Texte intégral
R - Mesdames et Messieurs, merci d'être venus ici, au centre culturel. Merci de m'avoir attendu par cette chaleur. Nous avons choisi, l'ambassadeur et moi, ce lieu pour cette rencontre avec vous parce qu'il nous a semblé que c'était symbolique de se retrouver, ici, au centre culturel qui commencera par être ouvert le 1er janvier prochain, aux chercheurs et aux universitaires, avant de l'être plus largement. Mais, cela ce sont des indications concrètes et précises auxquelles je vais revenir dans un instant.
Sur un plan plus général, je voudrais vous dire que je suis venu à Alger, hier et aujourd'hui, non seulement parce que le président Bouteflika m'avait invité à venir, mais aussi parce que le président Chirac, le Premier ministre, M. Lionel Jospin, le gouvernement dans son entier, moi, portant la responsabilité des Affaires étrangères, nous avons estimé que nous étions à un moment charnière.
L'Algérie a traversé, ces dernières années, une terrible tragédie mais l'Algérie a tenu, dans cette tragédie et je voulais dire à cette occasion que la société algérienne et les autres structures, les Algériens, les Algériennes ont été particulièrement courageux dans cette épreuve. Ils nous ont montré qu'ils voulaient vivre dans une Algérie moderne. Il y a eu des moments difficiles pour eux mais aussi pour nous, dans nos relations qui ont été mises à mal sans que nous l'ayons voulu à aucun moment. Nous avons été contraints de prendre des mesures de protection, de précaution, de sécurité, qui, dans certains cas ont porté atteinte à certains des mécanismes, à certains des liens qui existent entre nous, et qui sont en quelque sorte une circulation d'oxygène entre les deux pays, les deux sociétés. Pourtant nous avons, dans ces périodes difficiles, au niveau de la France, maintenu tout ce qui pouvait l'être. Nous avons maintenu un consulat à Alger, par exemple, comme très peu de pays l'ont fait !
Nous avons maintenu une coopération culturelle, scientifique et technique qui bien sûr a été gênée de mille façons, donc qui n'avait pas l'ampleur qu'elle avait avant mais elle a été maintenue. Je peux vous dire que, au cours des deux dernières années, depuis que le gouvernement dont je fais partie est là, nous avons beaucoup travaillé, dans la perspective, dans l'attente du moment où la vraie relance des relations franco-algériennes serait possible. Nous avons, M. Chevènement et moi (M. Chevènement était là il n'y a pas longtemps, il en a parlé) ; nous avons réaugmenté régulièrement le nombre de visas - qui était tombé à un niveau tellement faible qu'il ne permettait même plus les échanges minimums dont les deux sociétés ont absolument besoin. Nous les avons réaugmentés, non pas en fixant de façon arbitraire des quotas - ce n'est pas notre politique, ce n'est pas non plus celle des Algériens - mais simplement en libéralisant, en assouplissant les conditions dans lesquelles les visas sont attribués. On connaît les chiffres: en 1997, nous étions tombés à 50 000, cette année nous serons remontés au-dessus de 150 000. Dans quelques jours, début août, on aura atteint le même nombre de visas que pour tout l'an dernier ! Ces chiffres vous donnent une idée du rythme général. De même nous avons fait des travaux au consulat que j'ai visité hier, pour que ceux qui viennent demander des visas et en même temps, le personnel qui doit traiter ces questions, attendent ou travaillent dans des conditions humaines ou comptables les plus agréables possibles et que les temps soient réduits au minimum. C'est tellement vrai que ce "préau-visas" que l'on a visité ensemble et qui a été inauguré le 1er février dernier est une sorte d'exemple à mes yeux et j'ai l'intention dans l'année qui vient de faire faire des travaux de ce type dans un certain nombre de pays - je ne pense pas qu'à l'Algérie, mais l'Algérie aussi - des pays dans lesquels les demandeurs de visas doivent être traités de cette façon-là, le mieux possible. Ce consulat est d'ores et déjà, un exemple.
J'ai parlé des moments difficiles que les relations entre nos deux pays ont traversés parce que l'Algérie traverse un moment difficile mais j'ai indiqué que nous sommes dans une situation différente, radicalement différente. Nous sommes à un moment charnière. Je crois pouvoir dire que l'alchimie franco-algérienne est de nouveau à l'oeuvre. Je pense à ce qui se passe à partir de maintenant et à ce qui viendra après, à travers les rencontres entre le président Bouteflika et le président Chirac, entre le président Bouteflika et M. Jospin, à travers les rencontres et le travail en commun entre les membres des deux gouvernements des deux pays. Tout cela va constituer au cours des semaines et des mois qui viennent une véritable refondation de la relation franco-algérienne. C'est dans l'intérêt des deux pays. C'est dans l'intérêt des deux peuples. C'est dans l'intérêt de nos voisins et de leurs voisins aussi bien européens que maghrébins. Alors, nous avons naturellement beaucoup parlé aussi bien lors de l'entretien avec le président de la République qu'auparavant avec le Premier ministre, et hier avec le ministre des Affaires étrangères. Nous avons parlé de toute une série de questions qui se posent et que nous avons héritées du passé. Il y a les questions consulaires et les visas dont je vous ai déjà dit un mot pour rappeler l'effort qui a été entrepris depuis 1997 ; effort matériel qui a été accompli pour faire ce dont je vous ai parlé au consulat.
Vous savez dans quelles circonstances tragiques la France avait dû replier son système et puis abriter à Nantes le bureau correspondant au traitement des visas parce qu'il ne pouvait plus rester, ici, en Algérie compte tenu des conditions de sécurité de l'époque. L'objectif naturel est de réussir à fermer ce bureau dès qu'il sera devenu inutile.
L'objectif normal qui est le nôtre est de faire en sorte que tout ce qui est travail de consulat soit traité ici comme dans tout autre pays. Voilà l'objectif ! Mais cela veut dire que pour réouvrir, il faut un peu préparer les choses. Je vous ai parlé du consulat d'Alger. Le "préau" comme on dit, que j'ai vu hier, n'est pas le même équipement qu'avant. On ne peut pas réouvrir des locaux qui étaient parfois insuffisants, déjà inadaptés; dans lesquels les gens attendaient dans de mauvaises conditions, faisant la queue dehors sous la pluie ou sous le soleil, sans pouvoir s'asseoir, ni trouver à boire, ni rien. En même temps, il faut que ce soit une occasion d'améliorer tout cela. Je peux vous dire que la décision a été prise de réouvrir Oran et avant Oran, Annaba. Et nous allons immédiatement - l'ambassadeur a beaucoup de travail devant lui - avec nos amis algériens nous occuper tout de suite de la mise en oeuvre pratique et des problèmes à résoudre de différente nature pour que ce travail consulaire recommence au plus tôt et pour que l'on ait très vite - mais ceci n'est pas une condition à cela - une nouvelle installation permettant de faire les choses en grand et bien.
Voilà une première décision politique prise à l'occasion de cette visite. Le centre culturel, je vous le disais en commençant, va être réouvert au ler janvier 2000. D'abord aux chercheurs et aux universitaires. J'en profite pour rendre hommage à cette occasion au personnel qui a veillé sur ce centre et qui l'a maintenu dans tous les moments, même les plus difficiles. Notre projet, notre programme est de réouvrir ensuite, de réaliser progressivement toute une série d'autres centres culturels dans d'autres villes d'Algérie: Oran, Annaba, Tizi-Ouzou et Constantine.
En ce qui concerne Air France, vous savez également tous dans quelles conditions tragiques, la Compagnie Air France avait dû interrompre ses vols. Vous savez tous qu'elle l'avait fait, contrainte et forcée parce qu'elle ne souhaitait qu'une chose et nous ne souhaitions qu'une chose et le gouvernement français ne souhaitait qu'une chose, c'était que ces vols puissent se poursuivre, naturellement. Il y a une attente et même une impatience légitime de la part des autorités algériennes et je dirais plus encore, du peuple algérien pour que les relations aériennes puissent reprendre. Nous le souhaitons, naturellement ! Mais il faut souligner que c'est une décision qui relève des autorités de la Compagnie. Ce ne peut pas être une décision politique arbitraire. Il y un souhait politique très fort, une volonté politique mais la décision, elle-même, doit être prise par les autorités de la Compagnie, par le président de la Compagnie, sous sa responsabilité, ce qui suppose qu'un certain nombre de préparatifs soient complètement achevés.
