Texte intégral
Nous avons participé à un début d'échange sur un volet du texte que prépare la
présidence luxembourgeoise qui portait ce matin sur la question de la stratégie
de l'élargissement et sur la conférence. Le reste n'est pas encore débattu.
Vous connaissez bien les positions françaises. Donc, nous rappellerons les
positions que vous connaissez sur l'élargissement, sur ce que doit être la
conférence, sur la place de la Turquie. Nous rappellerons le lien nécessaire à
nos yeux entre cette dimension-là du sujet : élargissement et d'autre part,
l'autre dimension Agenda 2000. Pour nous, il faut obtenir à Luxembourg des
orientations les plus précises possibles. Il faut aller le plus loin possible
dans la définition des orientations sous les différents volets du financement
tout en introduisant, nous le rappellerons, une capacité d'évaluer aussi bien
le problème financier de la vie à Quinze que les répercussions financières de
l'élargissement. C'est pour cela que nous parlons de double programmation. Il
faut des points de repère clairs pour mesurer les deux. Nous détaillerons les
points importants pour nous à l'intérieur de la question de l'Agenda 2000. Nous
insisterons très clairement en disant que nous aurions du mal à donner notre
accord ou apporter notre soutien à des conclusions sur le volet élargissement
s'il n'y avait pas un minimum d'indication. C'est ce que nous avons dit, Pierre
Moscovici et moi à plusieurs reprises ces dernières semaines. Je l'avais dit
très clairement à la réunion de Mondorf mais cela reste en discussion puisque
certains autres pays au contraire voudraient ne parler que de l'élargissement
ou tenir sur les autres plans que des propos trop vagues à nos yeux. Il y a
toute la réunion d'aujourd'hui et il y a toute la semaine pour travailler.
Q - A Mondorf, vous aviez développé cette position en ajoutant que ce n'était
pas un préalable.
R - Le ministre - Non, à Mondorf d'abord, c'était avant, donc nous avions plus
de temps devant nous pour en parler. D'autre part, il y a une façon un peu
dure, un peu fermée, une sorte de conditionnalité absolue et comme notre
approche est toujours de discuter, de parler, de convaincre, de persuader, je
m'étais plutôt placé sur ce terrain. Il n'empêche que nous aurions du mal à
donner notre accord à des conclusions de ce Conseil de la fin de la semaine,
s'il n'y avait rien de précis sur les orientations liées à l'Agenda 2000. Vous
comprenez bien pourquoi d'ailleurs. Il s'agit d'un grand bon sens.
R - Le ministre délégué - Nous tenons beaucoup à la globalité du processus.
S'il n'y avait rien sur le cadrage financier, on peut imaginer l'état de grande
difficulté dans lequel serait l'Europe en 1998 ou 1999. 19998 serait obéré par
certaines échéances politiques et 1999 se trouverait avec un rendez-vous
financier extraordinairement complexe et sans aucune orientation, avec en même
temps une négociation de l'élargissement qui se déroulerait sans qu'on ait même
évalué les conditions. Donc, c'est pour cela que nous demandons la globalité.
Alors, ce que qu'il faut, c'est réunir l'unanimité. Là-dessus, d'ici à
Luxembourg, c'est ce à quoi nous nous employons avec des arguments je crois qui
sont somme toute des arguments de logique et de bon sens.
R - Le ministre - Il se passera ce qui s'était passé à Mondorf, quand on parle
de la globalité, quand on parle de ce lien nécessaire pour avoir une bonne
appréhension des conséquences des interactions entre les deux volets. Comme je
l'avais dit à Mondorf, on ne peut pas avancer dans le brouillard, il faut qu'il
y ait un lien. C'est tellement évident que c'est dur à contester. Donc là, je
pense qu'on aura une position forte. Ensuite, quand on entre dans le détail des
discussions sur les orientations qu'on veut obtenir, les plus précises
possibles, alors là, cela devient un peu plus compliqué. Mais l'idée que l'on
puisse prendre des décisions purement sur l'élargissement, sans se soucier du
lien avec l'Agenda 2000 et les répercussions sur les deux et de commencer à
raisonner financement en mélangeant de façon confuse les financements de la vie
à Quinze ou de ce que serait l'Union à 16, 17, 18, 19 ou autre, je crois que
notre point de vue est fort, logique, il n'est pas possible de le contester en
tant que tel.
On ne peut pas raisonner sérieusement sur l'élargissement sans être capable de
mesurer les conséquences financières de l'élargissement, commencer à le mesurer
et qu'on ne peut pas raisonner sérieusement sur la vie à Quinze au cours des
années 2000-2006, comme si aucun élargissement ne devait survenir. Ce qui fait
que cela se répercute sur chacun des éléments : le 1,27, la cohésion, la
participation de chacun, etc...
