Texte intégral
STEPHANE PAOLI : Les 35 heures sont-elles devenues le pivot de la société française, les créations d'empois n'étant qu'un aspect de la question, aux côtés du choix de vie - les cadres y sont partie prenante - du partenariat social, de la représentativité et donc, d'enjeux politiques autant qu'économiques. Invité de " Questions directes ", en ligne sur le campus d'HEC à Jouy-en-Josas où se tient l'Université d'été du Mouvement des Entreprises de France, le MEDEF, son président, Ernest-Antoine Seillière. Bonjour.
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Bonjour.
STEPHANE PAOLI : Diriez-vous que les 35 heures sont en train de changer profondément la société française ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Nous sommes actuellement tous au campus d'HEC, là, près de 1 000 entrepreneurs, il fait un temps magnifique, le moral est bon, il y a des commandes, et donc l'humeur n'est pas mauvaise et on s'est efforcé de se dire que pendant trois jours, on se préoccuperait de tous les problèmes de la société française et de l'entreprise, mais pas des 35 heures. Donc, aujourd'hui, on n'en parle pas. Cela dit, puisque vous me posez la question
STEPHANE PAOLI : Oh, il n'y a que cela dans les journaux de ce matin quand même s'agissant du MEDEF, c'est drôle.
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Ah, bien, c'est certain que les Français sont en train de se rendre compte que c'est une sacrée affaire et que ça ne va pas passer tout seul ! Ca ne m'étonne pas donc, qu'on en parle beaucoup dans la presse, même quand nous, les entrepreneurs, nous n'en parlons pas au cours de ces journées de réflexion approfondie.
STEPHANE PAOLI : Mais quand je parle du changement de la société française, si je vous pose la question du cadre, après le sondage très intéressant qui est paru cette semaine, demandé par LIAISONS SOCIALES-Manpower. Les cadres qui s'interrogent, peut-être même qui se demandent quelle est désormais leur place dans l'entreprise.
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Alors, nous parlons des cadres parce que, en effet, dans l'entreprise, les cadres, qui sont à la fois les experts et les responsables, sont l'essentiel de l'entreprise. Il y en a plusieurs millions et ce sont des gens qui jouent un rôle considérable. Alors, dans l'entreprise, petite et moyenne, ils sont tout-à-fait au cur et au centre, et cette affaire des 35 heures ne passe absolument pas, elle n'est pas dans la réalité de l'entreprise. Ce sont des gens qui travaillent pour faire réussir l'entreprise, la faire survivre, assurer l'emploi aux salariés. Et donc ils n'ont pas cette affaire de temps de travail à l'esprit. Et puis alors, il y a la grande entreprise
STEPHANE PAOLI : Pardon, monsieur Seillière, mais ce n'est pas ce qu'ils disent en tout cas si l'on en croit le sondage. 73 % d'entre eux disent quand même qu'ils souhaitent être traités comme les salariés.
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Alors, vous verrez que dans cette affaire, il y a une véritable séparation à faire entre le citoyen consulté par les médias dans son fauteuil, et puis le type qui le matin rentre dans l'entreprise et qui se rend compte du travail à faire. Enfin, cela dit, ça, vous allez le voir dans la réalité dans l'année qui vient quand on se rendra compte que cette affaire politique, qui a été décrétée par un gouvernement pour servir de support et de potion magique à sa majorité plurielle, on se rendra compte que dans la vie économique, dans la réalité de l'entreprise, tout ceci est en train de passer à côté de la réalité.
STEPHANE PAOLI : Pardon, mais le malaise des cadres serait virtuel ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Le malaise des cadres n'est pas virtuel, mais ils sont déboussolés, bien entendu, puisque, depuis un an, on leur explique tous les matins et les médias y ont leur part, que c'est en travaillant moins, en ayant aujourd'hui 7 semaines, demain 8, 9, 10 et pourquoi pas 32 heures et puis aux municipales prochaines pourquoi pas 28, et puis aux présidentielles pourquoi pas 20 heures Donc, ils sont un peu perdus. On leur dit tous les matins que c'est en travaillant moins que l'on va réussir dans ce pays, que notre pays va connaître l'expansion et l'emploi. Il est normal qu'ils soient troublés. Ils sont troublés, mais ils ne sont pas convaincus. Ca, je vous assure que nous, les entrepreneurs qui les voyons tous les jours, nous nous rendons bien compte des choses.
