002. Naturellement, il restera à se fixer de nouveaux taux de progression, mais il est un peu difficile d'anticiper à cet égard.
L'additionnalité des annulations de dettes aux moyens traditionnels consacrés au développement a été confirmée dans ce comité interministériel, parce qu'une question s'était posée à la suite d'un exercice d'annulation de dette pour un pays africain. Il semblait que, en fait, c'était la nomenclature budgétaire qui n'était pas assez précise pour qu'on puisse clairement montrer ce principe d'additionnalité.
J'insiste aussi sur le fait que l'"aide-projet" gérée par l'Agence française de développement sera déliée. C'est-à-dire que les financements mis en uvre seront, par souci d'efficacité, ouverts à la concurrence internationale. Il n'y aura plus, donc, d'obligation pour des pays d'acheter français pour recevoir une coopération. Je pense que c'est, conceptuellement, un progrès important ; pratiquement aussi, ce sera un progrès important. Cette dé-liaison de l'aide est un très vieux débat d'ailleurs. Il existait quand je m'occupais de ces questions comme jeune diplomate, il y a maintenant malheureusement très longtemps... Cela fait plaisir de le voir aboutir, surtout sous un gouvernement que je dirige parce que je ne l'aurais pas pensé à l'époque - non pas que cela n'aboutirait pas mais que j'aboutirai là.
Enfin, le CICID a réfléchi à de nouvelles sources de financement, dans le prolongement, d'ailleurs, du discours que j'ai prononcé il y a deux semaines à propos des phénomènes de la globalisation et des rapports Nord-Sud devant le Conseil économique et social de notre pays.
Le CICID s'est montré très favorable à une allocation exceptionnelle de "droits de tirages spéciaux" pour desserrer la contrainte de liquidité des pays en développement.
Il a renouvelé le soutien de la France à l'examen multilatéral des nouvelles formes de taxation internationales - taxes sur les flux financiers à court terme (dite taxe Tobin) ou sur les ventes d'armes ; on a évoqué aussi l'idée d'une taxe sur le CO2. Mais, naturellement, je voudrais rappeler que ces sources éventuelles de financement nouveau ne sauraient remplacer l'aide publique au développement.
Le CICID a souligné l'impérieuse nécessité d'assurer la cohérence multilatérale. C'est pourquoi nous avons là aussi réaffirmé le soutien du gouvernement à la mise en place d'un conseil de sécurité économique lié à l'Organisation des Nations unies. Nous nous sommes prononcés également en faveur de la création d'une Commission internationale du surendettement qui devrait permettre de rééquilibrer le rapport de forces entre Etats débiteurs et Etats créanciers en faveur des premiers et peut-être aussi d'examiner un peu mieux la part que les intérêts privés prennent à la solution de crises de surendettement auxquels ils ont aussi contribué et aux solutions desquels, jusqu'à maintenant, ils contribuent peu quand ce n'est pas du tout.
Ce troisième CICID s'est inscrit dans la nouvelle dynamique du développement, lancée lors du Sommet du Millénaire.
Nous constatons que trop de pays restent à l'écart de la dynamique de la mondialisation, que celle-ci peut aggraver la situation dramatique de populations déjà fragiles.
Cette nouvelle dynamique du Sommet du Millénaire reposait sur un engagement d'atteindre des objectifs concrets et précis - en termes de taux d'alphabétisation, de taux de mortalité enfantine ou d'équipement - et de les prendre en compte dans la définition de politiques publiques globales. Il s'agit d'une approche partenariale de l'effort dans laquelle les pays bénéficiaires ont à tenir leurs engagements en matière de bonne gouvernance ou de transparence, les pays développés mettant à leur disposition les financements et l'expertise technique nécessaires.
Nous voulons donc que la communauté internationale choisisse la voie d'un engagement contractuel pour le développement.
Mais, pour que le développement soit vraiment solidaire, il faut aussi que les pays du Sud parviennent à s'insérer pleinement dans l'ordre économique mondial. Nous dégagerons des moyens d'assistance technique pour aider leurs administrations et leurs acteurs économiques - c'est une autre décision du CICID - à s'adapter à la concurrence internationale et à mettre en place un cadre propice aux investissements étrangers.
Enfin, il faut surtout qu'un véritable changement culturel ait lieu à l'échelle du monde, qui permette d'impliquer tous les acteurs du développement, afin que règnent, en tout endroit de la planète, les droits sociaux mais aussi les règles démocratiques qui fondent - et ce n'est pas un hasard sans doute, historiquement - le modèle des pays riches.
