Déclaration de Mme Arlette Laguiller, porte-parole de Lutte ouvrière et candidate à l'élection présidentielle de 2002, sur les inégalités sociales, sur les candidats de la gauche plurielle, sur les licenciements, sur le pouvoir d'achat des travailleurs, sur la pauvreté, Bastia, 9 février 2002.

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Circonstance : Meeting à Bastia le 9 février 2002

Texte intégral


Travailleuses, travailleurs,
Il en est qui me reprochent de commencer mes discours de cette façon. Certains préféreraient que je dise "Françaises, Français" ou "citoyennes, citoyens". D'autres souhaiteraient sans doute que je m'adresse aux Alsaciennes et aux Alsaciens, aux Bretonnes et aux Bretons, et ici, aux Corses.
Eh bien non, je ne peux pas et je ne veux pas m'adresser tout à la fois à Seillière et au grand patronat qu'il représente et aux travailleurs qu'ils exploitent, quand ils ne jugent pas utile pour leurs profits de les jeter à la rue et de les transformer en chômeurs !
La réalité, c'est que la société est divisée profondément entre deux classes : une minorité qui dispose de la fortune, des entreprises, des banques et qui exerce un pouvoir dictatorial sur l'économie ; et une majorité qui ne dispose de rien d'autre pour vivre que de sa capacité de travailler. Tout oppose ces deux classes sociales. Ce qui est un drame pour les travailleurs : les bas salaires, le chômage, est un avantage pour les patrons et les actionnaires. Les bas salaires augmentent leurs bénéfices et le chômage leur permet d'imposer des salaires encore plus bas.
Pour ma part, si je m'adresse systématiquement aux travailleuses et aux travailleurs, c'est qu'on ne peut pas être à la fois dans le camp des exploiteurs et dans le camp des travailleurs !
Par travailleuses et travailleurs, j'entends tous ceux qui produisent, qui font marcher la société : ouvriers, employés, chauffeurs routiers, techniciens, ingénieurs, cheminots. J'entends aussi tous ceux dont le travail est utile pour le présent et pour l'avenir de la société : personnel soignant, enseignants, chercheurs. Mais j'entends aussi tous ceux que l'économie capitaliste écarte de la production et transforme en chômeurs ; comme j'entends la jeunesse ouvrière, à qui on ne donne même pas sa chance de trouver un travail satisfaisant, ou encore les anciens qui doivent vivre, et souvent mal, de la retraite qu'on leur accorde, après une existence passée à enrichir le patronat. Tous ceux-là constituent une seule, une même classe, celle des travailleurs, quelles que soient leur situation juridique, leur origine, leur nationalité ou la couleur de leur peau.
Mais je suis aussi solidaire des petits paysans, des petits éleveurs, des petits commerçants, des artisans dont certains vivent chichement. Et même ceux d'entre eux qui sont à la tête d'un petit capital sous forme de terres qu'ils cultivent eux-mêmes, de quelques outils pour leur travail, d'une petite boutique ou d'une barque de pêche se font voler par des intermédiaires capitalistes, par les banques et ne sont rémunérés que pour leur travail, et encore, souvent bien mal.
Eh bien, sans ces classes laborieuses, la société ne pourrait pas fonctionner un seul instant, alors qu'elle pourrait se passer des patrons, des actionnaires, des financiers, des spéculateurs et des boursicoteurs ! La société pourrait se passer d'une Madame Bettencourt, première fortune de ce pays, qui gagne en une minute, sans rien faire, ce que gagnent les ouvriers de ses usines en travaillant durant un mois entier. L'économie pourrait se passer de ses pareils, les Pinault, les Arnaud, presque aussi riches, dont la principale activité consiste à mener la guerre économique l'un contre l'autre, à se disputer les entreprises juteuses, en laissant sur leurs champs de bataille des entreprises qui ferment et des travailleurs licenciés.
Et je dirais même : sans cette couche de privilégiés qui vit de l'exploitation du travail des autres et, plus grave encore, oriente les capacités économiques de la société en fonction de ses seuls intérêts, quitte à ce que la société en crève, eh bien, sans cette couche de parasites, la société se porterait infiniment mieux !
Eh bien, pas plus qu'aucune autre région du monde, la Corse n'échappe à cette opposition de classe. Il existe ici aussi une minorité de privilégiés capables d'amasser des fortunes à partir d'un région réputée pauvre. Qu'ils soient Corses ou originaires du continent, qu'ils s'enrichissent de façon légale, officieuse ou illégale, leurs intérêts sont à l'opposé des intérêts de ceux qui, quand ils ne sont pas chômeurs et réduits au RMI, vivent ici avec des salaires inférieurs à ceux du continent, alors que les prix, eux, sont plus élevés !
