Texte intégral
Messieurs les Ministres,
Messieurs les Gouverneurs,
Mesdames, Messieurs,
C'est avec plaisir que nous vous accueillons à nouveau avec Dominique Strauss-Kahn pour cette rencontre traditionnelle au centre de conférences Pierre Mendès France. Cette réunion nous donne l'occasion de faire le point sur la situation économique et financière dans la zone franc. Elle permet aussi d'évaluer l'avancement des initiatives multilatérales en cours que nous suivons conjointement en France et dans les pays africains de la zone franc.
Depuis notre rencontre de Dakar au mois d'avril, j'ai pu noter de nombreux développements politiques encourageants dans la zone. Ils devraient être propices à la consolidation de la stabilité économique de la région. Je relèverai l'ouverture et le bon déroulement des consultations entre l'Union européenne et certains de vos pays au titre de l'article 366 bis de la Convention de Lomé. La France attache beaucoup d'importance à ce que ce dialogue, original dans le cadre des relations extérieures de l'Union, soit équitable, franc et constructif. Elle juge d'ailleurs nécessaire, tout comme les autres membres de l'Union, de l'élargir également à la bonne gestion des affaires publiques dans le cadre du renouvellement de la Convention de Lomé. Cette transparence est attendue de nos institutions et de nos opinions publiques ; elle renforce la crédibilité de nos instruments de coopération, ne l'oublions pas.
A Lomé, après plusieurs années d'incertitudes et de troubles préoccupants, l'aboutissement du dialogue intertogolais ouvre de nouvelles perspectives à ce pays. Il doit lui permettre de renouer le dialogue avec les institutions financières internationales publiques ou encore avec l'Union européenne. Aussi sommes nous très attentifs à la mise en oeuvre et au suivi de ces accords signés il y a quelques semaines.
Je relève, enfin qu'à Malabo en juin dernier, les chefs d'Etat ont lancé le processus d'établissement des institutions de la CEMAC ; celles-ci doivent effectivement bénéficier de toute l'autorité que requiert leurs fonctions régionales.
Bien qu'ayant emprunté des chemins différents, l'intégration régionale en zone franc, qu'elle ait été conduite dans le cadre de la CEMAC ou de l'UEMOA est ainsi souvent citée, au même titre que l'intégration européenne, comme un exemple à suivre.
Dans une telle perspective, la maîtrise de la mondialisation ne relève plus de l'illusion. C'est en tout cas l'espoir qui guide l'action du gouvernement français et je l'espère votre propre démarche. l'intégration régionale est pour vous en zone franc, comme pour nous en Europe, un choix fondamental qui a déjà engendré une dynamique prometteuse. J'en veux d'ailleurs pour preuve la plus récente le succès du site Investir en zone franc, soutenu par la France et vos institutions sous-régionales. Il a vu sa fréquentation multipliée par 3 (pas moins de 65 000 internautes ont visité le site en 10 mois). A nous de l'enrichir, à nous de nous l'approprier comme un instrument d'information, de dialogue et de mobilisation.
Dans ce même centre de conférences, notre Premier ministre Lionel Jospin indiquait lors d'une conférence réunissant à Paris en juin dernier de nombreux économistes du développement, que, si la mondialisation et l'ouverture des économies est source de nouvelles richesses et de progrès, ils peuvent être aussi source de mutations qu'il faut accompagner. Il soulignait que les accords d'intégration régionale, sans entrer en contradiction avec l'approche multilatérale (et cette nuance est fondamentale), contribuent à bâtir les institutions nécessaires à cet encadrement.
A chacune de nos rencontres, nous nous attachons à renforcer patiemment et continuellement la dynamique d'intégration régionale engagée depuis 1994. Ces acquis sont là que tous les observateurs reconnaissent. Il faut les augmenter. Quelque soit le scepticisme que l'on rencontre encore ici ou là. Car nous pourrons facilement aller de l'avant, pourvu que dans le consensus, c'est à dire la prise en compte des intérêts de tous, nous recherchions de nouvelles marges de manoeuvre. Je voudrais brièvement introduire deux sujets dont nous traiterons aujourd'hui :
- le renouvellement de la Convention de Lomé ;
- l'allégement de la dette des pays pauvres très endettés.
