Texte intégral
Q - Vous partez dans quelques heures pour le Sommet de la Francophonie qui se tiendra à la fin de la semaine, à partir de vendredi. Est-ce qu'au fond ce genre de sommet sert à quelque chose ?
R - "On veut le croire. Celui de Hanoï avait réformé profondément les institutions de la Francophonie ; celui de Moncton va être l'occasion de faire le bilan de cette réforme. Je rappelle en particulier la désignation d'un Secrétaire général, poste occupé par M. Boutros Boutros-Ghali, qui aura incontestablement donné plus de visibilité à cette Francophonie dont je rappelle qu'elle est pour la France un enjeu important, puisque c'est la possibilité, en tout cas c'est ce que nous espérons, autour de la France, et avec ses partenaires, de constituer un groupe de pays fort. Je rappelle que les 52 pays de la Francophonie, c'est un quart des membres qui siègent aux Nations unies. Il est intéressant de voir s'il est possible de rassembler tous ces pays sur, par exemple, une défense commune d'un principe auquel nous tenons beaucoup, qui est la diversité culturelle. Je sais que les Canadiens et les Québécois y sont particulièrement attachés.
Q - Ils comptent entre autres énormément sur le soutien de la France. J'ai l'impression qu'ils essaient de construire, sur ce thème, un axe franco-canadien ?
R - Tout à fait. Je crois que ce thème de la diversité culturelle, par exemple, au moment où les négociations sur l'Organisation mondiale du commerce vont commencer à Seattle, dans quelques mois, est un enjeu tout à fait considérable.
Q - Est-ce qu'au fond la culture est un bien comme les autres ?
R - Non. J'éviterais d'employer le mot "d'exception culturelle". Cela aurait l'air de mettre la culture complètement à l'écart en quelque sorte, mais le principe de la diversité me paraît tout à fait considérable, car l'idée qu'on puisse parler une seule langue à l'échelle du monde serait, de toute évidence, un appauvrissement du patrimoine et donc de notre expression culturelle. Je crois qu'il faut que les francophones et les francophiles se mobilisent pour préserver cela, mais je crois qu'il nous faudra aussi passer des alliances, pourquoi pas, avec ceux qui parlent espagnol ou portugais. C'est à cela aussi que nous nous attaquons et je pense que Moncton va être l'occasion de rappeler ce besoin d'un partenariat avec d'autres langues, pour préserver cette diversité.
Q - On sait quelle est la place du français à l'heure actuelle dans le monde ?
R - Les pays francophones qui vont se réunir à Moncton pèsent 500 millions d'habitants. Tous ne parlent pas français ; tous les Vietnamiens ne parlent pas français, tous les pays de l'Est qui participent de la Francophonie - je pense à la Roumanie - ne parlent pas français. Mais enfin, l'ensemble de ces pays, c'est 500 millions. Je rappelle qu'il y a presque onze cents Alliances françaises qui enseignent à presque 400 000 habitants du monde, le français, que les établissements françaises d'enseignement - il y en a 400 à peu près - enseignent encore à 400 000 étudiants. Ajoutons-y les 150 000 étudiants étrangers que reçoit l'université française, cela fait du monde. On peut même d'ailleurs considérer qu'en plus, en dehors de la francophonie, il y a presque 100 millions d'habitants qui apprennent le français dans un cycle universitaire ou scolaire normal.
Q - Donc l'anglais n'est plus la seule langue de communication internationale ?
R - Il faut admettre que l'anglais a un rôle tout à fait important dans la communication internationale, comme vous dites. On peut considérer que l'anglais progresse, mais le français progresse aussi, et cela, on le sait moins. Il y a une demande de français qui nous vient de pays anglophones, en Afrique lusophone, dont il faut évidemment tenir compte, et à laquelle il nous faut répondre, et c'est à cela que, là aussi, la Francophonie s'emploie, au travers de ses outils que sont l'Agence de la Francophonie, le réseau universitaire tout à fait important, mais aussi TV5, pour parler d'un confrère, qui a entrepris de se réformer pour être plus présent, et qui, pour nous, est une priorité.
