Interview de M. Charles Pasqua, président du Rassemblement pour la France, à France 2 le 17 mai 2002, sur les relations du RPF et de l'UMP pour la préparation des élections législatives, la mise à disposition de la gendarmerie sous les ordres du ministre de l'intérieur et son engagement dans la campagne des élections législatives.

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Média : France 2

Texte intégral

R. Sicard Vous avez publié hier une liste de 102 candidats de votre parti, le RPF, pour les élections législatives. Parmi ceux-ci, il y en a sept qui seront soutenus par l'UMP, le nouveau parti chiraquien. Est-ce que cela veut dire que le RPF renonce à son indépendance ?
- "Non, pas du tout. Cela veut dire simplement que les trois députés sortants sont investis par l'UMP, ce qui me paraît normal. Et que d'autre part, quatre autres ont été investis dans des endroits où manifestement l'UMP n'avait personne. Mais nous ne sommes pas, je l'ai dit depuis le début... Naturellement a, de notre part, un préjugé favorable, mais nous n'entendons pas participer à un parti unique."
Cela dit, cette UMP qui est en train de se constituer - ça a l'air quand même de prendre tournure, la plupart des députés sortants ont choisi cette étiquette -, est-ce que, finalement, un grand parti unique de la droite n'était pas la bonne solution pour éviter les divisions ?
- "Je n'y crois pas. Je pense que ce n'est pas une bonne idée. Le rassemblement de la droite est nécessaire, c'est évident, mais tout cela aurait pu se faire au sein d'une confédération. Chaque mouvement politique gardant sa personnalité, mais s'entendant sur un certain nombre d'objectifs. Il me semble que c'eût été plus cohérent. La preuve, Bayrou reste à l'extérieur par exemple. Or, il est évident qu'au travers de l'UMP, il n'y a pas seulement comme objectif celui qui est affiché. Celui qui est affiché, c'est l'union. Tout le monde ne peut que satisfaire à cet objectif. Il y a aussi la constitution "d'écuries présidentielles" pour 2007. A mon avis, c'est un peu tôt. Il vaudrait mieux commencer par s'occuper des législatives, donner une majorité à ce Gouvernement et au président de la République. Et ensuite, nous verrons bien..."
Vous dites "écuries présidentielles" pour 2007. Vous visez qui ?
- "Tout le monde le sait ! Je pense que si Bayrou refuse d'intégrer le mouvement, ce mouvement, c'est pour garder sa personnalité et un certain nombre de moyens pour être candidat en 2007. Et si A. Juppé fait tellement d'efforts pour aboutir à cette intégration de tous les mouvements politiques, c'est manifestement en sa faveur."
Donc, selon vous, l'UMP n'est pas un parti qui est constitué autour de J. Chirac, c'est un parti qui est constitué autour d'A. Juppé ?
- "Je crois que la réalité des choses, c'est ça. L'affichage, c'est autour de J. Chirac. Naturellement, il servira à J. Chirac, ça me paraît évident."
Vous avez dit que F. Bayrou, lui, est opposé à ce parti de la droite unique. Pensez-vous que son opposition et le fait qu'il présente, lui, 400 candidats, peut être un obstacle à la victoire de la droite aux législatives ?
- "D'abord, il ne présente pas 400 candidats..."
Il l'annonce...
- "Oui, c'est un effet d'annonce. En réalité, il doit en présenter une centaine, je crois 90. Le reste, ce sont des soutiens qu'il accorde à des candidats de l'UMP ou d'autres formations politiques. C'est un peu de l'affichage. De toute façon, on n'y peut rien. Dans les endroits où il y a des primaires, nous verrons bien ce qui en sortira. Ce qui est indispensable de toute façon, c'est de privilégier l'intérêt général. Partout où il y a un risque, il ne faut pas qu'il y ait de primaires, c'est clair. Et nous, c'est à quoi nous veillons et c'est ce à quoi nous veillerons. Par contre, il y a un certain nombre d'endroits, notamment pour ce qui nous concerne, où il est souhaitable que nous présentions des candidats, parce qu'ils peuvent limiter la poussée du FN, voilà."
Selon vous, y a-t-il un risque pour la droite que la gauche remporte les élections législatives ? Peut-on s'acheminer vers une nouvelle 
cohabitation ? 