1 - Derrière le renouvellement de la Convention de Lomé, c'est toute la problématique de l'insertion des pays ACP dans l'économie mondiale qui se profile. Je vous en ai déjà entretenu lors de nos précédentes réunions. Je suis heureux à ce titre que M. Adjovi, le président du Conseil des ministres ACP, soit venu nous dire où en sont les négociations après la rencontre de Bruxelles fin juillet.
La future convention, nous le souhaitons, privilégiera le renforcement du dialogue politique et l'intégration régionale, mais aussi l'ouverture à la société civile et la différenciation de l'aide selon les besoins et le niveau du développement. Mais c'est bien le volet de la coopération économique et commerciale, qui doit nous préoccuper.
Avant d'y revenir, je voudrais évoquer au passage le rôle de la société civile, dont nous avons discuté à Bruxelles (leurs représentants seront d'ailleurs invités en marge de la prochaine réunion de négociation). Les aspirations populaires à la participation à la vie sociale cherchent et parfois trouvent de plus en plus les moyens de s'exprimer. Souvent délaissée au plan politique et économique, la société civile émerge et s'organise selon des modes originaux, reflets des cultures et des valeurs qu'elles portent. Je connais les craintes de certains en ce domaine selon lesquelles la coopération "hors l'Etat" avec les associations et les groupes décentralisés se substituerait à la coopération traditionnelle. Ces craintes ne me paraissent pas fondées. Il est bien sûr nécessaire de prendre toute la mesure du rôle de la société civile dans le développement et parfois d'en regretter l'insuffisante implication. J'ai ainsi fait le choix de conduire une politique d'encouragement aux initiatives des collectivités locales françaises, afin qu'elles mènent localement des projets de coopération dans les pays en développement. Il ne s'agit pas toutefois d'abandonner une politique de coopération et de mobilisation des administrations publiques lorsque l'environnement institutionnel s'y prête. Nous souhaitons simplement que ces expériences locales puissent s'inscrire dans la durée, qu'elles se multiplient à une échelle significative et qu'elles illustrent leur capacité à structurer la société.
Revenons-en à la coopération économique et commerciale. Alors qu'un nouveau cycle de négociations multilatérales s'engage prochainement dans lequel l'Union considère que les pays en développement ont un rôle spécifique, il est urgent d'identifier une méthode susceptible d'offrir aux ACP de meilleures perspectives. L'Union européenne estime que l'intégration régionale est une voie d'avenir. Elle est, je le répète, disposée à soutenir les efforts des ACP en ce sens, en les soutenant par la conclusion d'accords de partenariat économique régionalisés, symbolisant l'ancrage de nos marchés respectifs.
Nous devons être conscients que la condition de notre succès commun dépendra de la clarté des objectifs que nous afficherons et notamment de la volonté de nous inscrire dans une perspective de conformité avec les règles de l'OMC. A contrario, il ne serait pas raisonnable de penser que nous pouvons tout obtenir de l'OMC, quelle que soit la légitimité de nos motivations. Les derniers développements du contentieux de la banane doivent, à cet égard, nous inciter à la prudence. Vous ne devez pas penser que le groupe ACP ou l'Union européenne, si elle en a la volonté, sont en mesure, d'obtenir toute marge de manoeuvre de l'OMC.
Il nous faut donc une stratégie commune claire, en préservant toute la souplesse nécessaire lors de sa mise en oeuvre.
Mais nous ne pouvons pas jouer avec le temps, différer nos choix, adopter des positions qui se retourneront contre nous. Plus tôt les ACP se prépareront, avec l'appui de l'Union européenne, à affronter la concurrence, meilleures seront leurs chances de succès. Et plus nous attacherons notre intention à assurer la pérennité de notre partenariat commercial en veillant à sa conformité avec les règles internationales, meilleures seront les conditions que nous pourrons négocier à Genève.
