Interview de M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie, au quotidien mexicain "Reforma" à Paris le 17 mars 2002, sur les enjeux et la position de la France au sommet de Monterrey, le montant et l'utilisation de l'aide publique au développement.

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Média : Presse étrangère - Reforma

Texte intégral

Q - Quelle sera la position de la France lors du Sommet de Monterrey ?
R - Parmi les thèmes que la France défendra à Monterrey se trouve celui des biens publics mondiaux, un nouveau concept qui inclut des thèmes tels que la santé ou l'environnement, et avec lequel il s'agit de répondre aux grands défis de la mondialisation.
Si une région du monde est en guerre, le monde entier en paie le prix. Ainsi, la question que l'on nous pose aujourd'hui est de savoir si le monde est prêt à se protéger de ces risques mondiaux. A Monterrey, nous allons entreprendre la réflexion sur les biens publics mondiaux, et il s'agit d'un point auquel la France tient beaucoup.
Un autre thème dont il nous parait nécessaire de débattre à Monterrey est, évidemment, l'aide officielle au développement.
Q - La France s'est montrée favorable à l'objectif de l'ONU qui propose que les pays industrialisés consacrent 0,7% du PIB à l'aide publique au développement. Cependant, elle est loin de le remplir. Qu'est-ce qui l'en empêche ?
R - Il faut prendre en compte les difficultés budgétaires. Après avoir diminué cette aide, la France est depuis peu en train de l'augmenter. Nous sommes actuellement à 0,34 % du PIB, et fin 2002, nous serons à 0,36%. Mais pour la France, passer de ce chiffre à 0,7% signifie engager chaque année 5 milliards d'euros (un peu moins de 5 milliards de dollars). Bien qu'on puisse regretter que la France n'augmente pas plus son aide, il faut rappeler qu'il s'agit du premier pays du G7 dans ce domaine.
Les Etats-Unis sont très loin, et le fait que le pays le plus riche du monde ne fasse pas un effort significatif décourage les autres. D'autres pays se demandent pourquoi ils devraient payer pour permettre que, d'une manière quelconque, les multinationales américaines profitent de ce développement. Nous pourrons gagner la bataille du développement seulement si tous les pays riches sont disposés à y participer.
Q - Avec le prochain élargissement de l'Union européenne aux pays de l'Est, l'aide aux autres régions du monde ne va-t-elle pas disparaître ?
R - Il faudra trouver un point d'équilibre lors de cet élargissement, afin de ne pas oublier nos relations avec d'autres régions, en particulier avec l'Afrique et l'Amérique latine, avec lesquelles nous avons des liens historiques.
Q - Comment éviter la corruption dans l'utilisation de l'aide au développement ?
R - Premièrement, il faut qu'existe une transparence, pour que l'aide ne soit pas détournée de son objectif. De la même façon, il est nécessaire d'impliquer la société civile. Mais il est aussi indispensable d'avoir un arsenal de sanctions, afin de dissuader les corrupteurs et les corrompus.
Q - Qu'attendez-vous du Sommet de Monterrey ?
R - Je ne rêve pas. Je sais que la construction du monde est quelque chose de compliqué, mais je crois que chacun doit assumer ses responsabilités. Les pays de l'Union européenne, tenant compte de leurs situations différentes, ont réussi à se mettre d'accord sur l'augmentation de l'aide au développement à 0,39% du PIB d'ici 2006. Il est important que le Mexique ait insisté pour que le président Bush assiste au Sommet de Monterrey, parce qu'il est nécessaire que celui ci fasse savoir quelle sera la générosité des Etats-Unis vis à vis du reste du monde. Parce que la sécurité des Etats-Unis a besoin de la solidarité du reste du monde. Mais la sécurité du monde passe aussi par la générosité des Etats-Unis.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 3 avril 2002)