Interview de M. Denis Kessler, vice président délégué du MEDEF à LCI le 23 novembre 2001, sur la présentation de la réforme de la Sécurité sociale envisagée par le MEDEF, suite à la décision du patronat de quitter les organismes paritaires.

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Texte intégral

ISABELLE GOUNIN : Près de deux mois après avoir quitté les organismes paritaires, le MEDEF a présenté cette semaine sa réforme de la Sécurité sociale. Avec nous, Denis Kessler, le vice-président délégué du MEDEF. Bonsoir.
DENIS KESSLER : Bonsoir.
ISABELLE GOUNIN : Alors, cette réforme, quels sont ses fondements ?
DENIS KESSLER : Nous voulons maintenir ce qui est fondamental, c'est-à-dire les principes de la Sécurité sociale. C'est-à-dire l'universalité : tous les Français doivent être couverts. C'est-à-dire la solidarité : il faut que ce soient les revenus qui financent la Sécurité sociale et que l'on ne fasse pas des cotisations en fonction des risques. Et puis, troisième point, l'uniformité : il faut que tous les Français puissent pouvoir accéder à des soins de qualité définis par la puissance publique.
ISABELLE GOUNIN : Alors, qu'est-ce qui est nouveau ?
DENIS KESSLER : Universalité, uniformité et solidarité. Ce qui est nouveau, c'est qu'on considère qu'une fois que le Parlement et le gouvernement ont décidé ce panier de soins, cette corbeille de soins offerte à tous les Français et financée par un impôt, c'est-à-dire la CSG, nous considérons que l'offre de ce panier de soins doit être faite par des gens dont c'est le métier, que l'on appelle des opérateurs de soins. Chaque Français doit pouvoir s'adresser à l'opérateur de soins de son choix.
ISABELLE GOUNIN : Qu'il travaille ou qu'il ne travaille pas ?
DENIS KESSLER : Qu'il travaille ou qu'il ne travaille pas, c'est tous les Français. Et on voit bien qu'il y a là un principe de liberté : je suis obligé de m'affilier, je peux choisir l'organisme auprès duquel je m'affilie. Quand je m'affilie à cet organisme, ma prise en charge est socialisée par la CSG et j'ai accès à un panier de soins couvert à 100 %, non pas comme aujourd'hui à 70 ou 80 %, et j'ai droit, bien entendu à cette protection sociale fondamentale qu'est l'assurance maladie.
ISABELLE GOUNIN : Et cet opérateur de soins, ça peut être qui ?
DENIS KESSLER : L'opérateur de soins peut être un organisme public, une mutuelle relevant du Code de la mutualité, une institution de prévoyance relevant du Code de la Sécurité sociale ou un organisme d'assurance relevant du Code des assurances. C'est ça le principe, liberté d'affiliation, et puis les gens qui vont être en concurrence tempérée les uns avec les autres, tempérée parce le fait qu'ils sont obligés d'offrir ce que l'on appelle la corbeille de soins ou le panier de soins à tous les Français qui s'adressent à eux.
ISABELLE GOUNIN : Est-ce qu'il n'y a pas un risque que ces opérateurs de soins choisissent peut-être des gens qui ne sont pas des malades très risqués et des médecins qui n'augmenteront pas trop leurs honoraires, donc finalement que l'on ait un système qui soit un peu faussé ?
DENIS KESSLER : Il n'y a aucune sélection des gens en fonction des risques. L'opérateur de soins n'a pas le droit de refuser quelqu'un qui vient s'affilier chez lui, n'a pas le droit, et doit lui offrir ce que l'on appelle une garantie viagère, toute sa vie. Et donc on voit bien qu'il n'y a pas de sélection, et ce reproche qui est fait par certains est d'une mauvaise foi absolue. En revanche, quelle est la responsabilité de l'opérateur de soins ? Eh bien c'est d'offrir ce soin. C'est-à-dire d'avoir des relations contractuelles avec les médecins, avec les spécialistes, avec les laboratoires biologiques, avec l'hôpital ou la clinique de façon à offrir le meilleur soin de qualité pour satisfaire la demande de soins des Français qui est légitime et qui sera financée par la CSG qui est l'impôt le plus neutre, qui est l'impôt le plus large, qui est l'impôt, je crois, le plus équitable.