Permettez-moi d'y insister avec un peu de solennité : l'attentisme et l'immobilisme ne jouent pas en faveur des ACP. Nos négociations doivent déboucher, avant le 29 février 2000, sur une évolution programmée vers un nouveau partenariat commercial. Ce sera un signal positif, il est attendu et la France en sait l'importance au sein de l'Europe, d'où mon insistance aujourd'hui.
2 - Un second thème à l'ordre du jour de notre réunion ce matin est celui de l'initiative en vue d'alléger la dette des pays pauvres les plus endettés. Le Sommet du G7 à Cologne a pris un certain nombre de décisions, dont nous parlerons tout à l'heure. Je voudrais préalablement dire un mot à ce sujet sur le rôle des bailleurs de fonds, des partenaires au développement.
L'initiative sur la dette doit être replacée dans le contexte, plus général du financement du développement.
Le directeur général du FMI l'a dit en avril, lors des assemblées de printemps des Institutions de Bretton Woods, il faut "prendre garde à ne pas gagner la bataille de la dette pour finalement perdre la guerre de l'aide publique au développement".
Le Premier ministre français, en notant que chaque année la France consacre à l'aide publique au développement un effort deux fois supérieur à la moyenne des pays développés, a réaffirmé l'engagement du gouvernement à maintenir cet effort.
Car c'est bien de cela qu'il s'agit : par delà la réduction de la dette, les flux d'aide publique au développement restent un facteur déterminant du progrès économique et social de nombreux pays.
Ces dernières années, on a mis l'accent sur le financement privé du développement, indéniablement sous estimé jusque là. Mais ce mode de financement a montré ses limites, en particulier lors de la crise asiatique de l'an dernier. Il présente deux défauts majeurs : il ne se porte pas sur les programmes prioritaires des pays les moins avancés ; il est susceptible de refluer plus vite qu'il n'est arrivé. Il représente donc un facteur majeur d'instabilité. Pourtant, vous le savez bien, on ne crée pas de croissance sans stabilité.
Il est par conséquent hautement souhaitable que les pays donateurs, partagent de façon plus équitable le coût des mesures d'annulation de dette, et maintiennent tout particulièrement les flux de financement nouveaux, "l'argent frais" qui s'investit dans les actions de développement. Ces questions ont été discutées dans le cadre du G7 ; elles le seront dans le cadre du renouvellement du Fonds européen de développement. Je sais que certaines voix sur le continent africain se sont dernièrement interrogées sur le niveau, parfois même la pertinence, de l'aide des gouvernements occidentaux vers l'Est de l'Europe. Je veux dire ici que la France ne s'interroge ni sur les besoins ni sur la légitimité de l'aide publique au développement vers les pays les moins avancés au Sud, qui constitue toujours une priorité.
Quelle conclusion tirer de ce rapide examen des principaux sujets à l'ordre du jour ?
La mondialisation et ses conséquences sur nos économies, la convergence au niveau régional, mais aussi la convergence dans chacun de nos pays entre la politique macro-économique et les politiques sectorielles, les relations de l'Etat avec la société civile, illustrent la nécessité de restaurer des approches de moyen terme. Le positionnement de vos pays vis à vis des bailleurs de fonds, le renouvellement des relations avec l'Union européenne impliquent dans cette mesure une réflexion dans la durée. Cela suppose des instruments de prospective et de programmation à terme fiables, robustes, qu'on a peut être négligés.
Il ne s'agit bien évidemment pas de revenir à la planification impérative des années 60 et 70. Mais, tout simplement, d'organiser réflexion et débat sur des sujets de fond, puis mettre en oeuvre les politiques économiques et sociales arrêtées dans le cadre du consensus le plus large possible.
C'est un thème de coopération sur lequel nous pouvons encore progresser à l'avenir. Certains de vos pays se sont déjà dotés d'institutions de prospective et de réflexion à moyen terme. La production et l'harmonisation des statistiques, qui permettent l'évaluation, la mesure et les comparaisons au niveau régional, constituent également en amont un chantier régional majeur. Il faut souligner enfin la contribution d'Afristat, que nous avons établi ensemble. Je veux vous dire que sur toutes ces initiatives vous pourrez bien entendu continuer à compter à l'avenir sur mon soutien et celui de mon Département.
