Texte intégral
Jean-Pierre Elkabbach
François Patriat, vous voici donc ministre de l'Agriculture, de la Pêche pour deux mois. C'est un CDD ?
- "C'est évidemment un CDD. Je succède d'abord à J. Glavany qui a été un grand ministre et auquel je rends hommage. En second lieu, c'est pour deux mois. Mais quels deux mois ! "
En deux mois, vous pouvez - c'est formidable - tout promettre, semer et puis c'est à d'autres d'avoir la récolte, qu'elle soit bonne ou mauvaise ?
- "Je n'ai pas l'habitude de promettre aux agriculteurs. J'ai l'habitude de leur tenir un langage de vérité, de leur dire ce qui est possible, de tracer avec eux des perspectives pour ce qu'il faut faire, pour avoir demain une agriculture qui puisse gagner."
C'est ce que dit chaque ministre !
- "Non, ce n'est pas ce que dit chaque ministre. J'entends beaucoup de ministres tenir un discours flatteur, dire aux agriculteurs qu'ils peuvent produire sans compter et qu'ils peuvent avoir, en même temps, des prix rémunérateurs - ce qui est faux. J'ai dit qu'il faut produire, pour quel consommateur, pour quel marché et pour quel prix."
Hier, au Salon de l'agriculture J.-P. Chevènement a fait une sorte de tabac : il s'est présenté comme le candidat du monde agricole. Il leur a dit : d'ici 30 ans la moitié des 600.000 exploitations agricoles vont disparaître. Et vous ?
- "Cela dépendra quelle politique on mène. Si on continue à mener une politique productiviste, alors les petites exploitations disparaîtront. Si on mène, au contraire, une politique différenciée, tenant compte des réalités, tenant compte des aspirations des consommateurs, alors on aura accrocher des paysans sur tout le territoire français."
Vous dites qu'il y en aura - ou aurait - combien ?
- "400.000 ou 500.000 sans doute. J'avais dit aux agriculteurs, quand il y en avait 1 million qu'il y en aurait un peu plus de 500.000 ou 600.000 en l'an 2000. C'est le chiffre qui a été tenu."
Il faut retenir le chiffre que vous donnez. J. Glavany, votre prédécesseur, dirige maintenant la campagne du candidat L. Jospin. Il faut reconnaître que rarement un ministre a connu autant de secousses, de tempêtes, de crises - vache folle, viticulture, OGM et je pourrais allonger la liste. Vous, le pire devrait vous être épargné. Mais vous arrivez et notre reporter à Londres nous a appris qu'il y a un cas, peut-être même deux, de fièvre aphteuse en Grande-Bretagne. Est-ce que la France est prête ? Et qu'allez-vous faire ?
- "Cela pose deux problèmes. Celui de l'élargissement futur, qui doit reposer d'abord sur la sécurité avec les autres pays. Dans cette sécurité, la France est à la pointe. Là, c'est le vétérinaire qui vous parle. J'étais celui qui était rapporteur du texte de loi sur la suppression de la vaccination de la fièvre aphteuse. Aujourd'hui, c'est aux instances européennes de prendre les décisions qui vont permettre d'arrêter, immédiatement, toute importation à partir du territoire britannique."
C'est-à-dire qu'il pourrait y avoir embargo sur les productions, ou en tout cas, sur l'importation des produits anglais ?
- "Je signale qu'il n'y a pas eu d'importations de produits anglais depuis la reprise et qu'il n'y en aura pas, compte tenu du fait de ces nouveaux cas qui restent à confirmer."
J. Glavany avait eu l'idée, avec d'autres, de créer l'Afssa, l'agence de sécurité sanitaire des aliments, pour renforcer la sécurité et, en tout cas, la politique de sécurité. Est-ce que vous appliquerez, vous aussi, le principe de précaution ? Et est-ce que vous direz la vérité en toutes circonstances ?
- "Bien entendu. Je n'ai pas l'intention de faire penser qu'il y aurait un ministre de l'Agriculture qui sacrifierait la sécurité au prix du monde agricole. Ce sont les parlementaires qui ont créé l'Afssa et c'est la France qui la mis avant l'Europe. J'ai participé aussi à la création de l'agence européenne..."
