Texte intégral
Q - Des accrochages ce matin, à une dizaine de mètres du quartier général de Yasser Arafat où on parle de déclarations de guerre après la conférence de presse du Premier ministre Ariel Sharon qui qualifie le leader palestinien, d' "ennemi". Hubert Védrine, est-ce que les chances de la paix sont plus maigres que jamais ?
R - Elles sont très maigres. Je comprends ce que peuvent ressentir les Israéliens et les femmes israéliennes face à cette pression terrifiante des attentats : une mère qui envoie des enfants à l'école, quelqu'un qui veut aller au cinéma, quelqu'un qui attend l'autobus. Cela doit être absolument effrayant de vivre dans cette terreur. C'est justement le résultat du terrorisme. Je le comprends pour les gens, la société. Mais, en ce qui concerne les hommes politiques dont la responsabilité est d'essayer de dégager des solutions de fond et à long terme, je continue à penser que la façon dont le gouvernement israélien réagit à ces vagues épouvantables d'attentats ne peut pas apporter de solution.
D'ailleurs, la façon dont Ariel Sharon réagit, avec son gouvernement, est assez comparable à ce qu'il a déjà dit trois ou quatre fois ces derniers mois, après des vagues d'attentats, déjà provoqués par la situation de fond que l'on connaît et que ce gouvernement n'arrive pas à dépasser. Je continue à penser que c'est une impasse. La répression, même pire encore, massive, en essayant d'asphyxier Arafat - puisqu'il y a une sorte d'obsession d'Arafat comme s'il était le chef de tout cela - ne peut pas déboucher sur une solution, ni évidemment sur une solution politique qui n'est pas recherchée du tout. Je ne pense même pas que cela puisse déboucher sur une solution en matière de sécurité.
Q - L'hypothèse évoquée aujourd'hui dans des milieux diplomatiques à Beyrouth, est que les Israéliens voudraient expulser Arafat, par exemple vers la Jordanie.
R - Je n'en sais rien. Je sais qu'au sein du gouvernement israélien, au sein de certaines forces politiques qui appuient ce gouvernement, dans une partie de l'armée israélienne, il y a un ensemble de gens qui pensent se débarrasser du problème palestinien en expulsant Arafat. En le renvoyant à Tunis, comme ils disent dans certains cas, ou en Jordanie, ou qu'il aille au diable ou n'importe ou ailleurs. Ils vivent dans l'illusion que c'est une sorte de problème artificiel qui serait créé par la politique d'Arafat, par son double jeu, sa turpitude et je ne sais quoi.
Non, il y a un problème national palestinien. Il y a un peuple palestinien, qui est là, qui sera toujours là, comme les Israéliens seront toujours là. Ils sont obligés de s'entendre à un moment ou à un autre. C'est une illusion complète de croire que le problème serait différent si Arafat était ailleurs, ou remplacé par je ne sais quel autre chef palestinien, à la suite d'actions israéliennes. Je suis désolé d'avoir à le redire, je suis obligé de me répéter constamment. Je sais que tous les Européens le disent sur des tons différents, mais tous les Européens font cette analyse de fond. Je sais que Colin Powell est au téléphone constamment pour essayer d'empêcher l'aggravation des choses et nous pensons tous qu'il n'y a pas de solution dans la fuite en avant.
Q - Et vous pensez qu'Ariel Sharon est l'homme qui peut, aujourd'hui, ouvrir les négociations politiques ?
R - Je ne sais pas. Mais de toute façon c'est lui qui est le Premier ministre. Les Israéliens ont choisi le Premier ministre qu'ils veulent et c'est aussi vain de dire que "Sharon n'est pas l'homme de la situation", que quand les Israéliens disent "on ne veut pas d'Arafat". Ce qui est vrai c'est que dans sa carrière, Ariel Sharon a toujours récusé les accords de paix, il a même voté contre les accords de paix avec l'Egypte, contre tout le processus d'Oslo. Il a systématiquement soutenu le processus de colonisation qui est quand même un des curs de l'affaire. Il a toujours contesté Arafat. Il n'a jamais reconnu la moindre autorité ou crédibilité ou légitimité, aucune entité palestinienne quelle qu'elle soit. Il y a donc une sorte de cohérence dans tout cela. On ne le voit pas tellement mener une autre politique. Mais, s'il le faisait, on l'encouragerait, on l'applaudirait. Ce n'est pas une question de personne.