Q - Vous évoquiez les 52 pays qui sont présents à Moncton. Est-ce qu'il faut inviter des gouvernements qui sont accusés de bafouer les Droits de l'Homme, est-ce qu'il faut débattre avec eux autour d'une table ou il faut les exclure ?
R - Pour nous, en tout cas, il ne fait pas de doute que l'appartenance à la communauté francophone veut dire aussi l'adhésion à un certain nombre de principes qui doivent être aussi partagés, et les Droits de l'Homme et la démocratie en font partie. Je crois que plutôt que l'exclusion de ces pays qui, aujourd'hui, ont encore en perspective ces Droits de l'Homme et ne les respecte pas suffisamment, je crois qu'il faut utiliser le français pour pouvoir en parler en toute franchise, et je crois que dans le courant de l'année 2000, un grand forum dont le principe avait été retenu sur ma proposition, à Bucarest, il y a quelques mois, va permettre justement de parler très franchement, y compris de sujets qui fâchent, comme la relation des politiques à l'argent, parce que c'est un élément tout à fait essentiel aussi de la démocratie et des Droits de l'Homme.
Q - Nos confrères de Reporters sans frontières justement profitent de ce sommet pour évoquer la liberté de la presse qui est bafouée dans un certain nombre de pays. Avez-vous l'intention, vous, de relayer cette préoccupation ?
R - A Moncton, nous allons évidemment être très attentifs à ce qui sera exprimé par les professionnels, par les organisations non gouvernementales, par les jeunes aussi dont je rappelle qu'ils vont être une des priorités affichées à Moncton par la présence d'ailleurs d'un certain nombre de jeunes. Il va falloir que nous soyons très attentifs à ce qui se dira à cette occasion. J'espère d'ailleurs que les chefs d'Etat présents entendront aussi ces appels à un meilleur respect de la liberté de la presse, et que Moncton fera progresser également ce dossier auquel nous sommes aussi attachés évidemment que ceux qui s'exprimeront sur ce sujet, dans quelques jours.
Q - Quelle est votre définition de la Francophonie, votre définition à vous ?
R - Ceux qui parlent français, mais aussi la communauté des peuples qui se reconnaissent dans cette Francophonie et, j'espère et je répète, que Moncton fera la preuve que la Francophonie, c'est aussi un avenir et surtout pas un souvenir.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 31 août 1999)
R - "On veut le croire. Celui de Hanoï avait réformé profondément les institutions de la Francophonie ; celui de Moncton va être l'occasion de faire le bilan de cette réforme. Je rappelle en particulier la désignation d'un Secrétaire général, poste occupé par M. Boutros Boutros-Ghali, qui aura incontestablement donné plus de visibilité à cette Francophonie dont je rappelle qu'elle est pour la France un enjeu important, puisque c'est la possibilité, en tout cas c'est ce que nous espérons, autour de la France, et avec ses partenaires, de constituer un groupe de pays fort. Je rappelle que les 52 pays de la Francophonie, c'est un quart des membres qui siègent aux Nations unies. Il est intéressant de voir s'il est possible de rassembler tous ces pays sur, par exemple, une défense commune d'un principe auquel nous tenons beaucoup, qui est la diversité culturelle. Je sais que les Canadiens et les Québécois y sont particulièrement attachés.
Q - Ils comptent entre autres énormément sur le soutien de la France. J'ai l'impression qu'ils essaient de construire, sur ce thème, un axe franco-canadien ?
R - Tout à fait. Je crois que ce thème de la diversité culturelle, par exemple, au moment où les négociations sur l'Organisation mondiale du commerce vont commencer à Seattle, dans quelques mois, est un enjeu tout à fait considérable.
Q - Est-ce qu'au fond la culture est un bien comme les autres ?
R - Non. J'éviterais d'employer le mot "d'exception culturelle". Cela aurait l'air de mettre la culture complètement à l'écart en quelque sorte, mais le principe de la diversité me paraît tout à fait considérable, car l'idée qu'on puisse parler une seule langue à l'échelle du monde serait, de toute évidence, un appauvrissement du patrimoine et donc de notre expression culturelle. Je crois qu'il faut que les francophones et les francophiles se mobilisent pour préserver cela, mais je crois qu'il nous faudra aussi passer des alliances, pourquoi pas, avec ceux qui parlent espagnol ou portugais. C'est à cela aussi que nous nous attaquons et je pense que Moncton va être l'occasion de rappeler ce besoin d'un partenariat avec d'autres langues, pour préserver cette diversité.
