Texte intégral
A. Hausser Vous avez réuni votre bureau politique hier, pour examiner les résultats du premier tour des législatives. Le FN a recueilli à peu près 2 millions de moins de voix qu'à la présidentielle, où c'était sur votre propre nom. 11,2 % des suffrages au total. Comment analysez-vous ce reflux ?
- "Je crois que c'est un effet mécanique du fait que les législatives suivaient les présidentielles, d'une part. Et on sait à la suite de quelle mystification et de quelle connivence, J. Chirac a pu être élu avec plus de 80 % des voix. Il est bien évident que cela a eu une conséquence. Il y avait un rejet organisé par la propagande contre la cohabitation. Et il faut savoir aussi que nous n'avons pas eu, pratiquement, nous, accès aux moyens d'information qui sont de par la loi réservés aux partis parlementaires. Pendant la campagne législative, nous n'avons pratiquement pas pu nous exprimer. Mais il est vrai qu'il est assez décevant de voir que des citoyens qui s'étaient mobilisés lors de l'élection présidentielle, n'ont pas cru devoir continuer leur effort aux élections législatives. Enfin, il reste encore tout de même un tour pour qu'ils puissent se ressaisir."
Vous n'avez pas l'air d'y croire beaucoup...
- "Si, pourquoi ?! Nous avons encore 30 candidats qui sont en course et certains pourraient légitimement espérer être élus s'il n'y avait pas la consigne de l'UMP, de Chirac, qui est exprimée par monsieur Gaudin, à savoir que "tout plutôt qu'un candidat du FN". Autrement dit, visiblement, la classe politique ne veut pas qu'il y ait un seul député FN. Ils ont tellement peur de la vérité qu'il ne faut même pas qu'il y en ait un seul."
Votre candidat, J. Bompard, ne sera pas élu ?
- "La manoeuvre est organisée contre lui pour qu'il soit éliminé. Puisque le PS puisse s'est retiré. Et là on voit que la connivence, la complicité qui avait régné pendant cinq ans dans la cohabitation se perpétue. On l'a vu au deuxième tour de l'élection présidentielle. On ne voit pas très bien en fait ce qui sépare la gauche socialiste de la pseudo-droite de Chirac."
En 1997, il y avait 72 triangulaires et vous étiez l'arbitre du scrutin. Ce n'est pas le cas cette fois-ci. Néanmoins, les voix du FN vont peser sur l'élection du candidat de droite ou de gauche dans les cas de duels.
- "Bien sûr."
Alors, est-ce que vous avez des "têtes de turc", comme la dernière fois ?
- "Oui, le bureau politique a fait une petite sélection, et il demande que nos électeurs, s'ils le souhaitent, puissent assurer la défaite de madame Aubry, bien sûr, de R. Hue, le secrétaire général du PC, de madame Voynet, de messieurs Cochet et Mamère, qui se sont particulièrement faits remarquer par la virulence de leurs attaques contre le FN, dont ils demandent même "l'interdiction". Et monsieur Vauzelle aussi a droit à une petite citation chez nous, parce qu'il est le président du Conseil régional de PACA, dont vous savez j'ai été exclu, à la suite de la provocation de Mantes-la-Jolie. Monsieur Vauzelle a évidemment aidé tout cela. Et nous avons une décision favorable que je suis d'autant plus heureux d'annoncer que son bénéficiaire ne voit aucun inconvénient à ce qu'on le dise, car il a toujours, comme il dit, comme il l'a écrit, considéré qu'il n'avait pas d'ennemis à droite, c'est monsieur Kieffer, dans l'Est. Par conséquent, voyez, quelques interdictions, quelques condamnations et une petite promotion."
C'est une sélection très choisie de gens que vous voulez soutenir ? Vous ne citez pas C. Millon ?
- "Non, nous n'avons retenu que cette liste-là, qui est emblématique beaucoup plus qu'autre chose. Si nous nous écoutions, nous condamnerions..."
Alors pourquoi cette retenue ?
- "Non, parce qu'il faut bien avoir une limitation. Il faut bien une limite. Donc on a retenu ceux-là qui sont arrivés en tête en quelque sorte de la détestation."
Pourtant, on sent qu'il y a chez vous une grande déception, une lassitude même...
- "Ah non ! Pas du tout de lassitude ! Alors là, je pourrais à la rigueur apparaître comme las après plus d'un an de campagne électorale ininterrompue. Mais ce n'est pas l'impression que j'ai l'impression de donner. Non, pas du tout. Une petite déception, c'est vrai, parce que les résultats ont des conséquences, non seulement au plan financier, puisqu'évidemment nous perdons un certain nombre de ressources de fonctionnement de notre mouvement. Mais aussi de l'influence. Nous restons cependant un des grands mouvements politiques - le troisième, il ne faut pas tout de même oublier cela. Il faut regarder ce qui est arrivé au PC, ce qui est arrivé aux Verts, à messieurs Chevènement, [inaudible] Mégret, certains étant "au ras des pâquerettes" à 1 %."
Vous dites que vous êtes prêt pour les prochaines échéances. Néanmoins pensez-vous à la relève ? Votre fille par exemple peut-elle prendre votre succession ?
- "Non, Marine est une jeune mère de famille de 33 ans..."
Elle est candidate aux élections...
- "Elle est candidate aux élections en "Pays de mines", où nous avons remporté un grand succès puisque nous sommes encore en piste dans les quatre circonscriptions du Bassin minier du Nord. Et nous sommes très fiers, il faut le dire, de la confiance qui nous a été témoignée par les milieux populaires de ce département. Marine est directrice des services juridiques, elle travaille au FN, elle fait son apprentissage en quelque sorte. Mais elle n'a pas d'ambition de me succéder. D'ailleurs, au risque de décevoir, la succession n'est pas encore ouverte."
Est-ce que vous percevez "un effet Raffarin" ?
- "Pas plus que cela, non. Si ça avait été Juppé, là, la défaite était assurée. Mais Raffarin donne une image assez rassurante, "bon gros bonhomme", pas méchant. Donc, il est chargé de faire des promesses pendant la période électorale. Seront-elles tenues ? Je suis pratiquement certain du contraire. Puisqu'en d'autres circonstances, on a souvent vu monsieur Chirac et ses amis faire des promesses et faire exactement l'inverse. Diminuer les impôts ? Ils les a augmentés..."
La leçon a peut-être été entendue...
- "Arrêter l'immigration ? Ils ont ouvert les portes. Bloquer l'insécurité ? Elle déferle. Par conséquent, je n'ai aucune illusion sur ce que seront les échecs de J. Chirac. Je suis assuré que sa politique débouchera sur une catastrophe. Mais, attendons !"
Pourquoi la prédire ?
- "Je ne la prédis pas, je la prévoie, c'est tout à fait différent. Parce que mon analyse me conduit à dire que, si je vois des pommes sous un arbre, j'ai tendance à penser que c'est un pommier..."
(Source :premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 12 juin 2002)