Q - Alors il y a peut-être une perche qui est tendue aujourd'hui aux Israéliens avec cet accord, hier, des 22 Etats arabes à Beyrouth, de proposer à Israël la restitution de tous les territoires occupés et le retour des réfugiés, contre une normalisation des relations avec tout le monde arabe. Est-ce que ce plan a une chance aujourd'hui, Hubert Védrine ?
R - Pas dans l'immédiat, mais ce n'est pas cela sa fonction. Aujourd'hui, la situation n'est ni bloquée par les Arabes ni par les Saoudiens. La situation est bloquée parce que le gouvernement israélien ne veut pas entamer des négociations politiques de fond, pour la création d'un Etat palestinien viable, tant qu'il y a de l'insécurité, des vagues de terrorisme. Et ce préalable sécuritaire, que je peux comprendre encore une fois, s'agissant des gens normaux, de l'opinion, est une erreur politique, parce qu'il fonctionne comme un verrou qui empêche de s'attaquer à la solution politique. Rabin, lorsqu'il était Premier ministre menait les deux de front. Et je crois que c'était une meilleure politique. Ce n'est donc pas la position arabe qui peut changer cela. En revanche, quand le processus de recherche d'une solution politique aura été réentamé, et cela se fera un jour ou l'autre, quelle que soit la violence des réactions aujourd'hui et de la fuite en avant, à ce moment-là, la nouvelle position arabe, grâce au Prince Abdallah qu'il faut saluer, augmentera énormément les chances de réussite du nouveau processus de paix quand il existera. Je pense que cela peut avoir un certain effet sur les Israéliens qui sont quand même désemparés.
Q - D'ailleurs, les Arabes se sont adressés au peuple israélien.
R - Ils ont eu raison, ils font une sorte de pari sur l'avenir. C'est bien la première fois, je crois, qu'ils parlent comme cela directement aux Israéliens. Quand le processus de paix recommencera, quand les Israéliens se reposeront la question, de savoir si les Arabes joueront vraiment le jeu, s'il y a un accord de paix, à ce moment-là, cela pèsera dans la balance pour augmenter les chances d'un accord et de sa solidité.
Q - Hubert Védrine, est-ce que la France soutiendra à fond ce plan qui va être présenté, paraît-il, aux Nations unies par les Arabes. Est-ce qu'elle fera peut-être la base d'une résolution d'un Conseil de sécurité ?
R - Je ne sais pas ce que les Arabes présenteront. Nous avons déjà salué la déclaration de Beyrouth, en tout cas, parce qu'elle est bien dans l'esprit d'une initiative du Prince Abdallah. Sur ce point, notre position est tout à fait claire. Mais on ne peut pas en faire un plan de paix maintenant. Pour qu'il y ait un plan de paix aujourd'hui, et en tout cas, la réouverture de négociations de paix, il faut que le gouvernement israélien lutte contre le terrorisme, c'est son droit, c'est son devoir même par rapport à son propre peuple, mais il faut aussi qu'il accepte d'ouvrir une négociation politique. Ce qui pose la question de l'Etat palestinien, la question des colonies, des frontières et des garanties internationales qu'il faudra donner un jour ou l'autre. Ce n'est pas le plan de Beyrouth adopté au Conseil de sécurité qui peut enclencher cela, je le répète, c'est pour après.
Q - Vous voyez un signe au sein du gouvernement israélien que cette ouverture politique peut se faire ?
R - Il y a un débat permanent, parce que les ministres travaillistes disent souvent des choses tout à fait différentes, notamment Shimon Peres, de ce que dit M. Sharon. Mais chaque fois qu'ils sont sous le coup de l'émotion qui submerge le pays, à cause des nouvelles tragédies, les morts, le deuil, à ce moment-là, ils sont obligés de se mettre dans la ligne de Sharon. Même si nous savons que sur le fond, ils savent bien que ce n'est pas la politique qu'il faudrait mener, que ce n'est pas la politique que mènerait le parti travailliste s'il avait le poste de Premier ministre. Même si eux aussi sont soumis à la pression sécuritaire, que l'on peut comprendre, mais qui ne donnent pas de solution, alors ils se mettent derrière. Mais, à la première occasion, ils rediront - comme Shimon Peres, comme le ministre de la Défense, comme le président de la Knesset qui dit des choses courageuses, qui dit que "l'occupation corrompt et détruit l'âme israélienne" -, ils rediront des choses différentes parce que la solution ne sera pas trouvée à coup de chars qui tentent de démolir les murs d'enceinte de la résidence d'Arafat et peut-être de le pousser dehors. Il n'y a pas de solution dans cette voie.
