Texte intégral
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Mesdames, Messieurs,
Mes chers Amis,
L'agriculture doit être au cur de la campagne
Je veux d'abord vous dire un grand merci d'avoir répondu à notre appel. Vous êtes 5300 rassemblés aujourd'hui à Paris. J'ose dire que le pari est réussi.
Les témoignages que nous avons entendus au cours de cette matinée sont plus que réconfortants. En cette période post-olympique, j'ai même envie de dire que, depuis des années, nous engrangeons les médailles :
- médaille d'or de la balance commerciale... mais aussi, hélas, médaille d'or de la baisse de revenu ;
- médaille d'or de la tradition et de la qualité... mais aussi, hélas, médaille d'or de ceux qui doivent payer pour les fautes des autres ;
- médaille d'or de la considération de nos concitoyens... mais aussi, hélas, médaille d'or des campagnes diffamatoires et des procès d'intention ;
- enfin, médaille d'or des promesses reçues... mais aussi, hélas, médaille d'or des promesses non tenues.
Oui, nous pouvons être fiers de notre métier. Fiers de notre contribution multi-séculaire à la culture et à l'histoire de notre pays. Fiers de notre participation à la création de richesses et d'emplois. Fiers du rôle que nous jouons dans le développement et la préservation des territoires ruraux.
Seulement, être fier de son métier, cela ne suffit pas. Il faut aussi pouvoir en vivre. En vivre dignement et sereinement, sans se demander quelle catastrophe nous attend demain, ni comment parvenir à convaincre un jeune de prendre la relève. Pour cela, nous avons besoin de perspectives et de visibilité ; d'un engagement de tout le pays derrière son agriculture et ses agriculteurs.
D'importantes échéances électorales approchent. Saisissons cette opportunité pour engager un débat de fond sur l'avenir de notre métier ; pour donner un nouvel élan à notre agriculture et redéfinir les termes du contrat qui nous unit à la Nation. L'agriculture est au cur de notre histoire, de notre économie et de nos territoires. Nous venons d'en apporter la preuve. L'agriculture doit donc être une grande ambition pour la France. Un enjeu de société majeur. Une priorité pour nos responsables politiques. Et pas seulement pendant le Salon de l'Agriculture !
L'agriculture au cur des campagnes: c'est le sens de notre présence ici. C'est le message que nous voulons faire passer à nos concitoyens et à nos dirigeants, présents et à venir. Car si nous intervenons dans le débat, ce n'est pas pour prendre parti pour un candidat ou un autre. Non ! C'est parce que nous pensons que les acteurs économiques et sociaux ont leur mot à dire au moment où notre pays fait des choix qui engagent son avenir.
Nos revendications, nos propositions pour l'avenir de l'agriculture française, elles sont au nombre de cinq.
Redonner du souffle et de la cohérence à notre politique agricole
La première, c'est qu'il devient urgent de redonner du souffle et de la cohérence à notre politique agricole. La logique ultra-libérale nous conduit tout droit à l'impasse. A force de démanteler les OCM, chaque accident conjoncturel menace de se transformer en crise de grande ampleur. A force d'affaiblir notre protection aux frontières, ce sont des pans entiers de notre agriculture qui se trouvent exposés aux évolutions chaotiques du marché mondial. Nous disons halte à la dictature du moins disant mondial ; halte à la logique du chacun pour soi.
La baisse des prix, ça suffit! On ne va pas continuer à démanteler nos organisations de marché pendant que d'autres distribuent à leurs producteurs des montagnes de dollars sans lesquelles ils seraient incapables d'exporter un seul grain de blé!
Bien entendu, les agriculteurs français ne souhaitent pas que l'Europe se replie sur elle-même. L'ouverture de notre économie sur le monde est une réalité que nous ne pouvons ignorer et à laquelle nous contribuons activement. La mondialisation, nous sommes prêts à l'accepter mais pas à n'importe quel prix.
Ce que la France et l'Europe doivent défendre à l'OMC, c'est une mondialisation maîtrisée et régulée. Une mondialisation qui reconnaisse le droit à la "souveraineté alimentaire" et participe à la régulation de l'offre mondiale de produits agricoles. Une mondialisation qui permette aux différentes régions du monde de mettre en uvre la politique agricole de leur choix. Bref, une mondialisation au profit du plus grand nombre et non une mondialisation au profit des plus forts.
