Texte intégral
Interview à LCI le 20 mars 2002
A. Hausser On a assisté à une séquence un peu inattendue, hier soir, quand on a entendu L. Jospin sur France 3 qui s'est dit désolé des propos qu'il a tenus sur J. Chirac, quand il avait dit qu'il l'avait trouvé "vieilli, usé, fatigué" - ce sont ses mots, je crois. Est-ce qu'il tire la conséquence de son effritement dans les sondages ?
- "On ne devrait jamais être étonné de la franchise. L. Jospin a dit le contexte dans lesquels ses propos avaient pu être rapportés. Il a considéré que ce n'était pas en tout cas sa pensée. Il l'a dit très franchement à la télévision, interrogé par E. Lucet. Et il a eu raison."
Vous pensez que l'incident est clos ?
- "Je pense. Et d'ailleurs, il n'aurait même pas dû être ouvert."
Les sondages vont en tirer la conséquence...
- "Soyons prudents d'une manière générale par rapport aux sondages ; et ensuite, j'aimerais bien prendre tous les sondages aujourd'hui comme le résultat des élections, puisqu'ils donnent tous L. Jospin vainqueur - de peu c'est vrai - au second tour. Ce qui doit en revanche nous mobiliser, c'est le premier tour. Et je trouve que, dans cette campagne, on fait une campagne de second tour entre les deux principaux candidats que l'on peut imaginer, effectivement, présents à ce stade de la compétition. On oublie la nature du premier tour. Le premier tour est, quand même, un vote de préférence et donc, tous ceux qui se reconnaissent dans tel ou tel candidat, et en l'occurrence en L. Jospin, doivent le marquer dès le premier tour, parce qu'après, il y aura une dynamique qui viendra du premier tour pour aller vers le second tour. Et si on fait l'impasse, en considérant qu'il y aura deux élections - une de premier tour où on se disperse et où on se partage, voire où on ne vient pas voter et une deuxième élection presque déconnectée de la première pour le second tour -, on fait une mauvaise analyse du scrutin."
Le premier tour va forger la majorité de demain. Vous pensez peut-être aux déclarations de R. Hue, qui se montre assez offensif à l'égard de L. Jospin, qui parle de dérive droitière et qui, à propos, de l'accord de Barcelone sur EDF-GDF, dit que ce serait un casus belli si on ouvrait le capital. Cela avait déjà été dit pour France Télécom, remarquez !
- "R. Hue fait une campagne. Il affirme ses positions ; il pose son identité. C'est normal et il pense aussi à la dynamique qui doit se créer au-delà du premier tour. Moi, je considère qu'effectivement, il faudra que nous entendions toutes les sensibilités de la gauche plurielle. C'est d'elle que viendra cette mobilisation qui fera, non seulement, la victoire, je l'espère, mais fera la majorité de demain qui, je le dis aussi à J. Chirac, est déjà la majorité d'aujourd'hui. Pour nous, la gauche plurielle existe. Elle a travaillé pendant cinq ans. Il y a eu des discussions, des compromis, des synthèses, mais nous avons fait voter tous les textes dans cette législature. Alors, je souhaite que cette gauche plurielle se retrouve, non seulement dans l'élection présidentielle, mais aussi, au moment des élections législatives, de façon à ce que nous puissions la continuer, et même l'amplifier. J'entends R. Hue, comme j'entends N. Mamère et les radicaux de gauche."
Vous allez encore plus loin, vous faites déjà le troisième tour en parlant des législatives !
- "Je le fais parce qu'on nous a fait une remarque assez étonnante l'autre jour. Je parle notamment de J. Chirac. Avec quelle majorité allez-vous gouverner ? J'avais envie de dire : mais aujourd'hui, quelle est la majorité de J. Chirac ? C'est l'opposition. Et dans quel état ! Il prenait comme référence, pour montrer la solidité de la droite, cette fameuse réunion de Toulouse où nous avons eu sifflets, quolibets, irruption de F. Bayrou. Je n'avais pas le sentiment que cela était la future majorité du pays."
