Interview de M. François Hollande, premier secrétaire du PS, à France 2 le 6 mai 2002, sur les perspectives du PS pour les élections législatives.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : France 2 - Télévision

Texte intégral

F. Laborde A l'issue de ce second tour de l'élection présidentielle, L. Jospin va présenter ce matin la démission du Gouvernement ; nous sommes déjà en campagne pour les législatives. Diriez-vous aujourd'hui que, fondamentalement, la cohabitation est un bon ou un mauvais système ?
- "Cette élection ne s'est pas passée comme il était prévu, à tous égards : pour nous, la gauche, écartée le soir du premier tour dans des conditions invraisemblables, et puis, au second tour, ce rassemblement considérable pour la République et pour les valeurs qui sont les nôtres. A partir de là, le débat institutionnel paraît secondaire. Que va-t-il se passer maintenant ? Pour déterminer le sens, le contenu même de la politique qui va être menée pour cinq ans, c'est à travers un nouveau scrutin, les élections législatives, que les Français vont prendre la parole et dire quelle politique ils veulent. On ne peut plus dire "est-ce que ce sera la cohabitation ou pas ?". Le Président a été élu avec le concours de tous parce qu'il s'agissait de faire barrage à l'extrême droite. Maintenant, une politique sera déterminée par les Français eux-mêmes. Ils ont la liberté de choisir et leur gouvernement et leur majorité."
Après ce qui a été une forme de désaveu au premier tour, est-ce que le PS est aujourd'hui capable de faire son autocritique et de présenter un autre programme ?
- "Ce premier tour a sans doute été la marque d'aspirations, de reproches, de protestations de toute nature, mais aussi d'affirmation d'un certain nombre de positions. Il y avait 16 candidats. Le Président sortant a fait moins de 20 % et L. Jospin un peu plus de 16 %, pas suffisamment pour se qualifier au second tour. Il faut donc entendre tous ces messages, ne pas oublier ce qui a été fait et plutôt bien fait pendant 5 ans, même si il y a forcément des critiques à apporter. La gauche a la responsabilité de se rassembler, ce qui a fait défaut dans l'élection présidentielle, et d'entendre les messages, les préoccupations des Français pour les mettre dans un programme qui devra être suffisamment mobilisateur pour emporter la conviction."
Vous dites : "ce qui a été fait et bien fait", est-ce que le message que vous ont envoyé les Français n'est-ce pas précisément qu'il n'y avait pas eu assez de choses, ou que ce n'était pas si bien fait que ça ?
- "Des choses ont sans doute été bien faites, à travers, notamment, ce qu'on avait réussi sur l'emploi, même si tout n'avait pas été mené avec les résultats espérés, notamment à la fin de la législature. Des réformes sociales très importantes ont été engagées - je ne les détaillerai pas - comme la CMU, l'Allocation personnalisée à l'autonomie... Mais ils nous ont dit qu'il n'y en avait pas assez sur le respect de l'ordre républicain, sur le pouvoir d'achat, sur la garantie des retraites, sur le service public. Est-ce la gauche ou la droite qui peut répondre à ses questions ? Quand on entend "pouvoir d'achat", "retraites", "respect de l'ordre républicain", j'ai envie de dire que c'est plutôt la gauche qui a les réponses."
Avec quel programme irez-vous aux législatives ?
- "Avec les grandes orientations que nous avions définies, il y a encore quelques mois mais aussi la correction que justifie à tous égards le message des Français au premier tour et même au second tour. Que s'est-il passé entre les deux tours ? Il y a eu une formidable mobilisation civique, il y a eu un 1er Mai exceptionnel de participation, il y a eu l'affirmation..."
Tous les Français qui sont descendus dans la rue le 1er Mai n'étaient pas forcément des gens qui étaient des supporters de L. Jospin !
- "Je ne dis pas ça ! Ce qu'ils disaient, c'est que finalement, la politique c'est important, qu'il faut que nous prenions en compte notre destin, nous-mêmes, par le vote mais aussi par la participation civique. Toutes ces mobilisations nous ont envoyé le message suivant : "Ecoutez-nous ! Nous avons pris la parole, nous avons des choses à dire, nous avons envie de participer aux élections, donnez-nous aussi les raisons d'aller voter aux législatives et d'aller voter pour la gauche"."
La terminologie est passée de "gauche plurielle" à "gauche unie" ; quelle est la différence ? Ce n'est pas que tactique pour essayer de gagner les législatives ? C'est une nouvelle définition de la gauche ? C'est pour essayer un PC à l'agonie ?
- "On a bien vu au premier tour de l'élection présidentielle, que quand il y a trop de pluriel, cela se conjugue mal, que cela ne fait pas forcément la bonne terminaison. Lorsqu'on est uni, que la gauche est rassemblée - les socialistes et au-delà des socialistes, toutes la gauche - on est en capacité de l'emporter. Il ne faut pas être rassemblé que pour se protéger ou pour se défendre, il faut être rassembler pour conquérir et pour composer."
En cas de triangulaires et de victoire hypothétique, dans certaines dans circonscription, du FN, donnerez-vous des consignes de retrait républicain ?
- "Ce n'est pas à nous qu'il faut poser cette question ! Nous, dans cette élection, on a fait l'acte qui pouvait paraître le plus invraisemblable au début d'une élection : on a voté pour le candidat républicain qui est resté en lice contre l'extrême droite, celui qui était notre adversaire, on a fait voter, on a obtenu ce résultat, avec d'autres. Maintenant, on n'a de leçon à recevoir de personne, on fera ce que l'on a à faire. Et quand la droite est elle-même en ambiguïté avec l'extrême droite, je pense qu'il y a suffisamment d'illustrations de cette collusion, pour qu'on ne nous pose même pas la question !"
Donc pas de consignes pour l'instant ?
- "Nous sommes toujours d'une absolue clarté."
(Source : Premier ministre, Service d'information du gouvernement, le 6 mai 2002)