Et je mets en garde nos négociateurs, ceux de Paris comme ceux de Bruxelles : ils doivent s'opposer de toutes leurs forces à une sorte de division internationale du travail selon laquelle les Américains auraient la production pour contrôler l'arme alimentaire, et nous l'entretien des paysages pour que leurs touristes puissent goûter aux joies de la campagne "made in France". Faire vivre les territoires, oui, mais à condition que nous restions d'abord des producteurs. Nous n'accepterons jamais de faire semblant d'être des paysans.
Un nouveau cycle de négociations est engagé. De son issue dépendra l'avenir du modèle agricole européen et donc notre avenir. Car notre agriculture, nous n'imaginons pas qu'elle puisse s'épanouir sans dimension européenne. A ce titre, nous restons, plus que jamais, des partisans résolus de la poursuite de la construction communautaire. Des partisans déterminés d'une PAC fidèle à ses principes fondateurs : préférence communautaire, unicité du marché, solidarité financière.
Des principes indispensables pour relever le défi de l'élargissement. Un élargissement auquel nous sommes bien sûr favorables, à condition que l'Europe se donne les moyens de ses ambitions et qu'elle ne sacrifie pas la PAC au nom de la géopolitique.
On parle beaucoup de développer le second pilier de la PAC. Commençons d'abord par consolider le premier ! Pour nous, le principal demeure le soutien à la production et la régulation des marchés. Nous ne voulons pas du scénario "libéral vert", projet contradictoire où se retrouvent pèle-mêle les partisans d'une agriculture industrielle et ceux d'une agriculture vouée à l'entretien des paysages. Nous voulons une PAC ambitieuse et des OCM dignes de ce nom. Ce sera notre priorité pour le "rendez vous à mi-parcours des accords de Berlin". Ce doit être celle des hommes et des femmes qui dirigeront la France à l'issue de ces élections.
Encourager nos efforts en faveur de l'organisation des filières
Notre deuxième revendication concerne l'organisation des filières. Dans ce domaine, les agriculteurs ont su prendre leurs responsabilités et développer des partenariats pour un juste partage de la valeur ajoutée. Ils savent aussi, quand le besoin s'en fait sentir, amener leurs partenaires à la table de négociation pour rétablir certains équilibres au niveau des prix et des marges. Ce pouvoir économique, il nous appartient et nous n'entendons pas le céder à quiconque. Nous avons même l'intention de le conforter car des progrès restent à faire dans bien des filières.
Les Pouvoirs publics doivent cependant accompagner nos efforts. En encourageant le travail que nous faisons chaque jour pour développer les filières de qualité. En renforçant le cadre juridique des interprofessions et en leur donnant les moyens de travailler efficacement. En mettant un terme aux pratiques commerciales abusives, aussi, comme a commencé à le faire la loi sur les nouvelles régulations économiques. Une loi que nous avons obtenue de haute lutte et dont nous entendons faire le bilan dans les mois qui viennent. Il n'y a pas que la grande distribution qui a le droit de gagner sa vie dans ce pays.
Nous ne demandons pas la lune. Seulement la possibilité de nous organiser pour défendre nos intérêts, valoriser nos produits et instaurer des relations plus équilibrées au sein de la filière agroalimentaire. "La liberté, c'est le droit de s'organiser soi-même avant de l'être par les autres" disait Georges Clémenceau. Comme ce dernier - à ma connaissance - n'est pas candidat aux prochaines élections, je peux le citer sans fâcher personne. Je me permets même de reprendre à notre compte ce principe et j'engage nos responsables politiques à le méditer. L'alternative est claire : un partenariat au profit de tous ou la loi du chacun pour soi au profit du plus fort. Nos dirigeants doivent faire leur choix et surtout traduire leurs paroles en actes. C'est là que nous les attendons. C'est là que nous les jugerons.
Réduire les charges pour assurer la compétitivité de nos exploitations
Des marchés régulés et des filières organisées : voilà la clef du succès. Voilà la solution pour enrayer la spirale infernale de la baisse des prix, du revenu agricole et du nombre d'exploitants. Mais nos revendications ne s'arrêtent pas là.
