Déclaration de M. Bernard Kouchner, ministre délégué à la santé, sur la sécurité sanitaire et les risques liés à l'environnement, Paris le 8 avril 2002.

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Circonstance : Conférence de presse sur la sécurité et la santé publique à Paris le 8 avril 2002

Texte intégral

Mesdames,
Messieurs,
Nous terminons aujourd'hui ce cycle de rendez-vous réguliers sur la sécurité sanitaire et la santé publique que j'ai voulu instaurer depuis un an. Il s'agit donc de la 6ème et dernière rencontre où nous allons parler bien sûr de l'actualité dans ces domaines. Je ne m'étendrai pas sur le bilan des actions que nous avons menées depuis 14 mois : ce bilan figure dans le dossier de presse qui vous a été remis, et les dossiers complets de la vingtaine de plans de santé publique que j'ai initiés figurent sur le site internet du ministère.
Je voudrais tout de même souligner que tous ces plans sont bien ceux que nous avions annoncés lors de la conférence nationale de santé du 27 mars 2001, au cours de laquelle j'avais présenté la politique de santé que j'entendais conduire. Nous avons ainsi, dans les délais très serrés qui étaient devant nous, mené, comme nous nous y étions engagés, une redéfinition de la politique de santé qui a trouvé son âme au sein même de la loi " Droits des malades et qualité du système de santé ".
Je voudrais surtout évoquer avec vous ces voies et perspectives que nous avons tracées et qui restent à approfondir, précisément dans le cadre de l'application de la loi " Droits des malades et qualité du système de santé ".
Depuis 1992, et surtout depuis la loi du 1er juillet 1998, notre organisation s'adapte, améliore sans cesse la gestion des problèmes de santé publique et de sécurité sanitaire. C'est à dire que nous renforçons nos actions de prévention, mais aussi nos capacités d'intervention face aux alertes, dans une démarche permanente de transparence et d'information des citoyens. Après la mise en place en 1999 des agences de sécurité sanitaire des produits de santé, des aliments, la création de l'Institut de Veille Sanitaire, c'est au tour de la radioprotection et de l'environnement de voir en 2002 l'instauration de structures dédiées : ainsi est né l'Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN), de la réunion de l'Office de Protection contre les Rayonnements Ionisants (OPRI) et de l'Institut de Protection et de Sûreté Nucléaire (IPSN), et création réellement nouvelle : l'Agence Française de Sécurité Sanitaire Environnementale.
J'ai d'ailleurs le plaisir aujourd'hui d'être entouré des directeurs d'agences et d'administration centrale récemment renouvelés (Philippe Duneton à l'AFSSaPS et Martin Hirsch à l'AFSSA), ou récemment nommés : Gilles BRUCKER à l'Institut National de Veille Sanitaire et André-Claude LACOSTE à la Direction Générale de la Sûreté Nucléaire et de la Radioprotection. Mme Michèle VEDRINE a été missionnée pour la mise en place de l'Agence Française de Sécurité Sanitaire Environnementale ; nous en avons souvent parlé en ces lieux. L'importance majeure de l'environnement justifie pleinement la mise en place d'une agence qui lui soit consacrée. Il ne se passe actuellement pas de semaine sans que ces risques sanitaires émergent, qu'il s'agisse des dioxines, des éthers de glycol, de la pollution atmosphérique etc
Enfin Etienne Caniard est également présent car il me remet aujourd'hui son rapport sur les recommandations de bonnes pratiques professionnelles dont je vous dirais un mot tout à l'heure.
Vous le savez, notre objectif, à travers la mise en place des agences, indépendantes de l'autorité sanitaire en charge de la gestion politique, est d'améliorer nos capacités d'évaluation, d'expertise, de contrôle, d'alerte.
