Texte intégral
ENTRETIEN AVEC LA TELEVISION "RADIO-TV-BRAS" Brasilia, le 1er septembre 1999
Je suis extrêmement content de ma première journée au Brésil et de mon séjour à Brasilia. J'ai été reçu d'une manière très amicale par le président de la République et nous avons eu des entretiens très chaleureux et très cordiaux avec mon homologue, le ministre des Affaires étrangères. Cela correspond exactement à ce que je souhaitais. J'étais déjà venu au Brésil lors du Sommet de Rio, en accompagnant le président Chirac. Je pensais qu'il était important de faire un voyage bilatéral parce qu'il y a énormément de sympathie mutuelle entre nos deux pays, et beaucoup de choses à faire sur le plan bilatéral. Il existe beaucoup d'affinités et de convergences sur plan de la politique étrangère, que ce soit sur les sujets relatifs à l'Amérique ou sur tous les sujets traités au sein du Conseil de sécurité des Nations unies.
Q - (sur les relations bilatérales)
R - Au plan politique, elles sont en plein développement. Sur le plan économique, en raison du dynamisme du Brésil, il y a de plus en plus d'entreprises françaises présentes au Brésil dans presque tous les domaines. Cette tendance est bien marquée. Dans le domaine culturel, ainsi que dans le domaine scientifique et de la coopération, il y a de plus en plus d'actions en commun, relancées d'ailleurs par la visite, il y a quelque temps, du ministre français de l'Education, de la Recherche et de la Technologie. Nos relations sur tous les plans sont donc en plein développement, et j'espère encore les stimuler.
Q - (sur les négociations entre les pays du MERCOSUR et l'Union européenne)
R - En 1995, une décision de principe a été prise par l'Europe d'engager un travail de réduction progressive des obstacles aux échanges et au développement des échanges commerciaux entre le MERCOSUR et l'Union européenne, à condition que cette réduction soit progressive, symétrique et proportionnée. Mais la décision précise d'ouvrir la négociation n'avait pas été prise alors. Cette décision a finalement été prise quelque temps avant le Sommet de Rio. Nous avons décidé que les négociations entre l'Union européenne et le MERCOSUR allaient commencer dès cet automne. Nous aborderons tout d'abord les sujets non-tarifaires, puis les sujets tarifaires, notamment les sujets plus difficiles touchant aux exportations agricoles vers l'Europe. Mais il faudra aussi discuter des sujets difficiles dans l'autre sens, concernant l'implantation des industries européennes dans le MERCOSUR, des services d'autre part qui peuvent se développer. C'est une négociation de grande ampleur qui couvrent tous les volets. Et si nous avons finalement trouvé un compromis sur le schéma et sur le calendrier de cette négociation, c'est que, de part et d'autre - et là je parle de tout le monde, pas uniquement de la France et du Brésil -, on pense qu'au bout du compte nous avons tous à gagner. Cette négociation sera difficile pour tous, mais l'objectif le mérite.
Q - La France, principal obstacle de l'entrée des produits agricoles du MERCOSUR en Europe.
R - Je crois que ces critiques ne sont pas fondées. D'abord, si c'était vrai, on n'aurait pas réussi à trouver un compromis sur l'ouverture de la négociation. Le compromis au sein de l'Europe a été proposé par la France et par l'Espagne. D'autre part, si l'on regarde les chiffres, on s'aperçoit que les importations en France de produits agricoles brésiliens se sont développées beaucoup plus vite ces dernières années que dans la moyenne de l'Europe. Cela veut dire que la France s'est montrée particulièrement ouverte aux productions agricoles brésiliennes. Ceci est contraire, n'est-ce pas, à l'image caricaturale que l'on répand. Il est aussi faux de parler de la France en particulier, puisque la Politique agricole commune est la politique agricole de toute l'Europe, des quinze pays de l'Union européenne qui se sont d'ailleurs mis d'accord, en mars dernier, pour la réformer. La position adoptée d'ouverture de négociations avec le MERCOSUR est celle de toute l'Europe. La singularisation de la France est donc tout simplement inexacte. Maintenant, il faut être positif, il faut retenir que nous avons arrêter un schéma de négociation, précisément parce que nous pensons que nous pouvons tous y gagner, à condition d'arriver à une libéralisation équilibrée, bien conduite sur l'agriculture mais aussi sur tout le reste, c'est à dire l'industrie et les services. Que la négociation commence !