La Corse est peu industrialisée certes. Mais, pour que les grandes exploitations agricoles rapportent du profit, il faut des ouvriers agricoles pour les cultiver, comme il faut des ouvriers dans le bâtiment, il en faut pour construire et entretenir les routes, et d'autres pour charger et décharger sur les docks, pour faire rouler les transports collectifs. Et que seraient le grand commerce, l'hôtellerie-restauration, sans ces milliers de caissières, de manoeuvres, de serveurs, de femmes de ménage ? Que seraient les banques, les maisons d'assurance, les agences de voyage, sans les employés qui les font fonctionner ?
Eh bien, j'appartiens à ce camp-là, à cette classe sociale, et c'est ses intérêts politiques que j'entends défendre !
Alors, dans l'élection présidentielle à venir, les travailleurs, les victimes des plans sociaux passés et à venir ne peuvent pas soutenir la politique du gouvernement actuel, ni celle des gouvernements passés ou à venir de la droite. Ni Chirac ni Jospin et leurs alliés respectifs ne sont dans le camp des travailleurs ; ils sont dans le camp de la bourgeoisie, celui des riches et des possédants. Ils sont du côté de l'argent, pas du côté du travail !
Les mesures anti-ouvrières commencées par les uns sont poursuivies par les autres. Les attaques contre le système de santé du plan Juppé ont été poursuivies par le gouvernement Jospin. Les privatisations commencées sous Balladur ont continué sous Jospin aussi bien que sous Juppé. Et la gauche a même privatisé davantage que la droite. La dernière en date est la privatisation rampante de l'EDF.
Balladur s'était attaqué aux retraites des travailleurs du privé en allongeant la durée de cotisation et, par conséquent, l'âge où on peut partir avec une retraite pleine. Jospin n'est pas revenu sur cette mesure réactionnaire et continue d'année en année d'exécuter des décisions prises par Balladur. Les lois de Chevènement, lorsqu'il était ministre de l'Intérieur, se situent dans la continuité des lois Pasqua-Debré contre les travailleurs immigrés.
Le bilan des vingt dernières années est que cela va de mieux en mieux pour les profits des entreprises, c'est-à-dire pour les revenus de la bourgeoisie. Et cela va de plus en plus mal pour les salariés, dont la part dans le revenu national ne cesse de baisser.
Je vous donne seulement deux informations éloquentes, publiées quasiment le même jour dans la grande presse.
La première indiquait avant hier que la rémunération des PDG des grandes entreprises a augmenté en une seule année, l'année dernière, de 36 % en moyenne. Et ce pourcentage d'augmentation ne se rapporte pas à des salaires d'ouvriers, mais à des rémunérations comme celle du PDG de TotalFinaElf, l'entreprise qui pollue et qui tue, Thierry Desmarets, qui a gagné 5 millions d'euros, soit 33 millions de francs ou, nettement mieux, celle de Serge Tchuruk, PDG d'Alcatel, qui a touché 20 millions d'euros, soit 131 millions de francs. Et je devrais ajouter que, pour très élevées que soient les rémunérations de ces PDG, ils travaillent pour de gros actionnaires dont les revenus et les fortunes sont bien plus importantes.
La deuxième information a été rapportée par la presse hier, commentant le dernier rapport de l'Observatoire de la pauvreté. Ce rapport souligne que les années dites de croissance, au lieu de diminuer la pauvreté, l'ont au contraire aggravée. Même ces deux ou trois ans où le chômage s'est mis à diminuer, la vie ne s'est pas améliorée pour ceux qui sont sortis du chômage. Car, très souvent, ils n'ont retrouvé qu'une activité précaire, partielle, où ils gagnent à peine plus que le RMI.
Je cite les chiffres dans leur sécheresse : 7 % des ménages en France, soit 4,5 millions de personnes, vivent sous ce qu'on appelle "le seuil de pauvreté monétaire", c'est-à-dire en disposant de moins de 564 euros (3.700 F) mensuels par individu. 11 % des ménages, soit plus de 6 millions de personnes, sont pauvres au regard de l'indicateur de l'Institut de statistique qui tient compte, en plus, des difficultés liées au logement ou à l'endettement. Et ils sont 9 millions, 16 % de la population, ceux qui vivent sous le seuil de pauvreté tel que le définit la Commission européenne, c'est-à-dire 640 euros (4.200 F) par mois pour un célibataire.