Q - On sait quelle est la place du français à l'heure actuelle dans le monde ?
R - Les pays francophones qui vont se réunir à Moncton pèsent 500 millions d'habitants. Tous ne parlent pas français ; tous les Vietnamiens ne parlent pas français, tous les pays de l'Est qui participent de la Francophonie - je pense à la Roumanie - ne parlent pas français. Mais enfin, l'ensemble de ces pays, c'est 500 millions. Je rappelle qu'il y a presque onze cents Alliances françaises qui enseignent à presque 400 000 habitants du monde, le français, que les établissements françaises d'enseignement - il y en a 400 à peu près - enseignent encore à 400 000 étudiants. Ajoutons-y les 150 000 étudiants étrangers que reçoit l'université française, cela fait du monde. On peut même d'ailleurs considérer qu'en plus, en dehors de la francophonie, il y a presque 100 millions d'habitants qui apprennent le français dans un cycle universitaire ou scolaire normal.
Q - Donc l'anglais n'est plus la seule langue de communication internationale ?
R - Il faut admettre que l'anglais a un rôle tout à fait important dans la communication internationale, comme vous dites. On peut considérer que l'anglais progresse, mais le français progresse aussi, et cela, on le sait moins. Il y a une demande de français qui nous vient de pays anglophones, en Afrique lusophone, dont il faut évidemment tenir compte, et à laquelle il nous faut répondre, et c'est à cela que, là aussi, la Francophonie s'emploie, au travers de ses outils que sont l'Agence de la Francophonie, le réseau universitaire tout à fait important, mais aussi TV5, pour parler d'un confrère, qui a entrepris de se réformer pour être plus présent, et qui, pour nous, est une priorité.
Q - Vous évoquiez les 52 pays qui sont présents à Moncton. Est-ce qu'il faut inviter des gouvernements qui sont accusés de bafouer les Droits de l'Homme, est-ce qu'il faut débattre avec eux autour d'une table ou il faut les exclure ?
R - Pour nous, en tout cas, il ne fait pas de doute que l'appartenance à la communauté francophone veut dire aussi l'adhésion à un certain nombre de principes qui doivent être aussi partagés, et les Droits de l'Homme et la démocratie en font partie. Je crois que plutôt que l'exclusion de ces pays qui, aujourd'hui, ont encore en perspective ces Droits de l'Homme et ne les respecte pas suffisamment, je crois qu'il faut utiliser le français pour pouvoir en parler en toute franchise, et je crois que dans le courant de l'année 2000, un grand forum dont le principe avait été retenu sur ma proposition, à Bucarest, il y a quelques mois, va permettre justement de parler très franchement, y compris de sujets qui fâchent, comme la relation des politiques à l'argent, parce que c'est un élément tout à fait essentiel aussi de la démocratie et des Droits de l'Homme.
Q - Nos confrères de Reporters sans frontières justement profitent de ce sommet pour évoquer la liberté de la presse qui est bafouée dans un certain nombre de pays. Avez-vous l'intention, vous, de relayer cette préoccupation ?
R - A Moncton, nous allons évidemment être très attentifs à ce qui sera exprimé par les professionnels, par les organisations non gouvernementales, par les jeunes aussi dont je rappelle qu'ils vont être une des priorités affichées à Moncton par la présence d'ailleurs d'un certain nombre de jeunes. Il va falloir que nous soyons très attentifs à ce qui se dira à cette occasion. J'espère d'ailleurs que les chefs d'Etat présents entendront aussi ces appels à un meilleur respect de la liberté de la presse, et que Moncton fera progresser également ce dossier auquel nous sommes aussi attachés évidemment que ceux qui s'exprimeront sur ce sujet, dans quelques jours.
Q - Quelle est votre définition de la Francophonie, votre définition à vous ?
R - Ceux qui parlent français, mais aussi la communauté des peuples qui se reconnaissent dans cette Francophonie et, j'espère et je répète, que Moncton fera la preuve que la Francophonie, c'est aussi un avenir et surtout pas un souvenir.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 31 août 1999)