Je vous remercie.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 22 septembre 1999)
Messieurs les Gouverneurs,
Mesdames, Messieurs,
C'est avec plaisir que nous vous accueillons à nouveau avec Dominique Strauss-Kahn pour cette rencontre traditionnelle au centre de conférences Pierre Mendès France. Cette réunion nous donne l'occasion de faire le point sur la situation économique et financière dans la zone franc. Elle permet aussi d'évaluer l'avancement des initiatives multilatérales en cours que nous suivons conjointement en France et dans les pays africains de la zone franc.
Depuis notre rencontre de Dakar au mois d'avril, j'ai pu noter de nombreux développements politiques encourageants dans la zone. Ils devraient être propices à la consolidation de la stabilité économique de la région. Je relèverai l'ouverture et le bon déroulement des consultations entre l'Union européenne et certains de vos pays au titre de l'article 366 bis de la Convention de Lomé. La France attache beaucoup d'importance à ce que ce dialogue, original dans le cadre des relations extérieures de l'Union, soit équitable, franc et constructif. Elle juge d'ailleurs nécessaire, tout comme les autres membres de l'Union, de l'élargir également à la bonne gestion des affaires publiques dans le cadre du renouvellement de la Convention de Lomé. Cette transparence est attendue de nos institutions et de nos opinions publiques ; elle renforce la crédibilité de nos instruments de coopération, ne l'oublions pas.
A Lomé, après plusieurs années d'incertitudes et de troubles préoccupants, l'aboutissement du dialogue intertogolais ouvre de nouvelles perspectives à ce pays. Il doit lui permettre de renouer le dialogue avec les institutions financières internationales publiques ou encore avec l'Union européenne. Aussi sommes nous très attentifs à la mise en oeuvre et au suivi de ces accords signés il y a quelques semaines.
Je relève, enfin qu'à Malabo en juin dernier, les chefs d'Etat ont lancé le processus d'établissement des institutions de la CEMAC ; celles-ci doivent effectivement bénéficier de toute l'autorité que requiert leurs fonctions régionales.
Bien qu'ayant emprunté des chemins différents, l'intégration régionale en zone franc, qu'elle ait été conduite dans le cadre de la CEMAC ou de l'UEMOA est ainsi souvent citée, au même titre que l'intégration européenne, comme un exemple à suivre.
Dans une telle perspective, la maîtrise de la mondialisation ne relève plus de l'illusion. C'est en tout cas l'espoir qui guide l'action du gouvernement français et je l'espère votre propre démarche. l'intégration régionale est pour vous en zone franc, comme pour nous en Europe, un choix fondamental qui a déjà engendré une dynamique prometteuse. J'en veux d'ailleurs pour preuve la plus récente le succès du site Investir en zone franc, soutenu par la France et vos institutions sous-régionales. Il a vu sa fréquentation multipliée par 3 (pas moins de 65 000 internautes ont visité le site en 10 mois). A nous de l'enrichir, à nous de nous l'approprier comme un instrument d'information, de dialogue et de mobilisation.
Dans ce même centre de conférences, notre Premier ministre Lionel Jospin indiquait lors d'une conférence réunissant à Paris en juin dernier de nombreux économistes du développement, que, si la mondialisation et l'ouverture des économies est source de nouvelles richesses et de progrès, ils peuvent être aussi source de mutations qu'il faut accompagner. Il soulignait que les accords d'intégration régionale, sans entrer en contradiction avec l'approche multilatérale (et cette nuance est fondamentale), contribuent à bâtir les institutions nécessaires à cet encadrement.
A chacune de nos rencontres, nous nous attachons à renforcer patiemment et continuellement la dynamique d'intégration régionale engagée depuis 1994. Ces acquis sont là que tous les observateurs reconnaissent. Il faut les augmenter. Quelque soit le scepticisme que l'on rencontre encore ici ou là. Car nous pourrons facilement aller de l'avant, pourvu que dans le consensus, c'est à dire la prise en compte des intérêts de tous, nous recherchions de nouvelles marges de manoeuvre. Je voudrais brièvement introduire deux sujets dont nous traiterons aujourd'hui :
- le renouvellement de la Convention de Lomé ;
- l'allégement de la dette des pays pauvres très endettés.
