Texte intégral
Mesdames, Messieurs,
Je voudrais d'abord vous dire l'importance que revêt à mes yeux cette manifestation sur les Plans de Déplacements Urbains (PDU) et remercier la ville de la Rochelle et l'Association En ville, sans ma voiture ?" d'avoir bien voulu l'organiser.
Ce forum se tient sous le signe d'une double actualité :
la loi a fixé au 30 juin 2000 la date limite pour l'approbation des PDU. Cette rencontre constitue fort opportunément l'occasion de dresser un état des lieux et de tracer un premier bilan des PDU approuvés ou en cours d'élaboration ;
J'ai moi-même présenté, ce matin, une communication en Conseil des Ministres sur la pollution atmosphérique, un sujet qui préoccupe à juste titre nos concitoyens et sur lequel nous commençons à constater quelques résultats, même si beaucoup reste encore à faire.
Je ne reviendrai pas ici sur le détail de cette communication. Mais si je l'ai faite, c'est bien parce que je suis convaincue que le cercle infernal de la pollution urbaine n'est pas une fatalité et que les moyens d'agir existent.
Deux exemples, l'un technique, l'autre sociologique :
o tout d'abord le renforcement les normes sur les carburants et sur les véhicules qui a montré son efficacité. On vient d'en voir les résultats spectaculaires sur le plomb, dont la concentration dans l'air a baissé de 23% à 70% selon les villes en un an à la suite de la décision du gouvernement d'interdire l'additif au plomb dans l'essence ;
o l'appel à des comportements civiques chez les citadins n'est pas un vain mot. J'en veux pour preuve le succès des nouvelles dessertes de transports en commun, modernes, fiables et confortables comme le tram de Grenoble, Nantes ou Strasbourg, l'élaboration de plans de mobilité, et les prémisses du covoiturage que cherchent à développer certaines collectivités ou entreprises.
Les enjeux de la mobilité en ville sont essentiels. C'est bien pourquoi, ils seront au cur de la campagne électorale pour les élections municipales.
Ces enjeux sont de quatre ordres :
1 - Il s'agit d'abord d'un enjeu de santé publique. La responsabilité de la pollution atmosphérique due aux transports a été clairement établie sur les maladies respiratoires et les transports sont devenus la principale source de bruit en ville, avec les inégalités sociales que l'on sait.
2 - C'est aussi un problème de sécurité : il faut que cesse ces accidents sur la voie publique qui touchent, en ville, les usagers les plus vulnérables : les cyclistes comme les enfants dont les parents, inquiets non sans raison, ne trouvent pas de meilleure solution que de les emmener en voiture à l'école par crainte du pire même s'il ne s'agit que de quelques centaines de mètres.
3 - L'enjeu de la mobilité est aussi économique. Savez-vous que le total national des encombrements est passé de 500 milliers d'heures/kilomètres en 1985, une mesure établie en effectuant le produit de la longueur totale des embouteillages par leur durée, à plus de 800 milliers en 1996, soit un accroissement de 60 % en 10 ans ! Ces heures inutiles sont irrémédiablement perdues non seulement pour l'automobiliste prisonnier de son véhicule mais aussi pour l'économie du pays.
4 - Enfin, le dernier enjeu, et non le moindre, est celui de l'effet de serre et de la maîtrise des changements climatiques. Le secteur des transports représente aujourd'hui près du tiers des émissions de gaz à effet de serre et sa part dans l'ensemble ne cesse d'augmenter ; à l'intérieur du secteur des transports, 40 % des émissions résultent des déplacements urbains.
La France, comme vous le savez, s'est engagée à Kyoto à stabiliser, d'ici 2010, ses émissions totales de gaz à effet de serre. Le plan national de lutte contre le changement climatique, adopté il y a 6 mois par le gouvernement, a assigné à cette fin des objectifs au secteur des transports, interurbain et urbain.
Il faut avoir à l'esprit l'importance de ces enjeux considérables, qu'ils soient locaux ou internationaux, lorsque l'on fait le point sur la mise en place des Plans de déplacement urbains qui ne doivent pas être considérés comme de simples documents de planification.
