Interview de M. Jean-François Mattéi, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, à France-Inter le 5 juin 2002, sur l'accord sur la hausse des honoraires des médecins et le financement de cette hausse par le recours aux médicaments génériques.

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Média : France Inter

Texte intégral

Bonjour. J'imagine que vous vous réjouissez de la conclusion de cet accord qui met fin à un conflit social. En même temps, c'est vrai que tous les Français se posent la question : qui va vraiment payer ? Est-ce que cet embryon d'accord sur les médicaments génériques va vraiment permettre de financer cette affaire ?
- "Cela fait sept mois qu'on a un conflit grave entre les professionnels de santé, et notamment les médecins, et particulièrement les généralistes, et d'autre part les caisses d'assurance maladie. Le dialogue était rompu. La confiance était perdue. Voilà qu'aujourd'hui, le dialogue est renoué, la confiance retrouvée et qu'on parvient enfin à un accord. A mon avis, il y avait urgence car, en définitive, dans ce conflit, on voit bien que ceux qui étaient en danger, c'étaient les patients. Et le souci numéro un du ministre de la Santé, c'est le patient, c'est le malade. Tout à l'heure, j'entendais que c'était une victoire pour les médecins : non, c'est une victoire pour la santé de nos patients."
En même temps, ces patients se disent forcément qu'il y a peut-être un risque que les cotisations augmentent, et notamment les cotisations des mutuelles. Le président de la Mutualité française disait ce matin : "attention, on risque de devoir augmenter les cotisations des mutuelles".
- "Ce qui est très important, dans cet accord - et je crois que c'est nouveau parce que j'ai trouvé dans mes tiroirs au ministère, en arrivant, un certain nombre d'accords signés par mes prédécesseurs qui n'étaient pas financés. Et pourtant, il faudra bien le financer. Donc, là, on ne s'est pas soucié de savoir comment on trouverait l'argent. Nous, nous avons voulu un accord responsable ; les gestionnaires engagent leur responsabilité en accordant des tarifs supérieurs ; les médecins engagent leur responsabilité par des règles de bonne pratique et de meilleures prescriptions. Et enfin, les usagers, les patients eux-mêmes, sont, pour la première fois je crois, appelés à considérer qu'ils sont parties prenantes. Car, après tout, l'argent de l'assurance maladie, c'est l'argent de tout le monde. Et il s'agit également de la santé de tout le monde."
Quelle garantie peut-on avoir que les médecins vont appliquer cet accord, en particulier sur la prescription des médicaments génériques ? Une fois revenu dans chacun de leur cabinet, individuellement j'entends.
- "C'est extrêmement simple. La négociation a été une négociation collective, les syndicats représentatifs des médecins. Naturellement, cette consultation à 20 euros, ce n'est pas la fin d'un conflit, c'est le début d'une longue marche de réforme de notre système de santé. Et les médecins viendront se rasseoir à la table des négociations.
Et à ce moment-là, on leur opposera bien les chiffres de leurs prescriptions en génériques. Et ils verront bien si collectivement, ils ont satisfait et si on peut franchir une nouvelle étape ou si ils ont encore des efforts à faire. J'ajouterai d'ailleurs que, dans cette affaire, il faut bien comprendre que c'est l'ensemble des acteurs qui va devoir jouer : à la fois l'industrie pharmaceutique - je crois qu'elle est pour les génériques - mais ce sont aussi les enseignants de médecine qui vont apprendre aux médecins à prescrire différemment et pas des spécialités. Et puis aussi les usagers, les patients qui devront accepter la prescription de médicaments qu'ils n'ont peut-être pas l'habitude de prendre. Mais je crois qu'il faut tous s'y mettre. Parce qu'on en a besoin. "
Je voudrais vous faire écouter le commentaire de l'ancien ministre de la Ville, C. Bartolone, à l'image de la plupart des dirigeants socialistes. Il voit, lui, dans cet accord, une opération électoraliste, à cinq jours des élections législatives. (...) Pour prolonger l'observation de C. Bartolone, que se passera-t-il si les médecins ne respectent pas l'engagement pris sur les médicaments génériques ?
- "Je crois que ça résultera de la négociation, s'ils demandent une nouvelle revalorisation ici ou là. Quand on s'engage dans un contrat, il faut que chacun respecte les termes du contrat. Le problème auquel nous avons été confronté, c'est que la rémunération des médecins n'avait pas été revue depuis 1995 et 1998. C'est-à-dire qu'ils sont généralement - et pas seulement les médecins, je veux parler de l'ensemble des professionnels de santé, les infirmières, les kinésithérapeutes - leurs honoraires, leurs rémunérations ne sont pas revalorisées comme ça l'est généralement pour les autres travailleurs ou professionnels. Ce n'est pas normal."
Cela veut dire que ça va venir pour les autres ?
Je suis déjà en train de signer toute une série d'arrêtés validant des accords que j'ai trouvés dans les tiroirs - dont je répète qu'ils n'avaient pas été financés. Naturellement, on pourra toujours dire que cet accord intervient à une période intéressante. Mais je note que l'accord pour les infirmières du 1er mars, l'accord pour les orthophonistes du 13 mars, l'accord pour les masseurs-kinésithérapeutes du 11 janvier, je ne sais pas qu'elles étaient leurs significations lorsqu'ils se sont bousculés juste avant l'élection présidentielle."
(Source :premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 5 juin 2002)