La compétitivité de nos exploitations, c'est la santé de notre agriculture. Or, beaucoup trop de charges pèsent sur nos entreprises. Elles grèvent notre revenu, amputent nos capacités d'investissement. Elles découragent l'initiative et brident notre dynamisme. Des progrès ont été réalisés par le passé mais ils restent sans commune mesure avec la pression qu'exercent nos concurrents. L'agriculture française a besoin d'une politique ambitieuse d'allègement des charges.
Dans les sociétés de capitaux, le prélèvement social porte sur les seuls revenus du travail. Pourquoi traiter différemment les entreprises individuelles et les sociétés de personnes qui constituent les plus gros bataillons de nos exploitations? De même, renouveler des investissements ou transmettre une exploitation génèrent des plus values qui doivent pouvoir être réinvesties à des fins productives. Pourquoi, alors, les fiscaliser au risque de priver l'exploitation de ses capacités d'auto financement? Enfin, qui pourra nous dire comment appliquer l'accord sur les 35h sans risquer une explosion du coût du travail, notamment dans les secteurs où ce critère constitue un avantage concurrentiel décisif? En ce qui concerne les saisonniers, je le dis tout net : les solutions n'ont que trop tardé !
Voilà des questions, parmi d'autres, auxquelles nous voudrions qu'on nous apporte des réponses. Et qu'on ne vienne pas nous raconter que Bruxelles n'est pas d'accord. Ce qu'il faut à nos dirigeants, ce n'est pas un blanc-seing européen mais du courage politique. Rien de plus.
Administrer sans étouffer
Trop de charges pèsent sur nos exploitations. Trop de contraintes administratives, aussi. Règlements, normes, contrôles, déclarations, agréments... : nous étouffons sous le poids du carcan bureaucratique que les Pouvoirs publics nous imposent. D'ailleurs, s'il existait un prix Nobel de la complexité administrative, il devrait être décerné à notre ministère pour l'ensemble de son uvre, avec une mention spéciale pour ceux qui ont inventé la " modulation à la française " !
Nous étions des artisans du vivant, nous devenons des industriels de la paperasse! Il faut redonner sa place à l'initiative individuelle et à la liberté d'entreprendre. Libérer les énergies tout en protégeant les personnes, à commencer par les plus faibles. Et gardons-nous de transformer l'Etat en une énorme machine qui organise et réglemente tout. Arbitre en dernier ressort, il doit conserver et même renforcer ses missions régaliennes. Mais il doit aussi apprendre à déléguer aux acteurs économiques et sociaux le soin de se prendre en charge. Reconnaître l'importance et la légitimité du dialogue social.
Administrer sans étouffer : tel est le défi que nous lançons à ceux qui aspirent à diriger notre pays. Pour cela, il faudra commencer par clarifier la réglementation. Il faudra également rendre notre administration plus efficace ; ce qui suppose qu'elle demeure proche des agriculteurs et qu'on ne cède pas à la tentation de supprimer le Ministère de l'agriculture comme d'autres l'ont fait en Europe. Les agriculteurs doivent pouvoir compter sur un interlocuteur privilégié, au niveau national comme au plan local. Un interlocuteur doté de la plénitude de ses responsabilités et de ses missions.
Donner sa chance au monde rural
Avoir de l'ambition pour l'agriculture française, c'est aussi avoir de l'ambition pour l'espace où elle s'épanouit. Le monde rural porte en lui un potentiel de ressources considérables. La diversité de ses milieux, de ses cultures et de ses métiers sont des atouts majeurs qui ne sont pas suffisamment valorisés.
Mettre en valeur le monde rural, c'est d'abord y maintenir autant d'agriculteurs que possible, y compris dans les zones les plus défavorisées. Pour cela, il faut une politique d'installation volontariste et des perspectives pour les candidats au métier d'agriculteur, notamment en matière de revenu. Comme ces zones souffrent souvent de handicaps structurels et naturels, il revient aux Pouvoirs publics de prendre en compte ce que la logique économique ignore. La politique de développement rural est là pour cela. Sachons en tirer parti, la décliner au plan régional et surtout l'utiliser en complément - et non en alternative - à la politique de régulation des marchés.