Derrière les statistiques générales, combien de drames individuels pour ceux qui sont tombés dans le chômage et pour leurs familles ? Combien de malheurs pour ceux qui sont contraints de vivre avec l'allocation de chômage, le RMI ou un salaire tellement bas que s'en sortir tient du miracle ? Combien de malheurs pour ceux qui sont contraints d'habiter dans des logements délabrés et dont les enfants, dans l'incapacité de poursuivre une scolarité convenable, sont la proie des dealers et des voyous ?
Eh bien, les travailleurs ne peuvent pas accepter d'être poussés vers la pauvreté. Il faut qu'ils manifestent leur colère contre le patronat, mais aussi contre des gouvernements complices !
Car les gouvernements qui se sont succédé, de gauche ou de droite, ont tous contribué à la dégradation du sort des travailleurs, au point qu'en se remémorant ces vingt dernières années, il est bien difficile de se rappeler qui a porté les coups les plus durs à la classe ouvrière.
C'est seulement au premier tour que les travailleurs pourront exprimer leur choix et se prononcer sur la politique qu'il nous faudra imposer. Car, au deuxième tour, on n'aura le choix qu'entre deux responsables différents d'une même politique anti-ouvrière.
Les représentants de la gauche gouvernementale me reprochent de ne pas faire la différence entre la gauche et la droite. Si, bien sûr, que je fais une différence entre l'électorat de droite et celui de gauche. Car les partis de gauche trouvent l'essentiel de leur électorat dans le monde du travail.
Et je sais aussi que des mesures comme par exemple l'obligation de respecter la parité entre les femmes et les hommes dans les élections ; des mesures comme le Pacs, comme la possibilité pour une jeune fille d'avoir accès librement à la pilule dite du lendemain et quelques autres mesures similaires peuvent être prises plutôt par la gauche que par la droite. Mais, d'une part, ces mesures sont choisies parce qu'elles ne coûtent rien au patronat. Et, surtout, elles ne changent rien aux problèmes fondamentaux du chômage, de la précarité, de l'aggravation des conditions de travail et de l'exploitation.
La gauche comme la droite ont de plus en plus de mal à faire croire qu'elles sont différentes. Du coup, un nombre croissant d'électeurs se détournent des élections.
Alors oui, pour l'électorat populaire, il y a de quoi se détourner de leurs simagrées, de leurs petites phrases, de leurs bagarres de clans destinées à cacher qu'il n'y a aucune différence dans la politique qu'ils appliqueront une fois au pouvoir.
Mais se contenter de s'abstenir au premier tour, c'est s'abstenir aussi de critiquer leur politique, c'est encore leur laisser les mains libres pour mener la politique des possédants. Puisque le premier tour permet d'exprimer un choix social, saisissons l'occasion !
Pour dire tout le mal que les travailleurs pensent de la droite dont tous les candidats sont ouvertement au service des possédants !
Bien malin celui qui fait la différence entre un Madelin et un Bayrou par exemple, ou entre eux et Chirac, pour lequel ils feront d'ailleurs voter de toute façon au second tour.
Mais s'il faut que les travailleurs expriment leur hostilité à la droite, il ne faut pas qu'ils cautionnent pour autant le Parti socialiste qui, au gouvernement, mène la politique de la droite.
Bien sûr, les autres partis de la gauche plurielle cherchent, pendant la campagne, à se démarquer du gouvernement Jospin et de sa politique !
Mais on a pu vérifier pendant les cinq ans qui se sont écoulés que, s'il arrive aux écologistes, aux partisans de Chevènement et surtout au Parti communiste de se distinguer - en paroles - du Parti socialiste, ils se sont tous retrouvés derrière Jospin pour cautionner sa politique.
Le Parti communiste, en particulier, radicalise son langage dans la campagne électorale. Il dénonce, comme il l'a fait hier, "une politique trop soumise aux exigences des marchés financiers". Et parmi les mesures qu'il avance dans son programme électoral, il y en a qui vont dans le sens des intérêts des travailleurs. Lorsqu'il défend "le droit à la retraite à 60 ans, au terme de 37,5 annuités de cotisation" ou lorsqu'il revendique "un relèvement conséquent du salaire minimum", je suis, bien sûr, d'accord avec ces mesures.
Mais Robert Hue exigera-t-il de Jospin qu'il s'engage à appliquer ces mesures, pour appeler à voter pour lui au deuxième tour ? L'exigera-t-il pour entrer dans un futur gouvernement de gauche, si tant est qu'il y en aura un et que son parti y sera invité ?