Quel bilan peut-on faire aujourd'hui de leur adoption ?
1 - Etat des lieux : le calendrier
Je pense que le représentant du GART vous a dressé un panorama d'ensemble des démarches en cours ou achevées. Je vous dois de parler vrai, même si ce sont ceux qui ne sont pas là qui auraient peut-être le plus besoin de l'entendre. J'espère que vous me le pardonnerez. Pour ma part, j'ai le sentiment que si le mouvement est désormais bien lancé, le bilan, globalement, n'est pas très bon : seule 10 PDU sur 65, rendus obligatoires par la loi, ont été approuvés ou sont sur le point de l'être. J'avais moi-même, l'an dernier, prolongé le calendrier de 6 mois, dans l'espoir que ce délai serait suffisant pour terminer l'exercice.
Ce retard soulève un problème préoccupant et immédiat : la loi sur la solidarité et le renouvellement urbain (SRU) n'ayant pu modifier le système faute d'être votée au cours de cette session, les autorités organisatrices de transports urbains sont, aux termes de la loi sur l'air, dessaisies de leur compétence à compter du 30 juin 2000.
Nous sommes à la recherche de solutions visant à ne pas casser la dynamique en cours, quand elle existe, tout en permettant au préfet de se substituer aux élus, partout où cela paraîtra nécessaire.
Pour aller de l'avant, j'ai proposé à Jean-Claude GAYSSOT d'adresser prochainement une instruction aux préfets : elle leur précisera la marche à suivre afin de permettre aux PDU dont l'élaboration était déjà bien avancée d'aller à leur terme - je pense à ceux d'entre eux qui en sont au stade de l'enquête publique ou à d'autres qui ont atteint la phase de consultation.
Mais les préfets seront également invités à prendre l'initiative dans les cas où la démarche en est à ses balbutiements.
2 - Etat des lieux : le contenu des PDU
Ma déception n'est pas due seulement aux trop longs délais de leur élaboration. Elle est liée au contenu même de ces PDU ou projets de plan que j'ai découverts, notamment grâce aux documents de suivi du GART et du CERTU.
Quelle analyse objective peut-on faire de ces PDU ?
la première, c'est l'intérêt incontestable de l'exercice qui suscite, là où il a été bien mené, un vrai débat de société qui déborde les seules questions de transport pour traiter de la ville dans son ensemble. Je n'en suis pas surprise.
Le succès de l'opération "En ville, sans ma voiture" qui, pour sa troisième édition, aura une dimension européenne donne une bonne idée du désir de nos concitoyens de mieux-vivre en ville.
Ainsi, les PDU confortent la dynamique en faveur des transports en commun en site propre, favorisent la reconquête des centre-villes, et s'accompagne souvent de politiques visant à encourager les déplacements à vélo et la marche à pied, même si les objectifs ne sont pas toujours quantifiés.
Ils permettent un début de reconnaissance de l'importance des transports de marchandises (à l'origine de 30 à 60 % de la pollution urbaine) et, de manière embryonnaire, de l'impact des choix d'implantation de commerces sur les déplacements induits.
On voit ainsi s'esquisser dans les zones-centres des politiques coordonnées, combinant création d'une offre nouvelle et de qualité en transports en commun, partage de la voirie au profit des transports collectifs et des modes de déplacement "doux".
Dans quelques cas, malheureusement trop rares, l'audace est au rendez-vous et des politiques restrictives de stationnement vis à vis de l'automobile sont envisagées.
N'est-ce pas le maire de Strasbourg qui déplorait, récemment, que si le tram était un vrai succès pour la capitale alsacienne, il ne contribuait pas à la diminution du trafic automobile ? Roland RIES laissait alors entendre que la construction de la prochaine ligne s'accompagnerait d'une restriction sensible des places de parking.
De façon générale, les objectifs de réduction de la part de l'automobile ne sont pas assez souvent chiffrés dans les PDU. Ou lorsqu'ils le sont, c'est en part modale et non en valeur absolue.
Ainsi, force est de constater que, dans la plupart des PDU, les déplacements automobiles continuent à augmenter, même s'ils le font à un rythme ralenti.
