Texte intégral
Je me félicite de la tenue aujourd'hui au ministère de la recherche de cette journée de réflexion sur les grilles informatiques. Point de rencontre des principaux acteurs, elle est l'occasion de dresser l'état des différents projets en cours soutenus par le ministère de la recherche. Et, également, de tracer les perspectives de ce champ particulier des sciences et technologies de l'information et de la communication.
Nous avons, depuis cinq ans, accompli un effort sans précédent en faveur de la recherche dans le domaine des sciences et technologies de l'information, de même que dans l'investissement dans les grandes infrastructures informatiques. Cette politique volontariste vise à donner une place de premier plan aux équipes de recherche françaises, au sein de l'espace européen de la recherche et de l'innovation.
Notre action pour le développement des grilles informatiques s'intègre dans ce plan d'ensemble.
Un soutien sans précédent en faveur des sciences et technologies de l'information et de la communication.
La dynamique aujourd'hui engagée dans le domaine des technologies de l'information et de la communication vise à combler le retard que la France et l'Europe risquaient de prendre, il y a quelques années.
Pour lancer cette dynamique, il a fallu une volonté politique forte. Grâce au Programme d'action gouvernemental pour la société de l'information, le PAGSI, la France a pu progresser, ces dernières années, avec rapidité et efficacité. Initié par le Premier ministre à l'occasion de l'Université d'été de la communication, dès 1997 à Hourtin, ce programme s'est enrichi au fil des années d'une série de mesures, qui témoignent de l'effort continu du gouvernement en faveur des technologies de l'information. Son application dans le domaine de la recherche en a constitué l'un des points forts.
Le Conseil Interministériel pour la Société de l'Information, qui s'est tenu le 10 juillet 2000, a confirmé l'effort très important tant en moyens qu'en effectifs que j'ai souhaité mettre en uvre depuis deux ans :
- Une progression de 25% en 5 ans des effectifs de la recherche publique consacrés aux STIC a été planifiée.
- Des recrutements supplémentaires, accompagnés de nouveaux moyens, ont eu lieu au sein des universités.
- Au CNRS, une nouvelle dynamique s'est engagée avec la création d'un département des sciences de l'information et de la communication qui bénéficie de moyens importants. Celle-ci est amenée à se poursuivre dans le cadre du contrat d'objectifs pluriannuel de l'organisme, que nous allons signer d'ici la fin du mois.
- Le contrat d'objectifs du CEA a notamment prévu une hausse de 40 % de ses activités dans les nouvelles technologies, dont les technologies de l'information et de la communication.
- Le contrat quadriennal 2000-2003 que nous avons signé avec l'INRIA le 18 juillet 2000 est également un élément déterminant pour l'essor de la recherche en informatique. Visant des objectifs ambitieux (transfert, valorisation, partenariat, développement des ressources contractuelles), l'Etat a donné à l'INRIA, à travers ce contrat, les moyens humains et financiers d'une croissance forte. Ses effectifs seront portés en 4 ans de 755 à 1180 personnes - soit une progression de près de 60%.
Les 16 Réseaux de recherche et d'innovation technologique mis en place par le ministère de la recherche ont permis de nouer de nombreux partenariats entre recherche publique et tissu industriel. Pour le seul secteur des sciences et technologies de l'information et de la communication (STIC) - auquel sont consacrés 4 réseaux (RNRT, RNTL, RMNT et RIAM) -, ce sont plus de 300 projets communs qui ont ainsi été soutenus, représentant un effort de recherche et développement de plus de 530 millions d'euros.
Les crédits consacrés aux STIC dans le BCRD ont ainsi progressé de 30% depuis 1997, pour atteindre 823 millions d'euros en 2002 (5,4 milliards de francs).
Ce plan d'action s'est accompagné d'investissements importants en matière d'infrastructures informatiques.
Un effort volontariste en matière d'infrastructures informatiques.
Quelles que soient les disciplines scientifiques envisagées, de la physique à la médecine en passant par les sciences sociales, l'utilisation de moyens informatiques puissants est devenue indispensable à la progression de la connaissance et à ses retombées sur la société : la compréhension des grands phénomènes climatologiques ou économiques aussi bien que l'analyse du génome humain ou celle de la matière nécessitent, pour progresser, l'usage de ressources de calcul très grandes ainsi que d'énormes capacités d'archivage de données informatiques.
Pour répondre à ces besoins, le ministère de la recherche a entrepris depuis quatre ans une politique systématique de renforcement des moyens informatiques en France :
- Nous avons procédé au rééquipement et à une meilleure coordination des grands centres de calcul nationaux, au renforcement des centres intermédiaires de calcul, à l'installation et au renouvellement d'équipements mi-lourds dans des laboratoires et sur des sites universitaires importants.