Q - (sur la réunion MERCOSUR-Europe de Bruxelles, en novembre)
R - Il s'agit d'une réunion de démarrage qui va donner le coup d'envoi à cette négociation. Elle sera un événement, une journée symbolique et forte. La difficulté viendra après, en fait dans le courant de la négociation. Il faut s'attendre à des difficultés des deux côtés, mais cela vaudra le coup. Il y aura des résultats économiques intéressants, mais des choix seront parfois difficiles à faire, et par les Européens, et par les pays du MERCOSUR. N'oublions pas qu'il y a aussi la grande négociation au sein de l'Organisation mondiale du commerce qui doit commencer en janvier de l'an 2000 et qui durera des années. Il a été décidé que la négociation MERCOSUR-Europe ne pourrait être conclue qu'après la fin de ce cycle OMC, car ce n'est pas la peine de négocier deux fois et d'augmenter les difficultés. Nous avons donc un long moment de négociation devant nous et il faut s'y préparer très sérieusement.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 06 septembre 1999)
ENTRETIEN de M. HUBERT VEDRINE AVEC LE QUOTIDIEN BRESILIEN "O GLOBO" Brasilia, 1er septembre 1999
Q - Quelle l'évaluation que faites-vous aujourd'hui de l'intervention de l'OTAN au Kosovo ? Le résultat est-il celui auquel la communauté internationale s'attendait ?
R - La solution militaire est devenue inévitable fin mars, après que tout eut été tenté, à Rambouillet et à Kléber. Il fallait donner un coup d'arrêt à la politique serbe au Kosovo. Les frappes effectuées par l'OTAN l'ont permis. Elles ont entraîné le retrait de l'armée et de la police serbes, permis le retour des réfugiés et le déploiement d'une présence internationale civile et de sécurité au Kosovo. Sur le terrain, les difficultés sont sérieuses, mais elles ne doivent pas nous surprendre : on ne change pas en quelques jours la culture de la violence. Nous le savions. Nous devons être logiques avec notre engagement et être prêts à rester le temps nécessaire.
Q - Actuellement, c'est un Français qui est chargé de l'administration du Kosovo. Quelles sont les principales difficultés que pose la reconstruction de la province ?
R - D'abord celle de la sécurité. Beaucoup de Serbes ont fui la province avant l'arrivée de la KFOR : sur 180.000 Serbes présents au début du conflit, il n'en resterait que 30 à 40.000 et beaucoup sont victimes d'exactions. Il faut assurer la sécurité de toutes les minorités - Serbes, Roms, Turcs, etc. - et convaincre ceux qui ont eu peur et sont partis qu'ils peuvent rentrer grâce à la KFOR et à la MINUK. Ce qui impose d'accélérer la mise en place de la police des Nations unies, pour qu'elle soit en mesure de relayer la KFOR dans le maintien de l'ordre au Kosovo.
La seconde tâche urgente concerne l'UCK. Sa démilitarisation doit s'achever le 20 septembre. Il faut que l'UCK se reconvertisse en force politique. La reconversion d'anciens combattants de l'UCK dans un "corps de sécurité civile" a été proposée. C'est envisageable à condition que cette unité soit clairement subordonnée à la MINUK, que les recrutements soient individuels, que son armement soit plafonné et que l'UCK n'en ait pas le monopole.
La reconstruction à proprement parler, est une affaire de plus longue haleine. J'ai observé sur place, il y a huit jours, que déjà la vie reprenait, que les réfugiés rentraient et réparaient leurs maisons - pour le moment -, saufs les Serbes, que les services publics se remettaient peu à peu à fonctionner. Les conditions économiques pour une démocratisation du Kosovo se mettent en place. Nous commençons à réfléchir au calendrier du processus électoral. Les choses avancent, par conséquent, malgré les problèmes, mais une transformation plus profonde des mentalités reste nécessaire.