Par ailleurs, et c'est tout aussi important, le lien entre les orientations et mesures du PDU et les résultats attendus sur les déplacements automobiles n'est pas toujours étayé, ce qui réduit la portée des objectifs affichés.
C'est pourquoi, la mise en place d'observatoires et de dispositifs de suivi me paraît tout particulièrement justifiée, pour pouvoir, si nécessaire, réévaluer les actions en cours de plan. Une démarche qui implique de porter une attention particulière à la "situation de référence".
J'ai en outre constaté que beaucoup de PDU se focalisaient sur la seule reconquête de l'hypercentre, laissant à l'écart les déplacements en périphérie qui semblent, selon ces PDU, être réglés par la construction de rocades routières - lorsque l'agglomération n'en est pas déjà pourvue - destinées à détourner des centres-villes le trafic de transit.
Résultat des courses : on reporte les problèmes sur la périphérie, là où les déplacements automobiles augmentent déjà le plus vite et où il est plus difficile d'imaginer développer les transports en commun, le tissu urbain étant alors trop diffus.
La protection des hyper-centres devient alors source d'inégalité sociale et celles et ceux qui auraient le plus besoin de retrouver leur mobilité physique pour atteindre une éventuelle mobilité sociale se retrouvent exclus de tous systèmes de transport.
On ne s'étonnera pas si la route se taille alors la part du lion dans les financements associés au PDU. Dans certains cas, on peut même se demander si le PDU répond bien aux objectifs et à l'esprit de la loi.
Ces quelques remarques sur la nature des PDU visent à vous alerter, à vous convaincre, alors qu'il est encore temps, de modifier votre programmation.
3 - La remise en cause du modèle urbain
Il faut en effet inverser la tendance et, au moyen des PDU et des autres documents de planification, remettre en cause le modèle urbain de ces dernières décennies qui s'est développé, sans prise en considération de ses conséquences sur les déplacements.
On connaît désormais les causes de ce désordre urbain : des prix fonciers plus faibles en périphérie et la multiplication d'infrastructures qui, en augmentant la vitesse des déplacements motorisés, a permis un allongement des distances parcourues.
Il est d'ailleurs remarquable que le temps passé quotidiennement dans les déplacements par les citadins soit à peu près constant en longue période - 55 minutes précisément depuis dix ans - au point où l'on peut se demander ce que valent pour les infrastructures urbaines les méthodes de calcul des investissements fondées sur la valorisation du temps gagné, au nom desquelles on a construit avec bonne conscience des routes partout.
Ce modèle est la cause principale de l'explosion de la mobilité, puisque les 20 % des déplacements les plus longs représentent 80 % des kilomètres parcourus et donc des voitures sur les routes.
L'ADEME, il y a quelques années, avait conduit une étude particulièrement éclairante montrant la contribution considérable du modèle commercial des grandes surfaces en périphérie à la consommation d'énergie due aux déplacements, un point d'ailleurs rarement traité dans les PDU.
La responsabilité des choix d'urbanisme sur les déplacements en voiture n'est donc plus à démontrer et elle est désormais bien connue. On ne reviendra certes pas en arrière. Il est néanmoins possible de mettre en uvre pour ces zones périphériques des modes de déplacements adaptés : tram-train , bus en site propre, voire au transport à la demande. C'est là l'enjeu des prochaines années.
4 - Etat des lieux : l'échelle des PDU
Outre leur retard, et, parfois, leur trop faible ambition quant à la voiture, c'est l'échelle même des PDU qui me paraît insuffisante.
Elle est, en général, bien inférieure à celle de l'agglomération. Certaines agglomérations comptent d'ailleurs plusieurs autorités organisatrices, dont la collaboration n'est pas toujours exemplaire. Ce morcellement est préjudiciable à une approche globale et cohérente des déplacements.
Comme vous le savez, le projet de loi SRU doit permettre des avancées importantes dans ce domaine.
Il ne s'agit pas de jeter l'opprobre sur telle ou telle collectivité locale, ne serait-ce que parce que l'Etat porte sa part de responsabilité. Les problèmes d'urbanisme que j'ai évoqués doivent en effet beaucoup à la multiplication des rocades et des voies de contournement décidées par l'Etat pour ses besoins propres afin d'assurer le trafic de transit.
