Déclaration de M. Jean-Marie Le Pen, président du Front national et candidat à l'élection présidentielle 2002, sur ses propositions en matière de politique industrielle, Nantes, le 20 janvier 2002.

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Circonstance : Discours électoral à Nantes, le 20 janvier 2002

Texte intégral

Mesdames et messieurs,

Permettez-moi tout d'abord de vous dire tout le plaisir que j'éprouve à être ici à Nantes, en tant que breton tout d'abord, car je n'oublie pas la terre d'où je suis issu et qui a forgé mes valeurs, mon coeur et mon âme.

En tant qu'homme de mer ensuite, ici sur le premier complexe portuaire de la côte atlantique, avec plus de 30 millions de tonnes de fret par an.

Enfin, et en tant que passionné d'histoire et de faits d'armes, puisque depuis toujours, chaque fois que je viens à Nantes, le bruit sourd des armées chouannes montant à l'assaut de la ville, fin juin 1793, retentit dans mes oreilles, comme si les vaillants soldats de l'Armée Catholique et Royale étaient là, tout près de nous.

I- Aujourd'hui, ici, les armes se sont tus, et on utilise plus que celles qu'offre la guerre économique mondiale.

Elles ne sont pas moins redoutables : dans cette guerre les morts se comptent en chômeurs, en Rmistes, en SDF et autres déclassés.

L'accélération de la mondialisation, provoquée par le choix de l'ouverture incontrôlée des frontières et la multiplication des échanges est en train de créer un marché international unifié.

La Bretagne des constructions navales, civiles et militaire, de l'aéronautique, de l'industrie portuaire, cette Bretagne semble, au cours des années 90, avoir accusé le choc de la concurrence du Japon et de la Corée, dont les coûts salariaux furent longtemps beaucoup plus faibles que les nôtres, et les monnaies notoirement sous-évaluées.

Le résultat est connu : entre 1995 et 1998, les demandeurs d'emplois de plus de 50 ans et les chômeurs de longue durée ont augmenté fortement dans le secteur de l'industrie littorale.

Cette situation est propre à l'ensemble de l'industrie des biens d'équipement, sur tout le territoire national : la folie libre-échangiste d'élites dénationalisées a entraîné l'effondrement de pans entiers de notre système productif, précipitant des générations entières dans le drame du chômage de masse.

La part de l'industrie dans la production nationale est passée de 31% en 1950 à 25 % aujourd'hui, tandis qu'au Japon, sur la même période, elle passait de 27 à 34%.

Des mines à la sidérurgie, de la mécanique aux constructions navales, notre pays a subi une perte sans précédent de compétitivité, parce que l'on ne voulait pas protéger notre marché intérieur.

Nos élites, qui n'ont que Saint-Simon à la bouche, semblent avoir oublié la première des ses leçons :

" tout se faisant par l'industrie, tout doit passer par elle ".

L'histoire économique ne s'y est d'ailleurs pas trompée, et le vocabulaire employé est symptomatique : " révolution industrielle " , " nouveaux pays industriels ", autant de termes qui font référence aux fondements industriels de l'émergence économique.

C'est dans l'industrie que l'investissement est le plus important, en raison de l'obsolescence naturelle des équipements. Or, c'est l'investissement qui alimente la croissance.

En outre, à chaque renouvellement de l'équipement productif, le progrès technique est incorporé, ce qui permet de faire des progrès de productivité.

De surcroît, à l'époque contemporaine, il est évident que la croissance industrielle entraîne celle des autres secteurs.

Une perte ou un gain de compétitivité industriel est toujours suivi d'une évolution de même sens dans le domaine des services.

Ainsi, le Japon, leader mondial en construction navale, est également leader de l'affrètement mondial.

Les pertes considérables d'emplois liées aux délocalisations et au déclin industriel se sont donc accompagnées de pertes d'emplois dans les services.

Eh oui, mesdames et messieurs, tout est lié : l'horreur économique fonctionne tel un noeud coulant attaché au cou des Français.

Outre le drame économique et social du déclin industriel, nos brillantes sommités politiques n'ont pas vu que ce déclin renfermait aussi un ferment de dépendance et d'affaiblissement de la puissance nationale.