- Parallèlement, nous avons conduit une relance et une expansion du réseau national d'interconnexion pour l'enseignement, la recherche et la technologie, permettant un large accès aux hauts débits (Renater 2 bis) avec une multiplication par 16 de ses capacités. L'appel d'offres en cours permettra la mise en place dans les tout prochains mois de la 3ème génération de Renater, qui offrira une nouvelle extension de ses capacités, tant géographiques qu'en termes de services et de débits.
Cette action a été étendue au niveau européen, par le déploiement du réseau européen GEANT - initié sous présidence française de l'Union Européenne et entré en fonction fin 2001. Au-delà de ses performances propres (jusqu'à 10 gigabits par seconde sur certains tronçons), ce réseau est sans équivalent au plan mondial. Reliant plus de 3000 établissements de recherche et d'enseignement, de 32 pays différents, il constitue un socle essentiel pour la constitution de l'Espace européen de la recherche et de l'innovation.
Le budget de fonctionnement et d'équipement qui accompagne cette politique représente environ 45 millions d'euros par an pour ce qui concerne Renater et les deux grands centres de calcul nationaux : le CINES (Centre Informatique National de l'Enseignement Supérieur, Montpellier) et l'IDRIS (Institut du Développement et des Ressources en Informatique Scientifique, unité de service du CNRS, Orsay). Cet effort budgétaire sera poursuivi dans les années à venir.
Une action particulière dans le domaine des grilles informatiques
Le concept de grille informatique est récent. Il a été rendu célèbre auprès du grand public sous le nom de "Calcul Global", par des projets comme SETI @home pour l'analyse de signaux extraterrestres, ou plus récemment le Décrypthon, annoncé lors du dernier Téléthon - et lancé aujourd'hui -, pour cartographier le protéome et classifier les protéines.
Cette première approche, communautaire et solidaire, consiste à faire appel, sur volontariat et quand le besoin de calcul le nécessite, aux ressources inutilisées des ordinateurs personnels qui n'ont pas de véritable capacité d'échanges entre eux.
Par ailleurs, le déploiement de réseaux d'interconnexion très performants entre des centres de calculs et des centres de stockage aux capacités démultipliées ouvre la voie à une optimisation de leurs ressources. Il faut pour cela parvenir à combiner les modèles du calcul parallèle au sein des centres de calcul (à base de tâches et de messages) et les modèles du calcul distribué (à base d'objets et de composants logiciels distribués), en rendant cet assemblage complexe transparent pour l'utilisateur.
C'est dans ce but que j'ai lancé, il y a un an - le 28 février 2001 - une Action concertée incitative (ACI) intitulée " Globalisation des Ressources Informatiques et des Données " (GRID).
L'objectif de cette ACI est de dynamiser et de rendre opérationnelle, à un moment critique, la contribution des équipes de recherche françaises, en soutenant les équipes déjà actives, en attirant de nouveaux acteurs, en favorisant les rencontres entre concepteurs de nouvelles solutions et utilisateurs.
A partir des plates-formes de réseaux à haut débit fournies par Renater, du VTHD (réseau à très haut débit) mis en uvre par le RNRT, et des centres de calcul nationaux et régionaux, plusieurs axes de recherche peuvent ainsi être développés et contribuer à la mise en uvre de "grilles expérimentales" : déploiement d'outils logiciels, systèmes et environnements pour le calcul distribué ou pour l'exploitation d'ensembles de données de très grande taille, modélisation, algorithmique, couplage de codes, visualisation, pré et post-traitements associant les approches théoriques des modèles dans les grands domaines scientifiques, les résultats expérimentaux et les approches de type " simulation par calcul ".
Dès la première année, 18 projets ont été soutenus. Ils vous ont été présentés aujourd'hui, et je n'en citerai pour l'exemple que 3, illustrant le caractère multidisciplinaire de ces travaux :
- GénoGRID, associant autour de l'IRISA de nombreux partenaires pour la mise en place d'un portail pour le calcul intensif en génomique.
- GéoGRID, qui doit permettre de répondre aux problèmes d'analyse, de traitement et de visualisation de données complexes de grande taille pour la découverte de nouveaux gisements pétrolifères et l'optimisation de leur exploitation.