R - Le ministre délégué - Sur le cadre financier, nos positions sont connues.
Je les rappelle : nous voulons le maintien de l'actuelle décision de ressources
propres de 1994, plafond de ressources propres qui est inscrit. Dans notre
esprit, cela peut permettre de couvrir sur l'ensemble de la période, l'ensemble
des opérations. A la fois à Quinze et avec l'élargissement. Deuxièmement, nous
souhaitons qu'on distingue clairement les dépenses prévues pour l'élargissement
et celles qui sont liées à la poursuite des politiques menées par les Quinze.
Troisièmement, pour ce qui concerne la Politique agricole commune, nous
souhaitons qu'on aille dans le droit fil des contributions des ministres de
l'agriculture, notamment qu'on confirme le maintien de la ligne directrice
agricole en tant que plafond, dans son principe et dans ses modalités de
calcul, donc d'indexation. Quatrièmement, sur les fonds structurels, nous
voudrions que les orientations générales soient développées, qui réaffirment la
cohésion économique et sociale, comme une dimension essentielle de l'Union, qui
préserve dans ce cadre un bénéfice équitable pour les Etats membres, qui assure
la maîtrise du niveau de la dépense. Et puis, nous recommanderons aussi un
certain nombre de priorités. Voilà comment nous étageons ces recommandations
financières. Ce sont quand même des principes mais des principes qui sont assez
fermes dans notre esprit. Cela fait longtemps que nous les affirmons et je
crois que c'est en plus une position équilibrée parce qu'elle permet à la fois
d'avoir l'équité des contributions à travers les dépenses et non pas à travers
les ressources propres, de maintenir le principe de la cohésion. Donc, là
aussi, il me semble que nous avons une main assez solide.
R - Le ministre - Et une position responsable en plus. Comme je le disais il y
a un instant, on ne peut pas prendre de décisions à l'aveugle et s'apercevoir 6
mois ou un an après qu'on est dans un imbroglio financier et que l'on ne sait
plus par quel bout s'y prendre.
Q - (Sur la Conférence européenne).
R - Le ministre - Nous pensons que la Conférence est une bonne proposition,
qu'elle répond bien au problème posé qui est celui des relations et du travail
en commun et de la coopération entre les pays-membres de l'Union et d'autre
part, l'ensemble des pays candidats : que ce soit des pays avec lesquels les
négociations commencent maintenant ou bientôt pour les autres. Donc, nous
maintenons bien sûr cette proposition. Et pour nous, la Turquie a sa place dans
cette Conférence. Il n'y a pas une contre proposition claire. Il y a des
discussions sur des détails mais il n'y a pas une autre proposition qui ait ce
caractère de cohérence et de globalité. Nous n'avons pas conclu là-dessus, nous
discutons aujourd'hui et il n'y aura pas de conclusion avant la fin de la
semaine.
Q - Que pensez-vous de la proposition danoise et suédoise ?
R - Le ministre délégué - J'en ai parlé tout au long d'une visite de trois
jours dans les Etats baltes. Je pense que cette proposition aurait pu être
formulée un petit peu plus tôt peut-être puisqu'on a déjà parlé 7 fois de ce
sujet en Conseil Affaires générales. Ensuite, elle soulève un problème qui est
juste, qui est le problème de mettre tous les pays sur une même ligne de
départ. Cela reste notre proposition. Nous voulons notamment qu'il y ait une
Conférence européenne. Nous souhaitons qu'il y ait des partenariats pour
l'adhésion pour tous et que donc chacun dispose des mêmes instruments. Mais en
même temps, le screeming ne peut pas revenir à retarder le processus
d'élargissement. Il faut maintenant que les choses commencent, que les
décisions soient prises. Sinon, on retombe sur la même critique que je faisais
sur le processus financier. Le Conseil et la Commission ont besoin d'avoir des
décisions pour travailler, des décisions utiles à Luxembourg. Et en plus, on ne
peut pas recommencer éternellement les mêmes travaux. Il faut trouver une
solution qui ouvre des perspectives à tout le monde, qui ne frustre personne,
qui donne non seulement le sentiment mais la réalité qu'effectivement, tous
sont sur la même ligne de départ. Mais en même temps, il ne faut pas non plus
s'écarter la possibilité d'avoir une discussion plus poussée avec certains qui
ont été évalué comme étant plus prêts actuellement.
Dans les Pays baltes, j'ai constaté que cette position était acceptable et
acceptée. Je parle de la position française.
