Texte intégral
Mesdames,
Messieurs,
Avec Michel Duffour, je tiens à vous souhaiter une très bonne nouvelle année pour vous, vos proches et les entreprises que vous dirigez ou au sein desquelles vous travaillez.
Je souhaite également que nous ayons tous une pensée pour vos confrères qui ont payé de leur vie, en 2001, leur passion d'informer. Je pense particulièrement à Johanne Sutton de RFI et à Pierre Billaud de RTL tués en Afghanistan. Je pense aussi à tous les journalistes qui dans de trop nombreux pays payent de leur liberté et parfois de leur vie leur volonté d'informer. Cette traditionnelle présentation des voeux nous permet de faire un double point : bilan, tout d'abord, d'autant plus que l'année 2001 est la dernière de la législature, projets, ensuite. En 2002, deux échéances fondamentales nous attendent : l'élection présidentielle et l'élection législative. Elles marqueront notre vie et nos projets pour 5 ans.
*Parlons d'abord des bilans. Celui du Gouvernement auquel j'appartiens est un bon bilan. Dans le domaine dont j'ai la charge, celui de la Culture et de la Communication, il est particulièrement important et je peux en faire état d'autant mieux, sans faire assaut de modestie, que nous n'en sommes responsables avec Michel Duffour que pour les deux dernières années.
*Nous aurons tout d'abord rétabli le budget de la Culture et repris l'indispensable progression de nos moyens, stoppée et même inversée de 1993 à 1997. Le 1% promis par Lionel Jospin et que nous avons obtenu pour 2002 est un 1% sincère et vous avez pu observer qu'il n'a pas été remis en cause, en dépit d'une conjoncture budgétaire plus difficile.
*Nous avons renforcé le service public de la culture. C'est le cas avec la loi sur l'archéologie préventive, mais aussi avec celles qui viennent juste d'être votées sur les musées et sur les établissements publics de coopération culturelle. Nous avons démontré le rôle positif que l'Etat peut et doit jouer dans les domaines du cinéma et de l'audiovisuel avec, par exemple, les mesures de régulation que nous avons fait adopter pour les cartes d'abonnement au cinéma ou pour l'implantation des multiplexes, comme pour le soutien au secteur de l'art et essais.
*Nous avons franchi les premières étapes d'un plan destiné à faire de l'éducation artistique une réalité, dont bénéficient tous les jeunes de la maternelle à l'université.
*Nous avons profondément renouvelé et renforcé les aides à la presse en les orientant résolument vers la modernisation de vos entreprises et les nouvelles formes de distribution.
*Dans l'audiovisuel, nous avons engagé de manière forte la mise en oeuvre de la loi du 1er août 2000 ; les décrets sur la TNT viennent d'être publiés, les contrats d'objectifs et de moyens entre l'Etat et les sociétés publiques de l'audiovisuel ont été signés ou le seront très prochainement.
*Plus généralement, nous avons réussi à convaincre nos collègues européens, et beaucoup d'autres dans le monde, de la nécessité de ne pas soumettre la création, la production et la diffusion des oeuvres culturelles aux seules lois du marché. Nous étions très isolés il y a 5 ans sur ce sujet, nous le sommes beaucoup moins aujourd'hui, même si nous devons rester très vigilants.
1 / Les défis
Mais un bilan ne vaut que s'il sert de socle à un nouvel élan, s'il contribue à crédibiliser les projets et les vux nouveaux que l'on forme pour l'avenir. Or, de grands chantiers sont ouverts devant nous.
- a) Le premier défi concerne les droits des auteurs. Notre conception française et européenne n'est pas celle de nombreux pays dont les Etats-Unis. Certains auteurs sont plus exposés que d'autres : je pense notamment aux journalistes et, parmi eux, aux photographes reporters d'images.Les nouvelles technologies de l'information faciliteront la diffusion des oeuvres, mais ne doivent pas servir de prétexte pour revenir sur les principes essentiels de la propriété littéraire et artistique.Je déposerai prochainement le projet de loi sur le droit de prêt en bibliothèque, dont les dispositions sont très largement acceptées car elles concilient droit d'auteur, économie globale du livre et politique de la lecture publique.
- b) Le second défi, c'est celui du poids des industries culturelles. La logique des grandes entreprises consiste à limiter la concurrence en constituant de grands conglomérats.La responsabilité des Etats est de veiller à ce que cela ne se fasse pas au détriment de la diversité et de la pluralité des créateurs et du pluralisme des centres de décision. En ce début d'année je tiens à réaffirmer notre engagement et celui du Premier ministre dans ce combat. C'est pour assurer la diversité culturelle que nous continuerons à traiter différemment les activités et les industries culturelles dans les négociations internationales.Il ne s'agit pas d'un archaïsme français, mais d'une nécessité pour l'ensemble des cultures du monde. Les intérêts des entreprises restent des intérêts particuliers et ce n'est pas à elles, aussi importantes et novatrices soient-elles, de définir les frontières de la liberté de création. L'Etat continuera donc à soutenir, activement et résolument, l'ensemble des acteurs de la chaîne artistique.Soyez sûrs que nous saurons consolider et adapter les dispositifs existants pour les rendre encore plus efficaces, notamment dans le contrôle des mouvements de concentration.