Q - L'Europe est-elle sortie plus unie de la crise du Kosovo ?
R - Plus unie sur ce sujet, c'est évident. Mais unité européenne au sein d'une unité plus large. Car, ce qui a été frappant dans la crise du Kosovo, c'est l'unité, la cohésion, la détermination de la communauté internationale. L'Union européenne a accompagné toute la crise par ses positions communes, ses propositions, et ses décisions de sanctions quand il le fallait.
La crise du Kosovo a mis en lumière une convergence politique d'analyse et d'action entre les Quinze, et aussi entre les Européens et les Américains. Mais elle a aussi montré que les Européens sont trop largement tributaires des moyens américains en matière militaire. En ce sens, l'Europe me paraît plus unie, après la crise du Kosovo et plus consciente de l'utilité de progresser vers une plus grande autonomie pour sa politique étrangère et pour sa défense.
Q - La France critique la poursuite des bombardements américano-britanniques en Iraq. Quelle serait, du point de vue de la France, la meilleure politique que la communauté internationale pourrait adopter vis-à-vis de l'Iraq ? Peut-on dès maintenant suspendre l'embargo ?
R - Nous avons en effet exprimé notre malaise et nos interrogations face à la poursuite de ces frappes : pourquoi ? Au nom de quoi ? Dans quel but ? Notre approche est différente. Depuis le départ des inspecteurs du désarmement, la communauté internationale n'a plus aucun moyen pour contrôler les programmes militaires iraquiens. Les sanctions restent en place et la population iraquienne en est toujours la seule victime, surtout les enfants, comme l'a montré un récent et dramatique rapport de l'UNICEF. Le régime de Saddam Hussein n'est pas plus déstabilisé par les frappes aériennes, que par les sanctions, au contraire même.
Nous avons fait en janvier dernier des propositions à nos partenaires au Conseil de sécurité : une suspension conditionnelle et limitée dans le temps de l'embargo en contrepartie du retour des inspecteurs du désarmement et de la mise en place d'un dispositif de transparence financière de l'Iraq. Ce plan permettrait à la population iraquienne de retrouver enfin des conditions de vie normales, tout en restaurant un contrôle international crédible sur l'Iraq, indispensable à la sécurité régionale
Q - D'après vous, les sanctions économiques sont-elles le moyen d'exercer la plus forte pression sur un pays accusé de violations des Droits de l'Homme ?
R - Cela dépend des cas. Des sanctions peuvent aussi bien aggraver la situation - parce que le pouvoir se raidit, ou parce que seule la population est frappée - que l'améliorer. Cela dépend du moment, de la situation économique et politique du pays, de sa dépendance à l'égard de l'extérieur, de sa culture politique face aux ingérences, de sa capacité générale à franchir un pas démocratique. Il y a des cas où cela peut être utile. Qu'on se rappelle l'Afrique du Sud.
Mais n'en faisons pas une panacée, contrairement au Sénat américain qui, livré à lui même, placerait sous sanction les 2/3 de l'humanité!
Q - Lors du Sommet de Rio, l'Europe, l'Amérique latine et les Caraïbes se sont engagées à resserrer leurs liens. Qu'est-ce qui est fait concrètement dans ce sens ?
R - La Finlande qui, pour l'Union européenne et pendant ce semestre, a la responsabilité de la présidence, va réunir le 5 novembre à Helsinki, le groupe birégional de hauts fonctionnaires chargé de ce suivi.
Pour sa part, la France proposera à ses partenaires d'organiser, lors du deuxième semestre de l'an 2000, quand elle exercera à son tour la présidence de l'UE, une réunion ministérielle sur la recherche, les nouvelles technologies de l'information, la biodiversité, le spatial, mais également les sciences humaines. Cela faciliterait la mise en réseau des centres de recherche européens et latino-américains. Nous pourrions y réfléchir ensemble dès maintenant.