Voilà, Mesdames et Messieurs, un certain nombre d'éléments que je voulais vous donner pour vous rendre compte de notre travail, qui est consigné par ailleurs dans un relevé de conclusions très précis.
Nous sommes maintenant, en particulier les ministres qui travaillent sur ces dossiers au quotidien, à votre disposition si vous avez des questions à poser.
Q - Vous avez parlé d'un certain nombre de pays sortis de La ZSP. Est-ce qu'on pourrait savoir lesquels ? Et deuxièmement, à propos du dispositif de gestion de crise, est-ce que ce qui est décidé aujourd'hui est la généralisation de quelque chose qui est déjà appliqué en Afghanistan et qui s'appliquera plus tard à d'autres pays, ou est-ce que c'est véritablement un nouveau dispositif dont le premier bénéficiaire sera l'Afghanistan ?
R - Charles Josselin - S'agissant des pays qui sont appelés à sortir de la ZSP : il s'agit pour l'essentiel des Caraïbes et de deux pays de l'Océan indien qui sont les Seychelles et Maurice. Je voudrais dire à leur sujet qu'ils ont d'abord des statistiques qui les mettent en situation très différente des pays africains en terme de revenus par tête. La cohérence régionale à laquelle nous tenons n'est pas pour autant remise en question. C'est désormais dans le cadre de ce que nous appelons les politiques régionales de coopération, conduites à partir des départements français d'Amérique ou de la Réunion, que la coopération avec ces pays va se développer. Dans ces conditions-là, les outils de la coopération pourront continuer d'être mobilisés en direction de ces pays. Mais je le répète : le choix que nous avons fait, ce n'est pas seulement pour constater qu'ils sont - tant mieux pour eux - dans une situation économique et sociale très différente des autres pays de la zone mais c'est aussi pour consolider en quelque sorte la politique de coopération régionale que nous entendons conduire avec ces pays-là.
Il y a des pays qui rentrent : le Soudan et le Yémen. Le Soudan a, selon nous, connu au cours des dernières années une évolution disons satisfaisante, compte tenu de la situation de départ qui était la sienne. Il faut évidemment que les efforts soient poursuivis en ce qui concerne à la fois le dialogue interne mais surtout la fin de cette guerre qui aujourd'hui concerne le sud du Soudan. Je rappelle que les sanctions des Nations unies ont été levées en septembre 2001, que les aides européennes ont été reprises et que le Soudan, par exemple, vient de retrouver sa place au Fonds monétaire international. C'est dire si la communauté internationale toute entière porte, aujourd'hui, sur le Soudan un regard beaucoup plus positif. Le fait qu'il entre dans la ZSP, est aussi pour nous une manière de pouvoir plus fortement encore aider le mouvement que nous avons constaté au Soudan. Notre vigilance, pour autant, ne sera pas relâchée. En ce qui concerne le Yémen, c'est le seul pays pauvre des pays arabes, c'est aussi la seule République de la péninsule arabique. C'est enfin aussi un pays qui a des relations de voisinage importantes avec des pays proches qui sont dans la ZSP. Il y a bien entendu Djibouti mais aussi l'Ethiopie, pour prendre un autre exemple. Ajoutons que le Soudan, comme le Yémen, se sont engagés dans la lutte antiterroriste et que l'entrée dans la ZSP nous permet de participer notamment à la consolidation des institutions, en particulier judiciaires, ce qui nous paraît important dans le cadre de cette coalition antiterroriste.
Q - Sur la gestion des crises et le cas de l'Afghanistan ?
R - Hubert Védrine - En ce qui concerne la gestion des crises, ou en tout cas des instruments d'aide aux pays en crise, parce qu'il ne s'agit pas de la gestion politico-stratégique des crises mais de l'aide aux pays en crise, il manquait quelque chose entre l'aide humanitaire d'urgence et l'aide au développement. Nous avons créé un nouvel outil pour intervenir vers les pays qui sont dans cette situation intermédiaire. Cela a été créé en 2002. Le CICID en a pris acte positivement et cela paraît un instrument qu'il faut potentiellement étendre à d'autres cas de figure. Ceci a été expérimenté sur l'Afghanistan. L'Afghanistan bénéficie ainsi d'un programme spécial financé essentiellement sur ce fonds post-crise, qui porte sur des sujets comme l'éducation, la santé et la sécurité. Vous verrez d'ailleurs dans le relevé de conclusions qu'est détaillée au point 1.1.3 cette gestion des crises internationales, cet instrument complémentaire. Il y a un continuum qui va de l'humanitaire d'urgence à l'aide au développement ou en construction.