C'est dans cet esprit qu'une mission-étude de la sécurité dirigée par des spécialistes de la sécurité d'Air France est venue à Alger, les 26 et 27, donc juste avant mon voyage pour examiner ces questions. Les travaux se sont très bien passés avec les autorités algériennes en matière de sécurité. La plupart des problèmes ont été réglés. Quelques problèmes - mais peu nombreux - restent à régler. Une autre mission doit avoir lieu dans un mois, au tout début septembre et d'après ce que m'a dit le président de la Compagnie Air France, il prendra sa décision sur la base de toutes ces indications; son objectif est de vouloir recommencer au plus tôt. Il a un horizon qui est l'automne mais je ne peux pas vous en dire plus car, encore une fois, ce n'est pas une décision que les autorités algériennes ou françaises imposent à la compagnie. Il faut faire cela dans de meilleures conditions possibles pour que tout se passe bien. Vous voyez que nous sommes déjà en bonne voie. Maintenant c'est une question d'un petit nombre de mois au maximum. Enfin, je ne fixe pas de date. Je souhaite simplement que les dernières discussions techniques entre les spécialistes français et algériens sur ce plan aillent vite et règlent bien tous les problèmes qu'il reste encore à traiter. Naturellement, l'effort que nous faisons ensemble, avec nos amis algériens pour régler ces problèmes qui se sont posés, ces dernières années, n'est pas une fin en soi. Si nous voulons avoir des relations qui fonctionnent, si nous voulons avoir des consulats pour travailler dans des conditions normales, c'est pour "refonder" une relation et si j'ai employé ce terme fort et global, c'est parce que l'on voit bien que cela concerne et que cela va concerner tous les aspects de notre relation : les dimensions politiques et diplomatiques, la coopération culturelle avec ses déclinaisons: culturelle, scientifique et technique, dans tous les volets de la formation ; d'autres aspects peut-être comme l'agriculture ; tout ce qui relève des entreprises. Des entreprises françaises veulent déjà revenir, se réintéresser à ce marché algérien intéressant et prometteur. Une mission était là en mars; d'autres veulent venir.
Tout cela, ce ne sont pas des décisions que prennent les gouvernements. Mais il appartient au gouvernement de créer un contexte favorable, d'envoyer les signaux politiques appropriés. C'est ce que nous faisons. Et au-delà de ce traitement des contentieux bilatéraux qui nous gênaient encore; au-delà de cette relance bilatérale, il y aura tout simplement une relation franco-algérienne forte permettant de parler dans ces deux pays de tous les grands problèmes du moment et il y en a beaucoup en ce qui concerne la France et l'Algérie, à commencer par toutes les relations entre l'Europe et la Méditerranée, I'Europe et le Maghreb. Nous sommes heureux de voir que cette période politique nouvelle en Algérie coïncide en même temps avec des perspectives nouvelles, des déblocages en ce qui concerne l'Algérie et le Maroc. Notre politique a toujours été d'avoir les meilleurs rapports simultanés possibles, avec nos amis algériens, nos amis marocains, nos amis tunisiens. Ce qui veut dire que nous avons toujours souhaité que les relations entre eux soient les meilleures possibles et que, eux-mêmes, de leur côté, arrivent à traiter, à surmonter les contentieux, qui peuvent ou qui ont pu les opposer. Or, il semble bien que nous ayons devant nous une série d'éléments nouveaux, prometteurs. Ce qui nous permet d'aborder l'avenir avec confiance. C'est ce qui a caractérisé la très longue audience que m'a accordée le président de la République et un déjeuner fort sympathique. J'ai été frappé de voir le type de vision qu'il a sur les relations franco-algériennes. Il les replace dans une perspective historique longue, qui englobe les décennies écoulées, qui tient compte au plus haut point, des grands moments, des moments les plus positifs et les plus exceptionnels, qui est lucide par rapport au nombre des difficultés et qui conclue sur le caractère exceptionnel de cette relation et sur une très grande vision d'avenir. J'ai dit, moi-même, il y a quelques jours, à Paris, que les autorités françaises voulaient rendre les relations franco-algériennes plus "normales", au sens de plus en "plus sereines" mais qu'elles ne pourraient jamais être banalisées parce qu'elles ne peuvent pas l'être.
Voilà ce que je dirai après mon retour à Paris au président de la République et au Premier ministre et dans quel esprit nous allons aborder les chapitres suivants. Maintenant, il me reste quelques instants pour répondre à vos questions.
Q - Est-ce qu'une visite du président Chirac a été programmée et avez-vous une date ?
R - Eh bien, là, je vais m'abriter derrière la réponse du président Bouteflika, qui tout à l'heure, a répondu à une question identique, qu'il avait invité le président Chirac et qu'il l'avait d'ailleurs déjà fait publiquement et qu'il l'invitait de nouveau d'autant plus que j'étais, moi-même, ici, porteur d'un message du président de la République. Il a ajouté qu'il avait également invité le Premier ministre, M. Lionel Jospin, également ici, et qu'ils souhaitent se voir ici. Quand on lui a demandé quand et comment, il a dit qu'il ne pouvait pas se permettre de répondre avant d'en avoir discuté de façon plus détaillée avec les principaux intéressés. Je ne vais donc pas le faire à sa place mais considérez que ces rencontres à haut niveau font partie de notre paysage à court terme.
Q - Est-ce que le président algérien a aussi été invité par le président Chirac ?
R - Vous êtes bien protocolaires, les uns et les autres, bien formalistes ! Alors que ce qui s'est passé dans les échanges de messages ces dernières semaines et dans les contacts qui ont eu lieu et dans cette visite, ce n'est ni protocolaire, ni formaliste, et que l'on ne s'est pas posé la question de savoir dans quel ordre les choses allaient se passer, ni où. Il y a un élan qui passe, il y a un dynamisme, un souffle nouveau et je suis venu là parce que le président de la République et le Premier ministre ont estimé que c'était le moment. Il fallait être là. Le président Bouteflika le souhaitait. Vous avez vu avec quelle chaleur et quel esprit il m'a accueilli et nous nous sommes mis d'accord tout de suite pour que les contacts entre les deux présidents, les contacts entre les ministres... Tout cela va suivre et va amplifier ce qui se passe en ce moment. Le détail n'est pas absolument arrêté mais c'est pour des raisons d'arrangements pratiques. C'est tout ! Mais le mouvement est lancé. Le reste, vous le saurez quand ce sera fixé.
Q - Ma question est récapitulative. En fait, rapidement, quels sont les résultats de votre visite à Alger sur le plan politique, économique et culturel et concernant, toujours, la reprise d'Air France, est-ce que la décision finale dépend exclusivement du PDG d'Air France ?
R - Les résultats de ma visite, je crois, que c'est la concrétisation d'un nouveau climat très fort puisque je vais jusqu'à parler, non pas seulement d'une relance, mais d'une "refondation" des relations entre les deux pays parce que cela touche à la politique, à la diplomatie, à la culture, à l'économie, et aux échanges entre les personnes. Cela recouvre donc tout. Cela a été l'occasion pour moi de dire au président Bouteflika que nous avions pris la décision de principe de réouverture des consulats à Annaba et à Oran, et de réouverture aux chercheurs d'abord de ce centre culturel, au 1er janvier prochain, en attendant les réouvertures de centres dans quatre autres villes.
Pour la mise en oeuvre de toutes ces décisions de principe, nous avons besoin, au nom de l'amitié et de la coopération et de l'aide des autorités algériennes. En ce qui concerne la question d'Air France, il est bon de rappeler à l'occasion qu'Air France avait interrompu ses vols mais à son grand regret parce que l'Algérie était un pays très important pour cette Compagnie.