D'autre part, les importantes négociations UE/MERCOSUR, dont le principe avait été arrêté en 1995 et sur les modalités desquelles nous nous sommes mis d'accord avant le Sommet de Rio, vont s'ouvrir dès le 11 octobre 1999 prochain à Bruxelles.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 06 septembre 1999)
Je suis extrêmement content de ma première journée au Brésil et de mon séjour à Brasilia. J'ai été reçu d'une manière très amicale par le président de la République et nous avons eu des entretiens très chaleureux et très cordiaux avec mon homologue, le ministre des Affaires étrangères. Cela correspond exactement à ce que je souhaitais. J'étais déjà venu au Brésil lors du Sommet de Rio, en accompagnant le président Chirac. Je pensais qu'il était important de faire un voyage bilatéral parce qu'il y a énormément de sympathie mutuelle entre nos deux pays, et beaucoup de choses à faire sur le plan bilatéral. Il existe beaucoup d'affinités et de convergences sur plan de la politique étrangère, que ce soit sur les sujets relatifs à l'Amérique ou sur tous les sujets traités au sein du Conseil de sécurité des Nations unies.
Q - (sur les relations bilatérales)
R - Au plan politique, elles sont en plein développement. Sur le plan économique, en raison du dynamisme du Brésil, il y a de plus en plus d'entreprises françaises présentes au Brésil dans presque tous les domaines. Cette tendance est bien marquée. Dans le domaine culturel, ainsi que dans le domaine scientifique et de la coopération, il y a de plus en plus d'actions en commun, relancées d'ailleurs par la visite, il y a quelque temps, du ministre français de l'Education, de la Recherche et de la Technologie. Nos relations sur tous les plans sont donc en plein développement, et j'espère encore les stimuler.
Q - (sur les négociations entre les pays du MERCOSUR et l'Union européenne)
R - En 1995, une décision de principe a été prise par l'Europe d'engager un travail de réduction progressive des obstacles aux échanges et au développement des échanges commerciaux entre le MERCOSUR et l'Union européenne, à condition que cette réduction soit progressive, symétrique et proportionnée. Mais la décision précise d'ouvrir la négociation n'avait pas été prise alors. Cette décision a finalement été prise quelque temps avant le Sommet de Rio. Nous avons décidé que les négociations entre l'Union européenne et le MERCOSUR allaient commencer dès cet automne. Nous aborderons tout d'abord les sujets non-tarifaires, puis les sujets tarifaires, notamment les sujets plus difficiles touchant aux exportations agricoles vers l'Europe. Mais il faudra aussi discuter des sujets difficiles dans l'autre sens, concernant l'implantation des industries européennes dans le MERCOSUR, des services d'autre part qui peuvent se développer. C'est une négociation de grande ampleur qui couvrent tous les volets. Et si nous avons finalement trouvé un compromis sur le schéma et sur le calendrier de cette négociation, c'est que, de part et d'autre - et là je parle de tout le monde, pas uniquement de la France et du Brésil -, on pense qu'au bout du compte nous avons tous à gagner. Cette négociation sera difficile pour tous, mais l'objectif le mérite.
Q - La France, principal obstacle de l'entrée des produits agricoles du MERCOSUR en Europe.
R - Je crois que ces critiques ne sont pas fondées. D'abord, si c'était vrai, on n'aurait pas réussi à trouver un compromis sur l'ouverture de la négociation. Le compromis au sein de l'Europe a été proposé par la France et par l'Espagne. D'autre part, si l'on regarde les chiffres, on s'aperçoit que les importations en France de produits agricoles brésiliens se sont développées beaucoup plus vite ces dernières années que dans la moyenne de l'Europe. Cela veut dire que la France s'est montrée particulièrement ouverte aux productions agricoles brésiliennes. Ceci est contraire, n'est-ce pas, à l'image caricaturale que l'on répand. Il est aussi faux de parler de la France en particulier, puisque la Politique agricole commune est la politique agricole de toute l'Europe, des quinze pays de l'Union européenne qui se sont d'ailleurs mis d'accord, en mars dernier, pour la réformer. La position adoptée d'ouverture de négociations avec le MERCOSUR est celle de toute l'Europe. La singularisation de la France est donc tout simplement inexacte. Maintenant, il faut être positif, il faut retenir que nous avons arrêter un schéma de négociation, précisément parce que nous pensons que nous pouvons tous y gagner, à condition d'arriver à une libéralisation équilibrée, bien conduite sur l'agriculture mais aussi sur tout le reste, c'est à dire l'industrie et les services. Que la négociation commence !