Q - Est-ce que cela veut dire que l'objectif de 0,7 % du PIB ou du PNB pour l'aide publique au développement qui avait été fixée il y a des années ne vous paraît plus réalisable car il y a très peu de pays qui l'ont respecté et que maintenant dans ce cadre du réalisme, vous allez diminuer un peu les expectatives ?
R - Lionel Jospin - Non, cela ne signifie pas ça. Ce débat a eu lieu dans le comité interministériel qui a pris des décisions tout à fait importantes dans toute une série de domaines. Je voudrais rappeler ce que j'ai dit, peut-être trop succinctement, qu'il ne fallait pas simplement se fixer sur un objectif quantitatif mais qu'il fallait regarder la qualité des projets, surtout se fixer d'autres objectifs qui étaient des objectifs de développement économique social et humain, et mobiliser à travers l'aide au développement notamment la communauté internationale et chacun des grands bailleurs de fonds sur ces objectifs : la réduction de moitié des critères essentiels qui caractérisent la très grande pauvreté à l'échéance 2015. Cette approche est une approche féconde car elle ajoute en quelque sorte une dimension qualitative à un objectif purement quantitatif, dont il faut bien dire que la plupart des pays développés ne se sont pas rapprochés depuis des années. Nous avons dû faire nous-mêmes le constat que l'aide française en pourcentage du PIB avait baissé dans la période des quelques années qui ont précédé ce gouvernement. Cette aide avait été juste stabilisée pendant deux ans et avait amorcé seulement une remontée réelle de 0,32 % à 0,34 % puis 0,36 % espérés en 2002. Nous avons donc réamorcé une montée. Et pour être très précis devant vous, je voudrais vous dire que nous avons eu une discussion tout à l'heure pour savoir si pour marquer mieux cette volonté de mobilisation il ne fallait pas se fixer un objectif intermédiaire. L'idée a été proposée, notamment par le ministre de la Coopération et de la Francophonie, de savoir si on ne devait pas se fixer un objectif intermédiaire à 5 ans pour montrer cette mobilisation. Nous avons craint que, fixant un objectif intermédiaire, on ne donne l'impression qu'on choisissait un autre objectif. Le caractère ambivalent d'une telle décision nous a finalement fait hésiter et retenir cette indication. La référence reste bien les 0,70 %. Mais encore faut-il se mobiliser sur des moyens concrets qui permettront justement d'aller dans ce sens. Ce sont les critères du millenium, notamment.
Q - Un certain nombre de chefs d'Etat africains semblent séduits par la proposition de George Bush : 50 % de dons et 50 % d'aides. Je pense que cela va faire l'objet du débat entre autres à Monterey mais je voudrais connaître la position de la France a cet égard.
R - Lionel Jospin - Ce n'est pas la nôtre. Je ne sais pas si le ministre des Affaires étrangères ou le ministre de la Coopération et de la Francophonie veulent répondre à cette question. Cette idée apparaît comme séduisante, parce qu'on se dit que les dons par définition sont gratuits et il n'y a donc pas de remboursement et donc pas de taux d'intérêt. Augmenter la part des dons paraît être favorable et positif. Mais si pour obtenir ce pourcentage cela signifie que les flux sous forme de prêts s'en trouvent réduits, alors cette mesure apparemment positive se retourne en sens contraire. Je ne sais si l'un des deux ministres veut être plus précis. Mais c'est vous laisser penser que nous ne sommes pas favorables à une telle décision qui risque d'assécher une partie des ressources de l'AID.
R - Charles Josselin - George Bush parle pourcentages mais il a oublié de parler des volumes. En réalité, si c'est en dons, il faut s'attendre à un effondrement de l'aide. Notre proposition était d'accepter d'aller jusqu'à 10 % en dons mais pas d'aller là où les Américains voudraient nous emmener, ce qui se traduirait mécaniquement par, je le répète, un effondrement de l'AID.