Les agriculteurs sont la clé de voûte du monde rural. Mais gardons-nous bien de confondre ruralité et agriculture. Le dynamisme d'un territoire dépend en grande partie de la diversité des activités qui y sont menées. Artisans, commerçants, PME et PMI : tous ont leur rôle à jouer. C'est avec eux que nous avons créé le groupe Monde Rural, et c'est ensemble que nous affirmons notre vocation commune : celle d'être des aménageurs et non des déménageurs. Tous doivent recevoir le soutien nécessaire au maintien et au développement de leur activité.
Il est temps de mettre en uvre une politique équilibrée d'aménagement du territoire. De promouvoir l'égalité des chances entre la ville et la campagne et d'agir pour que ces deux mondes ne se tournent pas le dos mais développent des partenariats féconds et durables. Oui, le monde rural incarne la modernité ! C'est un lieu de vie et un espace de respiration. C'est un bassin d'emploi et un creuset de valeurs. C'est une réponse aux tensions qui menacent notre cohésion sociale et nos équilibres territoriaux !
Conclusion
"Pas de pays sans paysans" disait Raymond Lacombe. C'est certain. J'y ajoute avec force qu'il n'y aura pas de paysans sans revenu. Et pas de revenu sans prix. C'est le sens de notre combat et je voudrais que ce soit le message que vous fassiez entendre non seulement aux candidats et à l'opinion publique mais à tous les agriculteurs français.
Vous êtes aujourd'hui 5000 témoins de la vitalité et de la diversité de notre agriculture. Soyez 5000 porte-parole de notre projet et de notre ambition pour l'agriculture française.
Soyez 5000 représentants de ces paysans qui sont fiers de nourrir leurs concitoyens et de leur donner du plaisir à manger.
Soyez 5000 symboles de ces centaines de milliers d'hommes et de femmes qui sont fiers d'être paysans !
Ensemble, avec la FNSEA et les Jeunes Agriculteurs, nous allons montrer que les paysans sont debout !
(Source http://www.fnsea.fr, le 1er mars 2002)
Mesdames, Messieurs,
Mes chers Amis,
L'agriculture doit être au cur de la campagne
Je veux d'abord vous dire un grand merci d'avoir répondu à notre appel. Vous êtes 5300 rassemblés aujourd'hui à Paris. J'ose dire que le pari est réussi.
Les témoignages que nous avons entendus au cours de cette matinée sont plus que réconfortants. En cette période post-olympique, j'ai même envie de dire que, depuis des années, nous engrangeons les médailles :
- médaille d'or de la balance commerciale... mais aussi, hélas, médaille d'or de la baisse de revenu ;
- médaille d'or de la tradition et de la qualité... mais aussi, hélas, médaille d'or de ceux qui doivent payer pour les fautes des autres ;
- médaille d'or de la considération de nos concitoyens... mais aussi, hélas, médaille d'or des campagnes diffamatoires et des procès d'intention ;
- enfin, médaille d'or des promesses reçues... mais aussi, hélas, médaille d'or des promesses non tenues.
Oui, nous pouvons être fiers de notre métier. Fiers de notre contribution multi-séculaire à la culture et à l'histoire de notre pays. Fiers de notre participation à la création de richesses et d'emplois. Fiers du rôle que nous jouons dans le développement et la préservation des territoires ruraux.
Seulement, être fier de son métier, cela ne suffit pas. Il faut aussi pouvoir en vivre. En vivre dignement et sereinement, sans se demander quelle catastrophe nous attend demain, ni comment parvenir à convaincre un jeune de prendre la relève. Pour cela, nous avons besoin de perspectives et de visibilité ; d'un engagement de tout le pays derrière son agriculture et ses agriculteurs.
D'importantes échéances électorales approchent. Saisissons cette opportunité pour engager un débat de fond sur l'avenir de notre métier ; pour donner un nouvel élan à notre agriculture et redéfinir les termes du contrat qui nous unit à la Nation. L'agriculture est au cur de notre histoire, de notre économie et de nos territoires. Nous venons d'en apporter la preuve. L'agriculture doit donc être une grande ambition pour la France. Un enjeu de société majeur. Une priorité pour nos responsables politiques. Et pas seulement pendant le Salon de l'Agriculture !
