Déclaration de Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité, sur l'indemnisation des victimes de l'amiante, notamment par la création du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA), Paris le 18 avril 2002.

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Circonstance : Installation du Conseil d'administration du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante à Paris le 18 avril 2002

Texte intégral

Monsieur le Président,
Madame et Messieurs les Directeurs,
Mesdames et Messieurs les administrateurs,
Nous sommes réunis ici aujourd'hui pour donner officiellement naissance au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante. La création de cet établissement public est un événement tout à fait exceptionnel, à la mesure du drame qu'a été pour des dizaines de milliers de personnes dans notre pays l'exposition à l'amiante.
C'est en effet à une catastrophe sanitaire sans précédent que nous avons à faire face. Les chiffres des victimes, en constante augmentation, en témoignent d'eux-mêmes : alors que 10 % de l'ensemble des maladies professionnelles reconnues par la sécurité sociale sont liées à l'amiante, l'INSERM, dans son expertise collective de 1996, estime à 2 000 le nombre annuel de décès imputables aujourd'hui à l'amiante, et pense que ce nombre pourra atteindre 3 000 en 2020 ; l'amiante serait ainsi à l'origine de 50 à 60 000 décès dans les vingt prochaines années.
Et ce ne sont là, hélas, que les décès, auxquels il convient d'ajouter toutes les autres pathologies de l'amiante qui, bien qu'elles ne soient pas mortelles, sont à l'origine de préjudices réels pour les personnes qui en sont affectées.
Ce sont ainsi des dizaines de milliers de personnes et leurs familles qui ont eu et auront encore à subir les conséquences de l'usage longtemps intensif de l'amiante dans de nombreux secteurs de l'économie française.
Or, en l'absence de dispositif spécifique, les victimes ne pouvaient obtenir une indemnisation de leurs préjudices que dans le cadre de la législation sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (mais cette dernière est réservée aux seuls salariés, auxquels elle n'assure par ailleurs qu'une réparation forfaitaire) ou alors en saisissant les commissions d'indemnisation des victimes d'infractions, les CIVI, avec des résultats par nature incertains.
Cette situation n'était pas satisfaisante. L'ampleur du drame de l'amiante justifiait pleinement, de la part de la collectivité nationale, la mise en uvre de mesures exceptionnelles de réparation pour les victimes.
C'est la raison pour laquelle le gouvernement a décidé de créer un établissement public administratif spécifiquement dédié à l'indemnisation des victimes de l'amiante, le FIVA, qui offrira à chacune d'entre elles, salariée ou non, atteinte d'une maladie professionnelle ou non, ainsi qu'à leurs ayants-droit, l'accès à une procédure simple et rapide d'indemnisation, reposant sur le principe de la réparation intégrale.
Le montant des sommes qui ont d'ores et déjà été réservées à la dotation du Fonds, dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 et de la loi de finances rectificative pour 2001, permet de mesurer l'importance qu'attache ce gouvernement à la réparation du drame de l'amiante : je vous rappelle en effet que, pour son premier exercice de fonctionnement, le Fonds percevra de la branche ATMP du régime général de la sécurité sociale la somme globale de 514 millions d' (3 375 milliards de F.), et 38 millions d' (250 millions de F.) de la part de l'Etat. C'est sur cette base qu'est construit le projet de budget prévisionnel que vous aurez à adopter tout à l'heure.
Il s'agit là d'un dispositif tout à fait exceptionnel. C'est en effet la première fois qu'un établissement public administratif est ainsi créé en substitution à des juridictions, les CIVI, afin de gérer une procédure d'indemnisation réservée à une certaine catégorie de la population.
Les problèmes à régler n'étaient pas minces. L'importance et le degré de précision des débats qui ont entouré l'adoption de ce qui est devenu l'article 53 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 [qui crée le FIVA?, puis l'élaboration de son décret d'application, en sont la meilleure illustration.
Il nous faut maintenant appliquer concrètement ces principes.
Une lourde tâche vous attend. Chacun d'entre vous, je le sais, est conscient des espoirs qu'a soulevés l'annonce de la création de ce Fonds chez les victimes, et de leur impatience à le voir fonctionner effectivement.
Or vous aurez un rôle majeur à jouer dans leur processus d'indemnisation car, vous le savez, le décret du 23 octobre 2001 qui définit l'organisation du FIVA a confié d'importantes prérogatives à ce conseil d'administration. C'est donc une responsabilité importante que vous avez acceptée en acceptant de siéger en son sein. Je veux vous en remercier.