Q - (sur la réunion MERCOSUR-Europe de Bruxelles, en novembre)
R - Il s'agit d'une réunion de démarrage qui va donner le coup d'envoi à cette négociation. Elle sera un événement, une journée symbolique et forte. La difficulté viendra après, en fait dans le courant de la négociation. Il faut s'attendre à des difficultés des deux côtés, mais cela vaudra le coup. Il y aura des résultats économiques intéressants, mais des choix seront parfois difficiles à faire, et par les Européens, et par les pays du MERCOSUR. N'oublions pas qu'il y a aussi la grande négociation au sein de l'Organisation mondiale du commerce qui doit commencer en janvier de l'an 2000 et qui durera des années. Il a été décidé que la négociation MERCOSUR-Europe ne pourrait être conclue qu'après la fin de ce cycle OMC, car ce n'est pas la peine de négocier deux fois et d'augmenter les difficultés. Nous avons donc un long moment de négociation devant nous et il faut s'y préparer très sérieusement.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 06 septembre 1999)
ENTRETIEN de M. HUBERT VEDRINE AVEC LE QUOTIDIEN BRESILIEN "O GLOBO" Brasilia, 1er septembre 1999
Q - Quelle l'évaluation que faites-vous aujourd'hui de l'intervention de l'OTAN au Kosovo ? Le résultat est-il celui auquel la communauté internationale s'attendait ?
R - La solution militaire est devenue inévitable fin mars, après que tout eut été tenté, à Rambouillet et à Kléber. Il fallait donner un coup d'arrêt à la politique serbe au Kosovo. Les frappes effectuées par l'OTAN l'ont permis. Elles ont entraîné le retrait de l'armée et de la police serbes, permis le retour des réfugiés et le déploiement d'une présence internationale civile et de sécurité au Kosovo. Sur le terrain, les difficultés sont sérieuses, mais elles ne doivent pas nous surprendre : on ne change pas en quelques jours la culture de la violence. Nous le savions. Nous devons être logiques avec notre engagement et être prêts à rester le temps nécessaire.
Q - Actuellement, c'est un Français qui est chargé de l'administration du Kosovo. Quelles sont les principales difficultés que pose la reconstruction de la province ?
R - D'abord celle de la sécurité. Beaucoup de Serbes ont fui la province avant l'arrivée de la KFOR : sur 180.000 Serbes présents au début du conflit, il n'en resterait que 30 à 40.000 et beaucoup sont victimes d'exactions. Il faut assurer la sécurité de toutes les minorités - Serbes, Roms, Turcs, etc. - et convaincre ceux qui ont eu peur et sont partis qu'ils peuvent rentrer grâce à la KFOR et à la MINUK. Ce qui impose d'accélérer la mise en place de la police des Nations unies, pour qu'elle soit en mesure de relayer la KFOR dans le maintien de l'ordre au Kosovo.
La seconde tâche urgente concerne l'UCK. Sa démilitarisation doit s'achever le 20 septembre. Il faut que l'UCK se reconvertisse en force politique. La reconversion d'anciens combattants de l'UCK dans un "corps de sécurité civile" a été proposée. C'est envisageable à condition que cette unité soit clairement subordonnée à la MINUK, que les recrutements soient individuels, que son armement soit plafonné et que l'UCK n'en ait pas le monopole.
La reconstruction à proprement parler, est une affaire de plus longue haleine. J'ai observé sur place, il y a huit jours, que déjà la vie reprenait, que les réfugiés rentraient et réparaient leurs maisons - pour le moment -, saufs les Serbes, que les services publics se remettaient peu à peu à fonctionner. Les conditions économiques pour une démocratisation du Kosovo se mettent en place. Nous commençons à réfléchir au calendrier du processus électoral. Les choses avancent, par conséquent, malgré les problèmes, mais une transformation plus profonde des mentalités reste nécessaire.
Q - L'Europe est-elle sortie plus unie de la crise du Kosovo ?