Et la vérité, vous la direz ?
- "La vérité, toujours. C'est pour cela que, parfois, les agriculteurs me chahutent un peu, y compris sur mon propre territoire."
C'est-à-dire ?
- "C'est-à-dire qu'ils n'hésitent pas à venir me rencontrer en cas de crises ou à chaque époque importante de l'année."
On vient badigeonner votre maison, c'est ça ?
- "Parfois, on vient m'apporter des engrais azotés naturels !"
Des viticulteurs sont en train de saboter la SNCF en Languedoc. Ils promettent de recommencer car les producteurs souffrent. Qu'est-ce que vous leur dites ? Et est-ce que c'est acceptable d'abord ?
- "D'abord, ces méthodes qui apparaissent parfois comme des méthodes terroristes sont inacceptables. Mais je connais bien les leaders et les responsables viticoles. Le plan que J. Glavany a obtenu de Bruxelles et que nous sommes en train de mettre en place repose sur trois points. Obtenir les moyens financiers pour la distillation pour passer la crise ; en second lieu, il faut poursuivre la restructuration du vignoble languedocien, ce qui est déjà pour moitié fait ; et, en troisième lieu, mettre en place un plan social avec des préretraites. Nous sommes en train de le mettre en place. Justement, je vais le mettre en place pendant les deux mois."
Vous êtes ministre de l'Agriculture depuis hier. C'est formidable que vous soyez ici, pour votre première déclaration. Cela va vite ! Votre premier vrai Conseil des ministres est dans très peu de temps ?
- "C'est dans une heure."
Ensuite, vous avez la visite du Salon de l'agriculture, avec le président de la FNSEA, J.-M. Lemétayer. Apparemment, vous le connaissez bien ?
- "Je connais bien tous les leaders syndicaux agricoles. Je respecte le pluralisme syndical. Je reconnais le fait majoritaire et je discute avec tous. Il va de soi que tous ont une part de vérité."
C'est-à-dire que vous recevrez J. Bové et ses copains, J.-M. Lemétayer ?
- "Je vais passer trois jours au Salon, donc je rencontrerai tout le monde."
Avec les animaux, vous, en tout cas, vous n'allez pas faire semblant, car vous êtes vétérinaire !
- "C'est justement la définition de la proximité. Est-ce que la proximité est toujours de caresser l'arrière-train des bovins ou de serrer des mains à la suite ? La proximité, c'est écouter les gens, connaître leurs dossiers - et j'ai un peu la prétention de les connaître, parce que j'y ai beaucoup travaillé - et c'est aussi y répondre. C'est apporter de vraies réponses en matière de consommation, de régulation des marchés..."
Chacun dit ça, qu'il ne se contente pas de caresser le cul des vaches, comme vous dites...
- "C'est le contrat de territoire d'exploitation qui va demain se généraliser..."
Il y en a 25.000 aujourd'hui et vous pensez que vous allez les poursuivre ?
- "Je pense que nous irons à 100.000. Le département de la Côte d'Or, dont je suis élu, est un département en pointe."
Je disais, tout à l'heure, que vous connaissez l'agriculture. A quel âge êtes-vous allez, pour la première fois, au Salon de l'agriculture ?
- "J'avais 10 ans. J'accompagnais mes frères et mon père qui montaient au Salon de l'agriculture. C'était le moment de l'année où on préparait les animaux, les chevaux, les bovins, les moutons. Ensuite, j'y suis allé en tant que vétérinaire pendant trois ans. Depuis, j'y suis toujours allé comme élu."
Est-ce que cela a changé ? On fait toujours les mêmes choses. On montre toujours des vaches, des beaux taureaux, des beaux animaux !
- "Cela répond à une double question. Si c'est pour réconcilier encore plus l'agriculture avec la ville, les consommateurs avec les producteurs, c'est très bien. Et je crois que les Français l'identifient bien. Il y a un second point sur lequel je voudrais qu'on insiste, ce sont les débouchés de l'agriculture et notamment, les industries agro-alimentaires, notamment les nouvelles technologies, les biotechnologies de demain qui sont les vrais produits pour des consommateurs qui, demain, créeront des emplois."