Des voies conçues sans prendre en compte les conséquences sur le développement futur de l'urbanisation. Cela ne doit plus se reproduire et j'y serai, comme vous, attentive notamment lors de l'élaboration des schémas de services de transport.
Les déplacements urbains par des modes alternatifs à l'automobile sont, avec le développement du fret ferroviaire, l'une des deux priorités du gouvernement pour ces schémas, comme l'a rappelé le CIADT du 18 mai. C'est dire l'importance que le gouvernement y attache.
Il a été décidé d'augmenter de 1 Mds/F par an l'aide aux transports en commun et aux actions des PDU à partir de l'an prochain. C'est une prime aux agglomérations qui sauront faire vite et bien.
5 - Etat des lieux : la nécessaire concertation
Je terminerai enfin sur la démarche des PDU et sur la concertation, qui en constitue un élément essentiel. Avant d'être un choix technique, le PDU est un choix de société : quelle ville voulons-nous pour nos enfants ? C'est bien la seule question qui est posée.
Les mesures les meilleures seront sans portée si elles ne sont pas comprises et appropriées par chacun et donc si elles ne résultent pas d'un débat collectif ouvert. Certains PDU sont particulièrement riches à cet égard et illustrent l'intérêt des scénarios pour susciter un débat citoyen en amont, lorsque les grandes options sont en discussions.
Mais ce n'est pas toujours le cas. Les usagers ont alors l'impression que les jeux sont faits et le débat sur le PDU tourne vite à la contestation. J'invite les élus à être attentifs à cette question et à ne pas hésiter à donner toute sa place au dialogue.
Telles sont, mesdames et messieurs, mes principales interpellations qui, je l'espère, nourriront vos échanges de demain dans les ateliers.
Je souhaite un plein succès à vos travaux et je serai particulièrement attentive à leurs résultats.
Je vous remercie."
(Source http://www.environnement.gouv.fr, le 29 juin 2000)
Je voudrais d'abord vous dire l'importance que revêt à mes yeux cette manifestation sur les Plans de Déplacements Urbains (PDU) et remercier la ville de la Rochelle et l'Association En ville, sans ma voiture ?" d'avoir bien voulu l'organiser.
Ce forum se tient sous le signe d'une double actualité :
la loi a fixé au 30 juin 2000 la date limite pour l'approbation des PDU. Cette rencontre constitue fort opportunément l'occasion de dresser un état des lieux et de tracer un premier bilan des PDU approuvés ou en cours d'élaboration ;
J'ai moi-même présenté, ce matin, une communication en Conseil des Ministres sur la pollution atmosphérique, un sujet qui préoccupe à juste titre nos concitoyens et sur lequel nous commençons à constater quelques résultats, même si beaucoup reste encore à faire.
Je ne reviendrai pas ici sur le détail de cette communication. Mais si je l'ai faite, c'est bien parce que je suis convaincue que le cercle infernal de la pollution urbaine n'est pas une fatalité et que les moyens d'agir existent.
Deux exemples, l'un technique, l'autre sociologique :
o tout d'abord le renforcement les normes sur les carburants et sur les véhicules qui a montré son efficacité. On vient d'en voir les résultats spectaculaires sur le plomb, dont la concentration dans l'air a baissé de 23% à 70% selon les villes en un an à la suite de la décision du gouvernement d'interdire l'additif au plomb dans l'essence ;
o l'appel à des comportements civiques chez les citadins n'est pas un vain mot. J'en veux pour preuve le succès des nouvelles dessertes de transports en commun, modernes, fiables et confortables comme le tram de Grenoble, Nantes ou Strasbourg, l'élaboration de plans de mobilité, et les prémisses du covoiturage que cherchent à développer certaines collectivités ou entreprises.
Les enjeux de la mobilité en ville sont essentiels. C'est bien pourquoi, ils seront au cur de la campagne électorale pour les élections municipales.