R - Le ministre - Même du point de vue danois, il me semble que le Danemark
devrait pouvoir trouver un certain attrait à la position française de
Conférence parce qu'elle répond à une partie de la préoccupation danoise et à
une partie des préoccupations qu'on comprend bien, qui est légitime. Il me
semble que notre idée de Conférence répond assez bien à cela. En même temps,
ouvrir des négociations avec tout le monde, tout de suite, c'est un peu
irréaliste malgré tout, et c'est faire une promesse un peu risquée parce qu'il
y a vraiment des pays dans lesquels les conditions politiques ou économiques ne
sont pas suffisantes. Donc, notre proposition est une meilleure réponse.
R - Le ministre délégué - Toujours sur les Etats baltes, il y a quand même
aussi l'idée que nous défendons d'un rendez-vous annuel qui permet à ceux qui
seraient effectivement assez proches de la situation de rattraper les autres au
fur et à mesure. C'est vrai que lorsque l'on va dans les Etats baltes, les
différences sont assez ténues en vérité.
Q - On entend de plus en plus à Bruxelles que cette Conférence est une
Conférence sur la Turquie.
R - Le ministre - C'est une présentation fausse et d'ailleurs vous le verrez
vous-même parce que je pense que l'idée sera finalement retenue après des
discussions un peu longues et je pense qu'on verra que c'est un rendez-vous qui
aura beaucoup de force, beaucoup de dynamisme.
R - Le ministre délégué - En plus pour nous, il n'y a pas un élément mais il y
en a trois pour tous les pays de la Conférence. Il y a la Conférence, il y a
les partenariats pour l'adhésion et il y a les rendez-vous annuels. Nous
proposons quand même quelque chose de très global. Ce n'est pas uniquement la
Conférence et je pense qu'à partir de là, tout s'étend dans ce processus-là. La
différenciation devient acceptable. C'est la conception française.
R - Le ministre - La différenciation d'ailleurs, il ne faut pas l'entendre en
négatif. C'est un mot positif, c'est du sur mesure.
Q - Pensez-vous qu'il est justifié de mettre l'Estonie dans les Six ?
R - Le ministre délégué - Je me suis déjà exprimé plusieurs fois là-dessus. Il
y avait trois possibilités : la première était de mettre les trois mais à ce
moment-là, il n'y avait plus de différenciation possible. Pourquoi mettre ces
trois-là puis en laisser deux sur le bord du chemin ? Traiter la Slovaquie
toute seule, c'était compliqué. La différenciation, il en faut une, ne serait
ce que pour des raisons pratiques. La deuxième solution, c'était de n'en mettre
aucun. N'en mettre aucun, c'était leur fermer la porte. Il semble qu'en mettre
un, c'est un signal politique positif qui s'adresse non seulement à celui-là
qui est largement en avance, mais aussi aux deux autres, mais il faut que les
deux autres sachent qu'il y a des procédures de rappel. D'où les trois
mécanismes que j'évoquais auparavant. Probablement d'ailleurs n'y aura-t-il pas
tant de différence sur le moment de l'adhésion. Il peut y avoir une différence
au départ, une différence à l'arrivée. C'est vrai que, à l'échelle de ces pays,
qui sont en mutation d'après ce que j'ai pu voir, un an ne signifie pas la même
chose que pour nous. Les choses peuvent bouger formidablement. Il peut y avoir
dans tel pays une crise financière. C'était le cas de la Lettonie en 95 et puis
en 97, avoir une grande situation de stabilité. Je crois que c'est une position
compréhensible et que, en l'occurrence, la suggestion de la Commission est une
suggestion qui ouvre la porte, c'est pour cela qu'il faut le voir en positif.
R - Le ministre - J'ajoute un mot. Ces discussions ont un caractère un peu trop
théorique. On oublie un petit peu dans toutes ces discussions sur le nombre des
pays avec lesquels on va négocier, sur les stratégies de pré-adhésion le fait
qu'il faut parler avec les pays eux-mêmes. On a l'impression que tout cela ne
dépend, en réalité, que d'une décision du Conseil européen. En réalité, c'est
une dynamique des deux côtés : du côté des pays eux-mêmes, du côté de l'Union
européenne, qui doit penser à son propre financement et penser à son propre
élargissement et qui doit, intelligemment à l'avance, régler les problèmes que
cela pose pour ne pas être pris au dépourvu trop tard. Donc, il y a une
dynamique de notre côté, il faut penser à ça, c'est la clé de toute la position
française. Et il y a une dynamique dans ces pays, une dynamique de préparation,
une dynamique de réforme, de négociation. Il y aura pour ces pays une façon
intelligente d'utiliser la stratégie de pré-adhésion ou telle ou telle
stratégie sur mesure qui aura été élaborée. Donc, il y a un travail à faire de
part et d'autre. Il ne faut pas avoir une psychologie comme si on était à un
tirage d'une tombola. Cela ne se présente pas du tout ainsi. Cela ne peut pas
être les 5 + 1 et puis rien d'autre. C'est très important, c'est une
perspective d'avenir sur plusieurs années. C'est un processus continu et je
crois que nous allons maintenant entrer dans une phase plus solide, où l'on va
mieux voir les problèmes, une phase qui sera plus pratique. On va être dans une
phase plus concrète avec un début de négociations qui vont faire apparaître les
problèmes compliqués, mais que l'on va identifier mieux, qu'on saura mieux
comment résoudre.
