Conférence de presse conjointe de MM. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères, et Ismail Cem, ministre des affaires étrangères de Turquie, sur les relations franco-turques- l'affaire Öcalan et l'aide européenne à la Turquie touchée par le séisme, Paris le 31 août 1999.

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Circonstance : Visite de M. Ismaïl Cem, ministre des affaires étrangères de Turquie, le 31 août 1999

Texte intégral

M. Védrine - Mesdames et messieurs, j'ai eu le plaisir de recevoir ici au Quai d'Orsay pour un déjeuner mon homologue et ami, M. Cem. Je l'ai déjà vu à de nombreuses reprises - j'étais également tout à l'heure à l'Elysée pour son audience chez le président de la République. Nous avons fait le point des relations franco-turques, un tour d'horizon sur tous les plans : c'est maintenant devenu une habitude.
Naturellement, cette visite s'inscrit dans un contexte un peu particulier, juste après ce drame terrible qui a frappé la Turquie. J'ai transmis à mon homologue une proposition de M. Allègre, notre ministre de l'Education, de la Recherche et de la Technologie, visant à développer une coopération scientifique de haut niveau entre la France et la Turquie, notamment sur la prévision des séismes. Il m'a donné son accord. Je crois que c'est quelque chose que nous allons pouvoir développer vraiment.
Nous avons fait le point des relations bilatérales, qui sont tout à fait bonnes sur tous les plans. Nous avons traité deux ou trois sujets, notamment culturels, pour lesquels quelques problèmes devaient être réglés. Nous avons parlé des relations bilatérales politiques. C'est un dialogue qui est intense, régulier - il suffit que vous regardiez les dates des visites et des rencontres. C'était vrai au cours de cette année, cela sera vrai dans les prochains mois. Nous avons longuement parlé des questions européennes chez le président, puis au cours du déjeuner, ainsi que lors de la rencontre entre
M. Cem et M. Moscovici. La situation de la Turquie par rapport à l'Europe a bien entendu été abordée. La position de la France à Helsinki à la fin de l'année sera claire : la Turquie doit être traitée comme le grand pays qu'elle est, et elle doit être traitée sans discrimination. Cela doit être clair par rapport à la demande de la Turquie d'être reconnue comme un candidat comme les autres.
Nous avons parlé longuement de tous les problèmes qui nous concernent directement en tant que ministres de Affaires étrangères. Nous avons analysé la situation dans les Balkans. Nous avons regardé point par point ce qu'il faut faire au Kosovo, ce qu'il faut faire par rapport à la Serbie, en ce qui concerne l'Albanie, et plus globalement par rapport à l'ensemble de la région. Nous avons parlé de la mise en place du Pacte de stabilité et de ce qui pouvait être fait concrètement dans ce cadre. Mais nous avons également évoqué la situation du Proche-Orient et dans le Caucase et ce qui peut être fait de concret et d'utile pour améliorer et stabiliser cette région.
Vous voyez que nos entretiens ont été très larges, parce que ce n'est pas simplement une visite qui a lieu pour traiter un problème particulier, mais ce sont de vraies consultations, méthodiques, qui doivent porter sur tous les plans. Vous savez que, sur le plan de ces consultations bilatérales, nous travaillons dans le cadre d'un plan d'ensemble : le "Plan d'action France-Turquie 2000". Nous avons décidé que, lors de notre prochaine rencontre bilatérale l'an prochain - parce qu'il arrive très souvent que nous nous croisions dans des rencontres multilatérales à New York, à Bruxelles ou ailleurs -, nous ferons le point et évaluerons l'état de ce Plan. Nous demanderons à nos collaborateurs responsables de ces questions de faire cette évaluation. Nous nous réunirons ensuite et nous verrons comment nous pouvons donner une nouvelle impulsion à cette coopération, parce qu'elle fonctionne bien et elle atteint ses objectifs. Il faut donc que l'on voit plus loin.