Ils ont quand même adopté un manifeste en une vingtaine de points...
- "Pardon ! Ah bon ! Mais qui en a parlé ? Peut-être, vous, sans doute parce que vous avez une grande conscience professionnelle. Mais, pour le reste, personne n'en a justement fait ébat. Mais vous avez raison : prenons les scrutins comme ils viennent. Il y a d'abord une campagne de premier tour pour l'élection présidentielle. Il faut que, nous, les socialistes, nous affirmions notre message. Il y aura une campagne de second tour, et il faudra qu'il y ait un rassemblement autour de L. Jospin. Et, ensuite, il y a une campagne des législatives."
On se creuse un peu pour trouver la vraie différence entre les programmes de J. Chirac et de L. Jospin. Il semblerait que cela porte essentiellement sur la fiscalité, plus que sur les engagements de sécurité, de formation, d'emplois ? Tout le monde est à peu près sur la même ligne ?
- "Je ne suis pas d'accord avec vous. Sur l'emploi - c'est une question majeure, car il y a encore plus de 2 millions de chômeurs -, quel est le message de J. Chirac : la confiance donnée encore et toujours aux mêmes chefs d'entreprises à travers toujours les mêmes avantages."
Ce sont eux qui embauchent !
- "Bien sûr, mais la baisse des cotisations sociales sans contrepartie ? Nous avons dit - et c'était déjà la grande différence en 1997 -, que si on veut favoriser l'emploi dans ce pays, il faut être volontariste. Nous avons fait les emplois-jeunes et les 35 heures dans la précédente législature. Là, il faudrait donner un droit à la formation, parce qu'on sait bien que c'est sur le terrain de la qualification et de l'insertion, de la professionnalisation, de l'adéquation entre les emplois de demain et les salariés d'aujourd'hui qu'il faut faire l'effort. Deuxièmement, nous pourrons faire baisser un certain nombre de charges sociales si c'est nécessaire, mais en contrepartie de créations d'emplois, pas d'une manière générale et systématique. Et puis, il y a une différence aussi majeure sur la question des retraites. D'un côté retraite par capitalisation - ce n'est pas rien - avec fonds de pension. C'est dans le projet de J. Chirac. Je respecte cette position. Et puis, nous, retraite par répartition, ce qui ne veut pas dire qu'il n'y aura pas des ajustements. Sur la fiscalité - c'est un élément et un élément seulement - parce que j'aurai pu parler des 35 heures qui seront, comme dit J. Chirac, "assouplies". Chacun le sait qu'elles seront abrogées, car la liberté ce n'est pas celle du salarié. Vous avez vu dans une entreprise - je ne sais pas comment cela se passe ici - des salariés qui demandent des heures supplémentaires ? Généralement, c'est le patron et le chef d'entreprise qui fixent le contingent des heures supplémentaires. C'est une fausse liberté et donc, plus exactement, c'est une liberté qui sera donnée à certains et pas à d'autres. Mais sur la fiscalité - qui est aussi un sujet essentiel -, d'un côté on nous dit - avec quelle crédibilité, car à chaque fois qu'elle est au pouvoir, elle augmente les impôts ? Mais restons sur les projet - une baisse de 33 % de l'impôt sur le revenu et des hautes tranches notamment. Et nous, nous disons : baisse de moitié de la taxe d'habitation. Chacun peut faire ses calculs et on voit qui est avantagé."
Il y a beaucoup de Français qui ne la payent pas non plus.
- "Uniquement les personnes âgées qui ne payent pas l'impôt sur le revenu et qui sont dans des conditions sociales ou un certain nombre de RMIstes. Là, le fait de réduire de moitié la taxe d'habitation, ce sera une diminution d'impôt pour tous les Français - et de l'impôt le plus injuste."