Q - (Sur la réforme des institutions).
R - Le ministre - Nous demanderons à Luxembourg que cette question soit
réinscrite à l'agenda. C'est-à-dire qu'il soit bien précisé qu'il y a un lien
entre la réforme des institutions et l'élargissement. Nous ne demanderons pas à
Luxembourg qu'elle soit résolue.
Q - Vous pensez que cela a une chance de passer ?
R - Le ministre - La déclaration franco-italo-belge précise un certain nombre
de réformes. Elle dit lesquelles. Là, on peut envisager des formules qui soient
plus souples mais qui mentionnent le fait que le problème institutionnel est
posé. Nous ne souhaitons pas faire adopter notre point de vue par les Quinze.
Nous savons que ce n'est pas le cas. En revanche, la prise de conscience que la
question institutionnelle existe et qu'elle est liée à l'élargissement, cela,
on peut l'espérer. D'ailleurs, on ne se demande pas si notre position va être
adoptée à l'unanimité, ce n'est pas notre problème. A chaque occasion, à chaque
rendez-vous européen, nous rappelons que ce sera pour nous un préalable. Donc,
il faut que cela soit bien entendu. Si nous n'arrivons pas à convaincre, nous y
arriverons la fois suivante.
Q - Pourra-t-on faire reconnaître à Luxembourg qu'il ne pourra pas y avoir de
signature si, auparavant, le problème institutionnel n'a pas été résolu ?
R - Le ministre - On répond sur ce que nous faisons et on verra bien ce que les
autres répondront à cela. Je ne fais pas un concours de pronostic.
R - Le ministre délégué - Je vous signale qu'il y a quand même eu une réponse à
Amsterdam là-dessus. On ne part pas tout à fait de zéro.
Q - (Inaudible)
R - Le ministre - Nous souhaitons qu'il soit mentionné. S'il n'est pas
mentionné, cela n'a pas grand sens. Nous voulons l'ensemble de la décision aux
ressources propres. Nous pensons que cela n'a pas lieu d'être changé.
D'ailleurs, pour la modifier, il faudrait quand même des conditions assez
compliquées, y compris l'unanimité.
Q - (Sur la Conférence et sur l'Union douanière).
R - Le ministre délégué - C'est la composante multilatérale du processus. On
doit pouvoir y traiter un grand nombre de questions. A partir de ce moment-là,
les questions du 3ème pilier, les questions juridiques, économiques, doivent
pouvoir être abordées là mais en plus, cela concerne uniquement les pays qui
ont vocation européenne parmi lesquels la Turquie figure. Donc, ce n'est pas un
élément de négociation d'élargissement. Mais si nous en parlons, c'est bien que
c'est un élément du processus d'élargissement. Quant à l'Union douanière, nous
espérons que le processus se poursuivra et sera amélioré.
Q - Question sur les pourparlers d'adhésion pour les pays qui ne sont pas dans
le premier groupe.
R - Le ministre délégué - Concrètement, qu'est-ce qu'il se passe, si c'est
notre schéma ? Il y a la Conférence, qui est un élément du processus
d'élargissement. Il y a les stratégies de pré-adhésion qui sont communes à
tous. Il y a les clauses de rendez-vous annuels qui permettent l'évaluation de
la situation. Et il y a, par ailleurs, des négociations de vote d'adhésion
proprement dites qui sont ouverts pour un certain nombre. Je crois qu'il faut
insister sur les trois premiers éléments qui sont des éléments communs, le
dernier étant celui qui marque les différenciations sur la logique objective à
notre sens, marqué par la Commission. Je crois que c'est tout à fait admissible
par les pays concernés. Dans ceux que j'ai visités la semaine dernière, je
crois qu'on a bien compris que les décisions de Luxembourg, si elles sont de
cette nature-là, ne remettront pas en cause leur détermination à entrer dans
l'Union Européenne et à poursuivre les réformes nécessaires./.