Aujourd'hui en effet , les pays les plus puissants, tels le Japon ou l'Allemagne, réalisent l'essentiel de leur production dans le domaine industriel.

Ces pays ont toujours eu une politique industrielle bien établie, fondée sur l'alliance du capital industriel et du capital bancaire et la défense du marché intérieur, conformément aux enseignements de l'Allemand Friedrich List, au XIXème siècle, qui fit la théorie de la nécessaire protection des industries naissantes.

J'entends déjà d'ici les pleureuses assermentées de la vie politique pousser des cris d'orfraie.

Que l'on me comprenne bien : il ne faut évidemment fermer le pays au commerce pour tenter une expérience autarcique.

Non, çà, c'est une idée de gauche, mise en place dans l'enfer de l'Albanie marxiste-léniniste, avec le succès que l'on sait.

Non, je pense à une régulation du commerce, afin de ne pas laisser des produits dont le prix ne supporte pas de charges sociales et bénéficie souvent de la sous-évaluation de la monnaie du pays exportateur, pénétrer nos marchés et détruire nos emplois.

Il ne s'agit là que d'une simple mesure de bon sens, très en-deça des pratiques commerciales des Etats-Unis vis-à-vis des pays européens eux-mêmes.

Que font en effet les Etats -Unis aujourd'hui même, sinon protéger leur industrie, grâce à leur arsenal de rétorsion commerciale unilatéral, appelé Section 301, Super-301 et Spécial-301, qui contrevient de façon flagrante aux principes de l'OMC, mais leur permet de relever les droits de douane jusqu'à 100% du prix du produit, lorsqu'il risque de coloniser leur marché ?

Que font-ils sinon défendre leur potentiel industriel, lorsqu'ils subventionnent massivement leur industrie aéronautique ?

Ces gens sont moins naïfs que nos gentils mignons de l'E.N.A.

Ils connaissent la brutalité des rapports de force internationaux, la jungle d'une économie mondialisée, là où nos petits marquis, par lâcheté ou incompétence, ont annoncé à la France l'émergence d'un monde nouveau, réconcilié autour des principes de la démocratie, de l'individu et du marché.

Oh, c'est sûr, ils peuvent professer la réconciliation et la solidarité universelle, car la misère ne les concerne pas, eux. Ils sont bien à l'abri du 7ème arrondissement de Paris, dans les confortables ministères de la rive gauche, bien à l'abri de l'emploi protégé, de la retraite protégée, de l'appartement protégé.

Pour eux, le déclin industriel est pain béni, car il permet de s'en remettre lâchement au Grand Frère américain pour toutes les décisions importantes.

Pensez donc : si en plus il fallait oser être libre...

Ces gens là sont des ectoplasmes, vautrés dans le confort de leur prêt à penser économique, monstrueux rejeton du mariage impossible du socialisme à l'intérieur et du libre-échangisme à l'extérieur.

Par leur faute, l'économie française est à l'heure du marché mondial, et ils lui imposent encore l'arbitraire fiscal, le maquis règlementaire, la démagogie des 35 heures.

Qui y-a-t-il d'étonnant à ce que la France passe du 12ème au 16ème rang mondial en terme de production par habitant, entre 1995 et 2001?

Qui y-a-t-il d'étonnant à ce que notre pays recule à la 5ème place en matière de production nationale, désormais dépassé par l'Angleterre ?

Qui y a-t-il d'étonnant à ce qu'en terme de compétitivité, nous ayons reculé du 9ème rang mondial au 15ème ?

Chirac s'en émeut. Mais qu'a-t-il fait pour sortir notre économie de l'ornière ?

Il a fait l'euro, après avoir changé 7 fois d'avis sur la monnaie unique.

Mais demain, si la France entrait en récession, elle ne pourrait dévaluer pour en sortir, ni dépenser l'argent public, puisque nous sommes tenus par l'Union européenne à des règles budgétaires strictes.

Il ne resterait qu'à baisser les salaires, et ensuite, un beau matin, les têtes ahuries de messieurs Jospin et Chirac se baladeraient au bout d'une pique.

