Déclaration de Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication, sur les objectifs à cinq ans du plan pour l'éducation artistique, notamment les responsabilités des pôles régionaux de ressources et le développement des classes à projet artistique et culturel (PAC), Paris le 27 mars 2002.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Séminaire des arts à l'école à Paris le 27 mars 2002

Texte intégral

Mesdames et Messieurs,
Je suis très heureuse de participer aujourd'hui à votre séminaire après mon collègue Jack Lang avec lequel je partage fondamentalement les objectifs du plan à cinq ans pour l'éducation artistique que nous avons présenté, il y a maintenant un peu plus d'un an, à la demande du Premier Ministre, Lionel Jospin. Je crois que le moment est bien venu pour réfléchir à la mise en uvre de ce plan parce que nous sommes entrés dans une phase tout à fait active. Des initiatives ont été prises par vous tous sur le terrain, les attentes que nous avons fait naître chez les parents comme chez les élèves et aussi chez les enseignants sont fortes.
Il nous faut donc aller de l'avant. Je vais aborder simplement, devant vous, l'engagement spécifique du ministère de la Culture à travers :
- l'état des chantiers en cours ;
- et aussi dans l'intervention du ministère dans le développement des classes à projet artistique et culturel (classes à PAC).
Je pense que vous êtes nombreux ici à en animer.
I. L'état des chantiers en cours
Les axes de travail que j'ai fixés au ministère de la Culture concernent :
- Tout d'abord, la mobilisation des institutions culturelles et de la communauté artistique ;
- Ensuite, la formation des intervenants culturels et des enseignants ;
- Et puis, la création de pôles de ressources.
1. La mobilisation des institutions artistiques et culturelles et au-delà des institutions, bien sûr, la mobilisation des artistes eux-mêmes. La responsabilité essentielle de mon ministère est de renforcer l'offre éducative des institutions culturelles afin de répondre de la manière la plus appropriée à la demande croissante des établissements scolaires. Les mesures nouvelles que nous avons obtenues en 2001, soit 19 MF qui s'ajoutaient aux 205 MF déjà mobilisés et celles obtenues en 2002, soit 27 MF supplémentaires, nous ont permis de renforcer les moyens humains et matériels des établissements liés à mon Ministère de manière à les engager de façon résolue dans cette mission éducative. Cet effort devra être impérativement poursuivi au cours des prochaines années. Les conditions de la mobilisation des structures artistiques pour la mise en uvre du plan sont, je crois, aujourd'hui réunies.
J'ai demandé aux directeurs régionaux des affaires culturelles d'organiser partout en France d'ici le mois de juillet, sur le plan régional ou interdépartemental selon le contexte local, des rencontres avec l'ensemble des acteurs culturels afin d'entraîner dans ce mouvement l'ensemble de nos réseaux. Renforcer les services éducatifs ne suffit pas, il faut aussi asseoir plus fortement la contribution des artistes et des professionnels de la culture à l'éducation artistique. Je crois vraiment qu'ils sont, par leur métier, les mieux à même d'impliquer des jeunes dans une pratique artistique effective. Il faut donc continuer d'accompagner cet engagement qui est d'ailleurs un engagement réciproque entre enseignants et artistes .
Je veux citer un exemple, mais ce n'est qu'un exemple, c'est celui de l'action que mène Robert Cantarella au centre dramatique national de Dijon. Je crois que c'est une action tout à fait exemplaire. J'ai eu la chance d'aller avec lui dans une classe tout récemment à Dijon, dans un cours préparatoire, pour une action poétique. Et bien, dans ce Centre dramatique, la constitution d'une troupe permanente s'avère être tout à la fois un moyen de renforcer le potentiel de création du Centre mais aussi le vecteur nécessaire de son engagement sur le terrain de l'éducation artistique à l'école. Là, il y a vraiment convergence entre deux projets, un qui est propre à mon Ministère qui est de doter les équipes permanentes artistiques de la présence permanente d'artistes en leur sein pour échapper à l'intermitence, pour échapper, je dirais, à des distributions épisodiques et pour créer un véritable lien entre les artistes du Centre et ça rejoins complètement l'autre préoccupation que je partage avec Jacques Lang qui est que, des artistes puissent vraiment participer à ce mouvement de l'éducation artistique. Au fond, l'un ne peut pas se faire sans l'autre et nous sommes d'accord pour appuyer ces deux évolutions du même pas.