Mais on ne les voit pas tellement au Salon de l'agriculture ?
- "Justement, c'est ce que je vais dire, tout à l'heure, à son directeur et à l'ensemble des responsables : il faut que nous ayons les produits de demain qui créeront les emplois de demain et ceux qui feront encore plus de qualité, encore plus de traçabilité et encore plus d'identification."
C'est-à-dire que le Salon de l'agriculture est un peu le passé de l'agriculture, si je vous comprends bien ?
- "C'est une très belle vitrine, c'est une démonstration formidable de la "ferme-France" à Paris qui est toujours très suivie et très courue. Cela doit maintenant aller au-delà, pour se projeter dans le futur et pour que nous ne prenions pas de retard en la matière."
Vous allez avoir à faire face, aujourd'hui même, au grand rendez-vous FNSEA. Je crois qu'il y a 3.000 ou 4.000 responsables agricoles venus de toute la France, avec des élus, pour entendre les doléances de la FNSEA. Si j'ai bien compris, la FNSEA fait un peu du harcèlement, comme son inspirateur E.-A. Seillière avec le Medef. Qu'est-ce que cela vous fait ?
- "Je crois plutôt que c'est E.-A. Seillière qui, en l'occurrence, à copier le monde agricole, qui l'a toujours fait! Depuis les années 1960, depuis même la fin de la guerre, le monde agricole a su se rassembler, je dirais même qu'il a toujours su "chasser en meute" - ce n'est pas du tout péjoratif quand je le dis. Les agriculteurs savent se rassembler, savent montrer leurs forces - ils l'ont toujours fait."
Il n'y a rien de nouveau ou, au contraire, parce que nous sommes en période électorale...
- "Il n'y a rien de nouveaux. Toutes les corporations en France montrent leurs forces aujourd'hui. Celle-là est dans la plus pure tradition qui est la sienne."
Dans quinze jours, la FNSEA va tenir son Congrès. L'an dernier, cela bardait entre J. Glavany et L. Guyau. Les deux sont partis. Est-ce que vous irez vous présentez devant eux ?
- "J'irai d'abord leur dire combien J. Glavany a permis d'éviter tous les problèmes de fièvre aphteuse, a su combattre la crise de l'ESB, a su se battre avec courage à Bruxelles. J'entends m'inscrire dans sa voie..."
On sait maintenant et on a compris que vous aimez beaucoup J. Glavany et son action !
- "Non seulement je l'aime bien, mais je l'admire beaucoup."
Mais vous irez ou pas ?
- "Je pense que j'irai."
Pourquoi avez-vous attendu pour le dire ?
- "Je n'ai pas attendu du tout. J'ai toujours rencontré les agriculteurs au pire des moments !"
Est-ce qu'on peut sauver une politique agricole de l'Europe qui ne serait pas alignée sur le marché mondial ?
- "Bien entendu."
Comment ?
- "En faisant une politique agricole qui soit ambitieuse, juste et efficace. Ambitieuse, parce que nous avons notre identité et notre force de production ; juste, parce qu'il faut mieux répartir les outils publics ; et efficace, parce que cela veut dire justement qu'il faut maintenant savoir dans quelles filières, sous quelles méthodes, avec quel process, et avec quelle industrie il faut travailler pour demain ?"
Il y a donc beaucoup de choses à faire ?
- "Il y a toujours beaucoup de choses à faire pour la consommation, et l'artisanat que je quitte aujourd'hui et la pêche bien sûr."
Quand vous vous occupiez de consommation, votre administration avait mis en doute, en janvier, les enquêtes de consommation de consommateurs, qui redoutaient une valse des étiquettes à propos de la naissance de l'euro. Elles avaient raison : les prix ont augmenté ?
- "Sauf que certains de vos confrères relevaient, dès hier soir, que la hausse de 0,5 % - que nous avions prévue et annoncée et qui est meilleure, une fois de plus, que dans les autres pays européens - n'est pas forcément le fait de l'euro. Elle est le fait surtout du gel, de la hausse des produits comme les tabacs. S'il y a des dérapages que nous avons dénoncés, et sur lesquels j'ai été très strict en matière de contrôle, l'euro y est pour une petite part. Mais tout est rentré dans l'ordre."