R - Plus unie sur ce sujet, c'est évident. Mais unité européenne au sein d'une unité plus large. Car, ce qui a été frappant dans la crise du Kosovo, c'est l'unité, la cohésion, la détermination de la communauté internationale. L'Union européenne a accompagné toute la crise par ses positions communes, ses propositions, et ses décisions de sanctions quand il le fallait.
La crise du Kosovo a mis en lumière une convergence politique d'analyse et d'action entre les Quinze, et aussi entre les Européens et les Américains. Mais elle a aussi montré que les Européens sont trop largement tributaires des moyens américains en matière militaire. En ce sens, l'Europe me paraît plus unie, après la crise du Kosovo et plus consciente de l'utilité de progresser vers une plus grande autonomie pour sa politique étrangère et pour sa défense.
Q - La France critique la poursuite des bombardements américano-britanniques en Iraq. Quelle serait, du point de vue de la France, la meilleure politique que la communauté internationale pourrait adopter vis-à-vis de l'Iraq ? Peut-on dès maintenant suspendre l'embargo ?
R - Nous avons en effet exprimé notre malaise et nos interrogations face à la poursuite de ces frappes : pourquoi ? Au nom de quoi ? Dans quel but ? Notre approche est différente. Depuis le départ des inspecteurs du désarmement, la communauté internationale n'a plus aucun moyen pour contrôler les programmes militaires iraquiens. Les sanctions restent en place et la population iraquienne en est toujours la seule victime, surtout les enfants, comme l'a montré un récent et dramatique rapport de l'UNICEF. Le régime de Saddam Hussein n'est pas plus déstabilisé par les frappes aériennes, que par les sanctions, au contraire même.
Nous avons fait en janvier dernier des propositions à nos partenaires au Conseil de sécurité : une suspension conditionnelle et limitée dans le temps de l'embargo en contrepartie du retour des inspecteurs du désarmement et de la mise en place d'un dispositif de transparence financière de l'Iraq. Ce plan permettrait à la population iraquienne de retrouver enfin des conditions de vie normales, tout en restaurant un contrôle international crédible sur l'Iraq, indispensable à la sécurité régionale
Q - D'après vous, les sanctions économiques sont-elles le moyen d'exercer la plus forte pression sur un pays accusé de violations des Droits de l'Homme ?
R - Cela dépend des cas. Des sanctions peuvent aussi bien aggraver la situation - parce que le pouvoir se raidit, ou parce que seule la population est frappée - que l'améliorer. Cela dépend du moment, de la situation économique et politique du pays, de sa dépendance à l'égard de l'extérieur, de sa culture politique face aux ingérences, de sa capacité générale à franchir un pas démocratique. Il y a des cas où cela peut être utile. Qu'on se rappelle l'Afrique du Sud.
Mais n'en faisons pas une panacée, contrairement au Sénat américain qui, livré à lui même, placerait sous sanction les 2/3 de l'humanité!
Q - Lors du Sommet de Rio, l'Europe, l'Amérique latine et les Caraïbes se sont engagées à resserrer leurs liens. Qu'est-ce qui est fait concrètement dans ce sens ?
R - La Finlande qui, pour l'Union européenne et pendant ce semestre, a la responsabilité de la présidence, va réunir le 5 novembre à Helsinki, le groupe birégional de hauts fonctionnaires chargé de ce suivi.
Pour sa part, la France proposera à ses partenaires d'organiser, lors du deuxième semestre de l'an 2000, quand elle exercera à son tour la présidence de l'UE, une réunion ministérielle sur la recherche, les nouvelles technologies de l'information, la biodiversité, le spatial, mais également les sciences humaines. Cela faciliterait la mise en réseau des centres de recherche européens et latino-américains. Nous pourrions y réfléchir ensemble dès maintenant.
D'autre part, les importantes négociations UE/MERCOSUR, dont le principe avait été arrêté en 1995 et sur les modalités desquelles nous nous sommes mis d'accord avant le Sommet de Rio, vont s'ouvrir dès le 11 octobre 1999 prochain à Bruxelles.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 06 septembre 1999)