2. La formation des artistes et des professionnels de la culture Nous devons absolument accentuer nos efforts en matière de formation, c'est comme ça que nous gagnerons le pari de la généralisation. C'est bien évidemment un axe essentiel de notre stratégie. Depuis la rentrée 2001, les trois écoles d'art d'Amiens, de Bourges et de Strasbourg ont confirmé la mise en place de centres de formation d'artistes plasticiens intervenants. Cinq écoles d'architecture ont inséré dans la formation initiale de futurs architectes un module sur la transmission pédagogique et la connaissance des publics d'enfants et de jeunes.
Il s'agit des écoles d'architecture de Montpellier, Grenoble, Versailles, La Villette et Saint Etienne. En 2002, le ministère de la Culture est engagé au côté du ministère de l'éducation nationale dans la préparation de trois universités d'été conjointes. Cela fait partie de cette démarche de la formation. Trois sujets y seront traités : les partenariats avec les collectivités territoriales dans la mise en uvre de ce plan, le "cinéma du réel" qui tient une place importante dans les programmes de lycée, la place de la culture scientifique et technique dans la formation du citoyen. Ces trois universités d'été viennent compléter les actions de formation qui sont mises en oeuvre par les pôles régionaux et nationaux de ressources tout au long de l'année.
3. Les pôles de ressources J'ai demandé aux directeurs régionaux des affaires culturelles, à travers une directive nationale d'orientation pour l'année 2002, de mettre en place avec les recteurs et les responsables des institutions culturelles ces pôles régionaux de ressources dans chaque domaine artistique et culturel.
Enseignants, personnels des structures d'accueil des enfants en dehors du temps scolaire, artistes et professionnels de la culture doivent en effet avoir l'accès le plus large à des ressources (information, documentation, formation, ingénierie culturelle) de natures différentes pour mener à bien les projets éducatifs et qu'aucune institution n'est en mesure de fournir seule en totalité. Donc, là, je crois que nous avons un vrai objectif de mise en réseau, de collecte bien sûr de ces ressources, et de mise en réseau, afin que tous les acteurs de ce vaste plan d'éducation artistique soient le mieux équipé possible.
Les pôles régionaux de ressources rassemblent donc sous la responsabilité des recteurs, des Drac et le cas échéant, des élus des collectivités territoriales qui s'engagent avec l'Etat la tutelle sur les institutions culturelles, l'IUFM, le CRDP, une ou plusieurs institutions culturelles, afin de mutualiser les ressources des uns et des autres afin qu'elles puissent être utilement mobilisées dans le montage et la réalisation des projets. Je crois qu'il y a là un mouvement absolument indispensable de constitution des outils et je le répète encore de mise en réseau et de mutualisation des savoirs.
D'ores et déjà, une douzaine de pôles régionaux d'éducation à l'image sont nés à l'initiative du CNC, ils sont en activité ou en préfiguration. Notre objectif est qu'à la fin de l'année une dizaine de pôles régionaux soient mis en place dans chaque champ artistique ou culturel sur l'ensemble du territoire national. Donc, dix de ces douze devraient être effectivement en action avant la fin de cette année, sur l'ensemble du territoire.
Par ailleurs, nous avons, en particulier dans les domaines où les ressources sont inégalement réparties sur le territoire, identifié des pôles nationaux de ressources qui pourront constituer en quelque sorte les têtes de réseau.