1 - Derrière le renouvellement de la Convention de Lomé, c'est toute la problématique de l'insertion des pays ACP dans l'économie mondiale qui se profile. Je vous en ai déjà entretenu lors de nos précédentes réunions. Je suis heureux à ce titre que M. Adjovi, le président du Conseil des ministres ACP, soit venu nous dire où en sont les négociations après la rencontre de Bruxelles fin juillet.
La future convention, nous le souhaitons, privilégiera le renforcement du dialogue politique et l'intégration régionale, mais aussi l'ouverture à la société civile et la différenciation de l'aide selon les besoins et le niveau du développement. Mais c'est bien le volet de la coopération économique et commerciale, qui doit nous préoccuper.
Avant d'y revenir, je voudrais évoquer au passage le rôle de la société civile, dont nous avons discuté à Bruxelles (leurs représentants seront d'ailleurs invités en marge de la prochaine réunion de négociation). Les aspirations populaires à la participation à la vie sociale cherchent et parfois trouvent de plus en plus les moyens de s'exprimer. Souvent délaissée au plan politique et économique, la société civile émerge et s'organise selon des modes originaux, reflets des cultures et des valeurs qu'elles portent. Je connais les craintes de certains en ce domaine selon lesquelles la coopération "hors l'Etat" avec les associations et les groupes décentralisés se substituerait à la coopération traditionnelle. Ces craintes ne me paraissent pas fondées. Il est bien sûr nécessaire de prendre toute la mesure du rôle de la société civile dans le développement et parfois d'en regretter l'insuffisante implication. J'ai ainsi fait le choix de conduire une politique d'encouragement aux initiatives des collectivités locales françaises, afin qu'elles mènent localement des projets de coopération dans les pays en développement. Il ne s'agit pas toutefois d'abandonner une politique de coopération et de mobilisation des administrations publiques lorsque l'environnement institutionnel s'y prête. Nous souhaitons simplement que ces expériences locales puissent s'inscrire dans la durée, qu'elles se multiplient à une échelle significative et qu'elles illustrent leur capacité à structurer la société.
Revenons-en à la coopération économique et commerciale. Alors qu'un nouveau cycle de négociations multilatérales s'engage prochainement dans lequel l'Union considère que les pays en développement ont un rôle spécifique, il est urgent d'identifier une méthode susceptible d'offrir aux ACP de meilleures perspectives. L'Union européenne estime que l'intégration régionale est une voie d'avenir. Elle est, je le répète, disposée à soutenir les efforts des ACP en ce sens, en les soutenant par la conclusion d'accords de partenariat économique régionalisés, symbolisant l'ancrage de nos marchés respectifs.
Nous devons être conscients que la condition de notre succès commun dépendra de la clarté des objectifs que nous afficherons et notamment de la volonté de nous inscrire dans une perspective de conformité avec les règles de l'OMC. A contrario, il ne serait pas raisonnable de penser que nous pouvons tout obtenir de l'OMC, quelle que soit la légitimité de nos motivations. Les derniers développements du contentieux de la banane doivent, à cet égard, nous inciter à la prudence. Vous ne devez pas penser que le groupe ACP ou l'Union européenne, si elle en a la volonté, sont en mesure, d'obtenir toute marge de manoeuvre de l'OMC.
Il nous faut donc une stratégie commune claire, en préservant toute la souplesse nécessaire lors de sa mise en oeuvre.
Mais nous ne pouvons pas jouer avec le temps, différer nos choix, adopter des positions qui se retourneront contre nous. Plus tôt les ACP se prépareront, avec l'appui de l'Union européenne, à affronter la concurrence, meilleures seront leurs chances de succès. Et plus nous attacherons notre intention à assurer la pérennité de notre partenariat commercial en veillant à sa conformité avec les règles internationales, meilleures seront les conditions que nous pourrons négocier à Genève.
Permettez-moi d'y insister avec un peu de solennité : l'attentisme et l'immobilisme ne jouent pas en faveur des ACP. Nos négociations doivent déboucher, avant le 29 février 2000, sur une évolution programmée vers un nouveau partenariat commercial. Ce sera un signal positif, il est attendu et la France en sait l'importance au sein de l'Europe, d'où mon insistance aujourd'hui.