Je voudrais vous poser une question sur la Corse : vous avez vu les incidents qui se sont produits, hier soir, au moment de la visite de J.-P. Chevènement ? Vous trouvez cela normal ?
- "Je trouve regrettable, condamnable, inadmissible dans la République, que ce soit en Corse ou dans tel ou tel point du territoire, qu'on empêche une réunion de se tenir, quels que soit ceux ou celles qui manifestent. Il y a un droit fondamental dans notre démocratie : c'est la liberté de réunion. Il y a un autre droit : c'est la liberté de manifestation. Les manifestations peuvent se tenir, les réunions aussi."
L. Jospin ira quand même en Corse ?
- "Je souhaite qu'il aille dans la plupart des grandes régions. La Corse est une région comme les autres. Je trouve normal qu'il aille entre les deux tours en Corse. Mais c'est lui qui fait son programme et c'est lui qui fait ses déplacements."
Et vous trouveriez normal que J.-M. Le Pen ne puisse pas être candidat ?
- "Il y a une règle là-aussi. Nous sommes en République : il y a une règle. Elle est bonne ou mauvaise, mais c'est la règle de tous. Ce sont les 500 signatures. Chacun doit s'y soumettre."
A propos du Proche-Orient, vous avez reçu le président de la Knesset hier. Est-ce que vous vous félicitez, vous aussi, de l'engagement américain au Proche-Orient ou est-ce qu'il y aurait d'autres solutions ?
- "Je pense qu'il faut un engagement américain et européen et commun. C'est ce que nous a dit le président de la Knesset : si on veut se faire entendre - de Sharon notamment, mais aussi des Palestiniens qui doivent assurer la sécurité des Israéliens, lesquels doivent assurer un Etat palestinien -, si on veut être efficaces et puissants dans cette région et rétablir la paix, il faut une pression américaine et européenne et dans le même sens."
(Source :Premier ministre, Service d'information du gouvernement, le 21 mars 2002)
Interview à "La Dépêche du Midi" datée du 22 mars 2002
Question 1 : Le maître mot de cette campagne semble être la crédibilité. Mais Chirac et Jospin sont-ils vraiment crédibles lorsqu'ils proposent respectivement une baisse d'un tiers des impôts sur cinq ans, et un objectif de "zéro SDF" en 2007 ?
FH : La crédibilité se fonde sur l'action et non pas sur des mots. Celle de Lionel Jospin depuis 1997 est telle que lorsqu'il avance une perspective, une tendance, une volonté comme zéro SDF, on sait qu'il se donnera -s'il est élu- les moyens nécessaires pour l'accomplissement de cet objectif de Couverture Logement Universel à l'image de la Couverture Maladie Universelle. En revanche, même si Jacques Chirac réussissait à financer ses 30 % de baisses d'impôts sur le revenu, ce serait les plus privilégiés qui en seraient les seuls bénéficiaires. Donc il n'est pas question seulement crédibilité mais aussi de justice sociale.
Question 2 : Le projet de Jospin peut-il rassembler ultérieurement la gauche plurielle ?
FH : Ce projet intègre les propositions du PS, prend en compte les réalités de l'action gouvernementale depuis cinq ans avec la gauche plurielle, et il avance des thématiques qui peuvent demain s'enrichir sur l'environnement ou sur la prévention en matière d'insécurité et peuvent permettre un plus large rassemblement pour le second tour. Nous n'envisageons pas cette élection comme la campagne du Parti socialiste et centré sur lui. Nous voulons garder notre identité, mais un projet présidentiel est un projet de rassemblement.
Question 3 : Cette élection sera serrée entre Chirac et Jospin. Sur quoi va-t-elle se jouer ? Sur les programmes ou sur les erreurs de l'un et de l'autre ?