Ces enjeux sont de quatre ordres :
1 - Il s'agit d'abord d'un enjeu de santé publique. La responsabilité de la pollution atmosphérique due aux transports a été clairement établie sur les maladies respiratoires et les transports sont devenus la principale source de bruit en ville, avec les inégalités sociales que l'on sait.
2 - C'est aussi un problème de sécurité : il faut que cesse ces accidents sur la voie publique qui touchent, en ville, les usagers les plus vulnérables : les cyclistes comme les enfants dont les parents, inquiets non sans raison, ne trouvent pas de meilleure solution que de les emmener en voiture à l'école par crainte du pire même s'il ne s'agit que de quelques centaines de mètres.
3 - L'enjeu de la mobilité est aussi économique. Savez-vous que le total national des encombrements est passé de 500 milliers d'heures/kilomètres en 1985, une mesure établie en effectuant le produit de la longueur totale des embouteillages par leur durée, à plus de 800 milliers en 1996, soit un accroissement de 60 % en 10 ans ! Ces heures inutiles sont irrémédiablement perdues non seulement pour l'automobiliste prisonnier de son véhicule mais aussi pour l'économie du pays.
4 - Enfin, le dernier enjeu, et non le moindre, est celui de l'effet de serre et de la maîtrise des changements climatiques. Le secteur des transports représente aujourd'hui près du tiers des émissions de gaz à effet de serre et sa part dans l'ensemble ne cesse d'augmenter ; à l'intérieur du secteur des transports, 40 % des émissions résultent des déplacements urbains.
La France, comme vous le savez, s'est engagée à Kyoto à stabiliser, d'ici 2010, ses émissions totales de gaz à effet de serre. Le plan national de lutte contre le changement climatique, adopté il y a 6 mois par le gouvernement, a assigné à cette fin des objectifs au secteur des transports, interurbain et urbain.
Il faut avoir à l'esprit l'importance de ces enjeux considérables, qu'ils soient locaux ou internationaux, lorsque l'on fait le point sur la mise en place des Plans de déplacement urbains qui ne doivent pas être considérés comme de simples documents de planification.
Quel bilan peut-on faire aujourd'hui de leur adoption ?
1 - Etat des lieux : le calendrier
Je pense que le représentant du GART vous a dressé un panorama d'ensemble des démarches en cours ou achevées. Je vous dois de parler vrai, même si ce sont ceux qui ne sont pas là qui auraient peut-être le plus besoin de l'entendre. J'espère que vous me le pardonnerez. Pour ma part, j'ai le sentiment que si le mouvement est désormais bien lancé, le bilan, globalement, n'est pas très bon : seule 10 PDU sur 65, rendus obligatoires par la loi, ont été approuvés ou sont sur le point de l'être. J'avais moi-même, l'an dernier, prolongé le calendrier de 6 mois, dans l'espoir que ce délai serait suffisant pour terminer l'exercice.
Ce retard soulève un problème préoccupant et immédiat : la loi sur la solidarité et le renouvellement urbain (SRU) n'ayant pu modifier le système faute d'être votée au cours de cette session, les autorités organisatrices de transports urbains sont, aux termes de la loi sur l'air, dessaisies de leur compétence à compter du 30 juin 2000.
Nous sommes à la recherche de solutions visant à ne pas casser la dynamique en cours, quand elle existe, tout en permettant au préfet de se substituer aux élus, partout où cela paraîtra nécessaire.
Pour aller de l'avant, j'ai proposé à Jean-Claude GAYSSOT d'adresser prochainement une instruction aux préfets : elle leur précisera la marche à suivre afin de permettre aux PDU dont l'élaboration était déjà bien avancée d'aller à leur terme - je pense à ceux d'entre eux qui en sont au stade de l'enquête publique ou à d'autres qui ont atteint la phase de consultation.
Mais les préfets seront également invités à prendre l'initiative dans les cas où la démarche en est à ses balbutiements.
2 - Etat des lieux : le contenu des PDU
Ma déception n'est pas due seulement aux trop longs délais de leur élaboration. Elle est liée au contenu même de ces PDU ou projets de plan que j'ai découverts, notamment grâce aux documents de suivi du GART et du CERTU.
