Interview de M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères, à l'émission "L'Invité de Pierre-Luc Séguillon" de LCI le 25 février 2002, sur l'unilatéralisme de la politique étrangère américaine, la mise en cause de l'Irak, la dégradation de la situation au Proche-Orient et les initiatives européennes dans la recherche d'une solution politique, la démarche, les propositions de réforme et le rôle accru de la Grande-Bretagne au sein de l'Union européenne.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Emission L'invité de Pierre-Luc Séguillon - LCI

Texte intégral

Q - Au début du mois de février, vous avez expliqué qu'il était simpliste de vouloir tout réduire à la lutte contre le terrorisme. C'était une critique des Etats-Unis, une critique de leur politique unilatérale sans consultation de leurs partenaires et alliés. Cela vous a valu une réplique de Colin Powell, qui a parlé des "vapeurs" d'Hubert Védrine. Vous avez, à votre tour, répliqué en expliquant qu'il s'agissait d'un "échange viril" entre amis. C'est bien cela ? Faisons le point : maintenez-vous, aujourd'hui, cette critique de simplisme ?
R - D'abord, ce n'est pas une tension, c'est un débat. Ce n'est pas un débat franco-américain, c'est un débat euro-américain. C'est très important. Vous avez cité ma déclaration mais vous auriez pu en citer une bonne douzaine. Joschka Fischer disait : "Nous sommes des alliés, nous ne sommes pas des satellites" ; un ministre britannique dit : "Nous sommes des bons alliés, cela ne veut pas dire que l'on est des bonnes poires"... Il y a beaucoup de déclarations de ce type.
Q - Autrement dit, vous n'étiez pas tout seul ?
R - Je n'étais pas tout seul et c'est peut-être cela qui a inquiété les Américains. C'est peut-être cela qui a inquiété Powell de s'apercevoir, à un moment donné, qu'il y avait un état d'esprit européen qui ne pouvait pas se ramener à une résurgence d'un prétendu anti-américanisme français. Ce n'est pas du tout le sujet. Nous avons eu dans le passé récent l'occasion de coopérer énormément avec les Américains, notamment à l'époque de l'administration Clinton. Cela reste notre état d'esprit. Quand on peut coopérer avec eux, c'est mieux. C'est plus utile et plus efficace, c'est ce que nous souhaitons. Mais là, nous sommes devant des comportements qui obligeaient à poser le problème. Je veux préciser les termes simplement : le simplisme, ce serait de ramener tous les problèmes de monde à la seule lutte contre le terrorisme. Nous sommes tout à fait engagés dans la lutte contre le terrorisme. C'était d'ailleurs déjà le cas avant le 11 septembre, encore plus après. Pas uniquement par solidarité avec le peuple américain, mais parce que c'est notre intérêt à tout point de vue. C'est légitime et on doit continuer. Il ne faut d'ailleurs pas baisser la garde sur ce plan, il faut continuer. 
Mais est-ce que tous les problèmes du monde se ramènent à ça ? Non. C'est là où le débat commence : le Proche-Orient, l'Afrique des Grands lacs, la pauvreté dans le monde, la gouvernance mondiale. Il y a beaucoup d'autres sujets et nous pensons qu'il ne doit pas y avoir que cela. On ne peut pas tout résoudre que par des moyens militaires. Les Etats-Unis ne peuvent pas décider tout seuls, c'est notre monde à nous tous. Voilà le cur du débat. C'est pour cela que d'autres Européens ont insisté sur le côté unilatéral, les Américains ne consultant pas les autres. C'est un débat entre l'Europe et les Etats-Unis. Je crois que c'est un débat utile.
Q - Précisons les choses. Apparemment, l'administration américaine ne vous consultait pas avant le 11 septembre, elle ne vous consulte pas après le 11 septembre. Avez-vous le sentiment que l'on va vers une amélioration ou en est-on toujours au même point ?