FH : Il faut que ce soit une élection positive, et non une élection par défaut. Mais ce qui doit compter pour le pays c'est de s'engager pour un candidat qui permettra à la France d'avancer sur la lutte contre la violence, l'autonomie des jeunes et la préservation des retraites. Il s'agit de faire un choix utile pour les cinq années qui viennent. Nous présentons une dizaine d'engagements qui sont de même ampleur que les 35 heures ou les emplois jeunes.
Question 4 : On a du mal à déceler lesquels...
FH : La formation sur toute la vie à travers l'ouverture d'un compte formation personnalisé n'est pas une ambition moins forte que les 35 heures, puisqu'il s'agit de régler la question du temps de formation, de travail et de repos à l'échelle de tous. De la même manière, lorsqu'on propose un contrat de retour à l'emploi pour les plus de 50 ans, cela a la même force que les emplois jeunes.
Question 5 : Vous avez fortement attaqué Arlette Laguiller récemment. Sa progression vous inquiète à ce point ?
FH : Ce qu'on doit entendre c'est le message de ceux qui peuvent se retrouver sur de telles candidatures ou dans l'abstention, à savoir ceux qui ont souffert socialement et qui contestent le capitalisme. Ce message-là doit être aussi le nôtre. Il ne faut pas considérer que cet électorat serait lié pour toujours à la seule protestation. Mais ce qui est en cause avec A. Laguiller, c'est sa pseudo équivalence entre gauche et droite. Curieux slogan pour une révolutionnaire que de penser que le retour de la droite ne serait pas grave pour les travailleurs.
Question 6 : Si Le Pen n'obtient pas ses 500 signatures, est-il normal que, sur le plan de la démocratie, le courant qu'il représente ne soit présent dans l'élection présidentielle ?
La démocratie, c'est le respect des règles. Les 500 signatures n'ont pas été inventées pour avantager ou pénaliser telle ou telle candidature. La règle qui n'est pas nouvelle vaut pour tout le monde, et on ne peut la changer en marche.
Recueilli par JEAN-PIERRE BEDEI
(source http://www.parti-socialiste.fr, le 9 avril 2002)
A. Hausser On a assisté à une séquence un peu inattendue, hier soir, quand on a entendu L. Jospin sur France 3 qui s'est dit désolé des propos qu'il a tenus sur J. Chirac, quand il avait dit qu'il l'avait trouvé "vieilli, usé, fatigué" - ce sont ses mots, je crois. Est-ce qu'il tire la conséquence de son effritement dans les sondages ?
- "On ne devrait jamais être étonné de la franchise. L. Jospin a dit le contexte dans lesquels ses propos avaient pu être rapportés. Il a considéré que ce n'était pas en tout cas sa pensée. Il l'a dit très franchement à la télévision, interrogé par E. Lucet. Et il a eu raison."
Vous pensez que l'incident est clos ?
- "Je pense. Et d'ailleurs, il n'aurait même pas dû être ouvert."
Les sondages vont en tirer la conséquence...
- "Soyons prudents d'une manière générale par rapport aux sondages ; et ensuite, j'aimerais bien prendre tous les sondages aujourd'hui comme le résultat des élections, puisqu'ils donnent tous L. Jospin vainqueur - de peu c'est vrai - au second tour. Ce qui doit en revanche nous mobiliser, c'est le premier tour. Et je trouve que, dans cette campagne, on fait une campagne de second tour entre les deux principaux candidats que l'on peut imaginer, effectivement, présents à ce stade de la compétition. On oublie la nature du premier tour. Le premier tour est, quand même, un vote de préférence et donc, tous ceux qui se reconnaissent dans tel ou tel candidat, et en l'occurrence en L. Jospin, doivent le marquer dès le premier tour, parce qu'après, il y aura une dynamique qui viendra du premier tour pour aller vers le second tour. Et si on fait l'impasse, en considérant qu'il y aura deux élections - une de premier tour où on se disperse et où on se partage, voire où on ne vient pas voter et une deuxième élection presque déconnectée de la première pour le second tour -, on fait une mauvaise analyse du scrutin."