Depuis cinq ans, il n'y aurait pas de majorité socialiste sans le soutien des députés communistes. Le Parti communiste aurait pu imposer au gouvernement les mesures qu'il préconisait en paroles. Robert Hue prétend qu'il faut être dans le gouvernement pour changer les choses. Mais les ministres communistes, qu'ont-ils changé d'important pour les travailleurs ? Rien ! En revanche, ils ont cautionné les mauvais coups de ce gouvernement qui s'est lavé les mains de tous les licenciements !
En fait, Robert Hue se charge au premier tour de faire aux travailleurs et aux classes populaires les promesses que Jospin se garde de faire, pour ne pas perdre les voix des électeurs du centre, voire de droite, qui se porteront sur son nom. Robert Hue vise à recueillir le maximum de voix venant du camp des travailleurs, pour les inviter à se reporter sans condition sur Jospin au second tour, qui, lui, n'aura rien promis aux travailleurs.
Pour ma part, je n'ambitionne de participer à aucun gouvernement de la bourgeoisie, ni même à aucune coalition pour en soutenir un. Et si je me présente, c'est pour dénoncer l'ignominie, l'injustice de cette société qui écrase tous ceux qui, par leur travail, la font vivre. Je me présente pour dénoncer la politique menée depuis ces vingt ans où tous les gouvernements successifs ont consciemment creusé l'écart entre la petite couche de riches et la majorité de la population.
Depuis vingt ans, la politique de chaque gouvernement a été de favoriser le profit des grandes entreprises, c'est-à-dire la fortune de leurs actionnaires. Avec cynisme, ils ont tous présenté cette politique comme allant dans le sens de l'intérêt de toute la société.
Alors, ils ont sacrifié le pouvoir d'achat des travailleurs.
Ils ont sacrifié l'emploi.
Ils ont sacrifié la protection sociale, en diminuant les remboursements de la Sécurité sociale. Et, si on annonce périodiquement le déficit de cette Sécurité sociale, c'est la conséquence des aides au patronat et des baisses de cotisations sociales en faveur des patrons, qui ont accru les dépenses et réduit les recettes de la Sécu.
Ils ont sacrifié les services publics, les hôpitaux, les écoles, la poste, les transports en commun car c'est sur eux qu'on fait des économies, pour donner plus aux entreprises.
Dans les hôpitaux, on fait des économies sur tout. Pas assez d'infirmières, d'aides-soignants, d'agents hospitaliers, de brancardiers. On hospitalise des malades loin de chez eux, faute de place dans des établissements plus proches, d'autant qu'on supprime des hôpitaux et des maternités de proximité. On oblige le personnel soignant à des horaires de travail déments, ce qui compromet la qualité des soins. Car, quand on va à l'hôpital, il vaut mieux ne pas être pris en charge par quelqu'un qui a derrière lui 24 heures de garde. On justifie ces économies, faites au détriment des malades aussi bien que du personnel, en invoquant le manque de crédits pour les hôpitaux publics. Mais, dans le même temps, on subventionne les cliniques privées pour les aider à être bénéficiaires !
Et la prétendue loi des 35 heures, au lieu d'améliorer les choses, les a aggravées, et pas seulement dans le secteur privé où elle a offert aux patrons la possibilité d'imposer une plus grande flexibilité des horaires de travail, mais aussi dans le secteur hospitalier et, d'une manière plus générale, dans le secteur public.
Les protestations se multiplient, en particulier dans le personnel hospitalier. Pour réduire réellement les horaires de travail, il faudrait 80.000 emplois supplémentaires, le gouvernement n'en promet que la moitié ! Et, pour le moment, il ne fait que promettre ! Ce qui fait que, dans bien des hôpitaux, les horaires non seulement ne sont pas réduits, mais bien souvent ils s'allongent. Et lorsque le personnel hospitalier manifeste, comme il l'a fait la semaine dernière, notamment à Paris, il est accueilli par des charges de CRS. Il faut croire que, s'il manque des agents de proximité dans les quartiers pauvres, il ne manque pas de CRS pour matraquer infirmières, aides-soignantes, personnel technique, tous confondus.
Et vous savez ici que bien d'autres secteurs publics sont affectés par l'application des 35 heures puisque c'est contre cela que luttent les sapeurs-pompiers de la région de Bastia et les douaniers maritimes. Les employés de la DDE, qui se sont mis en grève, expriment aussi leur inquiétude devant leur futur changement de statut et revendiquent, à juste raison, la sécurité de l'emploi et l'égalité de traitement entre les régimes de la Fonction publique de l'Etat et ceux de la Fonction publique territoriale corse à laquelle ils vont être rattachés.