(source http://www,dilplomatie,gouv,fr, le 21 septembre 2001)
présidence luxembourgeoise qui portait ce matin sur la question de la stratégie
de l'élargissement et sur la conférence. Le reste n'est pas encore débattu.
Vous connaissez bien les positions françaises. Donc, nous rappellerons les
positions que vous connaissez sur l'élargissement, sur ce que doit être la
conférence, sur la place de la Turquie. Nous rappellerons le lien nécessaire à
nos yeux entre cette dimension-là du sujet : élargissement et d'autre part,
l'autre dimension Agenda 2000. Pour nous, il faut obtenir à Luxembourg des
orientations les plus précises possibles. Il faut aller le plus loin possible
dans la définition des orientations sous les différents volets du financement
tout en introduisant, nous le rappellerons, une capacité d'évaluer aussi bien
le problème financier de la vie à Quinze que les répercussions financières de
l'élargissement. C'est pour cela que nous parlons de double programmation. Il
faut des points de repère clairs pour mesurer les deux. Nous détaillerons les
points importants pour nous à l'intérieur de la question de l'Agenda 2000. Nous
insisterons très clairement en disant que nous aurions du mal à donner notre
accord ou apporter notre soutien à des conclusions sur le volet élargissement
s'il n'y avait pas un minimum d'indication. C'est ce que nous avons dit, Pierre
Moscovici et moi à plusieurs reprises ces dernières semaines. Je l'avais dit
très clairement à la réunion de Mondorf mais cela reste en discussion puisque
certains autres pays au contraire voudraient ne parler que de l'élargissement
ou tenir sur les autres plans que des propos trop vagues à nos yeux. Il y a
toute la réunion d'aujourd'hui et il y a toute la semaine pour travailler.
Q - A Mondorf, vous aviez développé cette position en ajoutant que ce n'était
pas un préalable.
R - Le ministre - Non, à Mondorf d'abord, c'était avant, donc nous avions plus
de temps devant nous pour en parler. D'autre part, il y a une façon un peu
dure, un peu fermée, une sorte de conditionnalité absolue et comme notre
approche est toujours de discuter, de parler, de convaincre, de persuader, je
m'étais plutôt placé sur ce terrain. Il n'empêche que nous aurions du mal à
donner notre accord à des conclusions de ce Conseil de la fin de la semaine,
s'il n'y avait rien de précis sur les orientations liées à l'Agenda 2000. Vous
comprenez bien pourquoi d'ailleurs. Il s'agit d'un grand bon sens.
R - Le ministre délégué - Nous tenons beaucoup à la globalité du processus.
S'il n'y avait rien sur le cadrage financier, on peut imaginer l'état de grande
difficulté dans lequel serait l'Europe en 1998 ou 1999. 19998 serait obéré par
certaines échéances politiques et 1999 se trouverait avec un rendez-vous
financier extraordinairement complexe et sans aucune orientation, avec en même
temps une négociation de l'élargissement qui se déroulerait sans qu'on ait même
évalué les conditions. Donc, c'est pour cela que nous demandons la globalité.
Alors, ce que qu'il faut, c'est réunir l'unanimité. Là-dessus, d'ici à
Luxembourg, c'est ce à quoi nous nous employons avec des arguments je crois qui
sont somme toute des arguments de logique et de bon sens.
R - Le ministre - Il se passera ce qui s'était passé à Mondorf, quand on parle
de la globalité, quand on parle de ce lien nécessaire pour avoir une bonne
appréhension des conséquences des interactions entre les deux volets. Comme je
l'avais dit à Mondorf, on ne peut pas avancer dans le brouillard, il faut qu'il
y ait un lien. C'est tellement évident que c'est dur à contester. Donc là, je
pense qu'on aura une position forte. Ensuite, quand on entre dans le détail des
discussions sur les orientations qu'on veut obtenir, les plus précises
possibles, alors là, cela devient un peu plus compliqué. Mais l'idée que l'on
puisse prendre des décisions purement sur l'élargissement, sans se soucier du
lien avec l'Agenda 2000 et les répercussions sur les deux et de commencer à
raisonner financement en mélangeant de façon confuse les financements de la vie
à Quinze ou de ce que serait l'Union à 16, 17, 18, 19 ou autre, je crois que
notre point de vue est fort, logique, il n'est pas possible de le contester en
tant que tel.
On ne peut pas raisonner sérieusement sur l'élargissement sans être capable de
mesurer les conséquences financières de l'élargissement, commencer à le mesurer
et qu'on ne peut pas raisonner sérieusement sur la vie à Quinze au cours des
années 2000-2006, comme si aucun élargissement ne devait survenir. Ce qui fait
que cela se répercute sur chacun des éléments : le 1,27, la cohésion, la
participation de chacun, etc...