STEPHANE PAOLI : Mais, monsieur Seillière, il y a un des ateliers que vous ouvrez dans cette université d'été, et qui est consacré précisément à la communication dans l'entreprise. Quand les cadres disent qu'ils ont l'impression depuis ces dernières années d'avoir été, au fond, utilisés par l'entreprise, qu'on leur a un petit peu marché sur la tête, est-ce que, encore une fois, c'est un discours de journaliste ou est-ce que c'est une réalité ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : La réalité de l'entreprise, elle est immense, elle est très variée. Il y a 1,2 million d'entreprises dans notre pays qui ont moins de 50 salariés et dans lesquelles vous avez la grande majorité des cadres. Ce ne sont pas des entreprises cotées, ce sont des entreprises dans lesquelles les actionnaires ne comptent pas. Il y a le patron, comme on dit encore, dans l'entreprise, qui est là avec son équipe pour essayer de faire en sorte que ça tourne, qu'on puisse donner des bonus en fin d'année et de bons salaires et qu'on puisse rentrer des commandes, faire l'investissement. Ca, c'est la réalité. Et puis il y a les grandes entreprises cotées dans lesquelles se posent les grands problèmes en effet de société internationale. Est-ce que les actionnaires ou les cadres sont ceux dont on se préoccupe le plus, etc, etc. Mais on est en train, si vous voulez, de passer à côté de la réalité de l'entreprise. Et ce sera notre travail, tout au cours de l'année 2000, quand on n'aura encore rien fait en ce qui concerne les 35 heures, parce que l'expansion dont on se félicite aujourd'hui, je vous le rappelle, c'est la croissance des 39 heures, d'une économie qui tourne telle qu'elle est. Et nous, notre responsabilité, et nous le dirons bien entendu aux Français, c'est de faire en sorte qu'on se rende compte qu'une loi qui est mal calculée peut en effet démotiver tout le monde et créer, créer une économie beaucoup moins efficace, alors qu'on nous demande qu'elle le soit plus. Tout ceci, c'est notre responsabilité d'entrepreneurs de le dire et nous le dirons !
STEPHANE PAOLI : Quand vous dites que la société française ne peut rien faire au fond sans les entreprises, mais l'entreprise ne peut rien faire sans les cadres ni ses salariés. Comment allez-vous communiquer avec eux, comment allez-vous faire passer ce courant ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Eh bien, justement, nous sommes ici en réflexion sur ces thèmes. Nous nous rendons compte que nous n'avons pas suffisamment communiqué, que l'expression des entrepreneurs a été timide, pudique, quelquefois peureuse. Et ici, nous sommes en train de nous enhardir pour prendre la pleine place qui est la notre au sein de la société française. Et cette société française ne réussira pas sans la réussite de ses entrepreneurs. Et ces entrepreneurs, c'est eux qui décident, si vous voulez, de développer l'entreprise, de la créer. Il ne faut pas les démotiver, il ne faut pas créer les conditions qui rendent leur travail impossible. Sans quoi, vous le savez, ils partiront de plus en plus créer les biens et les richesses en dehors de notre pays. Et nous serons une zone de moindre croissance par rapport à nos espoirs. Le petit nuage rose sur lequel s'effectue la rentrée aujourd'hui, est quelque chose que nous vivons avec bonheur comme tout le monde. Tant mieux si ça marche. Mais c'est notre responsabilité de faire en sorte que ça ne se dégrade pas. Vous savez, on fait, on dit beaucoup de choses. On a dit : on baisse les impôts, tout est formidable. Et puis, ce matin, on lit : ah, on a pris encore plus en France en 1998 qu'en 1999. Tout ceci est erroné. Nous sommes dans un système dans lequel on prend un peu les Français pour des canards sauvages. C'est-à-dire qu'on les tire de loin, en essayant de leur faire croire qu'il ne se passe rien.