Le premier tour va forger la majorité de demain. Vous pensez peut-être aux déclarations de R. Hue, qui se montre assez offensif à l'égard de L. Jospin, qui parle de dérive droitière et qui, à propos, de l'accord de Barcelone sur EDF-GDF, dit que ce serait un casus belli si on ouvrait le capital. Cela avait déjà été dit pour France Télécom, remarquez !
- "R. Hue fait une campagne. Il affirme ses positions ; il pose son identité. C'est normal et il pense aussi à la dynamique qui doit se créer au-delà du premier tour. Moi, je considère qu'effectivement, il faudra que nous entendions toutes les sensibilités de la gauche plurielle. C'est d'elle que viendra cette mobilisation qui fera, non seulement, la victoire, je l'espère, mais fera la majorité de demain qui, je le dis aussi à J. Chirac, est déjà la majorité d'aujourd'hui. Pour nous, la gauche plurielle existe. Elle a travaillé pendant cinq ans. Il y a eu des discussions, des compromis, des synthèses, mais nous avons fait voter tous les textes dans cette législature. Alors, je souhaite que cette gauche plurielle se retrouve, non seulement dans l'élection présidentielle, mais aussi, au moment des élections législatives, de façon à ce que nous puissions la continuer, et même l'amplifier. J'entends R. Hue, comme j'entends N. Mamère et les radicaux de gauche."
Vous allez encore plus loin, vous faites déjà le troisième tour en parlant des législatives !
- "Je le fais parce qu'on nous a fait une remarque assez étonnante l'autre jour. Je parle notamment de J. Chirac. Avec quelle majorité allez-vous gouverner ? J'avais envie de dire : mais aujourd'hui, quelle est la majorité de J. Chirac ? C'est l'opposition. Et dans quel état ! Il prenait comme référence, pour montrer la solidité de la droite, cette fameuse réunion de Toulouse où nous avons eu sifflets, quolibets, irruption de F. Bayrou. Je n'avais pas le sentiment que cela était la future majorité du pays."
Ils ont quand même adopté un manifeste en une vingtaine de points...
- "Pardon ! Ah bon ! Mais qui en a parlé ? Peut-être, vous, sans doute parce que vous avez une grande conscience professionnelle. Mais, pour le reste, personne n'en a justement fait ébat. Mais vous avez raison : prenons les scrutins comme ils viennent. Il y a d'abord une campagne de premier tour pour l'élection présidentielle. Il faut que, nous, les socialistes, nous affirmions notre message. Il y aura une campagne de second tour, et il faudra qu'il y ait un rassemblement autour de L. Jospin. Et, ensuite, il y a une campagne des législatives."
On se creuse un peu pour trouver la vraie différence entre les programmes de J. Chirac et de L. Jospin. Il semblerait que cela porte essentiellement sur la fiscalité, plus que sur les engagements de sécurité, de formation, d'emplois ? Tout le monde est à peu près sur la même ligne ?
- "Je ne suis pas d'accord avec vous. Sur l'emploi - c'est une question majeure, car il y a encore plus de 2 millions de chômeurs -, quel est le message de J. Chirac : la confiance donnée encore et toujours aux mêmes chefs d'entreprises à travers toujours les mêmes avantages."
Ce sont eux qui embauchent !