L'agriculture au cur des campagnes: c'est le sens de notre présence ici. C'est le message que nous voulons faire passer à nos concitoyens et à nos dirigeants, présents et à venir. Car si nous intervenons dans le débat, ce n'est pas pour prendre parti pour un candidat ou un autre. Non ! C'est parce que nous pensons que les acteurs économiques et sociaux ont leur mot à dire au moment où notre pays fait des choix qui engagent son avenir.
Nos revendications, nos propositions pour l'avenir de l'agriculture française, elles sont au nombre de cinq.
Redonner du souffle et de la cohérence à notre politique agricole
La première, c'est qu'il devient urgent de redonner du souffle et de la cohérence à notre politique agricole. La logique ultra-libérale nous conduit tout droit à l'impasse. A force de démanteler les OCM, chaque accident conjoncturel menace de se transformer en crise de grande ampleur. A force d'affaiblir notre protection aux frontières, ce sont des pans entiers de notre agriculture qui se trouvent exposés aux évolutions chaotiques du marché mondial. Nous disons halte à la dictature du moins disant mondial ; halte à la logique du chacun pour soi.
La baisse des prix, ça suffit! On ne va pas continuer à démanteler nos organisations de marché pendant que d'autres distribuent à leurs producteurs des montagnes de dollars sans lesquelles ils seraient incapables d'exporter un seul grain de blé!
Bien entendu, les agriculteurs français ne souhaitent pas que l'Europe se replie sur elle-même. L'ouverture de notre économie sur le monde est une réalité que nous ne pouvons ignorer et à laquelle nous contribuons activement. La mondialisation, nous sommes prêts à l'accepter mais pas à n'importe quel prix.
Ce que la France et l'Europe doivent défendre à l'OMC, c'est une mondialisation maîtrisée et régulée. Une mondialisation qui reconnaisse le droit à la "souveraineté alimentaire" et participe à la régulation de l'offre mondiale de produits agricoles. Une mondialisation qui permette aux différentes régions du monde de mettre en uvre la politique agricole de leur choix. Bref, une mondialisation au profit du plus grand nombre et non une mondialisation au profit des plus forts.
Et je mets en garde nos négociateurs, ceux de Paris comme ceux de Bruxelles : ils doivent s'opposer de toutes leurs forces à une sorte de division internationale du travail selon laquelle les Américains auraient la production pour contrôler l'arme alimentaire, et nous l'entretien des paysages pour que leurs touristes puissent goûter aux joies de la campagne "made in France". Faire vivre les territoires, oui, mais à condition que nous restions d'abord des producteurs. Nous n'accepterons jamais de faire semblant d'être des paysans.
Un nouveau cycle de négociations est engagé. De son issue dépendra l'avenir du modèle agricole européen et donc notre avenir. Car notre agriculture, nous n'imaginons pas qu'elle puisse s'épanouir sans dimension européenne. A ce titre, nous restons, plus que jamais, des partisans résolus de la poursuite de la construction communautaire. Des partisans déterminés d'une PAC fidèle à ses principes fondateurs : préférence communautaire, unicité du marché, solidarité financière.
Des principes indispensables pour relever le défi de l'élargissement. Un élargissement auquel nous sommes bien sûr favorables, à condition que l'Europe se donne les moyens de ses ambitions et qu'elle ne sacrifie pas la PAC au nom de la géopolitique.
On parle beaucoup de développer le second pilier de la PAC. Commençons d'abord par consolider le premier ! Pour nous, le principal demeure le soutien à la production et la régulation des marchés. Nous ne voulons pas du scénario "libéral vert", projet contradictoire où se retrouvent pèle-mêle les partisans d'une agriculture industrielle et ceux d'une agriculture vouée à l'entretien des paysages. Nous voulons une PAC ambitieuse et des OCM dignes de ce nom. Ce sera notre priorité pour le "rendez vous à mi-parcours des accords de Berlin". Ce doit être celle des hommes et des femmes qui dirigeront la France à l'issue de ces élections.