Q - Est-ce que plus la tension est forte, plus la possibilité d'une intervention diplomatique forte des Etats-Unis, de l'Europe, est possible ? Parce que pour l'instant, notamment les Etats-Unis sont encore un peu en retrait, même s'ils sont sur place ?
R - Non, les Etats-Unis ont quand même fait un mouvement ces derniers temps. Ils ont débloqué le vote d'un texte au Conseil de sécurité et dans lequel il y a mot "Etat de Palestine". Ils ont envoyé le général Zini, mais celui-ci fait une navette, pour le moment, infructueuse, sur un cessez-le-feu avec une approche qui est purement sécuritaire et il n'a pas encore mandat de dire aux Palestiniens "on fait cela pour enclencher des négociations politiques" et Colin Powell fait tout ce qu'il peut, vraiment, au téléphone avec les uns et les autres, pour essayer d'endiguer l'aggravation. Mais cela n'a pas encore produit un vrai changement politique israélien, ni complètement aux Etats-Unis, mais cela ne veut pas dire que les initiatives diplomatiques sont à attendre, elles ont lieu constamment. Cela ne change pas jusqu'à maintenant la ligne politique suivie.
Q - Un mot sur un autre sujet, Hubert Védrine. Les autorités américaines ont annoncé, hier, qu'elles avaient l'intention de requérir le peine de mort contre M. Moussaoui, français, arrêté en liaison avec l'affaire des attentats du 11 septembre. Qu'en pensez-vous ?
R - Mme Lebranchu et moi-même, nous sommes exprimés à ce sujet. D'abord, il faut rappeler que nous sommes solidaires des Etats-Unis dans la lutte contre le terrorisme et que nous sommes donc prêts à aider les autorités judiciaires américaines. Nous l'avons fait. Nous continuerons à le faire. Nous avons un traité d'entraide judiciaire avec les Américains de décembre 1998, qui ne change pas, qui doit être appliqué. A l'intérieur de ce traité, et c'est une position de droit qui est connue, qui existe, que nous appliquons dans les cas d'extradition, nous avons décidé que les pièces transmises par la France ne devaient pas pouvoir servir à condamner à mort une personne. On sera tout à fait vigilant sur ce point. Tout en continuant à coopérer avec les Etats-Unis, globalement, dans la lutte contre le terrorisme.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 3 avril 2002)
R - Elles sont très maigres. Je comprends ce que peuvent ressentir les Israéliens et les femmes israéliennes face à cette pression terrifiante des attentats : une mère qui envoie des enfants à l'école, quelqu'un qui veut aller au cinéma, quelqu'un qui attend l'autobus. Cela doit être absolument effrayant de vivre dans cette terreur. C'est justement le résultat du terrorisme. Je le comprends pour les gens, la société. Mais, en ce qui concerne les hommes politiques dont la responsabilité est d'essayer de dégager des solutions de fond et à long terme, je continue à penser que la façon dont le gouvernement israélien réagit à ces vagues épouvantables d'attentats ne peut pas apporter de solution.
D'ailleurs, la façon dont Ariel Sharon réagit, avec son gouvernement, est assez comparable à ce qu'il a déjà dit trois ou quatre fois ces derniers mois, après des vagues d'attentats, déjà provoqués par la situation de fond que l'on connaît et que ce gouvernement n'arrive pas à dépasser. Je continue à penser que c'est une impasse. La répression, même pire encore, massive, en essayant d'asphyxier Arafat - puisqu'il y a une sorte d'obsession d'Arafat comme s'il était le chef de tout cela - ne peut pas déboucher sur une solution, ni évidemment sur une solution politique qui n'est pas recherchée du tout. Je ne pense même pas que cela puisse déboucher sur une solution en matière de sécurité.
Q - L'hypothèse évoquée aujourd'hui dans des milieux diplomatiques à Beyrouth, est que les Israéliens voudraient expulser Arafat, par exemple vers la Jordanie.
R - Je n'en sais rien. Je sais qu'au sein du gouvernement israélien, au sein de certaines forces politiques qui appuient ce gouvernement, dans une partie de l'armée israélienne, il y a un ensemble de gens qui pensent se débarrasser du problème palestinien en expulsant Arafat. En le renvoyant à Tunis, comme ils disent dans certains cas, ou en Jordanie, ou qu'il aille au diable ou n'importe ou ailleurs. Ils vivent dans l'illusion que c'est une sorte de problème artificiel qui serait créé par la politique d'Arafat, par son double jeu, sa turpitude et je ne sais quoi.