Cette évolution s'accompagne d'une volonté sans cesse réaffirmée d'informer sur les risques, d'expliquer les actions que nous menons, les améliorations que nous apportons, les risques qui persistent et que nous cherchons encore à maîtriser et réduire. Cet exercice, parfois délicat, est d'autant plus nécessaire lorsqu'il s'agit de risques émergents ou mal connus comme par exemple ceux liés aux dioxines dans l'environnement, au téléphone portable, ou à la transmission des prions par voie alimentaire.
Nous avons surtout souhaité associer les malades, les usagers et les professionnels à l'élaboration de nos plans de santé publique. La loi " Droits des malades et qualité du système de santé " a traduit dans les textes cette évolution : elle donne une nouvelle dimension au rôle des associations et pose les bases d'une responsabilisation de tous les acteurs : usagers et malades, professionnels de santé et autorités sanitaires.
Je suis persuadé que cette stratégie est non seulement utile mais qu'elle s'avère surtout indispensable. Elle était voulue, attendue par les français, comme l'avaient montré les Etats généraux de la santé. Elle représente une avancée démocratique essentielle.
Notre société évolue : elle veut profiter de tous les progrès scientifiques et technologiques, et bénéficier des avancées de la médecine. Mais elle ne veut plus accepter ces progrès sans envisager et prévenir les risques éventuels. Nous passons ainsi d'une attitude passive à une attitude plus adulte, plus responsable. Encore faut-il se donner les moyens d'exercer cette responsabilité du choix éclairé.
La tenue de ces conférences de presse consacrées à la santé publique et à la sécurité sanitaire pour assurer l'information régulière, mais aussi les réunions publiques organisées par les agences de sécurité sanitaire, la transparence comme ligne de conduite, la pédagogie du risque, prennent ici tout leur sens. A quoi sert-il d'être transparent, si nous n'expliquons pas suffisamment le contexte de notre action, quels sont nos objectifs et nos contraintes ? A quoi sert-il pour le public d'être informé s'il ne peut pas réellement participer ou être associé aux décisions qui le concernent ?
Nous touchons là au cur de la démocratie sanitaire, véritable éthique de la gestion de la santé dont nous avons posé les bases et que tous les acteurs doivent maintenant s'approprier.
Le forum des associations de la santé qui s'est tenu ici même le 26 mars, ainsi que le colloque international sur les décisions de sécurité sanitaire ont permis d'aborder le rôle des usagers et associations dans les processus d'expertise et de décisions et d'identifier les axes de progrès pour que ces principes démocratiques soient encore plus présents et plus visibles dans notre exercice de sécurité sanitaire.
Il est ressorti de ces débats, que les phases d'expertise doivent être mieux définies, que les acteurs intervenants dans ces expertises, la façon de communiquer, d'expliquer, sont des éléments déterminants de l'acceptabilité sociale des décisions. La société, l'ensemble des partenaires, doivent être associés dès les phases précoces du processus d'évaluation, d'expertise, et de décision. Cette participation précoce est d'autant plus importante que les décisions ont un impact social et financier pour la collectivité.
Les associations ont souligné la nécessité d'acquérir une compétence technique, un savoir-faire pour une participation active et efficace dans les instances de santé et pour jouer pleinement leur rôle dans les processus de décision. Nous devons les aider, en leur offrant les facilités de formation et de participation. C'est le sens des dispositions de la loi " Droits des malades et qualité du système de santé ".
Vous mêmes avez un rôle majeur à jouer dans le relais des informations pour les rendre accessibles au plus grand nombre. Vous avez aussi une grande responsabilité dans la construction de cette démocratie sanitaire.
Je pense que nous sommes sur la bonne voie. Les sujets de sécurité sanitaire paraissent désormais moins abstraits et la notion du risque, qui accompagne toute action de santé individuelle ou publique est mieux appréhendée et donc en voie d'être mieux acceptée par la société.
Certes, il nous reste à faire des progrès en matière de risque choisi, je me suis exprimé déjà sur les risques sanitaires liés au tabac, à l'alcool, à la conduite automobile. Mais nous évoquerons aujourd'hui l'actualité des risques et dangers " subis " par la population, pour la maîtrise desquels nôtre rôle, en tant que pouvoirs publics, est incessible.
