Communiqué commun des ministres des affaires étrangères des pays de la CEE et de l'ASEAN sur le Cambodge, les réfugiés en provenance d'Indochine et le Moyen-Orient, Kuching le 17 février 1990.

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Circonstance : Réunion ministérielle des pays de la CEE et de l'ASEAN à Kuching (Malaisie) les 16 et 17 février 1990

Média : Bulletin d'information du ministère des affaires étrangères - Bulletin d'information du ministère des affaires étrangères

Texte intégral

Situation internationale
- Les ministres de l'ASEAN et de la Communauté européenne ont eu une large discussion sur les derniers événements internationaux. Ils ont constaté avec satisfaction la tendance actuelle au rapprochement et à la recherche de compromis entre Etats, en particulier entre les grandes puissances, qui a abouti à une détente tangible dans les relations internationales et à une intensification encore plus marquée des efforts pour résoudre les conflits régionaux par le dialogue et la négociation. L'échange de vues a porté également sur les changements fondamentaux qui ont actuellement lieu en Europe centrale et en Europe de l'Est ainsi que sur les nouvelles possibilités et les nouveaux défis qui peuvent en résulter.
- Tout en se félicitant de cette évolution, qui laisse espérer davantage de paix dans le monde et une amélioration des relations Est-Ouest, les ministres ont reconnu que des déséquilibres et des incertitudes subsistent, notamment dans les relations Nord-Sud. Ils ont donc résolu d'accroitre leur coopération en s'attaquant aux problèmes mondiaux que pose une économie mondiale de plus en plus interdépendante et intégrée.
- Désarmement et contrôle des armements
- Les ministres se sont félicités des progrès accomplis récemment dans le domaine du désarmement nucléaire, chimique et conventionnel et du contrôle des armements et ont noté que les perspectives étaient favorables à de nouveaux progrès. Le désarmement pourrait ouvrir de nouvelles possibilités et faciliter un renforcement de la coopération pour le développement et de la coopération pour la sauvegarde des ressources de l'environnement.
Cambodge
- Les ministres ont procédé à un large échange de vues sur l'évolution récente de la question cambodgienne et sur les efforts constants déployés en vue de trouver une solution globale, juste et durable au conflit tragique que connait ce pays.
- Celle-ci, grâce à un tel règlement, doit comprendre notamment le retrait total, vérifié par les Nations unies, des forces étrangères, un cessez-le-feu, la cessation de toute forme d'aide militaire extérieure aux belligérants, la mise en place d'un mécanisme de contrôle international efficace sous les auspices des Nations unies et d'une autorité intérimaire des Nations unies, ainsi que l'encouragement à la réconciliation nationale entre les Cambodgiens. Ce règlement devrait également garantir la souveraineté, l'indépendance, l'intégrité territoriale et le statut de neutralité et de non-alignement du Cambodge ainsi que le droit du peuple cambodgien à l'autodétermination sans ingérence extérieure et faire en sorte que soit exclu le retour des politiques et pratiques d'un passé récent qui ont été universellement condamnées. Ils ont souligné le droit fondamental des Cambodgiens à choisir leur propre gouvernement par des élections libres, régulières et sous contrôle des Nations unies, auxquelles toutes les parties en présence au Cambodge devraient être autorisées à participer. Celles-ci devraient s'engager à se conformer aux résultats de ces élections. Les ministres ont réaffirmé qu'ils condamnaient les responsables des politiques et des pratiques qui ont entrainé l'extermination de centaines de milliers de Cambodgiens entre 1975 et 1978 et ils ont estimé que l'on ne devrait laisser ni les Khmers rouges ni aucun autre groupe cambodgien s'emparer du pouvoir ou le garder par la force des armes.
- Ils sont convenus que si la conférence de Paris n'était pas encore parvenue à une telle solution, elle n'en avait pas moins progressé sur les principaux éléments nécessaires pour aboutir à un règlement global. Aussi en ont-ils appelé instamment aux deux co-présidents de la Conférence pour qu'ils poursuivent leurs consultations en vue de relancer le processus de négociation et de convoquer une nouvelle réunion de la conférence de Paris à une date appropriée.
