Déclaration de M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères, sur la préparation de l'adhésion à l'OTAN de la Pologne, la République tchèque et la Hongrie, le partenariat entre l'OTAN et l'Ukraine, la réforme de l'OTAN et la coopération entre les forces françaises et celles de l'OTAN en Bosnie, Bruxelles le 16 décembre 1997.

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Circonstance : Session ministérielle du Conseil de l'Atlantique Nord à Bruxelles le 16 décembre 1997

Texte intégral

16 décembre 1997) n°1
Six mois après la décision prise à Madrid d'inviter la Pologne, la République tchèque et la Hongrie à rejoindre l'Alliance, notre réunion d'aujourd'hui est d'abord l'occasion de signer les protocoles d'accession de ces pays à l'OTAN. Cette cérémonie constituera un événement important, une étape tangible vers la reconstitution de l'unité de la famille européenne.

En effet, cet après-midi, nous adresserons un double signal.
A l'intention des trois futurs membres, d'abord.
La cérémonie de signature marquera la reconnaissance par les Alliés des efforts et des sacrifices consentis depuis plusieurs années par ces pays. Le déroulement rapide et sans heurts des négociations d'adhésion a démontré la volonté des futurs membres de rejoindre rapidement notre Alliance ainsi que la qualité tant politique que militaire de leur candidature.

A l'intention des autres candidats, ensuite.
L'OTAN et les Alliés ont à la fois la responsabilité et le devoir de tendre la main à ces pays et de renforcer les liens politiques et militaires déjà noués. Il est important de concrétiser l'engagement qu'ont pris nos chefs d'Etat et de gouvernement à Madrid de maintenir la porte de l'Alliance ouverte, au premier chef à la Roumanie et à la Slovénie. A cet égard, le prochain Sommet de l'Alliance atlantique en 1999 sera une échéance décisive. Dans cet esprit, nous faisons observer que l'approfondissement des réformes en Roumanie et en Slovénie confirment la confiance placée en elles par une grande majorité d'entre nous lors du Sommet de Madrid. Nous saluons également les efforts considérables de la Bulgarie qui, à nos yeux, a également vocation à rejoindre rapidement l'Alliance atlantique.

Concernant les aspects financiers de l'élargissement, je constate que la nouvelle donne stratégique en Europe combinée à la qualité des prestations des futurs membres font que cet élargissement pourra se réaliser à un coût marginal, pour l'essentiel dans le cadre des budgets existants.

Au moment où l'Alliance s'élargit, il faut également poursuivre l'approfondissement des relations avec nos partenaires, dans le cadre du Conseil permanent conjoint OTAN/Russie, de la Commission OTAN/Ukraine, du Conseil du Partenariat euro-atlantique (CPEA) et du Partenariat pour la paix.

Six mois après la signature de l'Acte fondateur, la nouvelle relation entre l'OTAN et la Russie a pris un bon départ. Un travail sérieux a déjà été fourni sur des questions importantes, comme le maintien de la paix ou la coopération dans le cadre de la SFOR en Bosnie-Herzégovine. La première réunion ministérielle à New York a constitué une bonne prise de contact. Il convient de poursuivre dans cette voie, sans frilosité, pour créer de part et d'autres une véritable culture de dialogue et de coopération et dépasser définitivement les réflexes hérités du passé.

Nous sommes également attachés à la mise en oeuvre de la Charte entre l'OTAN et l'Ukraine, afin de conforter le rôle positif d'une Ukraine souveraine et stable pour la sécurité du continent européen.

Enfin, le Conseil de Partenariat euro-atlantique (CPEA) doit contribuer de façon utile au renforcement de la stabilité européenne. A cet égard, l'approche régionale revêt une importance particulière, non seulement pour l'Europe du Sud-Est mais aussi pour la sécurité de la zone baltique.

Cette session ministérielle constitue aussi une étape supplémentaire dans le processus d'adaptation continue de l'Alliance à la nouvelle donne stratégique.

L'accord sur la structure de commandement, approuvé lors de la réunion des ministres de la Défense de l'Alliance, constitue une étape importante dans le processus d'adaptation de l'OTAN. Il va en effet dans le sens d'une plus grande flexibilité et d'une rationalisation accrue de la structure militaire de l'Alliance.

La réforme de l'OTAN et le rééquilibrage des responsabilités entre Européens et Américains restent certes en deçà de ce que mon pays souhaitait.