Encourager nos efforts en faveur de l'organisation des filières
Notre deuxième revendication concerne l'organisation des filières. Dans ce domaine, les agriculteurs ont su prendre leurs responsabilités et développer des partenariats pour un juste partage de la valeur ajoutée. Ils savent aussi, quand le besoin s'en fait sentir, amener leurs partenaires à la table de négociation pour rétablir certains équilibres au niveau des prix et des marges. Ce pouvoir économique, il nous appartient et nous n'entendons pas le céder à quiconque. Nous avons même l'intention de le conforter car des progrès restent à faire dans bien des filières.
Les Pouvoirs publics doivent cependant accompagner nos efforts. En encourageant le travail que nous faisons chaque jour pour développer les filières de qualité. En renforçant le cadre juridique des interprofessions et en leur donnant les moyens de travailler efficacement. En mettant un terme aux pratiques commerciales abusives, aussi, comme a commencé à le faire la loi sur les nouvelles régulations économiques. Une loi que nous avons obtenue de haute lutte et dont nous entendons faire le bilan dans les mois qui viennent. Il n'y a pas que la grande distribution qui a le droit de gagner sa vie dans ce pays.
Nous ne demandons pas la lune. Seulement la possibilité de nous organiser pour défendre nos intérêts, valoriser nos produits et instaurer des relations plus équilibrées au sein de la filière agroalimentaire. "La liberté, c'est le droit de s'organiser soi-même avant de l'être par les autres" disait Georges Clémenceau. Comme ce dernier - à ma connaissance - n'est pas candidat aux prochaines élections, je peux le citer sans fâcher personne. Je me permets même de reprendre à notre compte ce principe et j'engage nos responsables politiques à le méditer. L'alternative est claire : un partenariat au profit de tous ou la loi du chacun pour soi au profit du plus fort. Nos dirigeants doivent faire leur choix et surtout traduire leurs paroles en actes. C'est là que nous les attendons. C'est là que nous les jugerons.
Réduire les charges pour assurer la compétitivité de nos exploitations
Des marchés régulés et des filières organisées : voilà la clef du succès. Voilà la solution pour enrayer la spirale infernale de la baisse des prix, du revenu agricole et du nombre d'exploitants. Mais nos revendications ne s'arrêtent pas là.
La compétitivité de nos exploitations, c'est la santé de notre agriculture. Or, beaucoup trop de charges pèsent sur nos entreprises. Elles grèvent notre revenu, amputent nos capacités d'investissement. Elles découragent l'initiative et brident notre dynamisme. Des progrès ont été réalisés par le passé mais ils restent sans commune mesure avec la pression qu'exercent nos concurrents. L'agriculture française a besoin d'une politique ambitieuse d'allègement des charges.
Dans les sociétés de capitaux, le prélèvement social porte sur les seuls revenus du travail. Pourquoi traiter différemment les entreprises individuelles et les sociétés de personnes qui constituent les plus gros bataillons de nos exploitations? De même, renouveler des investissements ou transmettre une exploitation génèrent des plus values qui doivent pouvoir être réinvesties à des fins productives. Pourquoi, alors, les fiscaliser au risque de priver l'exploitation de ses capacités d'auto financement? Enfin, qui pourra nous dire comment appliquer l'accord sur les 35h sans risquer une explosion du coût du travail, notamment dans les secteurs où ce critère constitue un avantage concurrentiel décisif? En ce qui concerne les saisonniers, je le dis tout net : les solutions n'ont que trop tardé !
Voilà des questions, parmi d'autres, auxquelles nous voudrions qu'on nous apporte des réponses. Et qu'on ne vienne pas nous raconter que Bruxelles n'est pas d'accord. Ce qu'il faut à nos dirigeants, ce n'est pas un blanc-seing européen mais du courage politique. Rien de plus.
Administrer sans étouffer
Trop de charges pèsent sur nos exploitations. Trop de contraintes administratives, aussi. Règlements, normes, contrôles, déclarations, agréments... : nous étouffons sous le poids du carcan bureaucratique que les Pouvoirs publics nous imposent. D'ailleurs, s'il existait un prix Nobel de la complexité administrative, il devrait être décerné à notre ministère pour l'ensemble de son uvre, avec une mention spéciale pour ceux qui ont inventé la " modulation à la française " !