Alors oui, je suis pleinement solidaire de leurs luttes car il n'y a aucune raison que l'application de la loi Aubry pour les uns ou des changements administratifs pour les autres se traduisent par une dégradation de leurs conditions d'existence !
L'Education nationale, elle aussi, n'a pas les moyens en personnel ni en locaux pour prendre en main réellement l'éducation des enfants issus des classes populaires. On fait mine de s'étonner que les enfants issus de l'immigration ne soient pas intégrés ! Mais comment pourraient-ils l'être, quand non seulement ils sont condamnés à grandir dans des ghettos de pauvres, mais que l'Education nationale ne donne pas les moyens suffisants en personnel enseignant, pour pouvoir prendre ces enfants par petits groupes et leur apprendre à lire, à écrire correctement, à acquérir ce minimum de connaissances que leurs familles ne sont pas en situation de leur donner, et dont le manque les handicape dès l'enfance et de façon irrémédiable ? Et l'effort ne devrait pas seulement porter sur les classes primaires ou secondaires de la période de scolarité obligatoire, mais aussi sur les crèches et les maternelles. Leur nombre est insuffisant alors que leur rôle est essentiel d'abord du point de vue des femmes qui travaillent mais aussi du point de vue de la formation des petits enfants. C'est bien joli de se réjouir de l'augmentation des naissances si le personnel des crèches en est réduit à la grève pour revendiquer des locaux, des embauches et de meilleurs conditions de travail !
Le patronat et le gouvernement ont également sacrifié la retraite des vieux travailleurs. Ils menacent la retraite par répartition pour y substituer la retraite par capitalisation, un système qui a ruiné et privé de toute retraite les travailleurs de l'entreprise américaine ENRON en faillite.
Ils ont sacrifié la jeunesse ouvrière, dont la vie active, si l'on peut dire, commence par le chômage ou par des stages bidons, des prétendues formations non rémunérées et, dans le meilleur des cas, souvent par des emplois précaires en CDD, en CES, en Intérim, avec beaucoup de travail et une petite paye.
Alors, pour de nombreuses familles ouvrières, l'année 2002 a commencé comme s'est terminée l'année 2001 : dans l'angoisse des plans de licenciement qui vous transforment en chômeurs après dix, vingt ou trente ans de travail dans la même entreprise.
De Danone à Moulinex-Brandt, en passant par Air Liberté, Delphi, Airbus, Valéo, Bosch, Philips, Bata, Alstom, Aventis, Dim, Alcatel, Péchiney, Atofina, branche chimique de TotalFinaElf, Gemplus, la liste est longue des grandes entreprises qui licencient et qui ferment des usines entières.
Et, dans beaucoup d'entreprises, combien de licenciements dans la discrétion, qui visent les intérimaires ? Car ce ne sont pas seulement les petits margoulins du capital qui abusent de l'intérim, ce sont aussi les grandes entreprises.
Eh bien, ce n'est pas tolérable. Et les travailleurs ne toléreront pas indéfiniment que le patronat, avec la complicité du gouvernement, les pousse vers le chômage et la pauvreté !
Et, à côté des grandes entreprises, combien de petites et moyennes, souvent filiales ou sous-traitantes des précédentes, qui ferment ou suppriment des emplois ?
Le chômage, c'est une catastrophe pour ceux qui en sont victimes, pour leurs familles et pour leurs enfants. Mais c'est aussi sur le chômage que s'appuie le patronat pour aggraver les conditions d'exploitation de ceux qui restent au travail ; pour rendre partout le rythme de travail inhumain, que ce soit sur les chaînes de production ou aux caisses de supermarché. Cette menace de perdre son emploi permet aux patrons de faire un chantage pour imposer des horaires flexibles et, du coup, pour tirer toujours plus de profit de chaque travailleur.
L'aggravation du chômage permet aussi aux démagogues d'extrême droite de canaliser le mécontentement contre les travailleurs immigrés, avec des slogans xénophobes et racistes. A l'échelle nationale, c'est le millionnaire réactionnaire Le Pen et son ex-lieutenant et aujourd'hui concurrent Mégret, qui essaient de faire de cette démagogie raciste un capital électoral.
Comme si c'était les travailleurs immigrés qui licencient, et pas les patrons, quelle que soit leur nationalité !