Mais l'adaptation de l'Alliance est un processus continu, que nous avons commencé ensemble dès le lendemain de la guerre froide, et qui est appelé à se poursuivre. La France reste disponible et prête au dialogue. Elle entend s'impliquer pleinement dans la poursuite des travaux sur l'adaptation de l'OTAN, afin notamment de promouvoir l'Identité européenne de sécurité et de défense. A cet égard, nous contribuerons avec nos propositions au réexamen du concept stratégique.

La France entend également participer activement aux nouvelles structures créées pour la gestion des crises et pour la coopération avec les partenaires. Dans ce but, nous apporterons notre contribution pour assurer à l'avenir, sur le plan opérationnel, une interopérabilité renouvelée entre les forces françaises et l'OTAN. Notre association à la planification opérationnelle et cette recherche constante de l'interopérabilité assureront ainsi le bon fonctionnement des nouvelles structures et notamment des GFIM.

Dans cette démarche, nous tiendrons le plus grand compte de la coopération réussie entre les forces françaises et l'OTAN en Bosnie.

Cette coopération fructueuse sur le terrain se poursuivra naturellement après juin 1998, dans le cadre de la force alliée qui devra prendre la relève de la SFOR.

Nul ne doute plus parmi nous de la nécessité de maintenir une force militaire de suivi en Bosnie au-delà de juin 1998. Beaucoup a déjà été fait en Bosnie et plusieurs l'ont dit avant moi. Mais sur place, comme je l'ai récemment constaté avec mon ami Klaus Kinkel, la situation reste fragile. Notre objectif demeure celui d'une Bosnie réconciliée avec elle-même et capable de prendre en main son destin. Nous n'en sommes cependant pas encore là.

Dans les conditions actuelles, la poursuite de la mise en uvre des Accords de paix de Dayton, auxquels il n'existe pas d'alternative pacifique crédible, nécessite la présence d'une force militaire de l'OTAN.

Cette force de suivi, dont l'unité devra être préservée, devra remplir selon nous plusieurs fonctions: dissuader toute velléité de reprise des hostilités grâce à une capacité rapide de réaction en cas d'incident, assurer la surveillance spécifique de quelques zones très sensibles comme Brcko ou Mostar, contrôler les activités militaires des parties et assurer un soutien global au volet civil du plan de paix.

Il nous appartient aujourd'hui d'arrêter des orientations politico-militaires pour le développement des options possibles pour cette force de suivi. Cette force doit, selon nous, présenter les caractéristiques suivantes :

- une présence conjointe des Américains et des Européens sur le terrain et un partage équilibré des tâches et des risques entre les uns et les autres ;

- un mandat précis, lui permettant de faire face, dans les meilleures conditions possibles, aux missions que l'on attendra d'elle ;

la préservation de l'unité de la force et de sa chaîne de commandement ;
- une articulation soigneusement étudiée entre la force et le Groupe international de police (GIP), dont le renforcement doit être envisagé ;

- une coordination appropriée avec les organismes civils, sous l'égide du Haut-Représentant ;

- un dispositif militaire resserré, mais plus mobile et plus réactif.
Nous devrons également nous pencher sur les modalités d'association de la Russie à ce dispositif car elles peuvent être améliorées.

En outre, un dispositif d'examen périodique à la lumière de critères permettant d'apprécier les progrès de la paix en Bosnie devrait être mis en place.

Tout ceci suppose, bien entendu, que les responsables bosniaques sachent tirer parti de l'engagement renouvelé et approfondi de la communauté internationale et qu'ils y mettent du leur. Cela leur a été dit récemment, à Bonn, par tous les responsables lors de la Conférence ministérielle de mise en uvre des accords de paix. Je vous remercie.
Bruxelles, 16 décembre 1997) N°2
Je me réjouis de l'occasion qui nous est donnée de nous réunir aujourd'hui pour la première fois au niveau ministériel dans le cadre de la Commission OTAN/Ukraine avec notre collègue ukrainien que je salue.

Après la signature, à Madrid, de la Charte établissant entre nous un partenariat privilégié, cette réunion marque l'intérêt que les Alliés portent à la place stratégique dans la nouvelle architecture européenne de sécurité d'une Ukraine souveraine et indépendante.

Par sa population, son potentiel économique et sa situation géographique, l'Ukraine joue en effet un rôle de premier plan pour la stabilité et la sécurité de notre continent. L'Ukraine a accompli des progrès significatifs dans le domaine de la démocratie et de l'économie de marché. En 1995, l'Ukraine a été admise comme membre à part entière du Conseil de l'Europe ; elle a adopté une nouvelle Constitution en 1996.