Les ministres ont noté avec satisfaction que les parties directement engagées dans le conflit et d'autres pays concernés ont désormais accepté l'idée centrale d'une administration intérimaire des Nations unies au Cambodge pendant la période de transition qui précèdera l'organisation d'élections libres et équitables. Ils ont reconnu que des divergences de vues subsistaient sur les modalités et la forme effective de la mise en oeuvre de cette administration intérimaire des Nations unies et qu'elles devraient donc faire l'objet de nouvelles négociations détaillées.
- Les ministres se sont déclarés fortement encouragés par les résultats des récentes réunions des cinq membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies et se sont félicités du relevé de conclusions en 16 points adopté lors de la première réunion, qui s'est expressément prononcé en faveur d'un rôle renforcé des Nations unies dans le règlement de la question cambodgienne.
- Ils ont pris acte des nouveaux progrès réalisés lors de la réunion des Cinq à New-York les 12 et 13 février et se sont félicités de la décision du secrétaire général des Nations unies de créer sous sa présidence au sein du secrétariat une équipe spéciale.
- Compte tenu de ces développements, les ministres ont donné leur appui sans réserve à la réunion informelle sur le Cambodge qui doit avoir lieu à Jakarta dans le cadre de la Conférence de Paris. Ils ont exprimé l'espoir que cette réunion, s'ajoutant aux travaux actuellement menés par les cinq membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies, réussira à faire avancer le processus de négociation, préparant ainsi la voie à une nouvelle convocation de la Conférence de Paris.
Demandeurs d'asile et personnes déplacées en provenance d'Indochine.
- Les ministres ont été d'accord pour estimer que les conditions difficiles que connaissent ceux qui ont fui l'Indochine, y compris ceux qui se trouvent encore dans des camps de transit dans des pays de l'ASEAN et à Hong-Kong ainsi que les populations civiles déplacées sur la frontière séparant la Thaïlande et le Cambodge, demeurent une source de graves préoccupations pour la communauté internationale.
- Les ministres ont réaffirmé que l'afflux persistant de demandeurs d'asile et de personnes déplacées en provenance des pays d'Indochine imposent un fardeau intolérable aux pays et aux lieux de premier asile de la région. Ils ont réaffirmé leur engagement en ce qui concerne le plan global d'action (PGA) adopté lors de la conférence internationale sur les réfugiés indochinois tenue à Genève en juin 1989, qui constitue un accord multilatéral devant résoudre durablement ce problème. Ils ont souligné qu'une solution humanitaire à ce problème réside dans la mise en oeuvre équilibrée et coordonnée de tous les éléments du PGA par toutes les parties concernées.
- Dans ce but, ils ont demandé au principal pays d'origine de prendre des mesures effectives pour décourager les départs clandestins et assurer que les départs ne se fassent que dans le cadre du programme de départs légaux. Ils ont insisté pour que les pays d'accueil continuent d'accueillir les réfugiés dans les pays de premier asile au rythme prévu. Ils sont convenus que la priorité devrait être donnée à une mise en oeuvre rapide du PGA en ce qui concerne le rapatriement échelonné, ordonné et dans la sécurité vers leur pays d'origine des personnes qui ne peuvent pas prétendre au statut de réfugié.
- Ils se sont félicités de ce que les 23 et 24 janvier 1990 le comité directeur créé en application du PGA soit parvenu à un accord sur les modalités du retour de tous les non-réfugiés dans leur pays d'origine et ont demandé aux parties directement concernées de régler dès que possible le seul problème qui subsiste, à savoir celui de la date avant laquelle seuls des retours volontaires devraient avoir lieu.
- Les ministres sont également convenus que la mise en oeuvre des dispositions du PGA doit permettre de résoudre de manière durable le problème des demandeurs d'asile indochinois selon un calendrier précis.
- Les ministres ont apprécié positivement l'offre du gouvernement philippin d'accueillir un nouveau centre d'orientation et de transit pour les réfugiés. Ils ont invité les autres pays concernés à coopérer aussi largement que possible avec le gouvernement pour assumer la nouvelle charge que représente ce nouveau centre.