- IDHA (Images Distribuées Hétérogènes pour l'Astronomie), qui développe les méthodes et outils pour de nouvelles utilisations scientifiques des images astronomiques. La compréhension de l'Univers requiert en effet l'observation de scènes complexes, contenant des informations spectrales, spatiales et temporelles, dont l'analyse constitue un véritable défi auquel ce projet doit contribuer à apporter une réponse.
Devant les bons résultats déjà obtenus par cette ACI, j'ai décidé d'augmenter cette année ses moyens de 30%, pour atteindre 3 millions d'euros (auxquels il conviendrait d'ajouter les moyens récurrents des équipes de recherche dans ce domaine et les investissements en investissement que nous réalisons). Le comité scientifique de l'ACI, dont je salue ici le travail, se réunira dès demain pour sélectionner les actions soutenues en 2002, et leur permettre de bénéficier très prochainement de l'aide que nous leur apportons.
Il y a un peu plus d'un an, étaient lancés sous présidence française de l'Union Européenne deux projets majeurs pour la construction de l'Espace Européen de la Recherche : GEANT, que j'évoquais à l'instant, et DATAGRID.
DATAGRID, porté par une vingtaine de partenaires européens, a pour vocation de répondre aux défis que représente la croissance exponentielle des besoins de la communauté scientifique en terme de capacité de stockage et d'analyse de très grand nombre de données. C'est le cas, par exemple, pour les données qui seront issues en 2005 au CERN du plus puissant collisionneur du monde, le Large Hadron Collider (LHC).
Le projet tient ici toute cette semaine sa 4ème conférence de travail, après celles tenues à Oxford, à Amsterdam et à Frascati. Ses premiers résultats, qui vous ont été présentés ce matin et dont vous pouvez voir une démonstration à l'entrée de cet amphithéâtre, sont très encourageants. Ils ont permis aux porteurs du projet de passer vendredi dernier avec succès la première revue d'avancement, en allant même au-delà des objectifs fixés pour la première année. Je tiens les féliciter de leur dynamisme, et je les engage à poursuivre dans cette voie.
Ces actions, intégrées dans le contexte européen, doivent permettre à l'Europe de jouer un rôle de leader.
Le Conseil Recherche, réuni à Bruxelles le 10 décembre 2001, a marqué une avancée importante pour la coopération scientifique européenne. Les propositions innovantes que défendait la France ont en grande partie prévalu, et un accord politique entre les quinze ministres de la recherche de l'Union européenne a été trouvé sur les contenus, les outils et le budget du prochain Programme Cadre de recherche et développement (6ème PCRD) qui couvrira les années 2003 à 2006.
La France a obtenu gain de cause pour le choix des 7 priorités thématiques du PCRD sur lesquelles l'effort de recherche communautaire sera focalisé. Au premier rang de ces priorités se trouvent les technologies pour la société de l'information, qui devraient se voir attribuer 3,6 milliards d'euros, auxquels il convient de rajouter environ 200 millions d'euros sur les 665 prévus pour les infrastructures de recherche, qui viendront soutenir le déploiement de réseaux à très hauts débits et de moyens de calculs et de stockage partagés.
L'association d'entités de recherche complémentaires dans les "réseaux d'excellence" ou autour des "projets intégrés" devrait permettre de peser d'un poids significatif sur la scène internationale.
L'intérêt pour nos meilleures équipes sera de figurer, avec leurs meilleurs partenaires européens, dans une perspective durable, et de partager une vision commune de leur avenir commun. Mais cette démarche impose des contraintes fortes - notamment en termes de dimension et de capacité de gestion - pour les laboratoires et unités de recherche qui souhaiteraient faire partie de ces réseaux.
Nous devons être prêts, à l'échelle nationale, à nous organiser pour que notre recherche prenne la place que son niveau d'excellence la prédispose à occuper dans le concert européen. Tel est l'objectif des actions que nous menons au niveau national - comme l'ACI GRID -, et telle doit être l'ambition de nos équipes de recherche. Votre ambition.
L'action volontariste en faveur des grilles informatiques que nous avons menée a enclenché une dynamique nouvelle dans ce secteur, comme l'ont montré les exposés de cette journée.
Une rencontre comme celle d'aujourd'hui permet de croiser les résultats acquis et de réfléchir aux valorisations qui peuvent d'ores et déjà bénéficier au secteur économique. C'est cette expérience partagée qui peut ouvrir de nouvelles perspectives et nous permettre d'aller plus loin.
Je suis convaincu qu'ainsi, grâce à l'implication de vous tous, la France et plus largement l'Europe, occuperont la place de tout premier plan qui doit être la leur dans ce domaine.
(Source http://www.recherche.gouv.fr, le 12 mars 2002)