R - Le ministre délégué - Sur le cadre financier, nos positions sont connues.
Je les rappelle : nous voulons le maintien de l'actuelle décision de ressources
propres de 1994, plafond de ressources propres qui est inscrit. Dans notre
esprit, cela peut permettre de couvrir sur l'ensemble de la période, l'ensemble
des opérations. A la fois à Quinze et avec l'élargissement. Deuxièmement, nous
souhaitons qu'on distingue clairement les dépenses prévues pour l'élargissement
et celles qui sont liées à la poursuite des politiques menées par les Quinze.
Troisièmement, pour ce qui concerne la Politique agricole commune, nous
souhaitons qu'on aille dans le droit fil des contributions des ministres de
l'agriculture, notamment qu'on confirme le maintien de la ligne directrice
agricole en tant que plafond, dans son principe et dans ses modalités de
calcul, donc d'indexation. Quatrièmement, sur les fonds structurels, nous
voudrions que les orientations générales soient développées, qui réaffirment la
cohésion économique et sociale, comme une dimension essentielle de l'Union, qui
préserve dans ce cadre un bénéfice équitable pour les Etats membres, qui assure
la maîtrise du niveau de la dépense. Et puis, nous recommanderons aussi un
certain nombre de priorités. Voilà comment nous étageons ces recommandations
financières. Ce sont quand même des principes mais des principes qui sont assez
fermes dans notre esprit. Cela fait longtemps que nous les affirmons et je
crois que c'est en plus une position équilibrée parce qu'elle permet à la fois
d'avoir l'équité des contributions à travers les dépenses et non pas à travers
les ressources propres, de maintenir le principe de la cohésion. Donc, là
aussi, il me semble que nous avons une main assez solide.
R - Le ministre - Et une position responsable en plus. Comme je le disais il y
a un instant, on ne peut pas prendre de décisions à l'aveugle et s'apercevoir 6
mois ou un an après qu'on est dans un imbroglio financier et que l'on ne sait
plus par quel bout s'y prendre.
Q - (Sur la Conférence européenne).
R - Le ministre - Nous pensons que la Conférence est une bonne proposition,
qu'elle répond bien au problème posé qui est celui des relations et du travail
en commun et de la coopération entre les pays-membres de l'Union et d'autre
part, l'ensemble des pays candidats : que ce soit des pays avec lesquels les
négociations commencent maintenant ou bientôt pour les autres. Donc, nous
maintenons bien sûr cette proposition. Et pour nous, la Turquie a sa place dans
cette Conférence. Il n'y a pas une contre proposition claire. Il y a des
discussions sur des détails mais il n'y a pas une autre proposition qui ait ce
caractère de cohérence et de globalité. Nous n'avons pas conclu là-dessus, nous
discutons aujourd'hui et il n'y aura pas de conclusion avant la fin de la
semaine.
Q - Que pensez-vous de la proposition danoise et suédoise ?
R - Le ministre délégué - J'en ai parlé tout au long d'une visite de trois
jours dans les Etats baltes. Je pense que cette proposition aurait pu être
formulée un petit peu plus tôt peut-être puisqu'on a déjà parlé 7 fois de ce
sujet en Conseil Affaires générales. Ensuite, elle soulève un problème qui est
juste, qui est le problème de mettre tous les pays sur une même ligne de
départ. Cela reste notre proposition. Nous voulons notamment qu'il y ait une
Conférence européenne. Nous souhaitons qu'il y ait des partenariats pour
l'adhésion pour tous et que donc chacun dispose des mêmes instruments. Mais en
même temps, le screeming ne peut pas revenir à retarder le processus
d'élargissement. Il faut maintenant que les choses commencent, que les
décisions soient prises. Sinon, on retombe sur la même critique que je faisais
sur le processus financier. Le Conseil et la Commission ont besoin d'avoir des
décisions pour travailler, des décisions utiles à Luxembourg. Et en plus, on ne
peut pas recommencer éternellement les mêmes travaux. Il faut trouver une
solution qui ouvre des perspectives à tout le monde, qui ne frustre personne,
qui donne non seulement le sentiment mais la réalité qu'effectivement, tous
sont sur la même ligne de départ. Mais en même temps, il ne faut pas non plus
s'écarter la possibilité d'avoir une discussion plus poussée avec certains qui
ont été évalué comme étant plus prêts actuellement.
Dans les Pays baltes, j'ai constaté que cette position était acceptable et
acceptée. Je parle de la position française.