J'ai pu souligner qu'en ce qui concerne le gouvernement, à son niveau, il souhaite que l'on puisse reprendre dès que possible mais la décision effectivement en dernier ressort dépend du président de la Compagnie. C'est sa responsabilité et nous devons tous la respecter parce qu'il faut reprendre dans de bonnes conditions et c'est lui qui va travailler à partir des conclusions de la mission technique et de sécurité (celle qui est venue) et de celle qui reviendra dans un mois et c'est à lui de, à l'intérieur de la Compagnie où il y a un dialogue~social qui est important aussi, d'arriver à cette conclusion. Mais on est en bonne voie, le mécanisme est lancé et je pense que la conclusion est assez proche et comme je le disais, il y a un instant, le traitement que nous apportons à chacun de ces contentieux bilatéraux, dont nous avions hérité de ces années de tragédie, doit nous permettre de déboucher sur une relance des échanges politiques à haut niveau, sur une coopération repensée. Il y a également une réunion importante qui n'avait pas eu lieu depuis, je crois, trois ans qui est la réunion d'un comité des projets en ce qui concerne les différentes modalités de notre coopération.
Voilà les têtes de chapitre, l'ensemble des sujets dont j'ai parlé avec le président de la République, le Premier ministre et le ministre.
Q - Bienvenue Monsieur le ministre, "tout ce qui est excessif devient insignifiant ", une sentence prononcée par un de vos illustres prédécesseurs, en l'occurrence, Talleyrand. Ne croyez-vous pas que de l'autre côté de la Méditerranée, on est un peu de ce côté de la vitrine, je veux parler de l'image de la France par rapport à l'Algérie. Nombreux sont les jeunes algériens qui ont une image peu séduisante de la France car elle véhicule l'image du "stop up" : "Arrêtez-vous, vous ne dépasserez pas la frontière algérienne !". Qu'envisagez-vous de faire, d'autant que vos médias véhiculent l'image d'une France tolérante, d'une France très libérale. Il y a quelque part un petit paradoxe !
D'autre part, Monsieur le Ministre, il est évident que l'Algérie fait partie du Processus de Barcelone et que l'accord d'association Union européenne-Algérie n'a pas encore eu lieu ; est-ce que vous avez discuté éventuellement de cet accord ? Pouvez-vous surtout nous parler de la contribution éventuelle de la France dans cet accord ? Etes-vous d'accord avec les questions que se posent les Algériens tel que le fait de lier la situation des biens à celle des personnes ou encore le redémarrage du process industrial. Les Algériens, vous le savez peut-être, sont pour une forme de reversement de la dette publique dans le cadre de la redynamisation du process industrial, c'est-à-dire que des milliards de dollars seraient débloqués pour former souvent des partenariats. Excusez la longueur de ces questions, j'ai été excessif ; j'espère que cela n'est pas insignifiant pour vous.
R - Vous posez beaucoup de questions riches qui mériteraient, toutes, un développement. Alors, je vais répondre sur deux points : sur l'image et sur le Processus de Barcelone. L'image, c'est tellement vaste, cela dépend de tellement de choses. L'image d'un pays, cela ne dépend pas que de l'action d'un gouvernement à un moment donné, cela dépend de l'Histoire, cela dépend des souvenirs, cela dépend des contacts de chacun, cela dépend évidemment de ce que font les autorités du pays mais cela dépend des médias qui, eux-mêmes, ont des sensibilités diverses et dont le rôle n'est pas le même. Donc, c'est très vaste par rapport à cela. Ce que je peux vous dire, c'est que la politique que souhaitent mener, que veulent mener les autorités françaises aujourd'hui, en tenant compte de cette situation manifestement nouvelle en Algérie, pour différentes raisons, c'est une politique qui devrait faire aimer cette image de la France et cette image de la France, c'est ce que nous faisons évoluer en matière de visas et quand le nombre réaugmente régulièrement et quand les conditions d'accueil deviennent ce que j'ai décrit tout à l'heure et quand nous voulons relancer la coopération culturelle, scientifique et technique. Naturellement, en allant à la rencontre de ce que peuvent souhaiter les Algériens, que ce soient les autorités, les personnes ou les associations, précisément pour que cette amitié, cette affection soient refondées sur les bases d'aujourd'hui. Si on travaille bien, au bout du compte, l'image sera positive. Mais cela ne se décrète pas ! Il faut que nous travaillions de part et d'autre par rapport à cela.
Quant au Processus de Barcelone, c'est un processus qui a de l'intérêt parce que c'est la seule structure qui réunit tous les pays d'Europe même ceux qui n'ont pas de relations habituelles, ni de curiosité spontanée pour les pays de la rive Sud de la Méditerranée, tous les pays de la rive Sud. Donc, c'est une structure intéressante. L'autre intérêt est qu'il comporte un programme, qui est le programme Meda qui peut permettre de subventionner certains projets. Cela a été un peu long à démarrer ! Et là, vous citiez une formule, je vais en citer une autre qui est : "qui trop embrasse, mal étreint !" Beaucoup de pays, beaucoup de programmes, des financements qui ne sont pas commodes à mettre en oeuvre, une définition des projets qui n'était pas très claire au début. Donc, tout cela a démarré cahin caha. Mais maintenant, cela commence à se développer et je suis convaincu que l'Algérie devrait pouvoir trouver sa place dans ce processus mais je n'ai pas fait une visite d'entretiens diplomatiques classiques, à Alger. Alors, évidemment, nous avons parlé de perspectives, j'ai été passionné d'entendre le président Bouteflika me parler de ses conceptions, l'avenir des relations avec le Maroc, des possibilités de réactiver l'UMA, de toutes les questions africaines quelques jours après le sommet de l'OUA et nous avons évidemment évoqué l'avenir des relations euro-méditerranéennes, euro-algériennes, euro-maghrébines ou franco-maghrébines. Vous voyez, toutes les configurations possibles et imaginables mais ce n'est pas une session de travail, avec des conclusions en cinq points là-dessus. Ma réponse simple est que l'Algérie doit avoir toute sa place dans ce processus d'autant que lui-même est simplement en train de s'organiser maintenant et en train de devenir véritablement efficace.
Q - Oui, Monsieur Védrine, je voulais vous poser une question à propos d'Air France. On a entendu M. Chevènement dire que c'était le syndicat des pilotes et des stewards qui pose des problèmes au retour des avions d'Air France sur les aéroports algériens. Nous avons effectivement interrogé ce syndicat et il nous a affirmé que celui-ci n'avait aucun pouvoir pour influer sur une décision, que cette décision était éminemment politique. Nous avons alors interrogé le ministère des Transports, M. Gayssot, qui nous a renvoyé au ministère des Affaires étrangères, votre ministère, et nous a également dit que cela relevait de la présidence de la République. Que répondez-vous à ce syndicat qui a dit cela dans un article paru dans le Salama, Ndeg.13.
R - Je ne réponds pas à des syndicats. Je réponds à vous.
Q - Bien sûr !
R - Et ce que je vous dis, c'est que cela fait longtemps déjà, peut-être depuis que je suis ministre, donc depuis que le gouvernement est là, que nous n'avons cessé de dire à Air France qu'il serait souhaitable de revenir et qu'il devient urgent et qu'il faut vraiment le faire. Donc ! il n'y a aucune espèce d'empêchement d'aucune sorte venant d'aucune autorité politique.