Q - Comment voyez-vous cette commission internationale du surendettement ? Une sorte de club qui serait en face du Club de Paris ? Est-ce que vous allez le proposer, et à qui ? Comment vous voyez les choses ?
R - Lionel Jospin - Je crois que c'est une réflexion qui doit être conduite dans les instances financières internationales, et qui doit être conduite notamment dans le cadre du FMI d'abord, pour en définir le concept. Ensuite, quant aux formes qu'elle pourrait prendre, nous n'en sommes pas exactement là. Le Club de Paris est une structure informelle qui fait des exercices de consolidation ou d'allégement de dettes. Vous savez qu'il y a aussi le Club de Londres. Comment une structure de ce type prendrait-elle sa place dans l'architecture des organismes soit officiels, soit informels, qui se préoccupent des situations d'endettement ? Il est un peu tôt pour le définir. Simplement, on se rend compte, notamment avec le cas argentin, qu'il y a des situations de dettes majeures qui posent le problème de la solvabilité des Etats eux-mêmes et d'un traitement qui, exceptionnellement, peut se faire au niveau des Etats tout entier. D'autre part, nous constatons qu'une partie de l'endettement d'un certain nombre de pays en développement vient, non pas simplement des financements publics, mais de financements privés, souvent à des taux extrêmement élevés. Les mécanismes actuels font que ce sont les Etats qui assument ensuite les exercices de consolidation de dettes ou d'annulations de dettes - c'est-à-dire, finalement, les contribuables de chaque pays - et que ceux qui contribuent en partie à cette situation d'endettement ne sont pas partie prenante de la solution. C'est cette démarche qu'il faut examiner. Je crois qu'il est un peu tôt pour définir et situer l'instrument. Il faut d'abord rallier à cette vision un certain nombre de nos partenaires internationaux.
Q - (Inaudible) Est-ce une idée nouvelle ?
R - Lionel Jospin - Non. Ce sont des questions que le ministre de l'Economie et des Finances a eu l'occasion d'évoquer dans ses rencontres, bien sûr avec ses collègues européens d'abord - parce qu'il faut peut-être convaincre au sein de l'Union européenne elle-même, parce que si elle parle d'une seule voix, elle pèse davantage - mais y compris lors de réunions récentes qui ont eu lieu à Ottawa, en particulier, au niveau des ministres de l'Economie et des Finances du G7.
Q - Quand comptez-vous reprendre la coopération avec la Côte-d'Ivoire ?
R - Charles Josselin - Un, elle n'a jamais véritablement été interrompue. Deux, nous venons, Laurent Fabius et moi, de signer, il y a quelques jours, une lettre annonçant la reprise de la coopération financière avec la Côte-d'Ivoire pour des sommes importantes attendues par les autorités ivoiriennes.
Q - Si je ne me trompe pas, M. Chirac, lundi soir, s'est inquiété de la baisse de l'aide publique au développement d'une manière générale. Est-ce que vous prenez cette critique pour vous, parce qu'elle a continué de baisser pendant plusieurs années, même si elle a remonté l'année dernière et cette année ?
R - Lionel Jospin - Je crois avoir indiqué tout à l'heure de façon précise que je m'en tiens à des considérations objectives, que l'aide publique au développement, en pourcentage, avait baissé sensiblement entre octobre 1994 où elle était à 0,56 %, 0,48 % en 1995, 0,42 % en 1996 ; en 1997, le budget était à 0,39 %. Cela descend encore en 1998 à 0,34 %. Comme je l'ai dit, c'est resté stable en 1999 : 0,32 % - 0,34 % - 0,36 %. Donc, nous amorçons une progression, le creux s'étant produit de près de 20 centièmes entre 1995 et 1998.
Q - Monsieur, je voudrais savoir ce que le gouvernement pense des déclarations de Clare Short qui a récemment accusé la France de "comploter" contre l'Afrique, notamment en voulant maintenir le continent africain dans la pauvreté ?
R - Hubert Védrine - Compte tenu des rapports excellents qui existent entre le Premier ministre britannique et le Premier ministre français, de la coopération entre les deux gouvernements, du travail qui a été fait par les différents ministres en commun, comme par exemple le voyage récent que j'ai fait avec Jack Straw dans l'Afrique des Grands lacs, on a peine à penser que les déclarations de Mme Short expriment le point de vue du gouvernement britannique. Et quand elle-même s'inquiète d'un complot franco-britannique, on se demande de quoi il s'agit.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 21 février 2002)