- "Je ne le crois pas, tout est possible, mais je ne le crois pas. Je vois mal la gauche se remettre aussi rapidement de l'échec cuisant qu'elle a subi au premier tour des élections législatives [ndlr : présidentielles ?]. Naturellement, elle a réussi à gommer un peu cet échec en criant au fascisme, en organisant des manifestations etc. Mais la réalité, c'est qu'elle se trouve sans leader crédible. Qui demain, si elle venait à l'emporter, conduirait un gouvernement ? Elle n'a ni leader, ni projet. Elle aura du mal à se relever. Non, je crois que normalement l'opposition devrait l'emporter, mais il faudrait qu'elle se souvienne, elle aussi, de la leçon qu'elle a reçue au premier tour. Parce que les résultats de la droite n'étaient pas brillants non plus."
Et dans l'hypothèse où la gauche remporterait les législatives, que devrait faire J. Chirac, selon vous ?
- "Ca, je crois que c'est à lui qu'il faut poser la question. Chacun le sait, la philosophie, les principes de la Vème République, c'est que si un Président est désavoué lors d'une élection nationale, il remet son mandat en jeu."
J. Chirac devrai donc démissionner, selon vous ?
- "Je crois que cette hypothèse est hautement improbable. Je pense que J. Chirac va s'engager dans la campagne, il l'a dit d'ailleurs. A partir du moment où il s'engagera, je pense que les Français ne seront pas tentés de lui refuser une majorité de gouvernement. C'est l'intérêt du pays."
Parlons du Gouvernement. Il a déjà annoncé un certain nombre de mesures, notamment dans le domaine de la sécurité. Hier, N. Sarkozy a rendu publiques ses premières propositions, avec notamment le regroupement de la police et de la gendarmerie. C'est une bonne idée ?
- "De toute façon, que la gendarmerie soit mise à la disposition du ministre de l'Intérieur, ce n'est pas nouveau. Cela a toujours existé. Ce qui est différent, c'est que là elle est directement sous les ordres du ministre de l'Intérieur. Or, c'est vrai que parfois, et je parle en tant qu'ancien ministre de l'Intérieur, nous avions des problèmes, et qu'il y avait des difficultés pour obtenir la mise à disposition rapide des forces de gendarmerie. Là, le problème n'existe plus et c'est une bonne chose."
Donc, premier bon point que vous donnez au Gouvernement et à N. Sarkozy ?
- "Oui, c'est une bonne chose, certainement."
Je vais poser une question, mais dans un domaine tout à fait différent : hier, le journal Le Monde affirmait que vous auriez bénéficié de la mise à disposition, par un homme d'affaires franco-libanais, de locaux sans loyers payés. Le Monde parle "d'abus de bien social". Vous n'avez pas répliqué...
- "Je commence à en avoir marre, à vrai dire ! Parce que, comme par hasard, chaque fois qu'il y a une initiative politique de ma part, il y a une fuite organisée qui permet à un journal d'opposition, Le Monde, de faire un grand papier. Et si on le lit attentivement, il n'y a rien ! Alors, je me réserve de donner à tout ça les suite que cela mérite. Et nous aurons l'occasion de nous revoir dans une huitaine de jours à ce sujet."
Pour quelles raisons ?
- "Parce que je prendrai les initiatives nécessaires."
C'est-à-dire ? Sur le plan juridique ?
- "Oui, je considère que tout cela a assez duré."
Revenons un instant à la campagne : vous allez faire campagne personnellement, vous allez vous investir sur le terrain ?
- "Oui, naturellement, je ferai le tour de France pour aider d'abord mes propres candidats, et ensuite dans les endroits où cela me paraîtra indispensable et où les candidats investis, quelle que soit leur étiquette, considéreront qu'ils ont besoin de moi, j'irai."
Vous pouvez faire des meetings communs avec A. Juppé, par exemple ?
- "Je ne crois pas que les élections législatives se prête tellement à des meetings communs. Je crois qu'il vaut mieux que chacun reste ce qu'il est. Chacun sait que je ne peux pas accorder un blanc-seing, ni au Gouvernement, ni au président de la République. Pour quelle raison ? Parce que nous savons, les uns et les autres, que nous sommes en désaccord sur un point essentiel, qui est la construction européenne et la défense de la souveraineté nationale. Alors, il ne faut pas se leurrer. Ces désaccords subsistent. C'est pour cela que j'ai créé le RPF, ce n'est pas pour autre chose. Donc, il est hors de question pour moi de passer sous la coupe ou sous l'autorité de gens qui ont des conceptions que nous condamnons sur ce point."
(Source :premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 17 mai 2002)