En ce qui concerne les problèmes internes, ils sont d'autant plus vrais qu'il y a quelques jours, sur une radio française certains représentants de certains syndicats - il y en a plusieurs - ont déclaré qu'ils déclencheraient une grève si la Compagnie décidait de revenir. Donc, il y a un vrai problème ! Cela veut dire qu'il y a une série de catégories de personnel ; vous parliez d'une certaine catégorie. II doit y en avoir d'autres. Mais certaines catégories de personnel veulent avoir des garanties vraiment très fortes pour accepter de revenir sinon tout simplement il y aura des décisions, non pas politiques, ce n'est pas un problème politique ! ni du gouvernement, encore moins de la présidence ! C'est un problème de la Compagnie avec un président qui prend ses décisions, qui a sa responsabilité et qui donne une réponse compte tenu de l'état de son personnel et de sa Compagnie. C'est parce que ces exigences étaient posées et étaient très fortes qu'il a envoyé une mission qui vient de venir là, juste avant ma visite, pour écrémer toutes ces questions. Cette mission s'est bien passée. Elle a réglé presque tout sauf un ou deux problèmes qui doivent être traités dans un mois à peu près. Donc, vous voyez qu'on est en bonne voie; les choses avancent et les chances se rapprochent.
Voilà, je l'ai dit tout à l'heure et je le répète, il n'y a pas d'autres interprétations à donner que cela d'autant que nous souhaitons tous que cela reprenne maintenant : les Algériens le souhaitent, les Français aussi, les autorités de part et d'autre le souhaitent. Donc, les dirigeants de la Compagnie ont une responsabilité à exercer, ils veulent que cela reprenne dans des conditions impeccables et c'est cela qui est en train d'être préparé et il n'y a pas de petites bêtes à chercher.
Q - Il faut espérer avant la fin de l'année ,
R - C'est à Air France de le communiquer. Je crois que c'est dans leur intention !
Q - Bonsoir, Monsieur le ministre. Bienvenue ! Vous avez parlé tout à l'heure des entreprises françaises qui veulent venir sur le marché algérien. Je voulais poser une question très simple. Est-ce qu'il y a réellement eu une volonté de ces entreprises d'investir, réellement sur le plan technologique et sur le plan scientifique ou autres, en Algérie et est-ce que la COFACE depuis ce temps-là s'est améliorée ? Veut-elle accompagner toutes ces entreprises et leur donner toutes les assurances pour venir sur le marché algérien ?
R - Merci de votre bienvenue ! Vous posez deux questions différentes : sur les entreprises et sur la COFACE. En ce qui concerne les entreprises, ce qu'elles font ou pas, cela ne dépend pas de la décision des gouvernements, moins que jamais - chaque année qui passe, compte tenu de l'évolution de l'économie mondiale et du type d'économie de marché qui existe partout maintenant fait que les entreprises se déterminent de plus en plus sur des critères qui sont les leurs. Ce que je sais, moi, c'est que dans le milieu des entreprises françaises, notamment des PME, il y a un mouvement d'intérêt en ce qui concerne l'investissement en Algérie ou dans certains cas pour leur retour en Algérie, pour celles qui y étaient avant; certaines entreprises étaient là ; certaines ont réussi à tenir et cela a été difficile mais beaucoup n'ont pas pu. Beaucoup veulent revenir et certaines veulent venir à tel point qu'il y a eu une mission, il y a quelques semaines, en mars, du CNPF qui s'appelle maintenant le MEDEF international, avec beaucoup de représentants d'entreprises - mission que, évidemment, le Quai d'Orsay a vivement encouragée. Ce que font les gouvernements, dans ce cas, c'est de faciliter, c'est de favoriser, c'est d'encourager, c'est de créer un climat favorable par des signaux politiques, et par des tas de petites mesures mais on ne peut pas décider à leur place. Et finalement, investissement ou non, cela dépend d'une analyse financière, économique, évidemment des conditions de sécurité, des conditions de fonctionnement, et de toute sorte de choses : ce sont des calculs de risques d'investissements. La seule chose que je peux vous dire, c'est que les autorités françaises le souhaitent, cela, et qu'elles l'encouragent.
En ce qui concerne la COFACE, je vais peut-être profiter de votre question pour dissiper un malentendu et une fausse interprétation qui peuvent être aussi tenaces que les fausses interprétations sur Air France et les fausses interprétations sur les visas, donc j'en profite ! La COFACE fonctionne comme une compagnie d'assurances. Ce n'est pas une sous-direction d'une administration de ministère, la COFACE. Cela l'a peut-être été dans des temps très anciens, mais ce n'est pas le cas aujourd'hui. Donc, cela fonctionne comme une Compagnie d'assurances qui fixe ses risques en fonctions de son analyse : analyse de la situation économique, de la situation financière, de la situation en matière de paiement de l'arriéré, de critères financiers et économiques. En plus la COFACE fixe aujourd'hui son attitude en s'alignant sur les pays de l'OCDE, qui décident par consensus. C'est peut-être contraignant. Je dois dire et ce n'est pas le lieu d'ouvrir le débat mais, dans certains cas, le ministère français des Affaires étrangères pense qu'il faut classer autrement certains pays parce que la France pense que les critères purement financiers sont un peu en retard sur les évolutions politiques et qu'il y a des ouvertures qu'il faudrait saisir. Bref ! Il y a un débat dans certains cas ! Mais la COFACE, elle, travaille à l'intérieur de ce consensus de l'OCDE. Et donc, la façon dont est classée pour le moment l'Algérie en fonction du calcul de risques d'investissements, c'est ce consensus OCDE qui l'a imposée. Ce n'est pas une décision française pure. Je peux même vous dire que la France avait plaidé pour que l'Algérie soit mieux classée.
Q - L'Algérie a été classée en état de guerre comme l'Asie...
R - Non, c'est inexact ! Enfin, c'est autre chose... Je ne suis pas un représentant de la COFACE ni de l'OCDE. II faut que vous reteniez le mécanisme. C'est un consensus OCDE et l'Algérie n'est pas la seule dans cette catégorie. II y a des tas de pays qui n'ont pas connu des drames comme cela mais qui sont dans la même catégorie pour des raisons financières ou économiques. La France a plaidé pour un meilleur classement avec un autre pays et, pour le moment, nous n'avons pas été suivis. Nous avons l'intention de continuer et nous y avons intérêt puisque nous souhaitons pour nos entreprises.
Une dernière question ?
Q - Monsieur le Ministre, vous avez parlé d'un objectif de la France entretenant des relations étroites vis-à-vis de l'Algérie, la Tunisie et du Maroc. Peut-on considérer cet objectif comme traduisant une simple relation privilégiée d'autant qu'on parle le plus souvent d'une concurrence entre la France et les Etats-Unis ?
R - Je crois dans ce projet, qu'il n'y a aucune crainte d'aucune sorte, il n'y aucune crainte de perdre quoi que ce soit. Et il n'y a aucune rivalité, c'est tout simplement le bon sens sans aller chercher d'autres explications. La France a des relations historiques étroites avec l'Algérie, le Maroc et la Tunisie. Ces relations sont plus ou moins faciles, plus ou moins difficiles selon les moments mais elles sont toujours fortes, toujours particulièrement denses notamment sur le plan humain. Donc c'est un projet normal pour de la France de vouloir avoir de très bons rapports avec l'Algérie, de très bons rapports avec le Maroc et de très bons rapports avec la Tunisie. Et quand il y a des problèmes entre les trois pays du Maghreb, cela nous complique les choses. Nous, nous souhaitons qu'il y ait une bonne coopération entre ces trois pays. L'Union du Maghreb arabe, ce n'est pas à nous de la faire, c'est à chacun de ces pays en fonction de leur souveraineté d'en décider. Si l'Union du Maghreb arabe peut être relancée et réactivée, nous en serions les premiers satisfaits. Donc, c'est une démarche logique, de bon voisinage et qui a aujourd'hui, je pense, plus de chances que jamais de se voir satisfaite, parce que la configuration que vous connaissez au Maghreb, en Europe et en France s'y prête bien. Voilà ce que je peux vous dire mais surtout n'y voyez aucune crainte, ni aucun désir de concurrence.