Ce n'est pas la faute de l'euro ?
- "Ce n'est pas de la faute de l'euro essentiellement."
Vous avez signé un accord de modernisation avec les organisateurs du commerce...
- "Qui a été suivi..."
Oui. Mais un accord qui va expirer à la fin mars. Est-ce qu'après, vous le renouvelez ? Qu'est-ce que vous faites, vous ou votre successeur, C. Pierret, à qui vous allez passer les pouvoirs dans une demi-heure, pour tenir les prix ? Est-ce qu'il pourra le faire ?
- "Nous avons déjà anticipé. Depuis le 2 janvier, nous rencontrons les acteurs de la distribution, de la production, pour leur dire qu'il y a avoir une sortie en douceur du dispositif. Tout le monde a tenu parole. L'euro est une réussite, mais il faut maintenant qu'il soit une réussite dans la prolongation et dans le temps. Il en va de l'avenir de l'Europe et de la consommation, pilier de la croissance."
Je vous écoute, mais pour relancer l'agriculture française, est-ce qu'il y a une politique de droite et une politique de gauche en matière agricole ? Ou est-ce qu'on est tous obligés de faire la même chose ?
- "Bien entendu. Quand nous parlons de la capacité exportatrice de la France, il y a une différence entre la droite et la gauche. La capacité exportatrice de la France n'est pas de prendre des produits à bas prix sur le marché mondial, mais c'est de vendre des produits identifiées à forte valeur ajoutée et déplacer le curseur vers la production. Il y a une différence dans le langage de droite et de gauche vis-à-vis des agriculteurs."
C'était votre première intervention. La rumeur dit que, comme vous êtes de Bourgogne, un Bourguignon cela tient parole. C'est vrai ?
- "Je le souhaite. En tout cas, je l'ai toujours fait en politique et j'essayerai de le faire encore aujourd'hui."
(Source :Premier ministre, Service d'information du gouvernement, le28 février 2002)
François Patriat, vous voici donc ministre de l'Agriculture, de la Pêche pour deux mois. C'est un CDD ?
- "C'est évidemment un CDD. Je succède d'abord à J. Glavany qui a été un grand ministre et auquel je rends hommage. En second lieu, c'est pour deux mois. Mais quels deux mois ! "
En deux mois, vous pouvez - c'est formidable - tout promettre, semer et puis c'est à d'autres d'avoir la récolte, qu'elle soit bonne ou mauvaise ?
- "Je n'ai pas l'habitude de promettre aux agriculteurs. J'ai l'habitude de leur tenir un langage de vérité, de leur dire ce qui est possible, de tracer avec eux des perspectives pour ce qu'il faut faire, pour avoir demain une agriculture qui puisse gagner."
C'est ce que dit chaque ministre !
- "Non, ce n'est pas ce que dit chaque ministre. J'entends beaucoup de ministres tenir un discours flatteur, dire aux agriculteurs qu'ils peuvent produire sans compter et qu'ils peuvent avoir, en même temps, des prix rémunérateurs - ce qui est faux. J'ai dit qu'il faut produire, pour quel consommateur, pour quel marché et pour quel prix."
Hier, au Salon de l'agriculture J.-P. Chevènement a fait une sorte de tabac : il s'est présenté comme le candidat du monde agricole. Il leur a dit : d'ici 30 ans la moitié des 600.000 exploitations agricoles vont disparaître. Et vous ?
- "Cela dépendra quelle politique on mène. Si on continue à mener une politique productiviste, alors les petites exploitations disparaîtront. Si on mène, au contraire, une politique différenciée, tenant compte des réalités, tenant compte des aspirations des consommateurs, alors on aura accrocher des paysans sur tout le territoire français."
Vous dites qu'il y en aura - ou aurait - combien ?
- "400.000 ou 500.000 sans doute. J'avais dit aux agriculteurs, quand il y en avait 1 million qu'il y en aurait un peu plus de 500.000 ou 600.000 en l'an 2000. C'est le chiffre qui a été tenu."