STEPHANE PAOLI : Alors, il y a quand même votre tempérament qui s'exprime, là ce matin monsieur Seillière. Mais vous disiez hier, en tout cas, je le lisais dans les dépêches, que vous ne souhaitez ni imposer, ni polémiquer, cependant d'ailleurs que monsieur Kessler, lui, de son côté, disait : continuons le combat. Est-ce qu'il y a une méthode de communication au MEDEF, le président parlant un peu soft, et monsieur Kessler parlant plus fort ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Non, nous avons réuni nos instances hier ici, discrètement dans une petite salle de notre campus, pour prendre la température. Et nous avons constaté que l'ensemble des entrepreneurs de notre pays nous demandent, en réalité aujourd'hui, de manifester une sorte de front du refus contre cette tendance qui s'impose de faire croire aux Français que tout va être facile et qu'il suffit de décréter par la loi et le règlement pour que ça suive. Non. Les Français vont comprendre et les entrepreneurs vont se rassembler pour le dire, que chacun doit prendre ses responsabilités. Si on veut que notre pays progresse, il faut respecter les entrepreneurs, les entendre. Nous avons été déjà 200 000 à signer une lettre de mise en garde contre la loi que l'on veut faire passer au Parlement maintenant et qui passera sans doute. Eh bien on en verra les conséquences si on ne veut pas nous entendre. Donc, nous sommes actuellement très dynamiques, très mobilisés et nous verrons cette mobilisation s'affirme de semaine en semaine dans les mois qui viennent.
STEPHANE PAOLI : Ernest-Antoine Seillière, mine de rien, est-ce que ce n'est pas une bonne affaire, ces 35 heures, y compris pour vous. Il n'y a jamais eu autant de flexibilité dans l'entreprise, l'entreprise française n'a jamais autant évolué. Et d'ailleurs, vous-même, vous avez pu aussi restructurer le MEDEF. Tout ça un peu grâce aux 35 heures.
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Alors, écoutez, ça, c'est du baratin et de la propagande.
STEPHANE PAOLI : C'est une question. C'est une question.
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Les entrepreneurs ne pensent pas une seconde que les 35 heures sont une bonne chose. Si le MEDEF se transforme, c'est parce qu'il a pris conscience de ses faiblesses et qu'il a décidé de le faire. Et on aimerait beaucoup d'ailleurs que la société française et que beaucoup de ses institutions aient le même courage et se mettent devant la réalité pour essayer de se moderniser, de prendre le monde qui vient en tête et ne pas en effet s'attarder sur des modèles dépassés.
STEPHANE PAOLI : Vous allez avoir une table ronde avec Marc Blondel. Il était là hier matin. Il est en train d'aller à la pêche aux cadres.
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Eh bien, Marc Blondel est un syndicaliste, nous sommes nous-mêmes des syndicalistes, donc nous approuvons tout-à-fait ces démarches. Il faut avoir le support de ses troupes pour pouvoir réussir. Mais nous serons très heureux de pouvoir dialoguer avec lui, d'ailleurs avec Maryse Dumas de la CGT, avec Jalmain - excusez-moi, je ne me souviens plus de son prénom -, le numéro deux de la CFDT, Deleu de la CFTC. Et nous serons tous ensemble pour apprécier en effet les chances de la France dans les années qui viennent avec le thème " Faire gagner la France ". Vous savez, les partenaires sociaux sont décidés à faire gagner la France ensemble. Nous n'avons strictement aucune raison de ne pas retrouver un dialogue social que l'Etat et le gouvernement par ses initiatives a réussi presque à amenuiser jusqu'au point d'être aujourd'hui brisé. Et donc, nous allons tous ensemble tout regarder ensemble, pour faire face parce que nous sommes décidés à faire gagner la France.