Pour les mêmes raisons, je tiens à remercier tout particulièrement M. le Président Roger BEAUVOIS d'avoir accepté de présider aux destinées de cet établissement public. C'est une charge importante, dont je sais qu'il s'acquittera avec efficacité et compétence.
Mais, naturellement, le Fonds ne se réduira pas à votre conseil d'administration. Le législateur a décidé d'en faire un établissement public, contrairement par exemple au FITH, le fonds d'indemnisation des victimes de la transfusion sanguine, auquel il n'avait pas donné d'existence autonome.
Le législateur a donc clairement entendu entourer le conseil d'administration du FIVA de services sur lesquels il pourra s'appuyer, et le doter de moyens d'expertise propres.
Les arbitrages qui ont été rendus depuis le vote de la loi de financement pour 2001 ont confirmé cette intention, et permettront effectivement au FIVA de se développer en respectant cette orientation forte :
- le décret du 23 octobre 2001 a confié, je l'ai déjà indiqué, d'importantes prérogatives à votre conseil d'administration, notamment la définition des principes généraux d'indemnisation ou la politique en matière de provisions ;
- le projet de budget qui a été élaboré et qui vous est présenté aujourd'hui s'inscrit clairement dans cette perspective, en dotant le Fonds dès sa première année de fonctionnement des moyens de son autonomie, en termes de locaux, de personnel ou de recours à des experts extérieurs.
Mais nous ne parviendrons pas immédiatement à ce format, un établissement public nécessitant plusieurs mois pour véritablement se mettre en place.
Or la loi prescrit au FIVA d'être en mesure d'accueillir immédiatement les demandes d'indemnisation des victimes, et de leur produire une offre, durant sa première année de fonctionnement, dans un délai de 9 mois.
Il était donc indispensable de s'organiser pour que, dès sa mise en place effective, le Fonds puisse effectivement tenir cet engagement à l'égard des victimes, que lui impose la loi. C'est la raison pour laquelle le décret du 23 octobre 2001 prévoit que le FIVA pourra passer une convention avec le Fonds de garantie automobile (FGA) afin de mobiliser ses services pour les tâches d'instruction des dossiers, dans le cadre des orientations que vous aurez définies.
Le FGA est, dans la sphère publique et semi-publique, le seul organisme à disposer des compétences et des moyens nécessaires pour appuyer le FIVA face à ce défi. De plus, il a déjà l'expérience de ce type de situation, puisque c'est sur lui qu'a reposé le traitement des dossiers des victimes de la transfusion sanguine lors de la création du FITH en 1992.
Ce dispositif garantit un démarrage effectif et rapide du mécanisme d'indemnisation.
Un bilan de la coopération entre les deux organismes sera établi dans un an. Je souligne, à cet égard, que les moyens budgétaires alloués au Fonds cette année ne l'enferment pas dans un schéma d'organisation unique ; ils ont été déterminés de façon suffisamment large pour lui permettre d'envisager toutes les options possibles, le moment venu.
Les procédures d'indemnisation des victimes de l'amiante vont donc maintenant pouvoir débuter.
Dès votre prochaine séance, vous aurez à vous pencher sur les problèmes concrets de mise en uvre des dispositions de la loi et du décret du 23 octobre 2001 : définition du contenu du formulaire de demande d'indemnisation, des principes généraux de la réparation offerte par le Fonds, de sa politique en matière de provisions à verser aux victimes, etc.
Les problèmes que vous aurez à aborder sont tout à fait particuliers ; la mécanique de la réparation intégrale est en effet très différente des principes auxquels nos administrations et vos organisations sont habituées, dans le cadre de la réparation forfaitaire qu'accorde la sécurité sociale aux victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles.
De fait, les méthodes d'évaluation et les concepts utilisés sont tout à fait spécifiques, et je crois que cela sera, pour la plupart d'entre nous, une découverte et une source de réflexion très utile, alors que nous réfléchissons par ailleurs aux moyens de faire évoluer les modalités de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles en général.
Les interventions récentes des juridictions, depuis la Cour des comptes jusqu'à la Cour de cassation, ont donné encore plus d'acuité à la question de l'indemnisation des victimes de l'amiante et, plus généralement, à l'évolution du système de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles.
L'action que vous mènerait au sein de ce conseil d'administration n'en sera que plus utile.
Je vous remercie, et je vous souhaite un bon travail.

(Source http://www.travail.gouv.fr, le 2 mai 2002)