R - Je crois que c'est toujours la même chose parce qu'ils ont un tel poids, une telle puissance. Le succès facile de l'opération en Afghanistan - qui a été fort bien menée d'ailleurs - a renforcé ce sentiment. Nous avons vu, depuis un an, beaucoup de décisions prises abruptement par l'administration actuelle sans se soucier particulièrement du point de vue des autres. On l'a vu sur l'affaire du climat, avec le refus de ratifier le protocole de Kyoto ; on l'a vu avec le blocage du statut de la Cour pénale internationale ; on l'a vu à propos du traité ABM dont ils se sont retirés, et de nombreuses autres négociations. C'est d'ailleurs cela qui a créé un climat d'inquiétude en Europe, qui fait que cette réaction française, cette interpellation française, normale entre alliés, n'est pas restée isolée. J'espère que les Américains vont l'entendre et parler, débattre plus et se réengager. Notre but n'est pas qu'ils se replient chez eux, mais qu'ils se réengagent dans une gestion multilatérale du monde et de nos problèmes globaux.
Q - Vous aviez fait parfois la distinction entre, à l'intérieur de l'administration américaine, Colin Powell par exemple, et Donald Rumsfeld, qui ne sont pas sur les mêmes positions. Or, c'est précisément Colin Powell qui vient à la rescousse de Bush pour vous critiquer sur votre déclaration. Cela ne vous a pas étonné ?
R - Encore une fois, ce n'est pas ma déclaration. Nous ne sommes pas dans un épisode franco-américain, nous sommes dans un épisode euro-américain. Colin Powell a été chargé par l'administration de répondre, parce que ce sont essentiellement des ministres des Affaires étrangères en Europe, plus le Commissaire aux relations extérieures de l'Union européenne, le Britannique Chris Patten, qui se sont exprimés. Colin Powell nous a répondu, en quelque sorte fonctionnellement, mais personne ne l'avait mis en cause lui-même. Enfin, le débat est là. Nous souhaitons des Etats-Unis qu'ils se réengagent davantage, qu'ils prêtent attention à leurs alliés et à leurs partenaires, parce que les problèmes du monde sont nos problèmes à nous tous. 
Q - J'ai lu dans un article, qui a été publié dans le "Herald Tribune", que vous auriez estimé que ce n'était pas cet axe du mal qui était choquant, en tout cas cette formule ; que ce qui était choquant, à nouveau on y revient, c'est que vous ne soyez pas associé, ou en tout cas l'usage qui est fait de cette puissance américaine.
R - Je n'ai pas spécialement mis l'accent sur la formule parce que c'est une expression qui ne doit pas étonner quand on connaît la rhétorique américaine du discours politique, le rôle que les Etats-Unis s'attribuent dans la conduite des affaires du monde, le bien et le mal. "L'empire du mal" est une expression dont se servait Ronald Reagan à propos de l'URSS. Ce n'est pas cela le cur du sujet. Quand on regarde de près, on voit bien que c'est un regroupement hétéroclite entre trois pays. On voit bien que Bush lui-même n'a pas la même approche sur la question de l'Iraq, de l'Iran et de la Corée du Nord. On voit que dans son voyage en Asie, ayant dit cela, il a plutôt demandé à ses partenaires japonais, de Corée du Sud et de Chine, d'essayer de dialoguer avec la Corée du Nord. Ce n'est donc pas l'application de cette prétendue doctrine. On voit bien que c'est une formule. On a essayé de voir le fond du comportement. Encore une fois, j'espère que nos amis américains vont entendre et débattre avec nous.
Q - Poursuivons et voyons s'ils vous entendent. D'abord, craignez-vous, espérez-vous, acceptez-vous qu'il y ait une opération militaire contre l'Iraq ?
R - Nous n'en sommes pas là du tout. Ce sont des spéculations, pour le moment.
Q - Dans votre esprit, quand George Bush dit tout cela, ce sont uniquement des mots ?
R - Non. Je pense que ce ne sont pas les mêmes mots quand il parle de l'Iraq, l'Iran et la Corée du Nord.
Q - Parlons de l'Iraq.
R - Il y a un problème de pays fabriquant des armes de destruction massive sans contrôle. C'est un problème sérieux et il y a un vrai soupçon sur l'Iraq, compte tenu de ce qu'est ce régime, de ce qu'il a fait naguère, la guerre contre l'Iran, par rapport au Koweït. Surtout, parce que ce régime de Saddam Hussein a expulsé les inspecteurs de l'ONU voilà maintenant à peu près quatre ans. Là, c'est simple : Saddam Hussein est en faute par rapport à la communauté internationale dans son ensemble, exprimée par le Conseil de Sécurité unanime sur ce point. Ce ne sont pas que les Etats-Unis. Saddam Hussein doit accepter le retour des inspecteurs de l'ONU sans aucune contrainte et les laisser travailler librement. C'est la seule bonne façon de traiter le sujet.