. La sécurité des produits de santé.
La sécurité transfusionnelle s'est construite depuis de nombreuses années avec la réorganisation des structures en charge des collectes, de la fabrication et des contrôles des produits sanguins.
La sélection des donneurs, le caractère éthique du don, les tests de dépistage font de notre système l'un des plus sûrs. Ces exigences de sécurité, nous les portons au niveau européen, dans le cadre de l'élaboration de la directive européenne sur les produits sanguins.
Ces progrès ne doivent pas nous faire oublier qu'il persiste un risque résiduel de transmettre un agent infectieux qui ne serait pas détecté lors de la sélection du donneur ou lors de la réalisation de tests de dépistage. Depuis la mise en place du dépistage génomique viral (DGV), le risque estimé de transmission du virus du sida est de 1 pour 3,5 millions de dons. Cela revient à dire qu'il survient théoriquement une contamination tous les deux ans. Nous avons détecté ainsi une contamination post-transfusionnelle en janvier 2002, liée à la transfusion de globules rouges. La précédente séroconversion recensée après transfusion date de 1998 : cette année-là, une séroconversion pour le VIH avait été rapportée.
La communication qui a été faite sur cette séroconversion illustre bien les progrès accomplis dans l'information en matière de risques liés aux produits de santé.
En ce qui concerne les médicaments dérivés du sang, aussi appelés produits sanguins stables, leur fabrication à partir de plasma comporte des étapes d'inactivation des virus. Même si un don est porteur du virus VIH, ces procédures d'inactivation virale, par solvant-détergent notamment, permettent de sécuriser les produits. Cette évaluation a été à nouveau confirmée par le groupe de sécurité virale de l'AFSSaPS que j'avais saisi à propos d'un exemple concret dont nous avons été informés le mois dernier. Je rend public aujourd'hui l'avis qu'il vient de me rendre.
En revanche, les connaissances en matière de prions demeurent parcellaires : dans ce domaine, l'impossibilité de mesurer précisément le risque ou l'efficacité d'un procédé d'élimination laisse la place à l'incertitude. Les mesures prises sont alors basées sur le principe de précaution, et non sur la mesure d'un risque quantifié, afin de réduire un risque théorique de transmission. Il est important de connaître les principes d'évaluation des risques pour comprendre les décisions de sécurité sanitaire qui en découlent. C'est pourquoi, j'attache beaucoup d'importance à la pédagogie du risque, pour améliorer l'acceptabilité sociale des décisions.
A propos des prions, vous avez appris la semaine dernière la découverte en France d'un sixième cas suspect de la variante de la maladie de Creutzfeldt-Jakob. Ce cas est signalé sur le site de l'Institut de Veille Sanitaire.
. Les maladies infectieuses
A travers ces exemples, nous constatons encore que la prévention et le traitement des maladies infectieuses restent des sujets d'actualité, 100 ans après la loi de santé publique de 1902 qui posait les bases de la protection de la santé publique avec les mesures générales d'hygiène et les principes de surveillance des maladies avec les premières déclarations obligatoires.
La campagne de vaccination contre le méningocoque C menée dans le Puy de Dôme s'est très bien déroulée grâce à la mobilisation de tous. Elle a suscité beaucoup de réactions, tant de la part d'opposants à la vaccination que de la part de personnes demandant une vaccination plus large. A ma demande, le Comité technique des vaccinations et le Conseil supérieur d'hygiène publique de France se sont prononcés le 8 mars dernier sur la stratégie vaccinale vis à vis du méningocoque C. Ils recommandent de ne vacciner par le vaccin conjugué que certains groupes ou populations à risque, tout en maintenant une vigilance épidémiologique permettant, à tout moment de réévaluer cette position en cas d'augmentation de l'incidence des infections à méningocoques C. Cet avis est basé sur l'évaluation, à ce jour, des bénéfices attendus d'une vaccination large par rapport au risque d'effets secondaires et au risque de voir apparaître des souches de méningocoques pour lesquels aucun vaccin ne serait disponible.