En ce qui concerne la présence américaine, elle est forte dans le monde entier. Quand les Etats-Unis s'intéressent plus à des pays qu'ils négligeaient... tant mieux, tant mieux pour tout le monde. Nous ne sommes absolument pas menacés, ni gênés et ce n'est pas cet intérêt qui nous fait mettre en avant cette idée d'un rapport étroit avec les pays du Maghreb. C'est une idée ancienne. En ce qui nous concerne, nous avons toujours pensé des choses comme cela. Merci beaucoup./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 6 août 1999)
Sur un plan plus général, je voudrais vous dire que je suis venu à Alger, hier et aujourd'hui, non seulement parce que le président Bouteflika m'avait invité à venir, mais aussi parce que le président Chirac, le Premier ministre, M. Lionel Jospin, le gouvernement dans son entier, moi, portant la responsabilité des Affaires étrangères, nous avons estimé que nous étions à un moment charnière.
L'Algérie a traversé, ces dernières années, une terrible tragédie mais l'Algérie a tenu, dans cette tragédie et je voulais dire à cette occasion que la société algérienne et les autres structures, les Algériens, les Algériennes ont été particulièrement courageux dans cette épreuve. Ils nous ont montré qu'ils voulaient vivre dans une Algérie moderne. Il y a eu des moments difficiles pour eux mais aussi pour nous, dans nos relations qui ont été mises à mal sans que nous l'ayons voulu à aucun moment. Nous avons été contraints de prendre des mesures de protection, de précaution, de sécurité, qui, dans certains cas ont porté atteinte à certains des mécanismes, à certains des liens qui existent entre nous, et qui sont en quelque sorte une circulation d'oxygène entre les deux pays, les deux sociétés. Pourtant nous avons, dans ces périodes difficiles, au niveau de la France, maintenu tout ce qui pouvait l'être. Nous avons maintenu un consulat à Alger, par exemple, comme très peu de pays l'ont fait !
Nous avons maintenu une coopération culturelle, scientifique et technique qui bien sûr a été gênée de mille façons, donc qui n'avait pas l'ampleur qu'elle avait avant mais elle a été maintenue. Je peux vous dire que, au cours des deux dernières années, depuis que le gouvernement dont je fais partie est là, nous avons beaucoup travaillé, dans la perspective, dans l'attente du moment où la vraie relance des relations franco-algériennes serait possible. Nous avons, M. Chevènement et moi (M. Chevènement était là il n'y a pas longtemps, il en a parlé) ; nous avons réaugmenté régulièrement le nombre de visas - qui était tombé à un niveau tellement faible qu'il ne permettait même plus les échanges minimums dont les deux sociétés ont absolument besoin. Nous les avons réaugmentés, non pas en fixant de façon arbitraire des quotas - ce n'est pas notre politique, ce n'est pas non plus celle des Algériens - mais simplement en libéralisant, en assouplissant les conditions dans lesquelles les visas sont attribués. On connaît les chiffres: en 1997, nous étions tombés à 50 000, cette année nous serons remontés au-dessus de 150 000. Dans quelques jours, début août, on aura atteint le même nombre de visas que pour tout l'an dernier ! Ces chiffres vous donnent une idée du rythme général. De même nous avons fait des travaux au consulat que j'ai visité hier, pour que ceux qui viennent demander des visas et en même temps, le personnel qui doit traiter ces questions, attendent ou travaillent dans des conditions humaines ou comptables les plus agréables possibles et que les temps soient réduits au minimum. C'est tellement vrai que ce "préau-visas" que l'on a visité ensemble et qui a été inauguré le 1er février dernier est une sorte d'exemple à mes yeux et j'ai l'intention dans l'année qui vient de faire faire des travaux de ce type dans un certain nombre de pays - je ne pense pas qu'à l'Algérie, mais l'Algérie aussi - des pays dans lesquels les demandeurs de visas doivent être traités de cette façon-là, le mieux possible. Ce consulat est d'ores et déjà, un exemple.
J'ai parlé des moments difficiles que les relations entre nos deux pays ont traversés parce que l'Algérie traverse un moment difficile mais j'ai indiqué que nous sommes dans une situation différente, radicalement différente. Nous sommes à un moment charnière. Je crois pouvoir dire que l'alchimie franco-algérienne est de nouveau à l'oeuvre. Je pense à ce qui se passe à partir de maintenant et à ce qui viendra après, à travers les rencontres entre le président Bouteflika et le président Chirac, entre le président Bouteflika et M. Jospin, à travers les rencontres et le travail en commun entre les membres des deux gouvernements des deux pays. Tout cela va constituer au cours des semaines et des mois qui viennent une véritable refondation de la relation franco-algérienne. C'est dans l'intérêt des deux pays. C'est dans l'intérêt des deux peuples. C'est dans l'intérêt de nos voisins et de leurs voisins aussi bien européens que maghrébins. Alors, nous avons naturellement beaucoup parlé aussi bien lors de l'entretien avec le président de la République qu'auparavant avec le Premier ministre, et hier avec le ministre des Affaires étrangères. Nous avons parlé de toute une série de questions qui se posent et que nous avons héritées du passé. Il y a les questions consulaires et les visas dont je vous ai déjà dit un mot pour rappeler l'effort qui a été entrepris depuis 1997 ; effort matériel qui a été accompli pour faire ce dont je vous ai parlé au consulat.
Vous savez dans quelles circonstances tragiques la France avait dû replier son système et puis abriter à Nantes le bureau correspondant au traitement des visas parce qu'il ne pouvait plus rester, ici, en Algérie compte tenu des conditions de sécurité de l'époque. L'objectif naturel est de réussir à fermer ce bureau dès qu'il sera devenu inutile.
L'objectif normal qui est le nôtre est de faire en sorte que tout ce qui est travail de consulat soit traité ici comme dans tout autre pays. Voilà l'objectif ! Mais cela veut dire que pour réouvrir, il faut un peu préparer les choses. Je vous ai parlé du consulat d'Alger. Le "préau" comme on dit, que j'ai vu hier, n'est pas le même équipement qu'avant. On ne peut pas réouvrir des locaux qui étaient parfois insuffisants, déjà inadaptés; dans lesquels les gens attendaient dans de mauvaises conditions, faisant la queue dehors sous la pluie ou sous le soleil, sans pouvoir s'asseoir, ni trouver à boire, ni rien. En même temps, il faut que ce soit une occasion d'améliorer tout cela. Je peux vous dire que la décision a été prise de réouvrir Oran et avant Oran, Annaba. Et nous allons immédiatement - l'ambassadeur a beaucoup de travail devant lui - avec nos amis algériens nous occuper tout de suite de la mise en oeuvre pratique et des problèmes à résoudre de différente nature pour que ce travail consulaire recommence au plus tôt et pour que l'on ait très vite - mais ceci n'est pas une condition à cela - une nouvelle installation permettant de faire les choses en grand et bien.
Voilà une première décision politique prise à l'occasion de cette visite. Le centre culturel, je vous le disais en commençant, va être réouvert au ler janvier 2000. D'abord aux chercheurs et aux universitaires. J'en profite pour rendre hommage à cette occasion au personnel qui a veillé sur ce centre et qui l'a maintenu dans tous les moments, même les plus difficiles. Notre projet, notre programme est de réouvrir ensuite, de réaliser progressivement toute une série d'autres centres culturels dans d'autres villes d'Algérie: Oran, Annaba, Tizi-Ouzou et Constantine.
En ce qui concerne Air France, vous savez également tous dans quelles conditions tragiques, la Compagnie Air France avait dû interrompre ses vols. Vous savez tous qu'elle l'avait fait, contrainte et forcée parce qu'elle ne souhaitait qu'une chose et nous ne souhaitions qu'une chose et le gouvernement français ne souhaitait qu'une chose, c'était que ces vols puissent se poursuivre, naturellement. Il y a une attente et même une impatience légitime de la part des autorités algériennes et je dirais plus encore, du peuple algérien pour que les relations aériennes puissent reprendre. Nous le souhaitons, naturellement ! Mais il faut souligner que c'est une décision qui relève des autorités de la Compagnie. Ce ne peut pas être une décision politique arbitraire. Il y un souhait politique très fort, une volonté politique mais la décision, elle-même, doit être prise par les autorités de la Compagnie, par le président de la Compagnie, sous sa responsabilité, ce qui suppose qu'un certain nombre de préparatifs soient complètement achevés.