Q - Si les inspecteurs ne reviennent pas, autrement dit, si Saddam Hussein n'accepte pas leur retour et que les Américains déclenchent une opération militaire, l'Europe doit-elle la soutenir ?
R - C'est une question qui est prématurée, parce qu'à l'heure actuelle nous sommes dans une phase où les Iraquiens peuvent répondre "oui". Ils n'ont qu'à le décider. Nous n'en sommes pas là. Nous n'en sommes pas à savoir ce qui se passerait dans l'hypothèse où ils ne le feraient pas. Pourquoi ne le feraient-ils pas ? Ils peuvent tout à fait coopérer à nouveau, comme ils ont tenté de le faire il y a quelques années. Cela s'est plus ou moins bien passé mais, à une époque, la coopération avait quand même commencé entre le régime iraquien et les inspecteurs de l'ONU. J'appelle le régime iraquien à les laisser rentrer.
Q - Est-ce que les Etats-Unis vous ont fourni quelques preuves que ce soit de liens entre les attentats du 11 septembre, l'Iraq ou d'autres pays qui sont inclus dans "l'axe du mal" ?
R - Non. D'ailleurs quand ils en parlent, ils ne cherchent même plus à faire le lien. Ils disent, d'une part, qu'il y a l'affaire de la lutte contre le terrorisme et, d'autre part, qu'il y a le problème des armes de destruction massive. Il y a un certain nombre de pays avec des régimes dictatoriaux, ou en tout cas autoritaires, qui fabriquent des armes de ce type. C'est un vrai problème. C'est un problème différent. Eux-mêmes ne prétendent pas qu'il y a un lien avec l'affaire du 11 septembre. Il est normal d'en débattre. José-Maria Aznar, le président du gouvernement espagnol, qui n'est pas spécialement critique des Etats-Unis en général, faisait remarquer il y a quelques jours que la lutte contre le terrorisme et l'affaire des armes de destruction massive sont deux choses différentes, cela méritait bien un débat, là encore, entre alliés. Il faut donc en parler. Mais, pour le moment, sur la question de l'Iraq, on n'a pas à entrer dans des spéculations qui, pour le moment, ne reposent sur rien. Les Américains disent qu'il n'y a rien de prévu, rien de programmé, rien d'arrêté, rien de décidé. Simplement, Saddam Hussein doit se mettre en règle avec le Conseil de Sécurité. C'est une exigence logique.
Q - Parlons du Proche-Orient, si vous le voulez bien. On a du mal à y voir clair au fur et à mesure que les événements avancent. Vous pouvez peut-être nous y aider. D'abord, est-ce que vous avez le sentiment aujourd'hui que les Etats-Unis soutiennent toujours, et de manière unilatérale, Ariel Sharon ?
R - Ils le soutiennent toujours et je le regrette, parce que je pense que c'est une politique qui conduit à une impasse, notamment en ce qui concerne la sécurité des Israéliens qui ne cesse de se dégrader, sans même parler d'une solution politique de fond. Est-ce qu'ils soutiennent Ariel Sharon de façon inconditionnelle et totale ? C'est peut-être moins complètement vrai qu'avant. J'ai noté que dans son dernier voyage à Washington, Ariel Sharon n'avait pas complètement obtenu ce qu'il souhaitait. Il souhaitait que les Etats-Unis déclarent la fin complète de toutes leurs relations avec l'Autorité palestinienne. Il y a une partie de la majorité sur laquelle s'appuie M. Sharon qui veut aller encore beaucoup plus loin. Les Etats-Unis ont dit "non" sur ce point. Ils ont dit : "Nous cherchons à faire changer la politique de l'Autorité palestinienne, pas à changer Yasser Arafat." Ils n'ont quand même pas changé sur le point fondamental qui serait de rechercher une solution politique avec autant d'énergie qu'il est nécessaire d'en avoir pour lutter contre l'insécurité. Voilà la différence.
Q - Qu'elle est votre jugement sur la proposition faite par Ariel Sharon de "zones tampons", proposition qui a été critiquée par Yasser Arafat ?