Quelle analyse objective peut-on faire de ces PDU ?
la première, c'est l'intérêt incontestable de l'exercice qui suscite, là où il a été bien mené, un vrai débat de société qui déborde les seules questions de transport pour traiter de la ville dans son ensemble. Je n'en suis pas surprise.
Le succès de l'opération "En ville, sans ma voiture" qui, pour sa troisième édition, aura une dimension européenne donne une bonne idée du désir de nos concitoyens de mieux-vivre en ville.
Ainsi, les PDU confortent la dynamique en faveur des transports en commun en site propre, favorisent la reconquête des centre-villes, et s'accompagne souvent de politiques visant à encourager les déplacements à vélo et la marche à pied, même si les objectifs ne sont pas toujours quantifiés.
Ils permettent un début de reconnaissance de l'importance des transports de marchandises (à l'origine de 30 à 60 % de la pollution urbaine) et, de manière embryonnaire, de l'impact des choix d'implantation de commerces sur les déplacements induits.
On voit ainsi s'esquisser dans les zones-centres des politiques coordonnées, combinant création d'une offre nouvelle et de qualité en transports en commun, partage de la voirie au profit des transports collectifs et des modes de déplacement "doux".
Dans quelques cas, malheureusement trop rares, l'audace est au rendez-vous et des politiques restrictives de stationnement vis à vis de l'automobile sont envisagées.
N'est-ce pas le maire de Strasbourg qui déplorait, récemment, que si le tram était un vrai succès pour la capitale alsacienne, il ne contribuait pas à la diminution du trafic automobile ? Roland RIES laissait alors entendre que la construction de la prochaine ligne s'accompagnerait d'une restriction sensible des places de parking.
De façon générale, les objectifs de réduction de la part de l'automobile ne sont pas assez souvent chiffrés dans les PDU. Ou lorsqu'ils le sont, c'est en part modale et non en valeur absolue.
Ainsi, force est de constater que, dans la plupart des PDU, les déplacements automobiles continuent à augmenter, même s'ils le font à un rythme ralenti.
Par ailleurs, et c'est tout aussi important, le lien entre les orientations et mesures du PDU et les résultats attendus sur les déplacements automobiles n'est pas toujours étayé, ce qui réduit la portée des objectifs affichés.
C'est pourquoi, la mise en place d'observatoires et de dispositifs de suivi me paraît tout particulièrement justifiée, pour pouvoir, si nécessaire, réévaluer les actions en cours de plan. Une démarche qui implique de porter une attention particulière à la "situation de référence".
J'ai en outre constaté que beaucoup de PDU se focalisaient sur la seule reconquête de l'hypercentre, laissant à l'écart les déplacements en périphérie qui semblent, selon ces PDU, être réglés par la construction de rocades routières - lorsque l'agglomération n'en est pas déjà pourvue - destinées à détourner des centres-villes le trafic de transit.
Résultat des courses : on reporte les problèmes sur la périphérie, là où les déplacements automobiles augmentent déjà le plus vite et où il est plus difficile d'imaginer développer les transports en commun, le tissu urbain étant alors trop diffus.
La protection des hyper-centres devient alors source d'inégalité sociale et celles et ceux qui auraient le plus besoin de retrouver leur mobilité physique pour atteindre une éventuelle mobilité sociale se retrouvent exclus de tous systèmes de transport.
On ne s'étonnera pas si la route se taille alors la part du lion dans les financements associés au PDU. Dans certains cas, on peut même se demander si le PDU répond bien aux objectifs et à l'esprit de la loi.
Ces quelques remarques sur la nature des PDU visent à vous alerter, à vous convaincre, alors qu'il est encore temps, de modifier votre programmation.
3 - La remise en cause du modèle urbain
Il faut en effet inverser la tendance et, au moyen des PDU et des autres documents de planification, remettre en cause le modèle urbain de ces dernières décennies qui s'est développé, sans prise en considération de ses conséquences sur les déplacements.
On connaît désormais les causes de ce désordre urbain : des prix fonciers plus faibles en périphérie et la multiplication d'infrastructures qui, en augmentant la vitesse des déplacements motorisés, a permis un allongement des distances parcourues.