STEPHANE PAOLI : Merci monsieur Seillière.
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Merci beaucoup.
(source http://www.medef.fr, le 9 février 2001)
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Bonjour.
STEPHANE PAOLI : Diriez-vous que les 35 heures sont en train de changer profondément la société française ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Nous sommes actuellement tous au campus d'HEC, là, près de 1 000 entrepreneurs, il fait un temps magnifique, le moral est bon, il y a des commandes, et donc l'humeur n'est pas mauvaise et on s'est efforcé de se dire que pendant trois jours, on se préoccuperait de tous les problèmes de la société française et de l'entreprise, mais pas des 35 heures. Donc, aujourd'hui, on n'en parle pas. Cela dit, puisque vous me posez la question
STEPHANE PAOLI : Oh, il n'y a que cela dans les journaux de ce matin quand même s'agissant du MEDEF, c'est drôle.
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Ah, bien, c'est certain que les Français sont en train de se rendre compte que c'est une sacrée affaire et que ça ne va pas passer tout seul ! Ca ne m'étonne pas donc, qu'on en parle beaucoup dans la presse, même quand nous, les entrepreneurs, nous n'en parlons pas au cours de ces journées de réflexion approfondie.
STEPHANE PAOLI : Mais quand je parle du changement de la société française, si je vous pose la question du cadre, après le sondage très intéressant qui est paru cette semaine, demandé par LIAISONS SOCIALES-Manpower. Les cadres qui s'interrogent, peut-être même qui se demandent quelle est désormais leur place dans l'entreprise.
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Alors, nous parlons des cadres parce que, en effet, dans l'entreprise, les cadres, qui sont à la fois les experts et les responsables, sont l'essentiel de l'entreprise. Il y en a plusieurs millions et ce sont des gens qui jouent un rôle considérable. Alors, dans l'entreprise, petite et moyenne, ils sont tout-à-fait au cur et au centre, et cette affaire des 35 heures ne passe absolument pas, elle n'est pas dans la réalité de l'entreprise. Ce sont des gens qui travaillent pour faire réussir l'entreprise, la faire survivre, assurer l'emploi aux salariés. Et donc ils n'ont pas cette affaire de temps de travail à l'esprit. Et puis alors, il y a la grande entreprise
STEPHANE PAOLI : Pardon, monsieur Seillière, mais ce n'est pas ce qu'ils disent en tout cas si l'on en croit le sondage. 73 % d'entre eux disent quand même qu'ils souhaitent être traités comme les salariés.
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Alors, vous verrez que dans cette affaire, il y a une véritable séparation à faire entre le citoyen consulté par les médias dans son fauteuil, et puis le type qui le matin rentre dans l'entreprise et qui se rend compte du travail à faire. Enfin, cela dit, ça, vous allez le voir dans la réalité dans l'année qui vient quand on se rendra compte que cette affaire politique, qui a été décrétée par un gouvernement pour servir de support et de potion magique à sa majorité plurielle, on se rendra compte que dans la vie économique, dans la réalité de l'entreprise, tout ceci est en train de passer à côté de la réalité.
STEPHANE PAOLI : Pardon, mais le malaise des cadres serait virtuel ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Le malaise des cadres n'est pas virtuel, mais ils sont déboussolés, bien entendu, puisque, depuis un an, on leur explique tous les matins et les médias y ont leur part, que c'est en travaillant moins, en ayant aujourd'hui 7 semaines, demain 8, 9, 10 et pourquoi pas 32 heures et puis aux municipales prochaines pourquoi pas 28, et puis aux présidentielles pourquoi pas 20 heures Donc, ils sont un peu perdus. On leur dit tous les matins que c'est en travaillant moins que l'on va réussir dans ce pays, que notre pays va connaître l'expansion et l'emploi. Il est normal qu'ils soient troublés. Ils sont troublés, mais ils ne sont pas convaincus. Ca, je vous assure que nous, les entrepreneurs qui les voyons tous les jours, nous nous rendons bien compte des choses.