Concernant l'hépatite B, le Conseil supérieur d'hygiène publique de France, prenant en compte le rapport du Pr Dartigues, a émis des recommandations de vaccination. L'avis du Conseil supérieur d'hygiène recommande la vaccination des enfants en privilégiant la vaccination des nourrissons. Bien sûr, le choix des parents reste l'élément déterminant. Les usagers et les professionnels de santé participeront, avec les autorités sanitaires, à l'étude des modalités de mise en uvre de cet avis.
Un autre avis a été rendu sur la vaccination par le vaccin pneumococcique heptavalent (Prevenar). Il recommande la vaccination d'enfants exposés à un risque du fait d'une pathologie ou du mode de vie avant deux ans (garde avec plus de deux enfants, fratrie d'au moins trois enfants d'âge préscolaire). Il recommande aussi la mise en place d'une surveillance épidémiologique et d'un suivi de pharmacovigilance actif. Ce dossier sera examiné cette semaine par la commission de la transparence.
L'actualité récente a concerné également les infections nosocomiales. Dans ce domaine, nous avons développé une politique active et cohérente, basée sur la formation, les bonnes pratiques, la surveillance. Nous nous sommes donné les moyens de cette politique, notamment depuis 1998, puisque 120 millions d'euros environ ont été " fléchés " pour renforcer les équipes d'hygiène et de stérilisation, acquérir des équipements et des dispositifs médicaux à usage unique. Cette politique a su mobiliser les professionnels de santé puisque 1533 hôpitaux et cliniques, représentant 78 % des lits d'hospitalisation en France, ont participé à l'enquête de prévalence des infections nosocomiales en 2001 contre 800 en 1996.
Les résultats préliminaires de cette enquête, communiqués le 5 mars dernier lors d'un colloque organisé par le Ministère, nous encouragent à poursuivre dans cette voie. En effet, les chiffres montrent une tendance à la baisse des infections, confirmée par des études au long court sur certains type d'infections comme les infections post-opératoires.
Il nous faut rester très vigilants et attentifs aux nombreux modes de transmission lors d'actes de diagnostic ou de soins. Récemment, le risque de transmission d'infection bactérienne par des endoscopes bronchiques défectueux a été évoqué. En effet, des cas d'infection respiratoire bactérienne qui pourraient être en rapport avec un défaut de certains bronchoscopes ont été rapportés aux Etats-Unis. L'observation de ce même défaut sur des bronchoscopes en France a donné lieu à la diffusion de messages aux hôpitaux et cliniques, aux médecins utilisateurs et au public afin de surveiller et d'informer les patients exposés et repérer d'éventuels cas d'infections. Les endoscopes défectueux ne sont plus utilisés et seront modifiés. Les investigations se poursuivent, notamment avec l'Institut de veille sanitaire pour étudier l'éventuel impact sanitaire de ce défaut.
En ce qui concerne la lutte contre les légionelles, à l'hôpital comme à l'extérieur de l'hôpital, certains se sont récemment étonnés de ce qu'ils ont qualifié de lenteur de l'administration pour agréer un nouveau procédé de traitement de l'eau, l'ionisation cuivre-argent, qui serait efficace sur les légionelles. Devant ce sujet important de santé publique, il convient d'être rigoureux, de mener les études nécessaires d'évaluation de l'efficacité et de la tolérance. C'est le rôle de la Direction générale de la santé et de l'Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments, qui suivent ce dossier de près. Une étude sur site pourrait d'ailleurs être prochainement démarrée si les données préliminaires de sécurité sanitaire sont disponibles. Je souligne que l'intérêt de nos rencontres régulières est justement de pouvoir aborder tous ces sujets, en présence des acteurs concernés, et de pouvoir obtenir les renseignements que vous souhaitez, sans polémique inutile.