2 - Un second thème à l'ordre du jour de notre réunion ce matin est celui de l'initiative en vue d'alléger la dette des pays pauvres les plus endettés. Le Sommet du G7 à Cologne a pris un certain nombre de décisions, dont nous parlerons tout à l'heure. Je voudrais préalablement dire un mot à ce sujet sur le rôle des bailleurs de fonds, des partenaires au développement.
L'initiative sur la dette doit être replacée dans le contexte, plus général du financement du développement.
Le directeur général du FMI l'a dit en avril, lors des assemblées de printemps des Institutions de Bretton Woods, il faut "prendre garde à ne pas gagner la bataille de la dette pour finalement perdre la guerre de l'aide publique au développement".
Le Premier ministre français, en notant que chaque année la France consacre à l'aide publique au développement un effort deux fois supérieur à la moyenne des pays développés, a réaffirmé l'engagement du gouvernement à maintenir cet effort.
Car c'est bien de cela qu'il s'agit : par delà la réduction de la dette, les flux d'aide publique au développement restent un facteur déterminant du progrès économique et social de nombreux pays.
Ces dernières années, on a mis l'accent sur le financement privé du développement, indéniablement sous estimé jusque là. Mais ce mode de financement a montré ses limites, en particulier lors de la crise asiatique de l'an dernier. Il présente deux défauts majeurs : il ne se porte pas sur les programmes prioritaires des pays les moins avancés ; il est susceptible de refluer plus vite qu'il n'est arrivé. Il représente donc un facteur majeur d'instabilité. Pourtant, vous le savez bien, on ne crée pas de croissance sans stabilité.
Il est par conséquent hautement souhaitable que les pays donateurs, partagent de façon plus équitable le coût des mesures d'annulation de dette, et maintiennent tout particulièrement les flux de financement nouveaux, "l'argent frais" qui s'investit dans les actions de développement. Ces questions ont été discutées dans le cadre du G7 ; elles le seront dans le cadre du renouvellement du Fonds européen de développement. Je sais que certaines voix sur le continent africain se sont dernièrement interrogées sur le niveau, parfois même la pertinence, de l'aide des gouvernements occidentaux vers l'Est de l'Europe. Je veux dire ici que la France ne s'interroge ni sur les besoins ni sur la légitimité de l'aide publique au développement vers les pays les moins avancés au Sud, qui constitue toujours une priorité.
Quelle conclusion tirer de ce rapide examen des principaux sujets à l'ordre du jour ?
La mondialisation et ses conséquences sur nos économies, la convergence au niveau régional, mais aussi la convergence dans chacun de nos pays entre la politique macro-économique et les politiques sectorielles, les relations de l'Etat avec la société civile, illustrent la nécessité de restaurer des approches de moyen terme. Le positionnement de vos pays vis à vis des bailleurs de fonds, le renouvellement des relations avec l'Union européenne impliquent dans cette mesure une réflexion dans la durée. Cela suppose des instruments de prospective et de programmation à terme fiables, robustes, qu'on a peut être négligés.
Il ne s'agit bien évidemment pas de revenir à la planification impérative des années 60 et 70. Mais, tout simplement, d'organiser réflexion et débat sur des sujets de fond, puis mettre en oeuvre les politiques économiques et sociales arrêtées dans le cadre du consensus le plus large possible.
C'est un thème de coopération sur lequel nous pouvons encore progresser à l'avenir. Certains de vos pays se sont déjà dotés d'institutions de prospective et de réflexion à moyen terme. La production et l'harmonisation des statistiques, qui permettent l'évaluation, la mesure et les comparaisons au niveau régional, constituent également en amont un chantier régional majeur. Il faut souligner enfin la contribution d'Afristat, que nous avons établi ensemble. Je veux vous dire que sur toutes ces initiatives vous pourrez bien entendu continuer à compter à l'avenir sur mon soutien et celui de mon Département.
Je vous remercie.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 22 septembre 1999)