Ainsi, par exemple, sera prochainement créé dans le Nord-Pas-de-Calais, un pôle national de ressources sur l'éducation au patrimoine industriel et minier. Au côté de l'IUFM et du CRDP de l'académie de Lille, le centre des archives du monde du travail, le musée d'art et d'industrie de Roubaix et le centre historique minier de Lewarde auront vocation à progressivement rassembler l'ensemble des ressources réparties sur le territoire dans ce domaine.
Et, il faut savoir, car je pense que ça vous donne, ça nous donne à tous du courage, que tout ceci est déjà en marche. J'étais très récemment sur le centre minier de Lewarde où j'inaugurai un agrandissement des locaux de ce lieu qui est tout à fait extraordinaire, qui demeure animé par d'anciens mineurs qui n'ont quitté la mine que je pense à peu près depuis une petite décennie, et bien, les lieux de ce centre étaient habités par une multitude de classes, de classes primaires, avec leur enseignant, qui travaillaient sur ce patrimoine industriel et minier, venant de leurs petites communes d'ailleurs ou de plus loin, je dis ça parce que ça nous prouve que la mise en commun des compétences, des responsabilités, des savoirs et des lieux donne vraiment à notre projet éducatif global qui est, et celui des enseignants et celui de la politique culturelle, une réalité tout à fait tangible sur le territoire.
Une première liste d'une petite quarantaine de pôles nationaux de ressources a ainsi été établie et annexée à une circulaire de cadrage en cours de signature.
II. L'intervention du ministère de la Culture dans le champ des classes à PAC
Nous avons maintenu dans le plan de généralisation de l'éducation artistique, en accord avec l'Education Nationale, les dispositifs du partenariat éducation/culture élaborés depuis plus de 10 ans (ateliers artistiques, classes culturelles, enseignements obligatoires et optionnels). Ils permettent aux établissements scolaires de tirer parti, dans de bonnes conditions, de la création des artistes comme de l'activité des institutions patrimoniales, mais ne concernent, nous le savons, qu'une minorité des élèves scolarisés.
J'observe d'ailleurs avec satisfaction que le développement des classes à PAC, loin de s'effectuer au détriment des dispositifs antérieurs, a eu pour effet d'augmenter le nombre d'ateliers dans le primaire comme dans les collèges. Il y a là un effet de stimulation. Je pense que l'idée même de s'inscrire dans un projet global est un élément moteur pour tous les acteurs de ces projets.
1. La dynamique des classes à PAC doit traverser les institutions culturelles
La nouvelle stratégie mise en place avec le plan de 5 ans et qui s'inscrit dans la perspective de la généralisation, élargit la problématique sur laquelle reposaient les dispositifs antérieurs conçues comme le cadre pédagogique de référence des politiques d'établissement. Parler de cadre pédagogique de référence, comme le fait la Directive nationale d'orientation 2002 du ministère de la Culture, marque l'adoption par les deux ministères d'un langage véritablement commun.
La classe à PAC est explicitement reconnue comme l'un des cadres pédagogiques en matière d'éducation artistique et comme l'outil privilégié d'une politique qui vise à élargir, à terme, l'offre éducative des structures artistiques à l'ensemble de la population scolaire. Le ministère de la Culture n'a pour autant pas vocation à financer systématiquement et directement les classes à PAC. En revanche, le renforcement des moyens alloués aux structures artistiques et culturelles pour leur permettre de mieux remplir leur mission d'action éducative et culturelle doit se traduire par leur implication croissante dans les classes à PAC en dialogue avec les établissements d'enseignement. Cela passe par un renouvellement du contenu des propositions des établissements culturels à l'égard du système éducatif et un renouvellement des méthodes d'approche des différentes disciplines.