Nous avons toujours pris le parti de la transparence et du dialogue lorsque nous sommes interpellés sur nos actions, ou pour communiquer des résultats d'étude, d'enquêtes ou des rapports officiels, qu'il s'agisse de rapports sur la stérilisation ou de rapports de l'Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS).
. Les risques liés à l'environnement
L'actualité récente des risques liés à l'environnement a été marquée par les problèmes de contamination par des dioxines du fait du mauvais fonctionnement de certains incinérateurs d'ordures ménagères et par une polémique sur les études épidémiologiques conduites sur le site de l'Ecole de Vincennes.
Les autorités sanitaires, l'Institut de Veille Sanitaire et bientôt l'Agence Française de Sécurité Sanitaire Environnementale mènent ainsi des enquêtes et investigations parfois longues et complexes pour prendre la mesure de la réalité des risques et de l'imputabilité à tel ou tel facteur de l'environnement. Les usagers, la population concernée sont associées à ces démarches. Ainsi, pour Vincennes, le comité de suivi auquel participe le collectif des riverains se réunira le 22 mai prochain pour examiner les résultats globaux des enquêtes épidémiologiques menées depuis un an.
En ce qui concerne les risques liés aux dioxines, j'ai demandé à l'Institut de Veille Sanitaire et à l'Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments de conduire une étude épidémiologique nationale d'imprégnation de la population afin de compléter les connaissances acquises en 1999. Ce sujet complexe nécessite une réflexion sur les méthodes d'évaluation du risque. En attendant, les mesures de mise en conformité des rejets d'incinérateurs doivent être menées à terme, et conduire à la fermeture des installations hors-norme. C'est le sens de l'action menée par mon ministère pour les incinérateurs de déchets de soins dans les hôpitaux ; aujourd'hui, on ne recense plus sur le territoire métropolitain que deux incinérateurs d'hôpitaux en fonctionnement, l'un, à Limoges respecte les normes, l'autre, à Verdun, sera fermé ce mois-ci.
Pour terminer, je citerai quelques points sur lesquels nous avons manqué de temps pour aller aussi loin que nous l'aurions souhaité.
Tout d'abord, dans le domaine de l'évaluation des risques, en particulier ceux liés à l'environnement que j'ai évoqué plus haut, nous nous heurtons à notre incapacité à positionner les risques les uns par rapport aux autres pour dégager des priorités d'action. J'avais souhaité pouvoir proposer des éléments pour une hiérarchisation des risques. La réflexion sur la pertinence d'une telle échelle des risques reste à conduire, avec les difficultés liées à la diversité des risques, à l'impossibilité d'affecter une valeur précise à certains facteurs qui pèsent dans les processus de décision : quelle échelle de risque pour l'angoisse des parents de l'école de Vincennes ? Cette réflexion nécessaire doit impliquer tous les partenaires concernés : experts, professionnels, décideurs et citoyens.
Un autre point sur lequel nous devons progresser, est l'évaluation des risques professionnels et la quantification des expositions aux risques. Le problème qui se pose est celui de la surveillance prolongée d'une population, parfois longtemps après l'exposition. Je pense bien sûr à l'exposition à l'amiante dont les effets se manifestent à distance, ou à l'évaluation de risques liés à l'uranium appauvri.
Ensuite, pour rendre plus efficace notre système de santé, sa gestion devra être rénovée. Les usagers et malades devraient ainsi être associés, aux côtés des professionnels de santé, des organismes de sécurité sociale et des pouvoirs publics, à la gestion de ce système, s'il veut rester le premier au monde, en termes d'efficacité et de réponse aux attentes des citoyens. Ces changements, nous les avons préparés, mais cette avancée dans la démocratie sanitaire ne peut se construire qu'avec la mobilisation de tous, la responsabilisation de chaque acteur pour une utilisation optimale des moyens consacrés à la santé.
Le rapport que me remet ce matin Etienne Caniard sur les recommandations de bonnes pratiques comme outil de dialogue, de responsabilité et de diffusion de l'innovation illustre cette évolution pour les professionnels de santé.