En Corse aussi, le monde du travail est un mélange de multiples composantes : ceux qui sont nés sur l'île, ceux qui viennent de la France continentale, mais aussi ceux qui sont venus d'Italie, d'Algérie, de Tunisie et du Maroc. Certains d'entre eux qui n'ont pas de papiers en règle, mal payés, mal logés, dans la précarité complète, sont particulièrement exploités.
Eh bien, tous ceux qui essaient de dresser les unes contre les autres ces différentes composantes de la classe ouvrière, qui essaient de se forger un capital politique en propageant la xénophobie et le racisme, sont des ennemis mortels des travailleurs, quelle que soit l'idéologie dont ils se revendiquent.
Alors, travailleuses et travailleurs de toutes nationalités, avec ou sans papiers, nous faisons partie de la même classe ouvrière et notre seul ennemi est le grand patronat ! Et j'en profite pour dire que je suis pour que soient accordés toutes les libertés démocratiques, tous les droits syndicaux et politiques, y compris le droit de vote, à toutes celles et tous ceux qui vivent et travaillent en France et qui se font exploiter ici pour le compte de la bourgeoisie qui, elle, est de toutes les nationalités.
Mais qu'est-ce que cette économie où l'on pousse à l'inactivité forcée des femmes et des hommes dont le travail pourrait être utile à la société, pendant qu'on en fait crever d'autres au travail ?
Eh bien, il n'est pas normal, il n'est pas acceptable que plus de 2.200.000 travailleurs de ce pays soient condamnés au chômage ;
que 4 millions d'autres, qui travaillent régulièrement ou occasionnellement, gagnent dans l'année moins que le SMIC.
que plus d'un million de personnes soient obligées de subsister avec l'aumône du RMI qui, même s'il a été légèrement augmenté et sa valeur désormais exprimée en euros, eh bien 405 euros cela ne permet que de survivre !
Il n'est pas normal, il n'est pas acceptable qu'une partie de la population ait besoin des Restaurants du coeur pour se nourrir. Et leur nombre s'accroît d'année en année.
Il n'est pas normal, il n'est pas acceptable que près de 100.000 personnes, jusque et y compris des enfants, soient privés de logement et que des centaines de milliers logent dans des taudis insalubres !
Eh oui, même dans ce pays parmi les plus développés, ce système économique reproduit et aggrave les inégalités. Mais il aggrave aussi l'inégalité entre un petit nombre de pays industriels développés et la majorité sous-développée des pays de la planète.
Les images que rapporte la télévision permettent d'entrevoir la grande misère des pays d'Afrique, d'Asie et d'Amérique latine.
La misère a toujours existé dans ces pays, diront les défenseurs de l'ordre établi. A ceci près que, depuis des décennies, l'Humanité a les moyens de mettre fin à cette misère partout sur la planète. La capacité productive des seuls pays industrialisés est largement suffisante pour assurer à tous la nourriture, un logement convenable, des soins, l'éducation. Mais cette capacité productive est gaspillée. On détruit de la nourriture dans des pays riches pour maintenir les prix pendant que dans d'autres on meurt de faim. On ne fabrique pas et on ne commercialise pas des médicaments indispensables, que l'on sait pourtant fabriquer, parce que ceux qui en ont besoin n'ont pas assez d'argent pour assurer des profits aux trusts pharmaceutiques.
En contrepartie du pillage des richesses naturelles des pays sous-développés, on offre des armes à leurs dictateurs, pour continuer à maintenir leurs peuples sous le joug et dans la pauvreté.
Et, quand les achats d'armes et les dépenses de luxe de la couche privilégiée d'un pays pauvre endettent ce pays auprès des banquiers d'Occident, c'est encore au peuple qu'on présente la facture.
Le pillage éhonté de la planète par quelques centaines de grands groupes industriels, commerciaux ou financiers l'a transformée en une poudrière.
Et, pour tenter d'étouffer les explosions, les grandes puissances mobilisent une partie croissante de l'intelligence humaine à inventer des moyens de destruction de plus en plus meurtriers et y consacrent des sommes colossales, comme jamais vu dans l'histoire de l'Humanité.
Eh bien, cela ne peut pas continuer ainsi ! Cela ne peut pas constituer notre avenir, l'avenir de nos enfants, de nos petits-enfants, pour l'avenir de l'Humanité !
Voilà pourquoi je suis communiste et fière de l'être.
Voilà pourquoi nous agissons pour une transformation radicale de l'organisation économique et sociale à l'échelle du monde. Le sens de cette transformation radicale est au fond simple : il s'agit de mettre fin à la dictature des grands groupes capitalistes sur la planète, en expropriant la grande bourgeoisie et en transformant les usines, les banques, les transports, les grands circuits de distribution capitalistes, en propriétés collectives, sous le contrôle conscient et sous le contrôle démocratique de toute la population.