C'est dans cet esprit qu'une mission-étude de la sécurité dirigée par des spécialistes de la sécurité d'Air France est venue à Alger, les 26 et 27, donc juste avant mon voyage pour examiner ces questions. Les travaux se sont très bien passés avec les autorités algériennes en matière de sécurité. La plupart des problèmes ont été réglés. Quelques problèmes - mais peu nombreux - restent à régler. Une autre mission doit avoir lieu dans un mois, au tout début septembre et d'après ce que m'a dit le président de la Compagnie Air France, il prendra sa décision sur la base de toutes ces indications; son objectif est de vouloir recommencer au plus tôt. Il a un horizon qui est l'automne mais je ne peux pas vous en dire plus car, encore une fois, ce n'est pas une décision que les autorités algériennes ou françaises imposent à la compagnie. Il faut faire cela dans de meilleures conditions possibles pour que tout se passe bien. Vous voyez que nous sommes déjà en bonne voie. Maintenant c'est une question d'un petit nombre de mois au maximum. Enfin, je ne fixe pas de date. Je souhaite simplement que les dernières discussions techniques entre les spécialistes français et algériens sur ce plan aillent vite et règlent bien tous les problèmes qu'il reste encore à traiter. Naturellement, l'effort que nous faisons ensemble, avec nos amis algériens pour régler ces problèmes qui se sont posés, ces dernières années, n'est pas une fin en soi. Si nous voulons avoir des relations qui fonctionnent, si nous voulons avoir des consulats pour travailler dans des conditions normales, c'est pour "refonder" une relation et si j'ai employé ce terme fort et global, c'est parce que l'on voit bien que cela concerne et que cela va concerner tous les aspects de notre relation : les dimensions politiques et diplomatiques, la coopération culturelle avec ses déclinaisons: culturelle, scientifique et technique, dans tous les volets de la formation ; d'autres aspects peut-être comme l'agriculture ; tout ce qui relève des entreprises. Des entreprises françaises veulent déjà revenir, se réintéresser à ce marché algérien intéressant et prometteur. Une mission était là en mars; d'autres veulent venir.
Tout cela, ce ne sont pas des décisions que prennent les gouvernements. Mais il appartient au gouvernement de créer un contexte favorable, d'envoyer les signaux politiques appropriés. C'est ce que nous faisons. Et au-delà de ce traitement des contentieux bilatéraux qui nous gênaient encore; au-delà de cette relance bilatérale, il y aura tout simplement une relation franco-algérienne forte permettant de parler dans ces deux pays de tous les grands problèmes du moment et il y en a beaucoup en ce qui concerne la France et l'Algérie, à commencer par toutes les relations entre l'Europe et la Méditerranée, I'Europe et le Maghreb. Nous sommes heureux de voir que cette période politique nouvelle en Algérie coïncide en même temps avec des perspectives nouvelles, des déblocages en ce qui concerne l'Algérie et le Maroc. Notre politique a toujours été d'avoir les meilleurs rapports simultanés possibles, avec nos amis algériens, nos amis marocains, nos amis tunisiens. Ce qui veut dire que nous avons toujours souhaité que les relations entre eux soient les meilleures possibles et que, eux-mêmes, de leur côté, arrivent à traiter, à surmonter les contentieux, qui peuvent ou qui ont pu les opposer. Or, il semble bien que nous ayons devant nous une série d'éléments nouveaux, prometteurs. Ce qui nous permet d'aborder l'avenir avec confiance. C'est ce qui a caractérisé la très longue audience que m'a accordée le président de la République et un déjeuner fort sympathique. J'ai été frappé de voir le type de vision qu'il a sur les relations franco-algériennes. Il les replace dans une perspective historique longue, qui englobe les décennies écoulées, qui tient compte au plus haut point, des grands moments, des moments les plus positifs et les plus exceptionnels, qui est lucide par rapport au nombre des difficultés et qui conclue sur le caractère exceptionnel de cette relation et sur une très grande vision d'avenir. J'ai dit, moi-même, il y a quelques jours, à Paris, que les autorités françaises voulaient rendre les relations franco-algériennes plus "normales", au sens de plus en "plus sereines" mais qu'elles ne pourraient jamais être banalisées parce qu'elles ne peuvent pas l'être.
Voilà ce que je dirai après mon retour à Paris au président de la République et au Premier ministre et dans quel esprit nous allons aborder les chapitres suivants. Maintenant, il me reste quelques instants pour répondre à vos questions.
Q - Est-ce qu'une visite du président Chirac a été programmée et avez-vous une date ?
R - Eh bien, là, je vais m'abriter derrière la réponse du président Bouteflika, qui tout à l'heure, a répondu à une question identique, qu'il avait invité le président Chirac et qu'il l'avait d'ailleurs déjà fait publiquement et qu'il l'invitait de nouveau d'autant plus que j'étais, moi-même, ici, porteur d'un message du président de la République. Il a ajouté qu'il avait également invité le Premier ministre, M. Lionel Jospin, également ici, et qu'ils souhaitent se voir ici. Quand on lui a demandé quand et comment, il a dit qu'il ne pouvait pas se permettre de répondre avant d'en avoir discuté de façon plus détaillée avec les principaux intéressés. Je ne vais donc pas le faire à sa place mais considérez que ces rencontres à haut niveau font partie de notre paysage à court terme.
Q - Est-ce que le président algérien a aussi été invité par le président Chirac ?
R - Vous êtes bien protocolaires, les uns et les autres, bien formalistes ! Alors que ce qui s'est passé dans les échanges de messages ces dernières semaines et dans les contacts qui ont eu lieu et dans cette visite, ce n'est ni protocolaire, ni formaliste, et que l'on ne s'est pas posé la question de savoir dans quel ordre les choses allaient se passer, ni où. Il y a un élan qui passe, il y a un dynamisme, un souffle nouveau et je suis venu là parce que le président de la République et le Premier ministre ont estimé que c'était le moment. Il fallait être là. Le président Bouteflika le souhaitait. Vous avez vu avec quelle chaleur et quel esprit il m'a accueilli et nous nous sommes mis d'accord tout de suite pour que les contacts entre les deux présidents, les contacts entre les ministres... Tout cela va suivre et va amplifier ce qui se passe en ce moment. Le détail n'est pas absolument arrêté mais c'est pour des raisons d'arrangements pratiques. C'est tout ! Mais le mouvement est lancé. Le reste, vous le saurez quand ce sera fixé.
Q - Ma question est récapitulative. En fait, rapidement, quels sont les résultats de votre visite à Alger sur le plan politique, économique et culturel et concernant, toujours, la reprise d'Air France, est-ce que la décision finale dépend exclusivement du PDG d'Air France ?
R - Les résultats de ma visite, je crois, que c'est la concrétisation d'un nouveau climat très fort puisque je vais jusqu'à parler, non pas seulement d'une relance, mais d'une "refondation" des relations entre les deux pays parce que cela touche à la politique, à la diplomatie, à la culture, à l'économie, et aux échanges entre les personnes. Cela recouvre donc tout. Cela a été l'occasion pour moi de dire au président Bouteflika que nous avions pris la décision de principe de réouverture des consulats à Annaba et à Oran, et de réouverture aux chercheurs d'abord de ce centre culturel, au 1er janvier prochain, en attendant les réouvertures de centres dans quatre autres villes.
Pour la mise en oeuvre de toutes ces décisions de principe, nous avons besoin, au nom de l'amitié et de la coopération et de l'aide des autorités algériennes. En ce qui concerne la question d'Air France, il est bon de rappeler à l'occasion qu'Air France avait interrompu ses vols mais à son grand regret parce que l'Algérie était un pays très important pour cette Compagnie.