L'étude menée fait en effet apparaître que les recommandations de bonnes pratiques sont reconnues pour leur qualité et pour le niveau d'exigence atteint mais que leur diffusion n'est pas suffisante auprès des professionnels de santé. Pour y remédier diverses pistes d'action sont possibles.
Au stade de l'élaboration, il s'agit tout d'abord de mieux choisir les thèmes, grâce à une meilleure connaissance des pratiques et à une meilleure articulation avec les priorités de santé publique. Il convient également d'associer les professionnels et les usagers le plus en amont possible.
Il faut également rendre l'élaboration plus rapide et plus réactive, pour éviter que les recommandations ne soient obsolètes à peine sorties.
En outre, l'appropriation des recommandations par les professionnels passe par une contractualisation, permise dans le nouveau cadre conventionnel récemment adopté par le Parlement.
Enfin, la diffusion, qui doit faire l'objet de plus d'attention, doit s'appuyer sur des vecteurs reconnus par les professionnels et doit, là encore, être mieux relayée par les usagers.
POUR CONCLURE
Les 10 années (1992-2002) qui viennent de s'écouler ont donc permis de développer en France un véritable dispositif de sécurité sanitaire. Mais nous ne pouvons aujourd'hui en rester là. Il nous faut construire une sécurité sanitaire à l'échelon européen. Certes il existe déjà une agence européenne pour les médicaments et une Autorité européenne pour la sécurité alimentaire, dont j'avais soutenu le projet dès 1996.
Il faut aller plus loin :
Les systèmes de surveillance de la santé de la population doivent prendre en compte ces enjeux européens. C'est déjà le cas pour certains réseaux de surveillance coordonnés par l'Institut de Veille Sanitaire, en particulier vis-à-vis du VIH, de la tuberculose ou des légionelloses.
Mais notre développement technologique et industriel génère régulièrement de nouveaux risques.
La surveillance de l'environnement constitue ainsi un thème prioritaire. Nous l'avons vu avec la catastrophe de Tchernobyl. Nous le constatons avec l'émergence de nouveaux risques : dioxines, éthers de glycol, pesticides La pollution ne connaît pas de frontières et la sécurité doit être assurée pour tous les citoyens européens.
C'est également dans cette optique que nous développons nos plans de réponse au risque bioterroriste, en concertation avec nos principaux partenaires européens.
Les risques sont en effet non seulement ceux souvent attachés au développement industriel mais aussi ceux du développement des inégalités sociales, économiques et politiques qui s'aggravent de façon très préoccupante à l'échelon du monde.
Nous devons dans ces démarches prendre en compte tous les risques que nous partageons non seulement avec nos voisins européens, mais également avec les pays du Sud, les pays en développement. Nous avons là un devoir de solidarité et d'assistance avec les pays les plus vulnérables. La cohérence de notre sécurité se fonde sur les logiques de solidarité.
Cet engagement s'inscrit dans la nécessité d'une vision de la santé publique sur le long terme.
La santé, à l'image des questions de sécurité sanitaire, ne peut se concevoir comme une forme de repli. Elle ne s'accommode pas d'un quelconque protectionnisme.
Tout au contraire, elle nécessite une démarche concertée entre les pays qui partagent l'idée que la santé des peuples constitue la finalité d'un projet de société.
Ainsi la sécurité sanitaire ne doit pas s'entendre comme une simple somme de contraintes, mais comme un projet concerté auquel doivent participer les experts et les décideurs, mais surtout les citoyens concernés.
Ces principes de pédagogie du risque et de démocratie sanitaire sont désormais bien ancrés dans notre politique de santé. Vous y avez tous contribué, au fil de ces rencontres, et au travers de votre mission d'information. Je vous en remercie sincèrement, et je vous invite maintenant à poser toutes les questions que vous souhaitez.

(Source http://www.sante.gouv.fr, le 12 avril 2002)