R - Le ministre - Même du point de vue danois, il me semble que le Danemark
devrait pouvoir trouver un certain attrait à la position française de
Conférence parce qu'elle répond à une partie de la préoccupation danoise et à
une partie des préoccupations qu'on comprend bien, qui est légitime. Il me
semble que notre idée de Conférence répond assez bien à cela. En même temps,
ouvrir des négociations avec tout le monde, tout de suite, c'est un peu
irréaliste malgré tout, et c'est faire une promesse un peu risquée parce qu'il
y a vraiment des pays dans lesquels les conditions politiques ou économiques ne
sont pas suffisantes. Donc, notre proposition est une meilleure réponse.
R - Le ministre délégué - Toujours sur les Etats baltes, il y a quand même
aussi l'idée que nous défendons d'un rendez-vous annuel qui permet à ceux qui
seraient effectivement assez proches de la situation de rattraper les autres au
fur et à mesure. C'est vrai que lorsque l'on va dans les Etats baltes, les
différences sont assez ténues en vérité.
Q - On entend de plus en plus à Bruxelles que cette Conférence est une
Conférence sur la Turquie.
R - Le ministre - C'est une présentation fausse et d'ailleurs vous le verrez
vous-même parce que je pense que l'idée sera finalement retenue après des
discussions un peu longues et je pense qu'on verra que c'est un rendez-vous qui
aura beaucoup de force, beaucoup de dynamisme.
R - Le ministre délégué - En plus pour nous, il n'y a pas un élément mais il y
en a trois pour tous les pays de la Conférence. Il y a la Conférence, il y a
les partenariats pour l'adhésion et il y a les rendez-vous annuels. Nous
proposons quand même quelque chose de très global. Ce n'est pas uniquement la
Conférence et je pense qu'à partir de là, tout s'étend dans ce processus-là. La
différenciation devient acceptable. C'est la conception française.
R - Le ministre - La différenciation d'ailleurs, il ne faut pas l'entendre en
négatif. C'est un mot positif, c'est du sur mesure.
Q - Pensez-vous qu'il est justifié de mettre l'Estonie dans les Six ?
R - Le ministre délégué - Je me suis déjà exprimé plusieurs fois là-dessus. Il
y avait trois possibilités : la première était de mettre les trois mais à ce
moment-là, il n'y avait plus de différenciation possible. Pourquoi mettre ces
trois-là puis en laisser deux sur le bord du chemin ? Traiter la Slovaquie
toute seule, c'était compliqué. La différenciation, il en faut une, ne serait
ce que pour des raisons pratiques. La deuxième solution, c'était de n'en mettre
aucun. N'en mettre aucun, c'était leur fermer la porte. Il semble qu'en mettre
un, c'est un signal politique positif qui s'adresse non seulement à celui-là
qui est largement en avance, mais aussi aux deux autres, mais il faut que les
deux autres sachent qu'il y a des procédures de rappel. D'où les trois
mécanismes que j'évoquais auparavant. Probablement d'ailleurs n'y aura-t-il pas
tant de différence sur le moment de l'adhésion. Il peut y avoir une différence
au départ, une différence à l'arrivée. C'est vrai que, à l'échelle de ces pays,
qui sont en mutation d'après ce que j'ai pu voir, un an ne signifie pas la même
chose que pour nous. Les choses peuvent bouger formidablement. Il peut y avoir
dans tel pays une crise financière. C'était le cas de la Lettonie en 95 et puis
en 97, avoir une grande situation de stabilité. Je crois que c'est une position
compréhensible et que, en l'occurrence, la suggestion de la Commission est une
suggestion qui ouvre la porte, c'est pour cela qu'il faut le voir en positif.
R - Le ministre - J'ajoute un mot. Ces discussions ont un caractère un peu trop
théorique. On oublie un petit peu dans toutes ces discussions sur le nombre des
pays avec lesquels on va négocier, sur les stratégies de pré-adhésion le fait
qu'il faut parler avec les pays eux-mêmes. On a l'impression que tout cela ne
dépend, en réalité, que d'une décision du Conseil européen. En réalité, c'est
une dynamique des deux côtés : du côté des pays eux-mêmes, du côté de l'Union
européenne, qui doit penser à son propre financement et penser à son propre
élargissement et qui doit, intelligemment à l'avance, régler les problèmes que
cela pose pour ne pas être pris au dépourvu trop tard. Donc, il y a une
dynamique de notre côté, il faut penser à ça, c'est la clé de toute la position
française. Et il y a une dynamique dans ces pays, une dynamique de préparation,
une dynamique de réforme, de négociation. Il y aura pour ces pays une façon
intelligente d'utiliser la stratégie de pré-adhésion ou telle ou telle
stratégie sur mesure qui aura été élaborée. Donc, il y a un travail à faire de
part et d'autre. Il ne faut pas avoir une psychologie comme si on était à un
tirage d'une tombola. Cela ne se présente pas du tout ainsi. Cela ne peut pas
être les 5 + 1 et puis rien d'autre. C'est très important, c'est une
perspective d'avenir sur plusieurs années. C'est un processus continu et je
crois que nous allons maintenant entrer dans une phase plus solide, où l'on va
mieux voir les problèmes, une phase qui sera plus pratique. On va être dans une
phase plus concrète avec un début de négociations qui vont faire apparaître les
problèmes compliqués, mais que l'on va identifier mieux, qu'on saura mieux
comment résoudre.