ISABELLE GOUNIN : Alors, un autre reproche que l'on vous fait, c'est celui d'être à la fois juge et parti dans cette affaire puisque vous êtes également président de la FFSA, la Fédération Française des Sociétés d'Assurances. Qu'est-ce que vous répondez à cela ?
DENIS KESSLER : Je réponds de manière très simple. Quand il y a un problème de catastrophe naturelle et de volcan en éruption, on va consulter un volcanologue, de façon à ce que celui-ci puisse donner sa science. Nous avons un problème d'assurance sociale, de gestion du risque maladie, de gestion du risque retraite, de gestion du risque famille dans la société développée qui est la nôtre aujourd'hui. Je suis fier, en ce qui me concerne, de pouvoir contribuer, en tant que responsable du MEDEF, à faire en sorte qu'émerge un système nouveau correspondant au nouvel univers des risques dans lequel nous sommes, au nouvel univers technologique, au nouvel univers européen. Et si vous me le permettez, je crois que mettre ces qualités, en tout cas de sciences, à la disposition d'une communauté, c'est celles des entreprises, pour faire évoluer un système que tout le monde refuse aujourd'hui est quelque chose de plutôt positif. Il faut savoir que la Sécurité sociale, actuelle, tout le monde considère qu'elle est dépassée. Elle va d'un déficit à un autre, la plupart du temps elle ne couvre pas, ou que partiellement, un certain nombre d'affections. Je rappelle que l'ensemble des professions médicales, systématiquement, ne sont pas contentes du système de protection sociale, vous voyez cette semaine à la fois les externes et les internes en train de défiler dans la rue. Il y a 15 jours, c'étaient les infirmières, il y a un mois, c'était le personnel hospitalier de la Fonction publique C'est un système instable, c'est un système déficitaire et c'est un système qui ne couvre pas les besoins nouveaux. Nous avons, nous, pris le risque de proposer une nouvelle architecture. Mais que le débat s'engage ! Et que chacun propose éventuellement une autre architecture, nous serons ravis de la commenter !
ISABELLE GOUNIN : Alors, justement, à propos du débat qui devrait s'engager, la gauche, évidemment, n'accueille pas favorablement vos propositions, ça, on pouvait s'en douter, et puis les partis politiques de droite, eux non plus, ne sont pas très chaleureux. Comment vous accueillez cela ?
DENIS KESSLER : Oh, vous savez, j'allais dire, nous n'accordons pas d'importance aux réactions des uns et des autres lorsqu'elles sont simplement enracinées dans des convictions, la plupart du temps, qui ne résistent pas à l'examen. En d'autres termes, beaucoup des critiques que l'on entend aujourd'hui ne reposent pas sur l'examen de nos propositions mais j'allais dire, sur des réflexes pavloviens d'un autre âge, dans lequel, lorsque ce sont les entreprises qui parlent, bien entendu, nous avons des propositions inacceptables. Allons, soyons sérieux !
ISABELLE GOUNIN : On dit que le MEDEF est parti en campagne, visiblement, vous y êtes complètement, les grands patrons ont signé le manifeste des 56, ça, ça a l'air d'être quelque chose aujourd'hui de clair.
DENIS KESSLER : Oui. Que voulez-vous, la France réussira que si l'ensemble de ces entreprises qui ont choisi la France comme site de production, eh bien, sont dans les conditions de développement, d'essor, de création d'emplois, de développement technologique, d'innovation, que sais-je encore. Et c'est la raison pour laquelle nous avons un droit d'ingérence dans le débat public. Je n'ai pas dit dans les politiques puisque nous ne sommes pas un parti politique. Ce que nous souhaitons, que l'on soit de droite ou de gauche, c'est que chacun, eh bien, essaye de faire en sorte que l'entreprise soit en France encouragée, soutenue, qu'elle choisisse notre site de production, qu'elle y crée des emplois. Nous souhaitons, en ce qui nous concerne, que l'on ne fasse plus de politique sur le dos des entreprises, mais au contraire que l'on fasse de l'entreprise le bras armé du développement de notre nation.
ISABELLE GOUNIN : Denis Kessler, merci beaucoup.
(Source http://www.medef.gouv.fr, le 4 décembre 2001)