R - Elle a été critiquée un peu partout parce qu'elle est apparue comme un expédient militaire, pour essayer de faire face à une situation qui s'aggrave. Elle est d'ailleurs la preuve que la politique purement répressive menée depuis un an ne donne pas de résultat puisqu'il faut en plus inventer ce genre de concept. Et, de toute façon, cela ne peut pas régler le problème. Donc, je redis, mais les Européens le pensent tous - ils n'ont pas tous la même position exacte sur le processus politique qu'il faut réenclencher mais ils sont tous d'accord sur le fait qu'il faut réenclencher un processus politique - qu'une politique purement militaire, purement répressive, ne peut aboutir qu'à une impasse. La sécurité pour les Israéliens se dégrade, sans parler des conditions de vie effarante des Palestiniens.
Q - Alors, précisément, on parle des conditions de vie des Palestiniens et notamment du président de l'Autorité palestinienne. Est-ce que vous dites, aujourd'hui, que Yasser Arafat est prisonnier d'Ariel Sharon ?
R - Je dis qu'il devrait être libre de ses mouvements. Cela ne devrait même pas se discuter. C'est une question de principe et de logique. On demande à Arafat de faire davantage pour rétablir la sécurité, pour faire baisser le niveau de la violence. Il y a ce qu'il peut faire, lui, de son côté. 
Il y a ce que les Israéliens pourraient faire par rapport aux actions de l'armée. Mais, en ce qui concerne Arafat, il faut qu'il ait des moyens. On ne peut pas à la fois lui demander cela et en même temps l'assigner à résidence, détruire méthodiquement ses services de sécurité, ses commissariats de police, et après s'indigner de ce qu'il ne fasse pas, de ce qu'il n'est plus en mesure de faire. Il y a là une mesure de logique. Tous les responsables européens l'ont dit, il faut qu'il soit libre de ses mouvements. Il y a eu un long débat au sein du gouvernement israélien.
Q - Il y a eu un léger élargissement.
R - Oui, un petit peu. Il peut circuler dans Ramallah et, malheureusement, les membres du gouvernement qui plaidaient pour cela n'ont pas été entendus. Il faut que les Israéliens aillent jusqu'au bout. Même de leur point de vue, c'est absurde.
Q - Vous allez recevoir demain votre homologue Shimon Peres, qui vient à Paris. La France a pris une initiative, elle a proposé une formule qui serait la reconnaissance immédiate d'un Etat palestinien suivie d'élections. C'est bien cela ? Les Européens vous ont accordé leur soutien dans cette initiative ?
R - Il y a eu plusieurs initiatives ou plusieurs idées exactement, parce que le terme initiatives donne une impression un peu formelle sur le plan diplomatique. Plusieurs Européens ont apporté des idées pour sortir du piège. Le piège, je le répète, c'est de considérer que nous ne devons rien faire sur le plan de la solution politique tant que la sécurité n'est pas complètement rétablie. Mais elle ne sera pas complètement rétablie s'il n'y a pas, en même temps une perspective politique qui redonne confiance aux uns et aux autres. Nous pensons, nous Européens, qu'il faut avancer parallèlement sur ces deux fronts. Pour alimenter ce volet politique qui est complètement à l'abandon depuis un an, il n'y a plus rien. Il y a eu plusieurs idées européennes. Notre idée est de soutenir la proposition de Shimon Peres et d'Abou Ala, le président du parlement palestinien, reconnaître l'Etat palestinien au début du processus et non pas à la fin. C'est une idée qui mérite considération, ne serait-ce que parce que ce sont des gens estimables qui l'avancent pour sortir du piège. Deuxième idée, faire des élections. Joschka Fischer a parlé d'un référendum, Berlusconi a parlé d'une conférence, mais toutes ces idées sont faites pour redonner corps à la solution politique.
Q - Vous dites que c'est pour redonner corps à la solution politique. Quand José-Maria Aznar dit : "Une politique extérieure commune européenne au Proche-Orient en marge des Etats-Unis, n'est ni possible ni souhaitable", cela signifie que toutes les initiatives ou les formules que vous pouvez proposer n'ont de chance d'aboutir que si elles sont reprises par les Etats-Unis ?