STEPHANE PAOLI : Mais, monsieur Seillière, il y a un des ateliers que vous ouvrez dans cette université d'été, et qui est consacré précisément à la communication dans l'entreprise. Quand les cadres disent qu'ils ont l'impression depuis ces dernières années d'avoir été, au fond, utilisés par l'entreprise, qu'on leur a un petit peu marché sur la tête, est-ce que, encore une fois, c'est un discours de journaliste ou est-ce que c'est une réalité ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : La réalité de l'entreprise, elle est immense, elle est très variée. Il y a 1,2 million d'entreprises dans notre pays qui ont moins de 50 salariés et dans lesquelles vous avez la grande majorité des cadres. Ce ne sont pas des entreprises cotées, ce sont des entreprises dans lesquelles les actionnaires ne comptent pas. Il y a le patron, comme on dit encore, dans l'entreprise, qui est là avec son équipe pour essayer de faire en sorte que ça tourne, qu'on puisse donner des bonus en fin d'année et de bons salaires et qu'on puisse rentrer des commandes, faire l'investissement. Ca, c'est la réalité. Et puis il y a les grandes entreprises cotées dans lesquelles se posent les grands problèmes en effet de société internationale. Est-ce que les actionnaires ou les cadres sont ceux dont on se préoccupe le plus, etc, etc. Mais on est en train, si vous voulez, de passer à côté de la réalité de l'entreprise. Et ce sera notre travail, tout au cours de l'année 2000, quand on n'aura encore rien fait en ce qui concerne les 35 heures, parce que l'expansion dont on se félicite aujourd'hui, je vous le rappelle, c'est la croissance des 39 heures, d'une économie qui tourne telle qu'elle est. Et nous, notre responsabilité, et nous le dirons bien entendu aux Français, c'est de faire en sorte qu'on se rende compte qu'une loi qui est mal calculée peut en effet démotiver tout le monde et créer, créer une économie beaucoup moins efficace, alors qu'on nous demande qu'elle le soit plus. Tout ceci, c'est notre responsabilité d'entrepreneurs de le dire et nous le dirons !
STEPHANE PAOLI : Quand vous dites que la société française ne peut rien faire au fond sans les entreprises, mais l'entreprise ne peut rien faire sans les cadres ni ses salariés. Comment allez-vous communiquer avec eux, comment allez-vous faire passer ce courant ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Eh bien, justement, nous sommes ici en réflexion sur ces thèmes. Nous nous rendons compte que nous n'avons pas suffisamment communiqué, que l'expression des entrepreneurs a été timide, pudique, quelquefois peureuse. Et ici, nous sommes en train de nous enhardir pour prendre la pleine place qui est la notre au sein de la société française. Et cette société française ne réussira pas sans la réussite de ses entrepreneurs. Et ces entrepreneurs, c'est eux qui décident, si vous voulez, de développer l'entreprise, de la créer. Il ne faut pas les démotiver, il ne faut pas créer les conditions qui rendent leur travail impossible. Sans quoi, vous le savez, ils partiront de plus en plus créer les biens et les richesses en dehors de notre pays. Et nous serons une zone de moindre croissance par rapport à nos espoirs. Le petit nuage rose sur lequel s'effectue la rentrée aujourd'hui, est quelque chose que nous vivons avec bonheur comme tout le monde. Tant mieux si ça marche. Mais c'est notre responsabilité de faire en sorte que ça ne se dégrade pas. Vous savez, on fait, on dit beaucoup de choses. On a dit : on baisse les impôts, tout est formidable. Et puis, ce matin, on lit : ah, on a pris encore plus en France en 1998 qu'en 1999. Tout ceci est erroné. Nous sommes dans un système dans lequel on prend un peu les Français pour des canards sauvages. C'est-à-dire qu'on les tire de loin, en essayant de leur faire croire qu'il ne se passe rien.