Il faut retenir le chiffre que vous donnez. J. Glavany, votre prédécesseur, dirige maintenant la campagne du candidat L. Jospin. Il faut reconnaître que rarement un ministre a connu autant de secousses, de tempêtes, de crises - vache folle, viticulture, OGM et je pourrais allonger la liste. Vous, le pire devrait vous être épargné. Mais vous arrivez et notre reporter à Londres nous a appris qu'il y a un cas, peut-être même deux, de fièvre aphteuse en Grande-Bretagne. Est-ce que la France est prête ? Et qu'allez-vous faire ?
- "Cela pose deux problèmes. Celui de l'élargissement futur, qui doit reposer d'abord sur la sécurité avec les autres pays. Dans cette sécurité, la France est à la pointe. Là, c'est le vétérinaire qui vous parle. J'étais celui qui était rapporteur du texte de loi sur la suppression de la vaccination de la fièvre aphteuse. Aujourd'hui, c'est aux instances européennes de prendre les décisions qui vont permettre d'arrêter, immédiatement, toute importation à partir du territoire britannique."
C'est-à-dire qu'il pourrait y avoir embargo sur les productions, ou en tout cas, sur l'importation des produits anglais ?
- "Je signale qu'il n'y a pas eu d'importations de produits anglais depuis la reprise et qu'il n'y en aura pas, compte tenu du fait de ces nouveaux cas qui restent à confirmer."
J. Glavany avait eu l'idée, avec d'autres, de créer l'Afssa, l'agence de sécurité sanitaire des aliments, pour renforcer la sécurité et, en tout cas, la politique de sécurité. Est-ce que vous appliquerez, vous aussi, le principe de précaution ? Et est-ce que vous direz la vérité en toutes circonstances ?
- "Bien entendu. Je n'ai pas l'intention de faire penser qu'il y aurait un ministre de l'Agriculture qui sacrifierait la sécurité au prix du monde agricole. Ce sont les parlementaires qui ont créé l'Afssa et c'est la France qui la mis avant l'Europe. J'ai participé aussi à la création de l'agence européenne..."
Et la vérité, vous la direz ?
- "La vérité, toujours. C'est pour cela que, parfois, les agriculteurs me chahutent un peu, y compris sur mon propre territoire."
C'est-à-dire ?
- "C'est-à-dire qu'ils n'hésitent pas à venir me rencontrer en cas de crises ou à chaque époque importante de l'année."
On vient badigeonner votre maison, c'est ça ?
- "Parfois, on vient m'apporter des engrais azotés naturels !"
Des viticulteurs sont en train de saboter la SNCF en Languedoc. Ils promettent de recommencer car les producteurs souffrent. Qu'est-ce que vous leur dites ? Et est-ce que c'est acceptable d'abord ?
- "D'abord, ces méthodes qui apparaissent parfois comme des méthodes terroristes sont inacceptables. Mais je connais bien les leaders et les responsables viticoles. Le plan que J. Glavany a obtenu de Bruxelles et que nous sommes en train de mettre en place repose sur trois points. Obtenir les moyens financiers pour la distillation pour passer la crise ; en second lieu, il faut poursuivre la restructuration du vignoble languedocien, ce qui est déjà pour moitié fait ; et, en troisième lieu, mettre en place un plan social avec des préretraites. Nous sommes en train de le mettre en place. Justement, je vais le mettre en place pendant les deux mois."
Vous êtes ministre de l'Agriculture depuis hier. C'est formidable que vous soyez ici, pour votre première déclaration. Cela va vite ! Votre premier vrai Conseil des ministres est dans très peu de temps ?
- "C'est dans une heure."
Ensuite, vous avez la visite du Salon de l'agriculture, avec le président de la FNSEA, J.-M. Lemétayer. Apparemment, vous le connaissez bien ?
- "Je connais bien tous les leaders syndicaux agricoles. Je respecte le pluralisme syndical. Je reconnais le fait majoritaire et je discute avec tous. Il va de soi que tous ont une part de vérité."
C'est-à-dire que vous recevrez J. Bové et ses copains, J.-M. Lemétayer ?