Non, il y a un problème national palestinien. Il y a un peuple palestinien, qui est là, qui sera toujours là, comme les Israéliens seront toujours là. Ils sont obligés de s'entendre à un moment ou à un autre. C'est une illusion complète de croire que le problème serait différent si Arafat était ailleurs, ou remplacé par je ne sais quel autre chef palestinien, à la suite d'actions israéliennes. Je suis désolé d'avoir à le redire, je suis obligé de me répéter constamment. Je sais que tous les Européens le disent sur des tons différents, mais tous les Européens font cette analyse de fond. Je sais que Colin Powell est au téléphone constamment pour essayer d'empêcher l'aggravation des choses et nous pensons tous qu'il n'y a pas de solution dans la fuite en avant.
Q - Et vous pensez qu'Ariel Sharon est l'homme qui peut, aujourd'hui, ouvrir les négociations politiques ?
R - Je ne sais pas. Mais de toute façon c'est lui qui est le Premier ministre. Les Israéliens ont choisi le Premier ministre qu'ils veulent et c'est aussi vain de dire que "Sharon n'est pas l'homme de la situation", que quand les Israéliens disent "on ne veut pas d'Arafat". Ce qui est vrai c'est que dans sa carrière, Ariel Sharon a toujours récusé les accords de paix, il a même voté contre les accords de paix avec l'Egypte, contre tout le processus d'Oslo. Il a systématiquement soutenu le processus de colonisation qui est quand même un des curs de l'affaire. Il a toujours contesté Arafat. Il n'a jamais reconnu la moindre autorité ou crédibilité ou légitimité, aucune entité palestinienne quelle qu'elle soit. Il y a donc une sorte de cohérence dans tout cela. On ne le voit pas tellement mener une autre politique. Mais, s'il le faisait, on l'encouragerait, on l'applaudirait. Ce n'est pas une question de personne.
Q - Alors il y a peut-être une perche qui est tendue aujourd'hui aux Israéliens avec cet accord, hier, des 22 Etats arabes à Beyrouth, de proposer à Israël la restitution de tous les territoires occupés et le retour des réfugiés, contre une normalisation des relations avec tout le monde arabe. Est-ce que ce plan a une chance aujourd'hui, Hubert Védrine ?
R - Pas dans l'immédiat, mais ce n'est pas cela sa fonction. Aujourd'hui, la situation n'est ni bloquée par les Arabes ni par les Saoudiens. La situation est bloquée parce que le gouvernement israélien ne veut pas entamer des négociations politiques de fond, pour la création d'un Etat palestinien viable, tant qu'il y a de l'insécurité, des vagues de terrorisme. Et ce préalable sécuritaire, que je peux comprendre encore une fois, s'agissant des gens normaux, de l'opinion, est une erreur politique, parce qu'il fonctionne comme un verrou qui empêche de s'attaquer à la solution politique. Rabin, lorsqu'il était Premier ministre menait les deux de front. Et je crois que c'était une meilleure politique. Ce n'est donc pas la position arabe qui peut changer cela. En revanche, quand le processus de recherche d'une solution politique aura été réentamé, et cela se fera un jour ou l'autre, quelle que soit la violence des réactions aujourd'hui et de la fuite en avant, à ce moment-là, la nouvelle position arabe, grâce au Prince Abdallah qu'il faut saluer, augmentera énormément les chances de réussite du nouveau processus de paix quand il existera. Je pense que cela peut avoir un certain effet sur les Israéliens qui sont quand même désemparés.
Q - D'ailleurs, les Arabes se sont adressés au peuple israélien.
R - Ils ont eu raison, ils font une sorte de pari sur l'avenir. C'est bien la première fois, je crois, qu'ils parlent comme cela directement aux Israéliens. Quand le processus de paix recommencera, quand les Israéliens se reposeront la question, de savoir si les Arabes joueront vraiment le jeu, s'il y a un accord de paix, à ce moment-là, cela pèsera dans la balance pour augmenter les chances d'un accord et de sa solidité.
Q - Hubert Védrine, est-ce que la France soutiendra à fond ce plan qui va être présenté, paraît-il, aux Nations unies par les Arabes. Est-ce qu'elle fera peut-être la base d'une résolution d'un Conseil de sécurité ?