Tout ceci confirme la grande qualité des relations entre la France et la Turquie, et le véritable intérêt de ces consultations, qui ne sont pas formelles, qui sont des consultations de substance, qui portent sur de vrais sujets et de vraies difficultés - qui sont nombreuses dans les régions dont j'ai parlé. Et sur tous ces plans, ce qui est frappant, c'est que la Turquie et la France ont intérêt à se consulter et ont une politique étrangère, je pense, plus forte et mieux adaptée, plus efficace, après ces consultations que si elles n'existaient pas. C'est donc tout à fait notre intérêt, indépendamment du climat très cordial dans lequel elles se déroulent.
Voilà ce que je voulais vous dire, avant de passer la parole à M. Cem et de répondre à quelques questions.
(...)
Q - (Sur l'Iraq - Question inaudible)
M. Védrine - Oui, bien sûr. Nous avons parlé de la situation en Iraq. A la demande de mon homologue, j'ai rappelé précisément les propositions françaises faites au Conseil de sécurité qui font l'objet de discussions à l'heure actuelle. A côté de nos propositions, il existe un projet de résolution britannique, que nous estimons ne pas pouvoir voter, dans l'état actuel des choses. Mais les discussions se poursuivent.
Q - (Sur l'affaire Ocalan - Question inaudible)
M. Védrine - Oui bien sûr. C'est une question qui a été évoquée, aussi bien chez le président de la République que pendant le déjeuner. Vous connaissez notre position : notre opposition de principe à la peine de mort. Il faut, par ailleurs, que soient respectés la souveraineté de la Turquie, naturellement, et d'autre part le souhait que les responsables turcs trouvent une façon de gérer ce problème, en tenant compte à la fois de leur constitution, de leur législation et en même temps de la situation politique d'aujourd'hui, mais aussi de l'opinion de leurs amis, sans ressentir cela comme des ingérences, mais en ayant quand même écouté leurs amis. Mais au bout du compte, c'est à la Turquie de se déterminer sur tous ces points.
Q - (Protocoles financiers - Question inaudible)
M. Védrine - Oui, c'est la réunion dite de Gymnich, la réunion informelle des ministres des Affaires étrangères des Quinze. Je souhaite vivement que l'on trouve une solution pour débloquer ce problème du protocole financier, qui est un engagement maintenant ancien de l'Union européenne. L'Union européenne manque à sa parole en n'étant pas capable de mettre en place ce protocole financier. Une très grande majorité de pays de l'Union le souhaitent aussi et j'espère que cette fois-ci, nous allons y arriver. En effet, si nous n'y arrivions pas, il faudrait trouver une autre façon de tenir nos engagements, mais j'espère que nous pourrons trouver une solution tous ensemble.
Q - (Question inaudible)
M. Védrine - Non, je n'ai ni impression ni sentiment. J'ai un objectif, une position et je la défendrai samedi et dimanche. Je vous répète que j'espère que nous trouverons une solution à quinze.
Q - (Question inaudible)
M. Védrine - Le président de la République a saisi le président finlandais, président en exercice de l'Union européenne, d'une demande insistant pour que l'Union européenne soit à la hauteur des circonstances et se montre, dans la tragédie que vient de subir la Turquie, capable d'apporter une aide véritable. Il y a déjà eu une aide sur laquelle je ne reviens pas, mais que vous connaissez : il y a eu une aide d'urgence, une aide immédiate, une aide médicale. On en est maintenant à la question de la reconstruction ou de l'avenir dans sa dimension scientifique. Il y a donc là des démarches nationales - j'en ai donné un exemple tout à l'heure en indiquant la proposition de M. Allègre - et il doit y avoir une action de l'Union européenne. Nous avons donc saisi la présidence en exercice, mais ce travail d'évaluation de ce qui peut être fait - mené par la présidence, mais aussi par la commission - est en cours. Pour le moment, je ne peux donc pas vous répondre de façon plus précise.
Q - (Question inaudible)
(...)
M. Védrine - Je voudrais ajouter que toute amélioration dans les relations entre la Grèce et la Turquie ne peut que nous réjouir, car nous sommes sincèrement les amis de ces deux pays et nous pensons que de grandes choses seraient possibles dans cette région si les différents problèmes, sur lesquels la Grèce et la Turquie malheureusement s'affrontent, pouvaient être surmontés. Nous savons que c'est difficile, mais nous sommes très heureux quand des signes apparaissent dans ce sens.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 02 septembre 1999)