Nous étions des artisans du vivant, nous devenons des industriels de la paperasse! Il faut redonner sa place à l'initiative individuelle et à la liberté d'entreprendre. Libérer les énergies tout en protégeant les personnes, à commencer par les plus faibles. Et gardons-nous de transformer l'Etat en une énorme machine qui organise et réglemente tout. Arbitre en dernier ressort, il doit conserver et même renforcer ses missions régaliennes. Mais il doit aussi apprendre à déléguer aux acteurs économiques et sociaux le soin de se prendre en charge. Reconnaître l'importance et la légitimité du dialogue social.
Administrer sans étouffer : tel est le défi que nous lançons à ceux qui aspirent à diriger notre pays. Pour cela, il faudra commencer par clarifier la réglementation. Il faudra également rendre notre administration plus efficace ; ce qui suppose qu'elle demeure proche des agriculteurs et qu'on ne cède pas à la tentation de supprimer le Ministère de l'agriculture comme d'autres l'ont fait en Europe. Les agriculteurs doivent pouvoir compter sur un interlocuteur privilégié, au niveau national comme au plan local. Un interlocuteur doté de la plénitude de ses responsabilités et de ses missions.
Donner sa chance au monde rural
Avoir de l'ambition pour l'agriculture française, c'est aussi avoir de l'ambition pour l'espace où elle s'épanouit. Le monde rural porte en lui un potentiel de ressources considérables. La diversité de ses milieux, de ses cultures et de ses métiers sont des atouts majeurs qui ne sont pas suffisamment valorisés.
Mettre en valeur le monde rural, c'est d'abord y maintenir autant d'agriculteurs que possible, y compris dans les zones les plus défavorisées. Pour cela, il faut une politique d'installation volontariste et des perspectives pour les candidats au métier d'agriculteur, notamment en matière de revenu. Comme ces zones souffrent souvent de handicaps structurels et naturels, il revient aux Pouvoirs publics de prendre en compte ce que la logique économique ignore. La politique de développement rural est là pour cela. Sachons en tirer parti, la décliner au plan régional et surtout l'utiliser en complément - et non en alternative - à la politique de régulation des marchés.
Les agriculteurs sont la clé de voûte du monde rural. Mais gardons-nous bien de confondre ruralité et agriculture. Le dynamisme d'un territoire dépend en grande partie de la diversité des activités qui y sont menées. Artisans, commerçants, PME et PMI : tous ont leur rôle à jouer. C'est avec eux que nous avons créé le groupe Monde Rural, et c'est ensemble que nous affirmons notre vocation commune : celle d'être des aménageurs et non des déménageurs. Tous doivent recevoir le soutien nécessaire au maintien et au développement de leur activité.
Il est temps de mettre en uvre une politique équilibrée d'aménagement du territoire. De promouvoir l'égalité des chances entre la ville et la campagne et d'agir pour que ces deux mondes ne se tournent pas le dos mais développent des partenariats féconds et durables. Oui, le monde rural incarne la modernité ! C'est un lieu de vie et un espace de respiration. C'est un bassin d'emploi et un creuset de valeurs. C'est une réponse aux tensions qui menacent notre cohésion sociale et nos équilibres territoriaux !
Conclusion
"Pas de pays sans paysans" disait Raymond Lacombe. C'est certain. J'y ajoute avec force qu'il n'y aura pas de paysans sans revenu. Et pas de revenu sans prix. C'est le sens de notre combat et je voudrais que ce soit le message que vous fassiez entendre non seulement aux candidats et à l'opinion publique mais à tous les agriculteurs français.
Vous êtes aujourd'hui 5000 témoins de la vitalité et de la diversité de notre agriculture. Soyez 5000 porte-parole de notre projet et de notre ambition pour l'agriculture française.
Soyez 5000 représentants de ces paysans qui sont fiers de nourrir leurs concitoyens et de leur donner du plaisir à manger.
Soyez 5000 symboles de ces centaines de milliers d'hommes et de femmes qui sont fiers d'être paysans !
Ensemble, avec la FNSEA et les Jeunes Agriculteurs, nous allons montrer que les paysans sont debout !
(Source http://www.fnsea.fr, le 1er mars 2002)