- c) Un troisième défi est lié à l'accès des publics à la Culture.Une première réponse consiste à poursuivre et amplifier le mouvement de modernisation et de rénovation de nos équipements culturels : le grand Louvre, le Centre Pompidou et cette année encore le Musée Guimet ont prouvé, parmi d'autres exemples, la concordance entre la modernisation des équipements culturels et le renouvellement de leurs publics. Les investissements, réalisés ou en cours à Tokyo pour la création contemporaine, pour l'architecture à Chaillot, pour le Cinéma, à Bercy, pour l'histoire de l'art, rue Vivienne, enfin pour les Arts premiers, Quai Branly, iront dans le même sens. Les grands établissements nationaux doivent, de manière systématique, jouer un rôle de tête de réseau par rapport aux équipements existants en région. Ceux-ci doivent aussi offrir de manière plus large des accès publics aux ressources culturelles numérisées, poursuivant ainsi l'impulsion donnée par Lionel Jospin dès le mois d'août 1997. Nous renouvelons, de cette façon, l'ancienne intuition d'André Malraux, en leur permettant d'être de véritables lieux de ressources culturelles, accessibles à tous, sur l'ensemble du territoire.Une autre forme de réponse passe par la généralisation de l'éducation artistique à l'école. Nous entrons seulement dans la seconde année de notre plan à 5 ans, commun avec l'Education nationale ; c'est, je crois, un succès. Mais déjà il nous faut regarder au-delà. On doit aussi faire un effort pour le temps périscolaire et plus généralement pour le temps libéré. Il y a là, pour notre ministère, une nouvelle responsabilité qui devrait nous conduire à inventer un nouveau cadre et de nouvelles formes d'intervention. J'ai notamment signé un protocole d'accord, avec Marie-Georges Buffet, afin d'engager un nouveau type de partenariat entre le ministère de la Culture et celui de la Jeunesse et des Sports.
- d) Dernier chantier que je souhaite ici évoquer, celui de la télévision numérique terrestre.C'est un dossier majeur pour l'avenir de notre paysage audiovisuel. On y retrouve, les options fondamentales de notre politique culturelle :
- l'équilibre entre public et privé ;
- la place faite aux nouveaux entrants qui ont su s'organiser, par rapport aux acteurs déjà en place ;
- l'équilibre de la concurrence entre les diverses technologies de diffusion ;
- enfin, et surtout, la volonté de procéder à tous ces choix au bénéfice de la diversité de l'offre.
Je crois au succès de la TNT, qui sera à moyen terme l'offre télévisuelle de base des Français. Une base offrant à tous une trentaine de programmes, en lieu et place des 5 actuels. Le câble et le satellite trouveront avec elle, j'en suis sûre, une nouvelle complémentarité. Je crois au succès, sans mésestimer l'ampleur de la tâche.
2 / Un état d'esprit
Ces défis, il faudra bien les relever quel que soit le résultat des prochaines élections. Ils imposent dans les domaines de la culture comme de la communication une politique à la fois déterminée et ambitieuse.
Le 26 février 1802 naissait Victor Hugo.
Ce deux centième anniversaire prend d'autant plus de relief que nombre de thèmes présents dans son uvre sont encore au cur de notre actualité.
Lutte contre l'exclusion, dénonciation de la peine de mort, lutte contre les sectarismes, construction de l'Europe, mais aussi, et d'abord conviction que toute politique, que tout projet doit être porté par un souffle, par une vision plus vaste.
En vous donnant rendez-vous à Besançon le 25 février pour l'ouverture de ces commémorations, je m'arrêterai un instant sur le thème européen.
L'Europe économique se fait sûrement et heureusement. L'Europe culturelle existe mais nous ne le savons pas encore assez. Nous partageons un patrimoine commun, passé et présent, architectural, plastique, musical, cinématographique et littéraire. Et puisque nous n'avons pas d'histoire politique commune, sinon conflictuelle et souvent sanglante, c'est la redécouverte de ce patrimoine et le soutien à la création qui serviront de socle à cette histoire commune que nous allons écrire.
A toutes et à tous, très bonne année 2002.
(source http://www.culture.gouv.fr, le 10 janvier 2002)