Elle a prouvé sa ferme volonté d'établir des relations de bon voisinage avec tous les pays de la région ; les traités de base conclus avec la Roumanie et la Pologne ainsi que les accords signés avec la Russie au cours de cette année constituent une contribution essentielle à la stabilité de notre continent. Des contentieux importants sur des questions sensibles - telle que le partage de la flotte de la Mer noire - ont été résolus grâce à une politique pragmatique et constructive.

Dans le domaine du désarmement, beaucoup de chemin a été parcouru depuis l'adhésion de l'Ukraine au Traité de non-prolifération des armes nucléaires (TNP) le 5 décembre 1994.

La France approuve le programme de travail adopté pour 1998, qui définit un certain nombre de priorités parmi les larges domaines de coopération et de concertation mentionnés dans la Charte de Partenariat :

- d'abord, l'établissement d'un véritable dialogue politique, régulier et ouvert dans le cadre de la Commission OTAN/Ukraine. Là réside, à notre sens, l'essentiel. Il est important en effet de développer une compréhension commune des questions de sécurité européennes et de contribuer à conforter l'Ukraine dans la voie des difficiles réformes politiques, économiques et militaires en cours dans ce pays.

- ensuite, le renforcement des mécanismes de coopération militaire. Notre engagement commun en Bosnie dans le cadre de l'IFOR puis de la SFOR constitue à ce titre une expérience précieuse. Il convient d'en tirer des leçons pour l'avenir, afin de préparer et d'exécuter dans les meilleures conditions de futures opérations communes au service de la paix et de notre continent.

La France est décidée à prendre une part active dans ce dialogue privilégié entre les Alliés et l'Ukraine.
(Bruxelles, 16 décembre 1997) N°3

Mes chers Collègues,
La France se réjouit beaucoup de la tenue de cette cérémonie qui marque, six mois après le Sommet de Madrid, une étape tangible vers la reconstitution de l'unité de notre continent.

Il convient ici de prendre toute la mesure du chemin qui a été parcouru depuis le début de la décennie par nos futurs alliés. Ils se sont engagés avec courage sur la voie difficile de la démocratisation et de l'économie de marché, ils ont consenti des efforts et des sacrifices considérables. Leur volonté sans faille de rejoindre la grande famille européenne trouve aujourd'hui une première et juste récompense. Ils sont à tous les points de vue les bienvenus parmi nous.

Les négociations d'adhésion menées avec rapidité et efficacité depuis le Sommet de Madrid ont mis en évidence la qualité politique et militaire de la candidature de ces futurs membres. La France ne doute pas que la Pologne, la Hongrie et la République tchèque seront des alliés de grande valeur, désireux et capables d'assumer pleinement les obligations du Traité de l'Atlantique Nord et de contribuer activement à la sécurité et à la stabilité de notre continent
:
- Ce sont des pays européens. Ils consolideront le développement de l'identité européenne de défense au sein de l'Alliance, participant ainsi à la prise en charge par notre continent de son propre destin.

- Ils sont nos alliés en plein coeur de l'Europe, ils travailleront à l'effacement complet des anciennes lignes de division et à la mise sur pied d'une nouvelle architecture de sécurité dont personne ne sera exclu.

La France est attaché à ce que le processus de ratification se déroule dans les meilleures conditions et les meilleurs délais, dans la perspective d'une adhésion effective de la Pologne, de la République tchèque et de la Hongrie d'ici le prochain sommet de l'Alliance, en avril 1999.

Afin de préparer cette échéance de façon harmonieuse, il est important que les futurs membres se familiarisent avec les procédures et mécanismes de l'Alliance. A cet effet, la France souhaite que la Pologne, la République tchèque et la Hongrie soient associées de la façon la plus étroite aux activités militaires et politiques de l'Alliance, et notamment aux délibérations du Conseil atlantique.

Enfin, nous adressons aujourd'hui un signal d'espoir aux partenaires qui souhaitent également rejoindre l'Alliance atlantique, aux autres en particulier dans le Sud de l'Europe et notamment à la Roumanie et la Slovénie qui ont été spécifiquement mentionnées dans la déclaration de Madrid.

Permettez-moi de conclure en félicitant encore une fois nos collègues de Pologne, de République tchèque et de Hongrie qui sont ici avec nous pour célébrer ce moment fort dans la redéfinition des conditions de la sécurité de notre continent et je me réjouis, comme vous tous certainement, de les retrouver à nos côtés lors de notre prochaine réunion en mai prochain à Luxembourg.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 13 novembre 2001)