Cela passe aussi par une intégration des dispositifs antérieurs dans des ensembles plus vastes de propositions visant à répondre à la logique de généralisation. Je suis persuadée que les institutions artistiques et culturelles peuvent avoir un rôle d'impulsion pour les classes à PAC, qu'elles peuvent contribuer à les fédérer et à faciliter leur intégration dans les projets d'établissement. Au fond notre ambition à tous, à vous comme à nous, c'est que ce qui se fait et souvent très bien fait, ici ou là, par l'initiative conjointe de professionnels, artistes, animateurs culturels et enseignants de façon parfois un peu solitaire ou isolée, que tout cela puisse demain s'inscrire dans une réflexion collective, ce qui d'ailleurs pour moi, ne vise pas forcément à un formatage ou à une uniformisation de tous ces projets, mais qui réunirait l'ensemble de ces actions, plus nombreuses qu'aujourd'hui et dans un projet d'ensemble.
2. Les classes à PAC appellent de nouvelles méthodes de travail
La dynamique créée par le plan suppose aussi qu'au sein de nos administrations respectives nous renouvelions nos méthodes de travail. La mise en place des classes à PAC a mis à l'épreuve la capacité des DRAC à expertiser l'ensemble des projets présentés par les établissements scolaires et même, dans certains cas, à recueillir et traiter les informations sur ce qui se passe réellement sur le terrain - et cela, et je tiens à en témoigner, en dépit de la mobilisation exemplaire des conseillers éducation artistique des Directions régionales et je tiens à saluer leur mobilisation. Mais, Nous avons encore un frein objectif, car je crois que psychologiquement, tout le monde a envie de travailler le mieux possible, mais nous avons un frein objectif c'est bien tout simplement aux effectifs d'être présents dans ces termes. La responsabilité confiée aux DRAC de délivrer les attestations de compétence professionnelle des intervenants constitue une garantie très précieuse face au nombre croissant de projets déposés par les établissements scolaires. La circulaire du 14 juin 2001 sur les classes à PAC prévoit la constitution de listes d'experts chargés de donner un avis sur la qualification professionnelle des intervenants, avis sur lesquels les Drac peuvent s'appuyer pour exercer leur compétence, et constituer ces listes d'experts labellisés. Les mois qui viennent doivent être mis à profit pour approfondir, dans la perspective de la prochaine rentrée, la réflexion sur les conditions de leur désignation, leur profil, sur les conditions matérielles de leur exercice et j'espère que d'ici l'été nous aurons apporté les réponses essentielles.
Conclusion
L'objectif de généralisation de l'éducation artistique et culturelle à l'école implique de toucher tous les élèves. Or vous connaissez bien, vous qui êtes sur le terrain, notre difficulté à traduire dans les faits nos orientations prioritaires auprès des jeunes les moins favorisés. Il nous faut, ici, avoir une stratégie plus visible et intervenir davantage dans les établissements classés en ZEP, ceux situés dans les zones rurales, dans les lycées professionnels. Nous avons là trois territoires auxquels nous devons apporter une attention particulière si nous voulons mettre en action cette objectif de généralisation. Mesdames et Messieurs, nous avons ouvert un vaste chantier.
C'est un chantier qui est en parfaite cohérence avec l'objectif que nous partageons tous qui est celui de l'égalité des chances, de la démocratisation, égalité des chances dont nous savons qu'elle passe d'abord par l'égalité d'accès à l'éducation au sens large et à la culture et donc projet qui est au cur de la politique que nous menons et que nous devons à nos jeunes concitoyens. Nous disposons de moyens qui ont été accrus. A la veille d'échéances électorales décisives pour l'avenir de notre pays, le plan pour l'éducation artistique repose très largement sur la mobilisation des administrations de l'Education Nationale et de la Culture, et aussi bien sûr sur celle des artistes et des professionnels, je tiens vraiment à vous remercier, chacun et chacune d'entre vous pour votre implication personnelle dans la mise en uvre de ce très grand objectif. L'étape de la rentrée scolaire 2002-2003 sera capitale : nous serons à l'an 2 du plan, nous devons poursuivre pour répondre à la formidable attente des parents et des élèves et aussi à la demande croissante de la population en matière d'art et de culture.
Je vous remercie donc chacun d'apporter véritablement un engagement tout à fait décisif dans ce projet.
Merci à tous.
(Source http://www.culture.gouv.fr, le 29 mars 2002)