- "Je vais passer trois jours au Salon, donc je rencontrerai tout le monde."
Avec les animaux, vous, en tout cas, vous n'allez pas faire semblant, car vous êtes vétérinaire !
- "C'est justement la définition de la proximité. Est-ce que la proximité est toujours de caresser l'arrière-train des bovins ou de serrer des mains à la suite ? La proximité, c'est écouter les gens, connaître leurs dossiers - et j'ai un peu la prétention de les connaître, parce que j'y ai beaucoup travaillé - et c'est aussi y répondre. C'est apporter de vraies réponses en matière de consommation, de régulation des marchés..."
Chacun dit ça, qu'il ne se contente pas de caresser le cul des vaches, comme vous dites...
- "C'est le contrat de territoire d'exploitation qui va demain se généraliser..."
Il y en a 25.000 aujourd'hui et vous pensez que vous allez les poursuivre ?
- "Je pense que nous irons à 100.000. Le département de la Côte d'Or, dont je suis élu, est un département en pointe."
Je disais, tout à l'heure, que vous connaissez l'agriculture. A quel âge êtes-vous allez, pour la première fois, au Salon de l'agriculture ?
- "J'avais 10 ans. J'accompagnais mes frères et mon père qui montaient au Salon de l'agriculture. C'était le moment de l'année où on préparait les animaux, les chevaux, les bovins, les moutons. Ensuite, j'y suis allé en tant que vétérinaire pendant trois ans. Depuis, j'y suis toujours allé comme élu."
Est-ce que cela a changé ? On fait toujours les mêmes choses. On montre toujours des vaches, des beaux taureaux, des beaux animaux !
- "Cela répond à une double question. Si c'est pour réconcilier encore plus l'agriculture avec la ville, les consommateurs avec les producteurs, c'est très bien. Et je crois que les Français l'identifient bien. Il y a un second point sur lequel je voudrais qu'on insiste, ce sont les débouchés de l'agriculture et notamment, les industries agro-alimentaires, notamment les nouvelles technologies, les biotechnologies de demain qui sont les vrais produits pour des consommateurs qui, demain, créeront des emplois."
Mais on ne les voit pas tellement au Salon de l'agriculture ?
- "Justement, c'est ce que je vais dire, tout à l'heure, à son directeur et à l'ensemble des responsables : il faut que nous ayons les produits de demain qui créeront les emplois de demain et ceux qui feront encore plus de qualité, encore plus de traçabilité et encore plus d'identification."
C'est-à-dire que le Salon de l'agriculture est un peu le passé de l'agriculture, si je vous comprends bien ?
- "C'est une très belle vitrine, c'est une démonstration formidable de la "ferme-France" à Paris qui est toujours très suivie et très courue. Cela doit maintenant aller au-delà, pour se projeter dans le futur et pour que nous ne prenions pas de retard en la matière."
Vous allez avoir à faire face, aujourd'hui même, au grand rendez-vous FNSEA. Je crois qu'il y a 3.000 ou 4.000 responsables agricoles venus de toute la France, avec des élus, pour entendre les doléances de la FNSEA. Si j'ai bien compris, la FNSEA fait un peu du harcèlement, comme son inspirateur E.-A. Seillière avec le Medef. Qu'est-ce que cela vous fait ?
- "Je crois plutôt que c'est E.-A. Seillière qui, en l'occurrence, à copier le monde agricole, qui l'a toujours fait! Depuis les années 1960, depuis même la fin de la guerre, le monde agricole a su se rassembler, je dirais même qu'il a toujours su "chasser en meute" - ce n'est pas du tout péjoratif quand je le dis. Les agriculteurs savent se rassembler, savent montrer leurs forces - ils l'ont toujours fait."
Il n'y a rien de nouveau ou, au contraire, parce que nous sommes en période électorale...
- "Il n'y a rien de nouveaux. Toutes les corporations en France montrent leurs forces aujourd'hui. Celle-là est dans la plus pure tradition qui est la sienne."
Dans quinze jours, la FNSEA va tenir son Congrès. L'an dernier, cela bardait entre J. Glavany et L. Guyau. Les deux sont partis. Est-ce que vous irez vous présentez devant eux ?