Il est d'ailleurs remarquable que le temps passé quotidiennement dans les déplacements par les citadins soit à peu près constant en longue période - 55 minutes précisément depuis dix ans - au point où l'on peut se demander ce que valent pour les infrastructures urbaines les méthodes de calcul des investissements fondées sur la valorisation du temps gagné, au nom desquelles on a construit avec bonne conscience des routes partout.
Ce modèle est la cause principale de l'explosion de la mobilité, puisque les 20 % des déplacements les plus longs représentent 80 % des kilomètres parcourus et donc des voitures sur les routes.
L'ADEME, il y a quelques années, avait conduit une étude particulièrement éclairante montrant la contribution considérable du modèle commercial des grandes surfaces en périphérie à la consommation d'énergie due aux déplacements, un point d'ailleurs rarement traité dans les PDU.
La responsabilité des choix d'urbanisme sur les déplacements en voiture n'est donc plus à démontrer et elle est désormais bien connue. On ne reviendra certes pas en arrière. Il est néanmoins possible de mettre en uvre pour ces zones périphériques des modes de déplacements adaptés : tram-train , bus en site propre, voire au transport à la demande. C'est là l'enjeu des prochaines années.
4 - Etat des lieux : l'échelle des PDU
Outre leur retard, et, parfois, leur trop faible ambition quant à la voiture, c'est l'échelle même des PDU qui me paraît insuffisante.
Elle est, en général, bien inférieure à celle de l'agglomération. Certaines agglomérations comptent d'ailleurs plusieurs autorités organisatrices, dont la collaboration n'est pas toujours exemplaire. Ce morcellement est préjudiciable à une approche globale et cohérente des déplacements.
Comme vous le savez, le projet de loi SRU doit permettre des avancées importantes dans ce domaine.
Il ne s'agit pas de jeter l'opprobre sur telle ou telle collectivité locale, ne serait-ce que parce que l'Etat porte sa part de responsabilité. Les problèmes d'urbanisme que j'ai évoqués doivent en effet beaucoup à la multiplication des rocades et des voies de contournement décidées par l'Etat pour ses besoins propres afin d'assurer le trafic de transit.
Des voies conçues sans prendre en compte les conséquences sur le développement futur de l'urbanisation. Cela ne doit plus se reproduire et j'y serai, comme vous, attentive notamment lors de l'élaboration des schémas de services de transport.
Les déplacements urbains par des modes alternatifs à l'automobile sont, avec le développement du fret ferroviaire, l'une des deux priorités du gouvernement pour ces schémas, comme l'a rappelé le CIADT du 18 mai. C'est dire l'importance que le gouvernement y attache.
Il a été décidé d'augmenter de 1 Mds/F par an l'aide aux transports en commun et aux actions des PDU à partir de l'an prochain. C'est une prime aux agglomérations qui sauront faire vite et bien.
5 - Etat des lieux : la nécessaire concertation
Je terminerai enfin sur la démarche des PDU et sur la concertation, qui en constitue un élément essentiel. Avant d'être un choix technique, le PDU est un choix de société : quelle ville voulons-nous pour nos enfants ? C'est bien la seule question qui est posée.
Les mesures les meilleures seront sans portée si elles ne sont pas comprises et appropriées par chacun et donc si elles ne résultent pas d'un débat collectif ouvert. Certains PDU sont particulièrement riches à cet égard et illustrent l'intérêt des scénarios pour susciter un débat citoyen en amont, lorsque les grandes options sont en discussions.
Mais ce n'est pas toujours le cas. Les usagers ont alors l'impression que les jeux sont faits et le débat sur le PDU tourne vite à la contestation. J'invite les élus à être attentifs à cette question et à ne pas hésiter à donner toute sa place au dialogue.
Telles sont, mesdames et messieurs, mes principales interpellations qui, je l'espère, nourriront vos échanges de demain dans les ateliers.
Je souhaite un plein succès à vos travaux et je serai particulièrement attentive à leurs résultats.
Je vous remercie."
(Source http://www.environnement.gouv.fr, le 29 juin 2000)