Cet objectif est abandonné depuis longtemps par les grands partis qui se disent socialiste et communiste, dénominations qui à l'origine indiquaient leur volonté de transformation sociale. Mais cet objectif est de plus en plus nécessaire. Il en va de la survie de l'Humanité.
Et je pense que, malgré les reniements, les trahisons de ces partis, dont l'origine s'enracine dans le mouvement ouvrier, je pense que la classe ouvrière internationale, dont le nombre grandit, a la capacité d'oeuvrer pour son émancipation et pour l'émancipation l'ensemble de la société. Et c'est là-dessus que nous fondons tous nos espoirs pour l'avenir !
Dans l'immédiat, l'objectif politique prioritaire est d'arrêter la dégradation des conditions d'existence du monde du travail, en contestant à la classe capitaliste son droit d'user et d'abuser de sa situation dominante dans l'économie.
Dans cette situation marquée par un chômage en hausse, je le dis : Si les patrons ne sont pas capables de faire fonctionner leurs entreprises sans licenciements, c'est-à-dire sans aggraver le chômage, eh bien, qu'ils s'en aillent ! Voilà pourquoi je dis qu'il faut interdire les licenciements et, si les patrons licencient quand même, les sanctionner par la réquisition de leurs usines.
On nous dit que ces entreprises ne sont plus rentables. Ce n'est vrai que du point de vue des actionnaires qui exigent des profits de l'ordre de 15 %. Mais le problème de rentabilité ne se pose pas dans les mêmes termes, que l'on soit capitaliste ou travailleur ou ménagère. Quand une entreprise produit des biens de consommation utiles, qu'importe qu'elle ne dégage pas de profits ! Si elle vendait sa production à prix coûtant, après amortissement, sans avoir à enrichir des parasites, elle pourrait maintenir un salaire à ses salariés tout en rendant service à la collectivité.
Et quand bien même les entreprises qui ferment ne sont plus rentables, elles l'ont été dans le passé. Elles ont rapporté des fortunes à leurs propriétaires. Ces fortunes n'ont pas disparu. Elles continuent à exister sous forme de capitaux investis dans d'autres entreprises. Elles continuent à exister sous forme de propriétés immobilières, de châteaux, de biens de luxe, de yachts ou d'avions privés.
Eh bien, pour assurer un emploi à tous, pourquoi ne prendrait-on pas sur les fortunes personnelles des propriétaires présents et passés des entreprises ?
Ce serait une atteinte intolérable à la propriété privée ? Mais les licenciements, c'est une atteinte bien plus intolérable à l'existence matérielle des travailleurs et à leur dignité !
Les capitalistes savent utiliser les circuits financiers, voire les paradis fiscaux, pour dissimuler tout ce qu'ils possèdent. Eh bien, il faut contraindre les grandes entreprises à rendre publique toute leur comptabilité.
Il faut que la population puisse vérifier quelle est, dans ces profits privés, la part des subventions ou des cadeaux fiscaux, c'est-à-dire la part de l'argent public.
Il faut que la population puisse vérifier à quoi servent les bénéfices, quelle est la part de ce qui est réinvesti dans la production, et ce qui est gaspillé dans la spéculation.
Il faut aussi une transparence absolue sur les marchés publics, ceux de l'Etat, des régions, comme des municipalités.
Votre région a souffert et souffre encore du clientélisme, qui est une façon d'assurer le pouvoir des plus puissants sur les plus faibles ; des riches sur les pauvres. Elle subit des détournements de fonds publics pour de gros intérêts privés, de la prévarication, de la corruption. Cette forme de parasitisme, qu'il soit quasi officiel, c'est-à-dire couvert par les représentants de l'Etat qui savent fermer les yeux quand il s'agit de possédants ; qu'il soit plus ou moins criminel ou qu'il se donne des prétextes politiques, est abjecte. Il y a cependant suffisamment de faits d'actualité, impliquant jusqu'aux sommets de l'Etat et jusqu'aux patrons d'entreprises parmi les plus puissantes, pour rappeler que c'est à l'a échelle de l'ensemble du pays que le petit parasitisme pousse sur le terreau du grand parasitisme social. Le parasitisme de la classe capitaliste, qui s'enrichit en exploitant le travail de la majorité de la population et qui, pour cacher le prix que la société doit payer pour les entretenir, s'est donné toute une législation qui protège le secret bancaire, le secret commercial, le secret des affaires. Et il faut entendre le mot "affaires" dans tous les sens du terme !