- "J'irai d'abord leur dire combien J. Glavany a permis d'éviter tous les problèmes de fièvre aphteuse, a su combattre la crise de l'ESB, a su se battre avec courage à Bruxelles. J'entends m'inscrire dans sa voie..."
On sait maintenant et on a compris que vous aimez beaucoup J. Glavany et son action !
- "Non seulement je l'aime bien, mais je l'admire beaucoup."
Mais vous irez ou pas ?
- "Je pense que j'irai."
Pourquoi avez-vous attendu pour le dire ?
- "Je n'ai pas attendu du tout. J'ai toujours rencontré les agriculteurs au pire des moments !"
Est-ce qu'on peut sauver une politique agricole de l'Europe qui ne serait pas alignée sur le marché mondial ?
- "Bien entendu."
Comment ?
- "En faisant une politique agricole qui soit ambitieuse, juste et efficace. Ambitieuse, parce que nous avons notre identité et notre force de production ; juste, parce qu'il faut mieux répartir les outils publics ; et efficace, parce que cela veut dire justement qu'il faut maintenant savoir dans quelles filières, sous quelles méthodes, avec quel process, et avec quelle industrie il faut travailler pour demain ?"
Il y a donc beaucoup de choses à faire ?
- "Il y a toujours beaucoup de choses à faire pour la consommation, et l'artisanat que je quitte aujourd'hui et la pêche bien sûr."
Quand vous vous occupiez de consommation, votre administration avait mis en doute, en janvier, les enquêtes de consommation de consommateurs, qui redoutaient une valse des étiquettes à propos de la naissance de l'euro. Elles avaient raison : les prix ont augmenté ?
- "Sauf que certains de vos confrères relevaient, dès hier soir, que la hausse de 0,5 % - que nous avions prévue et annoncée et qui est meilleure, une fois de plus, que dans les autres pays européens - n'est pas forcément le fait de l'euro. Elle est le fait surtout du gel, de la hausse des produits comme les tabacs. S'il y a des dérapages que nous avons dénoncés, et sur lesquels j'ai été très strict en matière de contrôle, l'euro y est pour une petite part. Mais tout est rentré dans l'ordre."
Ce n'est pas la faute de l'euro ?
- "Ce n'est pas de la faute de l'euro essentiellement."
Vous avez signé un accord de modernisation avec les organisateurs du commerce...
- "Qui a été suivi..."
Oui. Mais un accord qui va expirer à la fin mars. Est-ce qu'après, vous le renouvelez ? Qu'est-ce que vous faites, vous ou votre successeur, C. Pierret, à qui vous allez passer les pouvoirs dans une demi-heure, pour tenir les prix ? Est-ce qu'il pourra le faire ?
- "Nous avons déjà anticipé. Depuis le 2 janvier, nous rencontrons les acteurs de la distribution, de la production, pour leur dire qu'il y a avoir une sortie en douceur du dispositif. Tout le monde a tenu parole. L'euro est une réussite, mais il faut maintenant qu'il soit une réussite dans la prolongation et dans le temps. Il en va de l'avenir de l'Europe et de la consommation, pilier de la croissance."
Je vous écoute, mais pour relancer l'agriculture française, est-ce qu'il y a une politique de droite et une politique de gauche en matière agricole ? Ou est-ce qu'on est tous obligés de faire la même chose ?
- "Bien entendu. Quand nous parlons de la capacité exportatrice de la France, il y a une différence entre la droite et la gauche. La capacité exportatrice de la France n'est pas de prendre des produits à bas prix sur le marché mondial, mais c'est de vendre des produits identifiées à forte valeur ajoutée et déplacer le curseur vers la production. Il y a une différence dans le langage de droite et de gauche vis-à-vis des agriculteurs."
C'était votre première intervention. La rumeur dit que, comme vous êtes de Bourgogne, un Bourguignon cela tient parole. C'est vrai ?
- "Je le souhaite. En tout cas, je l'ai toujours fait en politique et j'essayerai de le faire encore aujourd'hui."
(Source :Premier ministre, Service d'information du gouvernement, le28 février 2002)