- "Bien sûr, mais la baisse des cotisations sociales sans contrepartie ? Nous avons dit - et c'était déjà la grande différence en 1997 -, que si on veut favoriser l'emploi dans ce pays, il faut être volontariste. Nous avons fait les emplois-jeunes et les 35 heures dans la précédente législature. Là, il faudrait donner un droit à la formation, parce qu'on sait bien que c'est sur le terrain de la qualification et de l'insertion, de la professionnalisation, de l'adéquation entre les emplois de demain et les salariés d'aujourd'hui qu'il faut faire l'effort. Deuxièmement, nous pourrons faire baisser un certain nombre de charges sociales si c'est nécessaire, mais en contrepartie de créations d'emplois, pas d'une manière générale et systématique. Et puis, il y a une différence aussi majeure sur la question des retraites. D'un côté retraite par capitalisation - ce n'est pas rien - avec fonds de pension. C'est dans le projet de J. Chirac. Je respecte cette position. Et puis, nous, retraite par répartition, ce qui ne veut pas dire qu'il n'y aura pas des ajustements. Sur la fiscalité - c'est un élément et un élément seulement - parce que j'aurai pu parler des 35 heures qui seront, comme dit J. Chirac, "assouplies". Chacun le sait qu'elles seront abrogées, car la liberté ce n'est pas celle du salarié. Vous avez vu dans une entreprise - je ne sais pas comment cela se passe ici - des salariés qui demandent des heures supplémentaires ? Généralement, c'est le patron et le chef d'entreprise qui fixent le contingent des heures supplémentaires. C'est une fausse liberté et donc, plus exactement, c'est une liberté qui sera donnée à certains et pas à d'autres. Mais sur la fiscalité - qui est aussi un sujet essentiel -, d'un côté on nous dit - avec quelle crédibilité, car à chaque fois qu'elle est au pouvoir, elle augmente les impôts ? Mais restons sur les projet - une baisse de 33 % de l'impôt sur le revenu et des hautes tranches notamment. Et nous, nous disons : baisse de moitié de la taxe d'habitation. Chacun peut faire ses calculs et on voit qui est avantagé."
Il y a beaucoup de Français qui ne la payent pas non plus.
- "Uniquement les personnes âgées qui ne payent pas l'impôt sur le revenu et qui sont dans des conditions sociales ou un certain nombre de RMIstes. Là, le fait de réduire de moitié la taxe d'habitation, ce sera une diminution d'impôt pour tous les Français - et de l'impôt le plus injuste."
Je voudrais vous poser une question sur la Corse : vous avez vu les incidents qui se sont produits, hier soir, au moment de la visite de J.-P. Chevènement ? Vous trouvez cela normal ?
- "Je trouve regrettable, condamnable, inadmissible dans la République, que ce soit en Corse ou dans tel ou tel point du territoire, qu'on empêche une réunion de se tenir, quels que soit ceux ou celles qui manifestent. Il y a un droit fondamental dans notre démocratie : c'est la liberté de réunion. Il y a un autre droit : c'est la liberté de manifestation. Les manifestations peuvent se tenir, les réunions aussi."
L. Jospin ira quand même en Corse ?
- "Je souhaite qu'il aille dans la plupart des grandes régions. La Corse est une région comme les autres. Je trouve normal qu'il aille entre les deux tours en Corse. Mais c'est lui qui fait son programme et c'est lui qui fait ses déplacements."
Et vous trouveriez normal que J.-M. Le Pen ne puisse pas être candidat ?
- "Il y a une règle là-aussi. Nous sommes en République : il y a une règle. Elle est bonne ou mauvaise, mais c'est la règle de tous. Ce sont les 500 signatures. Chacun doit s'y soumettre."
A propos du Proche-Orient, vous avez reçu le président de la Knesset hier. Est-ce que vous vous félicitez, vous aussi, de l'engagement américain au Proche-Orient ou est-ce qu'il y aurait d'autres solutions ?
- "Je pense qu'il faut un engagement américain et européen et commun. C'est ce que nous a dit le président de la Knesset : si on veut se faire entendre - de Sharon notamment, mais aussi des Palestiniens qui doivent assurer la sécurité des Israéliens, lesquels doivent assurer un Etat palestinien -, si on veut être efficaces et puissants dans cette région et rétablir la paix, il faut une pression américaine et européenne et dans le même sens."