J'ai pu souligner qu'en ce qui concerne le gouvernement, à son niveau, il souhaite que l'on puisse reprendre dès que possible mais la décision effectivement en dernier ressort dépend du président de la Compagnie. C'est sa responsabilité et nous devons tous la respecter parce qu'il faut reprendre dans de bonnes conditions et c'est lui qui va travailler à partir des conclusions de la mission technique et de sécurité (celle qui est venue) et de celle qui reviendra dans un mois et c'est à lui de, à l'intérieur de la Compagnie où il y a un dialogue~social qui est important aussi, d'arriver à cette conclusion. Mais on est en bonne voie, le mécanisme est lancé et je pense que la conclusion est assez proche et comme je le disais, il y a un instant, le traitement que nous apportons à chacun de ces contentieux bilatéraux, dont nous avions hérité de ces années de tragédie, doit nous permettre de déboucher sur une relance des échanges politiques à haut niveau, sur une coopération repensée. Il y a également une réunion importante qui n'avait pas eu lieu depuis, je crois, trois ans qui est la réunion d'un comité des projets en ce qui concerne les différentes modalités de notre coopération.
Voilà les têtes de chapitre, l'ensemble des sujets dont j'ai parlé avec le président de la République, le Premier ministre et le ministre.
Q - Bienvenue Monsieur le ministre, "tout ce qui est excessif devient insignifiant ", une sentence prononcée par un de vos illustres prédécesseurs, en l'occurrence, Talleyrand. Ne croyez-vous pas que de l'autre côté de la Méditerranée, on est un peu de ce côté de la vitrine, je veux parler de l'image de la France par rapport à l'Algérie. Nombreux sont les jeunes algériens qui ont une image peu séduisante de la France car elle véhicule l'image du "stop up" : "Arrêtez-vous, vous ne dépasserez pas la frontière algérienne !". Qu'envisagez-vous de faire, d'autant que vos médias véhiculent l'image d'une France tolérante, d'une France très libérale. Il y a quelque part un petit paradoxe !
D'autre part, Monsieur le Ministre, il est évident que l'Algérie fait partie du Processus de Barcelone et que l'accord d'association Union européenne-Algérie n'a pas encore eu lieu ; est-ce que vous avez discuté éventuellement de cet accord ? Pouvez-vous surtout nous parler de la contribution éventuelle de la France dans cet accord ? Etes-vous d'accord avec les questions que se posent les Algériens tel que le fait de lier la situation des biens à celle des personnes ou encore le redémarrage du process industrial. Les Algériens, vous le savez peut-être, sont pour une forme de reversement de la dette publique dans le cadre de la redynamisation du process industrial, c'est-à-dire que des milliards de dollars seraient débloqués pour former souvent des partenariats. Excusez la longueur de ces questions, j'ai été excessif ; j'espère que cela n'est pas insignifiant pour vous.
R - Vous posez beaucoup de questions riches qui mériteraient, toutes, un développement. Alors, je vais répondre sur deux points : sur l'image et sur le Processus de Barcelone. L'image, c'est tellement vaste, cela dépend de tellement de choses. L'image d'un pays, cela ne dépend pas que de l'action d'un gouvernement à un moment donné, cela dépend de l'Histoire, cela dépend des souvenirs, cela dépend des contacts de chacun, cela dépend évidemment de ce que font les autorités du pays mais cela dépend des médias qui, eux-mêmes, ont des sensibilités diverses et dont le rôle n'est pas le même. Donc, c'est très vaste par rapport à cela. Ce que je peux vous dire, c'est que la politique que souhaitent mener, que veulent mener les autorités françaises aujourd'hui, en tenant compte de cette situation manifestement nouvelle en Algérie, pour différentes raisons, c'est une politique qui devrait faire aimer cette image de la France et cette image de la France, c'est ce que nous faisons évoluer en matière de visas et quand le nombre réaugmente régulièrement et quand les conditions d'accueil deviennent ce que j'ai décrit tout à l'heure et quand nous voulons relancer la coopération culturelle, scientifique et technique. Naturellement, en allant à la rencontre de ce que peuvent souhaiter les Algériens, que ce soient les autorités, les personnes ou les associations, précisément pour que cette amitié, cette affection soient refondées sur les bases d'aujourd'hui. Si on travaille bien, au bout du compte, l'image sera positive. Mais cela ne se décrète pas ! Il faut que nous travaillions de part et d'autre par rapport à cela.
Quant au Processus de Barcelone, c'est un processus qui a de l'intérêt parce que c'est la seule structure qui réunit tous les pays d'Europe même ceux qui n'ont pas de relations habituelles, ni de curiosité spontanée pour les pays de la rive Sud de la Méditerranée, tous les pays de la rive Sud. Donc, c'est une structure intéressante. L'autre intérêt est qu'il comporte un programme, qui est le programme Meda qui peut permettre de subventionner certains projets. Cela a été un peu long à démarrer ! Et là, vous citiez une formule, je vais en citer une autre qui est : "qui trop embrasse, mal étreint !" Beaucoup de pays, beaucoup de programmes, des financements qui ne sont pas commodes à mettre en oeuvre, une définition des projets qui n'était pas très claire au début. Donc, tout cela a démarré cahin caha. Mais maintenant, cela commence à se développer et je suis convaincu que l'Algérie devrait pouvoir trouver sa place dans ce processus mais je n'ai pas fait une visite d'entretiens diplomatiques classiques, à Alger. Alors, évidemment, nous avons parlé de perspectives, j'ai été passionné d'entendre le président Bouteflika me parler de ses conceptions, l'avenir des relations avec le Maroc, des possibilités de réactiver l'UMA, de toutes les questions africaines quelques jours après le sommet de l'OUA et nous avons évidemment évoqué l'avenir des relations euro-méditerranéennes, euro-algériennes, euro-maghrébines ou franco-maghrébines. Vous voyez, toutes les configurations possibles et imaginables mais ce n'est pas une session de travail, avec des conclusions en cinq points là-dessus. Ma réponse simple est que l'Algérie doit avoir toute sa place dans ce processus d'autant que lui-même est simplement en train de s'organiser maintenant et en train de devenir véritablement efficace.
Q - Oui, Monsieur Védrine, je voulais vous poser une question à propos d'Air France. On a entendu M. Chevènement dire que c'était le syndicat des pilotes et des stewards qui pose des problèmes au retour des avions d'Air France sur les aéroports algériens. Nous avons effectivement interrogé ce syndicat et il nous a affirmé que celui-ci n'avait aucun pouvoir pour influer sur une décision, que cette décision était éminemment politique. Nous avons alors interrogé le ministère des Transports, M. Gayssot, qui nous a renvoyé au ministère des Affaires étrangères, votre ministère, et nous a également dit que cela relevait de la présidence de la République. Que répondez-vous à ce syndicat qui a dit cela dans un article paru dans le Salama, Ndeg.13.
R - Je ne réponds pas à des syndicats. Je réponds à vous.
Q - Bien sûr !
R - Et ce que je vous dis, c'est que cela fait longtemps déjà, peut-être depuis que je suis ministre, donc depuis que le gouvernement est là, que nous n'avons cessé de dire à Air France qu'il serait souhaitable de revenir et qu'il devient urgent et qu'il faut vraiment le faire. Donc ! il n'y a aucune espèce d'empêchement d'aucune sorte venant d'aucune autorité politique.
En ce qui concerne les problèmes internes, ils sont d'autant plus vrais qu'il y a quelques jours, sur une radio française certains représentants de certains syndicats - il y en a plusieurs - ont déclaré qu'ils déclencheraient une grève si la Compagnie décidait de revenir. Donc, il y a un vrai problème ! Cela veut dire qu'il y a une série de catégories de personnel ; vous parliez d'une certaine catégorie. II doit y en avoir d'autres. Mais certaines catégories de personnel veulent avoir des garanties vraiment très fortes pour accepter de revenir sinon tout simplement il y aura des décisions, non pas politiques, ce n'est pas un problème politique ! ni du gouvernement, encore moins de la présidence ! C'est un problème de la Compagnie avec un président qui prend ses décisions, qui a sa responsabilité et qui donne une réponse compte tenu de l'état de son personnel et de sa Compagnie. C'est parce que ces exigences étaient posées et étaient très fortes qu'il a envoyé une mission qui vient de venir là, juste avant ma visite, pour écrémer toutes ces questions. Cette mission s'est bien passée. Elle a réglé presque tout sauf un ou deux problèmes qui doivent être traités dans un mois à peu près. Donc, vous voyez qu'on est en bonne voie; les choses avancent et les chances se rapprochent.