R - Je ne sais pas ce que les Arabes présenteront. Nous avons déjà salué la déclaration de Beyrouth, en tout cas, parce qu'elle est bien dans l'esprit d'une initiative du Prince Abdallah. Sur ce point, notre position est tout à fait claire. Mais on ne peut pas en faire un plan de paix maintenant. Pour qu'il y ait un plan de paix aujourd'hui, et en tout cas, la réouverture de négociations de paix, il faut que le gouvernement israélien lutte contre le terrorisme, c'est son droit, c'est son devoir même par rapport à son propre peuple, mais il faut aussi qu'il accepte d'ouvrir une négociation politique. Ce qui pose la question de l'Etat palestinien, la question des colonies, des frontières et des garanties internationales qu'il faudra donner un jour ou l'autre. Ce n'est pas le plan de Beyrouth adopté au Conseil de sécurité qui peut enclencher cela, je le répète, c'est pour après.
Q - Vous voyez un signe au sein du gouvernement israélien que cette ouverture politique peut se faire ?
R - Il y a un débat permanent, parce que les ministres travaillistes disent souvent des choses tout à fait différentes, notamment Shimon Peres, de ce que dit M. Sharon. Mais chaque fois qu'ils sont sous le coup de l'émotion qui submerge le pays, à cause des nouvelles tragédies, les morts, le deuil, à ce moment-là, ils sont obligés de se mettre dans la ligne de Sharon. Même si nous savons que sur le fond, ils savent bien que ce n'est pas la politique qu'il faudrait mener, que ce n'est pas la politique que mènerait le parti travailliste s'il avait le poste de Premier ministre. Même si eux aussi sont soumis à la pression sécuritaire, que l'on peut comprendre, mais qui ne donnent pas de solution, alors ils se mettent derrière. Mais, à la première occasion, ils rediront - comme Shimon Peres, comme le ministre de la Défense, comme le président de la Knesset qui dit des choses courageuses, qui dit que "l'occupation corrompt et détruit l'âme israélienne" -, ils rediront des choses différentes parce que la solution ne sera pas trouvée à coup de chars qui tentent de démolir les murs d'enceinte de la résidence d'Arafat et peut-être de le pousser dehors. Il n'y a pas de solution dans cette voie.
Q - Est-ce que plus la tension est forte, plus la possibilité d'une intervention diplomatique forte des Etats-Unis, de l'Europe, est possible ? Parce que pour l'instant, notamment les Etats-Unis sont encore un peu en retrait, même s'ils sont sur place ?
R - Non, les Etats-Unis ont quand même fait un mouvement ces derniers temps. Ils ont débloqué le vote d'un texte au Conseil de sécurité et dans lequel il y a mot "Etat de Palestine". Ils ont envoyé le général Zini, mais celui-ci fait une navette, pour le moment, infructueuse, sur un cessez-le-feu avec une approche qui est purement sécuritaire et il n'a pas encore mandat de dire aux Palestiniens "on fait cela pour enclencher des négociations politiques" et Colin Powell fait tout ce qu'il peut, vraiment, au téléphone avec les uns et les autres, pour essayer d'endiguer l'aggravation. Mais cela n'a pas encore produit un vrai changement politique israélien, ni complètement aux Etats-Unis, mais cela ne veut pas dire que les initiatives diplomatiques sont à attendre, elles ont lieu constamment. Cela ne change pas jusqu'à maintenant la ligne politique suivie.
Q - Un mot sur un autre sujet, Hubert Védrine. Les autorités américaines ont annoncé, hier, qu'elles avaient l'intention de requérir le peine de mort contre M. Moussaoui, français, arrêté en liaison avec l'affaire des attentats du 11 septembre. Qu'en pensez-vous ?
R - Mme Lebranchu et moi-même, nous sommes exprimés à ce sujet. D'abord, il faut rappeler que nous sommes solidaires des Etats-Unis dans la lutte contre le terrorisme et que nous sommes donc prêts à aider les autorités judiciaires américaines. Nous l'avons fait. Nous continuerons à le faire. Nous avons un traité d'entraide judiciaire avec les Américains de décembre 1998, qui ne change pas, qui doit être appliqué. A l'intérieur de ce traité, et c'est une position de droit qui est connue, qui existe, que nous appliquons dans les cas d'extradition, nous avons décidé que les pièces transmises par la France ne devaient pas pouvoir servir à condamner à mort une personne. On sera tout à fait vigilant sur ce point. Tout en continuant à coopérer avec les Etats-Unis, globalement, dans la lutte contre le terrorisme.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 3 avril 2002)