Afghanistan
- Les ministres se sont déclarés préoccupés par la persistance du conflit en Afghanistan, deux ans après les accords de Genève sur le règlement de la situation dans ce pays et un an après la fin du retrait des troupes soviétiques. Les ministres ont exhorté toutes les parties concernées à intensifier leurs efforts pour parvenir à un règlement politique global fondé sur l'application intégrale et fidèle des accords de Genève. Ils ont insisté sur la nécessité d'un dialogue entre les parties afghanes en vue de la mise en place d'un gouvernement pleinement représentatif auquel toutes les composantes de la population afghane participeraient. Ils ont confirmé qu'ils appuyaient les efforts déployés par le secrétaire général des Nations unies pour faciliter un règlement.
Moyen-Orient
- Les ministres ont discuté de l'évolution récente de la situation au Moyen-Orient et en particulier du conflit israélo-arabe et de la question palestinienne. Ils ont exprimé leur profonde préoccupation face à la déterioration de la situation dans les territoires occupés.
- Ils ont souligné l'urgence d'un règlement qui reconnaisse le droit à la sécurité de tous les Etats de la région, y compris Israël, c'est-à-dire le droit de vivre à l'intérieur de frontières sures, reconnues et garanties, et qui soit juste pour tous les peuples de la région en assurant notamment la reconnaissance des droits légitimes du peuple palestinien, y compris son droit à l'autodétermination avec tout ce que cela implique, conformément aux résolutions 242 et 338 du Conseil de sécurité des Nations unies.
- Ils ont noté que depuis leur dernière réunion une évolution importante s'était produite sur la scène politique internationale, qui a ouvert à la Communauté internationale de nouvelles possibilités d'action en vue de parvenir à une solution globale et juste du conflit israélo-arabe. Dans ce contexte, les ministres de l'ASEAN se sont félicités de l'approche positive de la Communauté européenne telle qu'elle ressort des déclarations de Madrid et de Strasbourg.
- Les ministres ont réaffirmé qu'ils étaient en faveur d'une conférence internationale sous les auspices des Nations unies, qui fournirait une enceinte appropriée pour des négociations sur la conclusion d'une paix.
- Les ministres ont exprimé leur profonde préoccupation face à la situation tragique qui persiste au Liban. Ils ont réaffirmé leur appui à la pleine souveraineté, à l'intégrité territoriale et à l'unité nationale du Liban. Ils ont estimé qu'il n'existait pas d'autre solution que la réconciliation nationale envisagée dans l'accord de Taef et ont demandé instamment que tous contribuent à sa mise en oeuvre pacifique par le dialogue.
- En ce qui concerne la situation entre l'Iran et l'Irak, les ministres ont noté que si le cessez-le-feu entré en vigueur en 1988 était toujours observé, les progrès vers un règlement global du conflit restaient au point mort en raison de divergences persistantes sur la manière d'interpréter la mise en oeuvre des dispositions de la résolution 598 du Conseil de sécurité. Ils ont invité les deux Etats à reprendre les négociations sous les auspices des Nations unies et ont déclaré appuyer les efforts du secrétaire général des Nations unies.
Afrique australe
- Les ministres ont réaffirmé leur opposition totale au régime d'apartheid, qui constitue un crime contre la conscience et la dignité humaine et ont confirmé qu'ils s'engagaient à l'abolir complètement et à le remplacer par une nouvelle société démocratique sans distinction de races.
- Ils ont fait observer qu'il devenait de plus en plus urgent qu'un dialogue national s'engage avec les représentants véritables de la majorité noire du peuple sud-africain. Tout en saluant la récente levée de l'interdiction de l'ANC et d'autres organisations ainsi que la libération de M. Nelson Mandela, ils ont estimé qu'il fallait faire davantage pour créer un climat favorable à un dialogue utile. Les ministres ont réaffirmé que leur objectif commun était l'abolition complète et pacifique du régime d'apartheid et que tant qu'il n'y aurait pas de preuve d'un changement manifeste et irréversible en ce sens, une pression appropriée devrait être maintenue sur le gouvernement sud-africain.
- Les ministres se sont félicités de la réussite de la mise en oeuvre du plan des Nations unies pour l'indépendance de la Namibie, fondé sur la résolution 435 du Conseil de sécurité, qui a mis fin à l'un des chapitres les plus longs et les plus douloureux des annales de la décolonisation. Ils se sont réjouis de l'accession imminente de la Namibie à la pleine souveraineté et à l'indépendance et se sont félicités de la perspective de voir la Namibie devenir le 160ème Etat membre des Nations unies.