Voilà, je l'ai dit tout à l'heure et je le répète, il n'y a pas d'autres interprétations à donner que cela d'autant que nous souhaitons tous que cela reprenne maintenant : les Algériens le souhaitent, les Français aussi, les autorités de part et d'autre le souhaitent. Donc, les dirigeants de la Compagnie ont une responsabilité à exercer, ils veulent que cela reprenne dans des conditions impeccables et c'est cela qui est en train d'être préparé et il n'y a pas de petites bêtes à chercher.
Q - Il faut espérer avant la fin de l'année ,
R - C'est à Air France de le communiquer. Je crois que c'est dans leur intention !
Q - Bonsoir, Monsieur le ministre. Bienvenue ! Vous avez parlé tout à l'heure des entreprises françaises qui veulent venir sur le marché algérien. Je voulais poser une question très simple. Est-ce qu'il y a réellement eu une volonté de ces entreprises d'investir, réellement sur le plan technologique et sur le plan scientifique ou autres, en Algérie et est-ce que la COFACE depuis ce temps-là s'est améliorée ? Veut-elle accompagner toutes ces entreprises et leur donner toutes les assurances pour venir sur le marché algérien ?
R - Merci de votre bienvenue ! Vous posez deux questions différentes : sur les entreprises et sur la COFACE. En ce qui concerne les entreprises, ce qu'elles font ou pas, cela ne dépend pas de la décision des gouvernements, moins que jamais - chaque année qui passe, compte tenu de l'évolution de l'économie mondiale et du type d'économie de marché qui existe partout maintenant fait que les entreprises se déterminent de plus en plus sur des critères qui sont les leurs. Ce que je sais, moi, c'est que dans le milieu des entreprises françaises, notamment des PME, il y a un mouvement d'intérêt en ce qui concerne l'investissement en Algérie ou dans certains cas pour leur retour en Algérie, pour celles qui y étaient avant; certaines entreprises étaient là ; certaines ont réussi à tenir et cela a été difficile mais beaucoup n'ont pas pu. Beaucoup veulent revenir et certaines veulent venir à tel point qu'il y a eu une mission, il y a quelques semaines, en mars, du CNPF qui s'appelle maintenant le MEDEF international, avec beaucoup de représentants d'entreprises - mission que, évidemment, le Quai d'Orsay a vivement encouragée. Ce que font les gouvernements, dans ce cas, c'est de faciliter, c'est de favoriser, c'est d'encourager, c'est de créer un climat favorable par des signaux politiques, et par des tas de petites mesures mais on ne peut pas décider à leur place. Et finalement, investissement ou non, cela dépend d'une analyse financière, économique, évidemment des conditions de sécurité, des conditions de fonctionnement, et de toute sorte de choses : ce sont des calculs de risques d'investissements. La seule chose que je peux vous dire, c'est que les autorités françaises le souhaitent, cela, et qu'elles l'encouragent.
En ce qui concerne la COFACE, je vais peut-être profiter de votre question pour dissiper un malentendu et une fausse interprétation qui peuvent être aussi tenaces que les fausses interprétations sur Air France et les fausses interprétations sur les visas, donc j'en profite ! La COFACE fonctionne comme une compagnie d'assurances. Ce n'est pas une sous-direction d'une administration de ministère, la COFACE. Cela l'a peut-être été dans des temps très anciens, mais ce n'est pas le cas aujourd'hui. Donc, cela fonctionne comme une Compagnie d'assurances qui fixe ses risques en fonctions de son analyse : analyse de la situation économique, de la situation financière, de la situation en matière de paiement de l'arriéré, de critères financiers et économiques. En plus la COFACE fixe aujourd'hui son attitude en s'alignant sur les pays de l'OCDE, qui décident par consensus. C'est peut-être contraignant. Je dois dire et ce n'est pas le lieu d'ouvrir le débat mais, dans certains cas, le ministère français des Affaires étrangères pense qu'il faut classer autrement certains pays parce que la France pense que les critères purement financiers sont un peu en retard sur les évolutions politiques et qu'il y a des ouvertures qu'il faudrait saisir. Bref ! Il y a un débat dans certains cas ! Mais la COFACE, elle, travaille à l'intérieur de ce consensus de l'OCDE. Et donc, la façon dont est classée pour le moment l'Algérie en fonction du calcul de risques d'investissements, c'est ce consensus OCDE qui l'a imposée. Ce n'est pas une décision française pure. Je peux même vous dire que la France avait plaidé pour que l'Algérie soit mieux classée.
Q - L'Algérie a été classée en état de guerre comme l'Asie...
R - Non, c'est inexact ! Enfin, c'est autre chose... Je ne suis pas un représentant de la COFACE ni de l'OCDE. II faut que vous reteniez le mécanisme. C'est un consensus OCDE et l'Algérie n'est pas la seule dans cette catégorie. II y a des tas de pays qui n'ont pas connu des drames comme cela mais qui sont dans la même catégorie pour des raisons financières ou économiques. La France a plaidé pour un meilleur classement avec un autre pays et, pour le moment, nous n'avons pas été suivis. Nous avons l'intention de continuer et nous y avons intérêt puisque nous souhaitons pour nos entreprises.
Une dernière question ?
Q - Monsieur le Ministre, vous avez parlé d'un objectif de la France entretenant des relations étroites vis-à-vis de l'Algérie, la Tunisie et du Maroc. Peut-on considérer cet objectif comme traduisant une simple relation privilégiée d'autant qu'on parle le plus souvent d'une concurrence entre la France et les Etats-Unis ?
R - Je crois dans ce projet, qu'il n'y a aucune crainte d'aucune sorte, il n'y aucune crainte de perdre quoi que ce soit. Et il n'y a aucune rivalité, c'est tout simplement le bon sens sans aller chercher d'autres explications. La France a des relations historiques étroites avec l'Algérie, le Maroc et la Tunisie. Ces relations sont plus ou moins faciles, plus ou moins difficiles selon les moments mais elles sont toujours fortes, toujours particulièrement denses notamment sur le plan humain. Donc c'est un projet normal pour de la France de vouloir avoir de très bons rapports avec l'Algérie, de très bons rapports avec le Maroc et de très bons rapports avec la Tunisie. Et quand il y a des problèmes entre les trois pays du Maghreb, cela nous complique les choses. Nous, nous souhaitons qu'il y ait une bonne coopération entre ces trois pays. L'Union du Maghreb arabe, ce n'est pas à nous de la faire, c'est à chacun de ces pays en fonction de leur souveraineté d'en décider. Si l'Union du Maghreb arabe peut être relancée et réactivée, nous en serions les premiers satisfaits. Donc, c'est une démarche logique, de bon voisinage et qui a aujourd'hui, je pense, plus de chances que jamais de se voir satisfaite, parce que la configuration que vous connaissez au Maghreb, en Europe et en France s'y prête bien. Voilà ce que je peux vous dire mais surtout n'y voyez aucune crainte, ni aucun désir de concurrence.
En ce qui concerne la présence américaine, elle est forte dans le monde entier. Quand les Etats-Unis s'intéressent plus à des pays qu'ils négligeaient... tant mieux, tant mieux pour tout le monde. Nous ne sommes absolument pas menacés, ni gênés et ce n'est pas cet intérêt qui nous fait mettre en avant cette idée d'un rapport étroit avec les pays du Maghreb. C'est une idée ancienne. En ce qui nous concerne, nous avons toujours pensé des choses comme cela. Merci beaucoup./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 6 août 1999)