R - Il a exprimé un point de vue. Dans la pratique, c'est déjà un peu plus que cela, parce que sinon les Européens ne se seraient pas mis d'accord en 1999, à Berlin, pour soutenir le principe d'un Etat palestinien, alors que le président Bush ne l'a dit, lui, qu'en novembre 2001. Si l'on regarde les quinze dernières années où l'Europe était moins forte, moins développée, elle avait moins de poids dans les affaires du monde. Il y a beaucoup de domaines où les Européens, sans jamais chercher à être agressifs inutilement par rapport aux Américains ou les critiquer pour le plaisir, ont servi d'avant-garde, pour défricher des voies qui ont été empruntées par les Etats-Unis après. C'est en fait ce que nous faisons. M. Aznar lui-même a souscrit à des déclarations de l'Union européenne, y compris sur le Proche-Orient, qui vont beaucoup plus loin que ce que disent les Etats-Unis. Nous pouvons avoir un rôle de partenaire qui est un allié véritable mais qui a sa propre pensée et qui joue un rôle stimulant, créatif. Nous allons continuer. Evidemment, quand on entre dans le détail des propositions, référendum, élections, etc., il y a du pour et du contre. Il faut voir le contexte. Ce que nous cherchons tous en tant qu'Européens, c'est de redonner corps au volet politique.
Q - Vous parlez des Européens et notamment de Tony Blair qui est un jour à Rome, où il parle d'un axe libéral avec Silvio Berlusconi, ensuite on le voit signer les propositions avec Gerhard Schroeder pour réformer le fonctionnement de l'Union européenne sans que la France soit associée. C'est Tony Blair qui est en train de devenir le tuteur de cette Europe ?
R - Je ne crois pas que l'on puisse dire les choses comme cela. Il a un gros retard à rattraper en ce qui concerne la Grande Bretagne.
Q - Mais il va vite en ce moment.
R - Oui. Il fait ça très bien mais je crois que c'est bon pour l'Europe. La Grande-Bretagne n'était au centre de rien pendant très longtemps parce qu'elle se tenait en retrait par rapport à la démarche européenne. Mais nous avons nous-mêmes monté des choses avec elle, quand on a annoncé la défense européenne, par exemple. Il y a des initiatives qui sont prises par la France et l'Allemagne. D'autres, comme celles par rapport au Proche-Orient, sont prises parfois avec d'autres.
Q - Est-ce que Tony Blair ne profite pas un peu de la faiblesse de l'axe franco-allemand aujourd'hui ?
R - Ne vous étonnez pas de voir Tony Blair jouer un rôle accru pour son pays dans l'Europe. C'est une bonne nouvelle pour l'Europe. Il vaut beaucoup mieux que la Grande-Bretagne soit comme cela plutôt que dans son coin. D'autre part, il y a des sujets où il est bien qu'il prenne position. Par exemple, avec le chancelier Schroeder, il a fait des propositions sur l'amélioration du fonctionnement du Conseil européen. Cela figurait déjà dans le discours de Lionel Jospin sur l'Europe il y a un an et demi. Il est donc très utile qu'ils avancent à leur tour des idées qui semblent d'ailleurs assez intéressantes sur la manière d'améliorer le Conseil européen.
Q - On aurait pu le faire à trois avec Lionel Jospin, Gerhard Schroeder et Tony Blair ? C'est différent de le dire tout seul et de le dire à trois ou deux ?
R - Il faut voir comment l'Europe fonctionne aujourd'hui. C'est un système assez souple et chacun s'exprime avec un certain nombre de partenaires. Il n'y a pas de système fixe. Par exemple, Blair et Berlusconi ont signé un texte sur la flexibilité, qui d'ailleurs est sur une ligne différente de celle de Schroeder et de la France. Sur d'autres sujets, la Grande-Bretagne et l'Italie ne sont pas sur les mêmes positions. Il ne faut donc pas ramener cela à quelque chose qui serait un problème pour qui que ce soit. C'est une bonne chose pour l'ensemble de l'Union européenne que les leaders, notamment des grands pays, rivalisent - dans le bon sens du terme, dans le sens sportif - de propositions créatives pour faire avancer l'Europe. Nous y participons à plein et nous y participerons encore plus si les Français font un bon choix. Je parle de la suite.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 26 février 2002)