Pour mettre fin aux petites escroqueries comme aux grands gaspillages, il faudra que les comptes en banque de tous les grands actionnaires des entreprises, de leurs patrons, de leurs PDG et de leurs hauts cadres, voire de leurs prête-noms, comme les revenus et les fortunes de tous les dirigeants politiques soient publics, afin que tout un chacun puisse connaître la situation réelle.
Il faut une loi qui mette fin au secret bancaire, au secret commercial et au secret des affaires qui cachent tant de magouilles et de trafics. Oh, je sais bien que la loi seule n'y suffirait pas. Mais qu'une fraction seulement de la population ait la volonté de s'en servir et puisse légalement se mêler des affaires des grandes entreprises ou des grandes banques, et tout le monde pourrait constater que les licenciements ne sont jamais justifiés.
Il faut, aussi, que la population puisse contrôler réellement le pouvoir politique. On nous dit que nous vivons en démocratie car il y a des élections. On élit en effet les membres de nombre d'institutions représentative de l'Etat, de la municipalité à la présidence de la République en passant par le l'Assemblée, le Sénat, les conseils régionaux ou généraux. Mais une fois élus pour quatre, cinq voire neuf ans, rien ne les empêche de renier tous leurs engagements et faire l'inverse de ce qu'ils avaient promis. Eh bien, je suis pour l'élection de tous ceux qui occupent une position de responsabilité publique, mais aussi, pour leur révocabilité ! Il faut que la population qui les a élu, puisse les congédier à n'importe quel moment.
Je suis pour que le pouvoir émane de bas en haut, pas l'inverse ! Voilà pourquoi je ne suis pas pour une centralisation absolue. Il faut que la population puisse participer au contrôle et dans tous les domaines où c'est possible, à l'exercice directe du pouvoir. Cela implique un maximum de décentralisation.
Pour moi, la centralisation, ce n'est pas la domination d'un centre sur les régions ou d'une région sur d'autres, c'est la coopération dans tous les domaines où c'est nécessaire, au niveau du pays, au niveau de l'Europe et j'espère, un jour, au niveau du monde entier, mais dans le respect de la diversité.
Alors oui, je me présente à cette élection présidentielle pour défendre tous ces objectifs.
Et aussi pour affirmer qu'il faut arrêter toute subvention au grand patronat, tout avantage fiscal et tout dégrèvement de cotisations sociales.
Pour dire qu'il faut rétablir l'impôt sur les bénéfices des sociétés, au moins à son niveau de 50 %, comme il existait il y a vingt ans.
Pour dire qu'il faut augmenter les tranches supérieures de l'impôt sur le revenu, au lieu de les diminuer. L'Etat aurait ainsi les moyens d'améliorer les services publics, au lieu de les vendre par morceaux au secteur privé. Ce n'est pas la révolution, mais tout simplement des mesures indispensables et possibles, pour limiter le pouvoir économique du grand patronat et ses conséquences néfastes sur toute la société.
Dans cette société, il n'y a que le rapport de force qui compte. Et le rapport de forces ne sera changé que par l'action collective des travailleurs, par les manifestations, par les grèves, qui convergeront dans une volonté collective d'imposer le contrôle sur les entreprises, leurs comptes, leurs productions.
Cette élection ne changera pas le sort du monde du travail. C'est vrai ! Mais elle peut permettre de se compter. Et si nous sommes nombreux à nous compter sur mon nom, sur ce programme, cela peut montrer à nos ennemis que la classe ouvrière existe et qu'elle se renforce en tant que force politique.
Oui, le nombre des suffrages qui se porteront sur mon nom peut redonner confiance à tous ceux qui se croient isolés, chacun dans sa ville, dans son quartier, sur son lieu de travail, impuissants face à des patrons qui croient avoir tous les droits. Cette confiance peut nous rendre plus forts moralement, politiquement, pour engager les luttes collectives que, de toute façon, il nous faudra mener.
Car il n'y a pas d'autre choix que de mener la lutte de classe, face à un patronat qui, lui, n'a de cesse de faire la guerre au monde du travail.
Oui, si des millions de femmes et d'hommes choisissent d'affirmer avec leur bulletin de vote qu'ils partagent le constat que je fais, et disent aussi, ensemble, qu'il est vital d'imposer les mesures que je propose, oui, je le pense, cela aidera au développement de ces luttes, à leur élargissement, à leur unification sur un programme correspondant aux intérêts vitaux du monde du travail.

(source http://www.lutte-ouvriere.org, le 11 février 2002)