(Source :Premier ministre, Service d'information du gouvernement, le 21 mars 2002)
Interview à "La Dépêche du Midi" datée du 22 mars 2002
Question 1 : Le maître mot de cette campagne semble être la crédibilité. Mais Chirac et Jospin sont-ils vraiment crédibles lorsqu'ils proposent respectivement une baisse d'un tiers des impôts sur cinq ans, et un objectif de "zéro SDF" en 2007 ?
FH : La crédibilité se fonde sur l'action et non pas sur des mots. Celle de Lionel Jospin depuis 1997 est telle que lorsqu'il avance une perspective, une tendance, une volonté comme zéro SDF, on sait qu'il se donnera -s'il est élu- les moyens nécessaires pour l'accomplissement de cet objectif de Couverture Logement Universel à l'image de la Couverture Maladie Universelle. En revanche, même si Jacques Chirac réussissait à financer ses 30 % de baisses d'impôts sur le revenu, ce serait les plus privilégiés qui en seraient les seuls bénéficiaires. Donc il n'est pas question seulement crédibilité mais aussi de justice sociale.
Question 2 : Le projet de Jospin peut-il rassembler ultérieurement la gauche plurielle ?
FH : Ce projet intègre les propositions du PS, prend en compte les réalités de l'action gouvernementale depuis cinq ans avec la gauche plurielle, et il avance des thématiques qui peuvent demain s'enrichir sur l'environnement ou sur la prévention en matière d'insécurité et peuvent permettre un plus large rassemblement pour le second tour. Nous n'envisageons pas cette élection comme la campagne du Parti socialiste et centré sur lui. Nous voulons garder notre identité, mais un projet présidentiel est un projet de rassemblement.
Question 3 : Cette élection sera serrée entre Chirac et Jospin. Sur quoi va-t-elle se jouer ? Sur les programmes ou sur les erreurs de l'un et de l'autre ?
FH : Il faut que ce soit une élection positive, et non une élection par défaut. Mais ce qui doit compter pour le pays c'est de s'engager pour un candidat qui permettra à la France d'avancer sur la lutte contre la violence, l'autonomie des jeunes et la préservation des retraites. Il s'agit de faire un choix utile pour les cinq années qui viennent. Nous présentons une dizaine d'engagements qui sont de même ampleur que les 35 heures ou les emplois jeunes.
Question 4 : On a du mal à déceler lesquels...
FH : La formation sur toute la vie à travers l'ouverture d'un compte formation personnalisé n'est pas une ambition moins forte que les 35 heures, puisqu'il s'agit de régler la question du temps de formation, de travail et de repos à l'échelle de tous. De la même manière, lorsqu'on propose un contrat de retour à l'emploi pour les plus de 50 ans, cela a la même force que les emplois jeunes.
Question 5 : Vous avez fortement attaqué Arlette Laguiller récemment. Sa progression vous inquiète à ce point ?
FH : Ce qu'on doit entendre c'est le message de ceux qui peuvent se retrouver sur de telles candidatures ou dans l'abstention, à savoir ceux qui ont souffert socialement et qui contestent le capitalisme. Ce message-là doit être aussi le nôtre. Il ne faut pas considérer que cet électorat serait lié pour toujours à la seule protestation. Mais ce qui est en cause avec A. Laguiller, c'est sa pseudo équivalence entre gauche et droite. Curieux slogan pour une révolutionnaire que de penser que le retour de la droite ne serait pas grave pour les travailleurs.
Question 6 : Si Le Pen n'obtient pas ses 500 signatures, est-il normal que, sur le plan de la démocratie, le courant qu'il représente ne soit présent dans l'élection présidentielle ?
La démocratie, c'est le respect des règles. Les 500 signatures n'ont pas été inventées pour avantager ou pénaliser telle ou telle candidature. La règle qui n'est pas nouvelle vaut pour tout le monde, et on ne peut la changer en marche.
Recueilli par JEAN-PIERRE BEDEI
(source http://www.parti-socialiste.fr, le 9 avril 2002)