Q - (Sur la réforme des institutions).
R - Le ministre - Nous demanderons à Luxembourg que cette question soit
réinscrite à l'agenda. C'est-à-dire qu'il soit bien précisé qu'il y a un lien
entre la réforme des institutions et l'élargissement. Nous ne demanderons pas à
Luxembourg qu'elle soit résolue.
Q - Vous pensez que cela a une chance de passer ?
R - Le ministre - La déclaration franco-italo-belge précise un certain nombre
de réformes. Elle dit lesquelles. Là, on peut envisager des formules qui soient
plus souples mais qui mentionnent le fait que le problème institutionnel est
posé. Nous ne souhaitons pas faire adopter notre point de vue par les Quinze.
Nous savons que ce n'est pas le cas. En revanche, la prise de conscience que la
question institutionnelle existe et qu'elle est liée à l'élargissement, cela,
on peut l'espérer. D'ailleurs, on ne se demande pas si notre position va être
adoptée à l'unanimité, ce n'est pas notre problème. A chaque occasion, à chaque
rendez-vous européen, nous rappelons que ce sera pour nous un préalable. Donc,
il faut que cela soit bien entendu. Si nous n'arrivons pas à convaincre, nous y
arriverons la fois suivante.
Q - Pourra-t-on faire reconnaître à Luxembourg qu'il ne pourra pas y avoir de
signature si, auparavant, le problème institutionnel n'a pas été résolu ?
R - Le ministre - On répond sur ce que nous faisons et on verra bien ce que les
autres répondront à cela. Je ne fais pas un concours de pronostic.
R - Le ministre délégué - Je vous signale qu'il y a quand même eu une réponse à
Amsterdam là-dessus. On ne part pas tout à fait de zéro.
Q - (Inaudible)
R - Le ministre - Nous souhaitons qu'il soit mentionné. S'il n'est pas
mentionné, cela n'a pas grand sens. Nous voulons l'ensemble de la décision aux
ressources propres. Nous pensons que cela n'a pas lieu d'être changé.
D'ailleurs, pour la modifier, il faudrait quand même des conditions assez
compliquées, y compris l'unanimité.
Q - (Sur la Conférence et sur l'Union douanière).
R - Le ministre délégué - C'est la composante multilatérale du processus. On
doit pouvoir y traiter un grand nombre de questions. A partir de ce moment-là,
les questions du 3ème pilier, les questions juridiques, économiques, doivent
pouvoir être abordées là mais en plus, cela concerne uniquement les pays qui
ont vocation européenne parmi lesquels la Turquie figure. Donc, ce n'est pas un
élément de négociation d'élargissement. Mais si nous en parlons, c'est bien que
c'est un élément du processus d'élargissement. Quant à l'Union douanière, nous
espérons que le processus se poursuivra et sera amélioré.
Q - Question sur les pourparlers d'adhésion pour les pays qui ne sont pas dans
le premier groupe.
R - Le ministre délégué - Concrètement, qu'est-ce qu'il se passe, si c'est
notre schéma ? Il y a la Conférence, qui est un élément du processus
d'élargissement. Il y a les stratégies de pré-adhésion qui sont communes à
tous. Il y a les clauses de rendez-vous annuels qui permettent l'évaluation de
la situation. Et il y a, par ailleurs, des négociations de vote d'adhésion
proprement dites qui sont ouverts pour un certain nombre. Je crois qu'il faut
insister sur les trois premiers éléments qui sont des éléments communs, le
dernier étant celui qui marque les différenciations sur la logique objective à
notre sens, marqué par la Commission. Je crois que c'est tout à fait admissible
par les pays concernés. Dans ceux que j'ai visités la semaine dernière, je
crois qu'on a bien compris que les décisions de Luxembourg, si elles sont de
cette nature-là, ne remettront pas en cause leur détermination à entrer dans
l'Union Européenne et à poursuivre les réformes nécessaires./.
(source http://www,dilplomatie,gouv,fr, le 21 septembre 2001)