STEPHANE PAOLI : Alors, il y a quand même votre tempérament qui s'exprime, là ce matin monsieur Seillière. Mais vous disiez hier, en tout cas, je le lisais dans les dépêches, que vous ne souhaitez ni imposer, ni polémiquer, cependant d'ailleurs que monsieur Kessler, lui, de son côté, disait : continuons le combat. Est-ce qu'il y a une méthode de communication au MEDEF, le président parlant un peu soft, et monsieur Kessler parlant plus fort ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Non, nous avons réuni nos instances hier ici, discrètement dans une petite salle de notre campus, pour prendre la température. Et nous avons constaté que l'ensemble des entrepreneurs de notre pays nous demandent, en réalité aujourd'hui, de manifester une sorte de front du refus contre cette tendance qui s'impose de faire croire aux Français que tout va être facile et qu'il suffit de décréter par la loi et le règlement pour que ça suive. Non. Les Français vont comprendre et les entrepreneurs vont se rassembler pour le dire, que chacun doit prendre ses responsabilités. Si on veut que notre pays progresse, il faut respecter les entrepreneurs, les entendre. Nous avons été déjà 200 000 à signer une lettre de mise en garde contre la loi que l'on veut faire passer au Parlement maintenant et qui passera sans doute. Eh bien on en verra les conséquences si on ne veut pas nous entendre. Donc, nous sommes actuellement très dynamiques, très mobilisés et nous verrons cette mobilisation s'affirme de semaine en semaine dans les mois qui viennent.
STEPHANE PAOLI : Ernest-Antoine Seillière, mine de rien, est-ce que ce n'est pas une bonne affaire, ces 35 heures, y compris pour vous. Il n'y a jamais eu autant de flexibilité dans l'entreprise, l'entreprise française n'a jamais autant évolué. Et d'ailleurs, vous-même, vous avez pu aussi restructurer le MEDEF. Tout ça un peu grâce aux 35 heures.
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Alors, écoutez, ça, c'est du baratin et de la propagande.
STEPHANE PAOLI : C'est une question. C'est une question.
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Les entrepreneurs ne pensent pas une seconde que les 35 heures sont une bonne chose. Si le MEDEF se transforme, c'est parce qu'il a pris conscience de ses faiblesses et qu'il a décidé de le faire. Et on aimerait beaucoup d'ailleurs que la société française et que beaucoup de ses institutions aient le même courage et se mettent devant la réalité pour essayer de se moderniser, de prendre le monde qui vient en tête et ne pas en effet s'attarder sur des modèles dépassés.
STEPHANE PAOLI : Vous allez avoir une table ronde avec Marc Blondel. Il était là hier matin. Il est en train d'aller à la pêche aux cadres.
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Eh bien, Marc Blondel est un syndicaliste, nous sommes nous-mêmes des syndicalistes, donc nous approuvons tout-à-fait ces démarches. Il faut avoir le support de ses troupes pour pouvoir réussir. Mais nous serons très heureux de pouvoir dialoguer avec lui, d'ailleurs avec Maryse Dumas de la CGT, avec Jalmain - excusez-moi, je ne me souviens plus de son prénom -, le numéro deux de la CFDT, Deleu de la CFTC. Et nous serons tous ensemble pour apprécier en effet les chances de la France dans les années qui viennent avec le thème " Faire gagner la France ". Vous savez, les partenaires sociaux sont décidés à faire gagner la France ensemble. Nous n'avons strictement aucune raison de ne pas retrouver un dialogue social que l'Etat et le gouvernement par ses initiatives a réussi presque à amenuiser jusqu'au point d'être aujourd'hui brisé. Et donc, nous allons tous ensemble tout regarder ensemble, pour faire face parce que nous sommes décidés à faire gagner la France.
STEPHANE PAOLI : Merci monsieur Seillière.
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Merci beaucoup.
(source http://www.medef.fr, le 9 février 2001)