A moins qu'en bons politiciens avertis de ce que les peuples entrent parfois en politique comme un éléphant dans un magasin de porcelaine, il ne procèdent à la seule solution qui s'imposera et leur semblera de nature à préserver leurs intérêts: la dévaluation.

A ce moment-là, cette monnaie unique-ci connaîtra le sort des précédentes : étalon-or, étalon de change-or, système de Bretton Woods, serpent monétaire, Accords du Louvre, système monétaire européen, toutes sont passées aux oubliettes.


II- Mais par delà la facilité de la dévaluation, je crois pour ma part qu'il est indispensable de redonner à la France les structures profondes de la puissance et les disciplines qui fondent l'indépendance.

Cet objectif suppose de doter notre pays d'une grande politique industrielle, nécessaire à la sauvegarde de nos emplois et de notre prospérité.

L'Etat doit avant tout assurer la sécurité des producteurs et protéger les libertés fondamentales, c'est-à-dire bien remplir ses missions régaliennes, avant d'intervenir mal à propos dans le domaine réservé à l'initiative privée.

Je ne donnerais qu'un chiffre. En 1832, la police, la justice et défense représentaient 61% des dépenses publiques. Aujourd'hui, ces ministères absorbent à peine 30% du budget, parce qu'on est passé de l'Etat- gendarme à l'Etat-Providence.

L'Etat doit ensuite veiller au respect des règles de la concurrence, en empêchant les grands trust et les monopoles d'absorber les petites entreprises.

La densification du tissu industriel passe par le développement des PME, et même par la multiplication des entreprises unipersonnelles ou individuelles. L'Etat doit alors faciliter la formation de l'entrepreneur et valoriser ses efforts en matière de recherche-développement.

Les pouvoirs publics doivent également veiller à la qualité de l'environnement juridique des entreprises : la législation doit être claire, simple et stable, à rebours du maquis réglementaire qui étouffe aujourd'hui l'activité.


Il doit également mettre en place les infrastructures publiques nécessaires à la croissance. Certains investissements publics sont évidemment utiles, parce qu'ils sont productifs, efficaces, rentables : c'est le cas du TGV sud-est, qui sera tellement utilisé qu'il va créer sa propre source de financement.

De même, les commandes publiques jouent un rôle fondamental, par exemple dans l'économie américaine. Celles du ministère de la Défense permettent notamment le développement de technologies duales, c'est-à-dire qui essaiment en dehors du domaine militaire.

C'est le cas par exemple pour l'électronique des avions de combat, que l'on retrouve dans les appareils de ligne.

La contrepartie de cette dépense publique utile, c'est évidemment la suppression des dépenses inutiles et improductives, en un mot des gaspillages.

Cette diminution des gaspillages permettra la baisse des prélèvements obligatoires, préalable à toute stratégie d'expansion industrielle.

A la base, le tissu industriel doit être constitué des PME. A l'exportation toutefois, la constitution de " champions nationaux " est nécessaire, pour conquérir des marchés extérieurs, dans un contexte de concurrence dans lequel les grosses entreprises sont mieux armées que les petites.

Mesdames et messieurs, il est également indispensable de protéger notre marché intérieur, afin de garantir la survie de nos industries de base, gages d'indépendance et d'auto -suffisance.

Notre pays devra donc lui aussi adopter une législation commerciale unilatérale, afin de se protéger des pays qui pratiquent une concurrence déloyale. Cet arsenal prévoira notamment le relèvement immédiat des droits de douane à l'encontre de ceux-ci.

Enfin, la France n'a pas à abdiquer sa souveraineté commerciale au profit de l'Organisation Mondiale du Commerce. Sans rompre avec les instances de concertation internationale, notre pays devra user de son bien le plus précieux : son pouvoir de décision en dernière instance.

C'est là le propre des peuples responsables.

Nation libre, la France effectuera en toute légitimité les choix qu'elle estime indispensable à sa prospérité.

C'est la condition de son indépendance, et donc de sa grandeur et de son rayonnement.

Notre mission est avant tout de les lui rendre.


Je vous remercie
(Source http://www.front-national.com, le 30 janvier 2002)